Si vous goûtez l'atmosphère désuète des épiceries d'autrefois avec ses odeurs, « l'étroitesse d'un magasin garni jusqu'au ras du plafond d'étagères » alors venez faire un tour dans cette épicerie ouverte à Béziers jusque dans les années 1998, et que tenait Armande, « une vivante survivance ». Mais plus que les légumes frais, les fruits juteux, parmi « les odeurs fortes de fromages, de morue, qui refluaient parfois au profit de celle des fruits »,
Marie Rouanet est attirée par la vie qui se cache dans l'arrière-boutique dont le secret est préservé par la « porte à ressort, aussi vite ouverte que fermée ». C'est grâce à son opiniâtre méticulosité que l'auteure percera peu-à peu l'intimité de l'épicière corsetée de discrétion. Cela commence avec les commérages de quartier, puis les recettes de cuisine échangées et, de fil en aiguille, viennent la confiance et les bribes de confidence.
« J'aimais que la confiance prît naissance dans des choses aussi concrètes et que nos rapports gagnassent en épaisseur au fil des jours, en restant toutefois dans des limites qui ne franchissaient pas la véritable intimité » A force de patience se dévoile l'envers du décor : dans l'arrière-boutique vivent deux autres personnes, la mère d'Armande et son neveu qui « était ce qu'elle aimait le plus au monde »
Telle une entomologiste,
Marie Rouanet va se pencher sur le destin de ces trois personnages, et nous raconter avec ce don d'observation et cette curiosité emplie d'humanité, les petites choses qui remplissent leur vie.
Marie Rouanet est une conteuse qui sait ménager le suspense et qui nous amène – c'est elle qui donne le tempo- dans l'existence secrète de ces petites gens.
Trois autres textes, plus brefs, complètent ce recueil. L'un d'eux intitulé « le Catalogue des armes et cycles de St Etienne » fait la part belle à ces catalogues désuets d'avant-guerre ou le papier était de mauvaise qualité. Malgré cela, la fillette qu'elle était « se plongeait avec délectation dans les pages “armes de chasse, pêche ” pour terminer par la papeterie et les jouets. C'était un voyage immobile.
« Quand je n'avais pas achevé mon périple, je mettais une marque de papier pour reprendre ma lecture où je l'avais laissée et l'achever tout à l'heure. Cela fonctionnait comme un roman ».
Marie Rouanet qui se décrit comme « artisan de l'écriture » excelle dans ces chroniques du quotidien, du presque rien où la délicatesse du regard se conjugue à la poésie des mots.