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EAN : 9782702187548
400 pages
Calmann-Lévy (07/02/2024)
3.84/5   313 notes
Résumé :
Le monde d’aujourd’hui ne manque pas de pays vulnérables qu’un coup d’État « clefs en main » pourrait livrer à des entreprises mille fois plus puissantes qu’eux. C’est l’aventure dans laquelle va nous entraîner Flora, jeune championne de plongée, fascinée par l’image de son grand-père, célèbre mercenaire qui a passé sa vie à renverser des pouvoirs établis.
Le sultanat de Brunéi, pays d’or (noir) et de jungle, sera sa destination. Entraîné par Flora et d’innom... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (54) Voir plus Ajouter une critique
3,84

sur 313 notes
Bandar Seri Begawan.
Au jeu des capitales, celui ou celle ou ça, qui est capable de sortir d'un air détaché le chef-lieu du sultanat de Brunéi lors d'un diner pour frimer mérite vraiment quelques pétrodollars et son poids en fécule de sagou (ne me demandez pas ce que c'est, je suis pas Brunéien ! )
Jean-Christophe Rufin, dont le passeport doit être plus tamponné que le corps de n'importe quel joueur de foot, a décidé de ne pas envoyer son petit consul jouer dans la niche dorée à Sultan mais de faire appel cette fois à l'Agence tous risques pour un plan presque sans accroc.
Un baroudeur à col blanc qui a trop lu de SAS de Gérard de Villiers, décide de proposer à un géant du numérique l'organisation d'un petit coup d'Etat pépère pour que le milliardaire puisse s'affranchir des lourdeurs administratives, impôts, lois d'éthique et tac, quotas et autres calamités paperassières du même genre, qui brident les profits. C'est quand même la classe à Dallas et plus tendance que des virées dans l'espace ou de s'afficher avec des amazones nées sous X.
Le sultanat coche toutes les cases et comme le temps des coups d'état avec des mercenaires à treillis et cigare un peu bedonnant est un peu démodé, une campagne de déstabilisation sauce fake news est montée à distance par une petite agence privée. Elle ne ressemble pas à ces consultants à Power point payés pour vous écrire ce que vous savez déjà mais que vous ne voulez pas trop assumer. L'agence est ici composée de petits génies de l'informatique, d'un théoricien du putsch et d'un faux couple dépareillé envoyé sur place, avec une ex championne de plongée et d'un gitan à guitare. Il ne manque que Looping et Barracuda. Je caricature à peine.
Dans sa construction, ce techno-thriller rappelle un peu « le parfum d'Adam », avec ce mélange d'aventures, de compote de complot et de prédictions avisées autour d'un globe que l'ancien « French Doctor » utilise comme une boule de cristal. L'horoscope n'est pas très engageant : les poissons barbotent en eaux troubles, les vierges peuvent craindre pour leur vertu, les balances perdent toute mesure, les scorpions apprécient le climat et les Sagittaires… j'en sais rien.
Comme je ne savais pas borner Bornéo sur une carte, la description du pays dans le roman est plus enrichissante qu'un voyage en auto-stop avec les têtes à claques de Pékin Express qui me font aimer les platanes, mais à l'exception de Flora (et non Carla à Brunéi...) la nageuse droguée à l'action, j'ai trouvé que les autres personnages manquaient d'épaisseur. J'aura ainsi aimé en savoir plus sur Ronald, le chef de bande et tacticien, mieux sapé que Deschamps mais que le récit laisse trop sur le banc de touche au fil des pages.
Ce scénario distrayant pourrait rejoindre les planches d'un bon Largo Winch et je me dis qu'avec de tels récits en tête, Jean-Christophe Rufin doit s'ennuyer ferme à l'Académie. Pendant que deux lettrés qui n'ont de vert que la tenue, sortent les épées pour un zeugma déplacé, j'imagine l'ex diplomate lever les yeux vers la Coupole et rêver de contrées lointaines.
Bézos muské.
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Le sultanat de Brunei, jouit d'un or pétrolier qui offre à ses 500 000 habitants un PIB enviable. Membre du Commonwealth, sa monarchie a conclu avec le Royaume Uni un accord de défense concrétisé par la présence d'un régiment de Gurkhas qui le protège de la Malaisie et de l'Indonésie, ses voisins sur l'ile de Bornéo, et de la Chine. La doctrine Melayu Islam Beraja (MIB) qui définit l'identité brunéienne comme « malaise, musulmane et monarchique », est érigée en idéologie d'État. L'état d'urgence instauré en 1962 est toujours en vigueur et le Sultan de cet état indépendant depuis 1984 dirige par décrets.

