Marie Rouanet évoque ici les dernières années de vie de ses parents en regardant de pleine face le travail de sape de la vieillesse qui va les mener vers la mort. Tout d'abord chez sa mère dont l'esprit s'embrume peu à peu de ténèbres angoissantes, puis chez le père qui perd son autonomie en devenant fragile physiquement, elle observe le processus de décrépitude progressive mais inéluctable.
A cette occasion, elle ressuscite les souvenirs de la vie de ces gens modestes, une vie de plaisirs simples dont elle hérite et se fait la dépositaire.
On pourrait penser que cette lecture terriblement émouvante a de quoi donner le bourdon. C'est vrai par certains côtés car elle nous met face à ce qui nous attend tous, que ce soit concernant nos parents ou nous même, mais Marie Rouanet ne se laisse pas aller au chagrin et à la morosité. Ensoleillée par une belle vitalité, la rondeur sensuelle de son écriture allège la noirceur du propos en opposant à la douleur de la perte, la douceur de vivre grâce aux précieux petits bonheurs que la nature sait nous offrir pour peu qu'on sache les voir.
Carpe diem !
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Elle, c'était la maison, les enfants, puis ce furent les courses hebdomadaires à "Inter", l'économie domestique jalouse et de plus en plus rétrécie à une forme de perfection du minimum, enfin le naufrage inattendu de l'humeur, l'oblativité exactement inversée en égoïsme, l'oubli du monde et des autres succédant à l'oubli de soi qu'elle avait pratiqué toute sa vie. Lui, c'était l'atelier non chauffé du garage, la pin up du calendrier à moitié dissimulée pour ne pas choquer les enfants et les mères de famille, l'odeur de métal chauffé et les mains calleuses imprégnées de cambouis, les interminables journées de chasse entre hommes, la pêche, l'impavidité devant le sort du gibier, du poisson, les rituels barbares mais non cruels de mise à mort. Puis ce fut la solitude à la mort de l'épouse, les promenades de vieillard succédant aux battues d'antan.Le malheur de vouloir encore et de voir s'éteindre ses forces.Les renoncements.
Marie Rouanet évoque l'enfance et la jeunesse de ses deux figures tutélaires au décours d'une description d'un réalisme traversé d'éclats poétiques, et de commentaires poético-philosophiques sur le cadre nécessaire pour que l'enfance puisse s'épanouir et s'élancer à son tour vers la vie. Un des éléments de ce cadre est le regard maternel, reconstitué car jamais croisé par le sien, qui était porté sur ses jeux et son quotidien d'enfant. Mais quel renoncement chez cette mère, qui aurait sûrement souhaité la possibilité d'un ailleurs. Tous ces pas vers l'inéluctable constituent la marche lente des glaciers, très beau titre et un ouvrage qui , de nouveau, me porte à vouloir encore découvrir plus de l'oeuvre de Marie Rouanet.
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Je me souviens de ce livre, lu il y a au moins 20 ans. Ici, Marie Rouanet évoque d'une manière délicate et mélancolique son propre passé familial. Devenue adulte, l'auteure essaie de retrouver le regard d'enfant qu'elle portait sur ses parents qui, maintenant, sont disparus. C'était un couple modeste qui menait sa petite vie comme si elle ne devait jamais finir. Et puis le déclin les a frappés et ils sont morts. Tel qu'il est présenté, leur profil "vieux jeu", très années '60, un peu franchouillard, m'a semblé légèrement agaçant. Mais l'authenticité de cet hommage filial, doux et pudique, ne fait pas de doute; elle donne toute sa valeur à ce livre de souvenirs personnels. En outre, l'écriture de l'auteure est soignée et parfois poétique.
Les thèmes de Marie Rouanet ont une connotation ethnographique; ils sont bien enracinés dans le passé ou dans le terroir. Je me souviens en particulier d'avoir lu "Apollonie reine du monde", de la même auteure, qui est un peu de la même veine.
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Evocation mélancolique, mais sans amertume, de la déchéance physique de ses parents, cette lente marche des glaciers qui atteint les êtres chers, qu'on voulait croire indestructibles.
Ecriture limpide, lumineuse, poétique.
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De combien d'êtres au monde sommes-nous sûrs qu'ils nous voient avec bonheur ?
Elle me téléphonait : "tu veux de la soupe ?" Et je disais oui. Non pour le besoin, mais pour l'amour, pour ce que j'emportais dans cette bouteille pleine