Ses habitants sont à 80% musulmans, les religions animistes, bouddhistes et chrétiennes se partageant le solde.
La famille régnante profite de sa richesse sans toujours tenir compte des préceptes de l'Islam… alcool, débauche, jeu, orgies alimentent les rumeurs.
Les gisements d'hydrocarbures ne sont pas éternels ; la transition climatique menace leur exploitation.
La répression policière a contraint les opposants à s'exiler vers l'Australie, le Canada, etc. sans se désintéresser de leur patrie natale.

En jetant un peu de sel sur les plaies, en semant le doute sur la santé du Sultan, en opposant habilement les communautés religieuses et les identités culturelles, en inquiétant sur la pérennité de la manne pétrolière, il est possible de créer un climat de tension à l'intérieur du pays. En dénonçant la corruption et les crimes du régime et sa répression homophobe, il est envisageable de neutraliser toute intervention britannique et d'ouvrir des perspectives à une « alternative démocratique ».

C'est vieux comme le monde et l'histoire, ces dernières années, est riche d'exemples : révolution des Roses en Géorgie en 2003, révolution orange en Ukraine en 2004, révolution des Tulipes au Kirghizistan, révolution en jean en Biélorussie et révolution du Cèdre au Liban en 2005, « printemps arabe » tunisien en 2010, égyptien et syrien en 2011. Mouvements qui ont révélé la puissance subversive de Facebook, Twitter et autres réseaux sociaux.

Les géants du net, les GAFAM, sont contraints par les régulations votées par les états … d'où leur rêve de se doter d'un état indépendant … et, pourquoi pas, de conquérir Brunei pour y créer une Silicon Valley libre de toute contrainte ?

C'est ce projet que Jean-Christophe Rufin met en scène avec talent dans une intrigue quasi cinématographique qui coordonne des investisseurs californiens, des mercenaires coordonnés depuis notre cote d'azur, des exilés brunéiens, et déroule toute la palette des outils 2.0 : fake news (videos créées avec l'IA ; faux check up santé ; rumeurs financières) + influenceurs postant leurs révélations sur TikTok, Instagram, Youtube, Pinterest + intrusions dans les erreurs informatiques pour bloquer les infrastructures stratégiques ou en prendre le contrôle.

Le Sultan est renversé sans coup férir à la fin du Ramadan… et c'est alors que le romancier révèle son talent et sa connaissance des arcanes du pouvoir avec un twist final vraiment diabolique !

Chapeau l'artiste, et merci pour cette plongée dans les profondeurs opaques du Web qui nous alerte sur les risques que l'IA et les médias sociaux font peser sur nos démocraties, nos états de droit, et nos libertés.
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Deux points forts, la présentation du sultanat de Brunei et les techniques actuelles de déstabilisation d'un pays.

Brunei, 500 000 habitants de différentes confessions, est une des plus grosses productions pétrolières, bordée d'un côté par la mer de Chine méridionale et de l'autre par la Malaisie. le lieu se veut à la fois paisible et charismatique, voire onirique pour nous autres pauvres européens qui ne l'avons pas encore approché. Cela n'est pas le cas de Jean-Christophe Rufin ; il connait précisément ce sultanat ainsi que quelques uns de ses secrets. Il partage avec nous ses connaissances et son érudition. Et j'avoue que lorsque je peux approcher ainsi une nouvelle contrée, j'en suis enchantée. Donc un point fort en faveur de ce roman.

Avec autant de richesse, on conçoit facilement les velléités qu'un petit Etat tel que Brunei peut générer. Les GAFAM ne peuvent qu'en baver, eux aussi. Il est donc plus que plausible de concevoir que des dirigeants du numérique rêvent de conquérir ce petit coin du globe afin d'y installer une nouvelle Silicon Valley, plus libre que l'originelle. L'auteur s'engouffre dans cette brèche et installe quelques français dans une prise de pouvoir à Brunei. Ce « petit confetti » sur la carte géographique ainsi que la géopolitique de la mer de Chine, sont exposés sans lourdeur mais avec assez de minutie pour comprendre les enjeux des uns et des autres, réfléchir et s'amuser à l'égal des personnages.
Les rois de la tech californienne choisissent presque à l'aveugle une agence française privée dirigée par un de leur pote d'enfance. Ils mandatent ces « agents secrets » afin qu'ils fomentent un coup d'Etat clefs en main dans le sultanat de Brunei.

Jean-Christophe Rufin déroule une palette de personnages travaillée à la perfection. Tel un peintre, il les dessine méticuleusement, trait après trait. Il les taille sur mesure. Ils sont à eux seuls déjà l'histoire.
Une des personnalités phares est Flora, trente deux ans, pleine de peps, adorant l'action et le danger, un physique en or mais qu'elle camoufle sous des vêtements qui sont loin de la mettre en valeur. Côté tempérament, elle a de qui tenir ; Antoine, son grand-père, mort peu après sa naissance, était un célèbre mercenaire.
L'autre personnage piquant est Ronald Daume, la cinquantaine, baroudeur et embobineur de première. Il arrive toujours à ses fins, quelque soit son interlocuteur ou son objectif.
Ces deux personnages, comme le grand-père d'ailleurs, avait au fond d'eux « cette ambition de changer l'ordre du monde, de défier des pouvoirs en place, défier des gouvernements, former des guérilleros », qu'on pourrait cependant appeler « des gestes picaresques et poétiques. »
L'originalité de l'équipe que Ronald va constituer, est pareillement plaisante.
Autour de ce noyau actif, gravitent des personnalités très, très haut placés du monde du numérique ; elles aussi éclectiques. Ces personnages sont intelligents, indécemment riches mais finalement ni méfiants, ni réalistes.
Bref, un savant cocktail d'hommes et de femmes laissant augurer qu'il va y avoir du rififi dans les chaumières.

Le rythme du livre est régulier, pas de dialogues inutiles, on avance dans une intrigue bien menée, une version très contemporaine, à l'image de quelques autres romans comme « Le Parfum d'Adam » en 2011, ou Chenck-Point en 2015. On a le son et surtout les images … un producteur pourrait bien s'approcher de Rufin afin d'en tirer le scénario d'un film. Divertissement assuré.

On conçoit aisément que l'auteur se soit amusé lors du montage de l'énigme et qu'il se soit fait plaisir à l'écriture de ce roman plus récréatif, plus contemporain ; c'est ce qu'il a dit lors d'une émission littéraire.

Le parcours professionnel rend Jean-Christophe Rufin légitime lorsqu'il aborde les enjeux de demain. Sa force narrative est une nouvelle fois présente et rend la lecture fluide et captivante. Brunei et ses multiples civilisations m'ont captivée. Par contre, en ce qui me concerne les quelques moments que je qualifierais de clichés ainsi que l'emballement dans les dix dernières pages m'ont un peu déçu de la part de cet auteur dont j'ai admiré pas mal d'ouvrages. Mais ce n'est qu'un petit bémol.
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Jean-Christophe Rufin revient avec une de ses spécialités : le roman d'aventure. Dans « D'or et de jungle », il confirme son talent de narrateur en parvenant à nous passionner à un thème pas vraiment séduisant, en théorie. Il a dû s'appuyer sur son expérience de diplomate et produire un travail de recherche incroyable afin d'arriver à vulgariser toutes ses données et à en extraire une histoire captivante. Et même si je ne connaissais rien du sultanat de Bruneï, de sa dictature, de son fonctionnement et encore moins des manipulations géopolitiques, je me suis régalé de bout en bout.

Grâce à des personnages charismatiques, au passé mystérieux, réunis dans une agence qui l'est tout autant, on entre dans le récit pour ne plus le lâcher. Comme dans un roman d'espionnage, on est entrainé dans les rouages de cette opération secrète. En jonglant entre les protagonistes, l'académicien nous dévoile les différentes étapes du plan. Les dominos tombent un à un au service de la grande mécanique. Au fil des conséquences successives, le suspense devient grandissant. Je suis resté sous tension constante jusqu'au dénouement.

Cette fiction sur les grands patrons du numérique pourrait faire sourire si elle n'était pas réaliste. Elle en dit malheureusement long sur notre monde et ça, ce n'est pas rassurant ! Ce texte érudit, fascinant et un poil badin, nous raconte les enjeux de demain, menés par l'avidité des puissants. Avec sa plume de haut vol mais accessible, son scénario parfaitement maîtrisé, sa dimension économique et sociale, Jean-Christophe Rufin nous offre une lecture enrichissante et divertissante à la fois.

Pour ma part, j'ai pris un véritable plaisir à me faire embarquer dans les coulisses de ce coup d'état et je n'ai qu'un seul conseil à vous donner en ce début d'année : Jetez-vous sur ce livre et participez à cette folle aventure du bout du monde !
Lien : https://youtu.be/XD1ozWF2SUQ..
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Ma curiosité avait-elle besoin d'être titillée , le sujet en effet interroge , un coup d'état 2.0 ? mais traité par Jean-Christophe Rufin, je ne pouvais pas faire l'impasse sur son nouveau roman ...

En fait, c'est d'abord un roman d'aventures et non un traité de géopolitique , passionnant jusqu'à la fin.

Le point de départ est la volonté des patrons des GAFAM de s'affranchir d'un état trop gourmand . Les solutions envisagées interpellent : déclarer l'indépendance de la Californie ou s'approprier un état pour s'y installer .
C'est cette dernière solution qui est proposée par Harvey, un ancien d'une agence spéciale Providence, qui sort de prison pour mission ratée à Madagascar .

Pour cela il a besoin de trouver ce fameux état et de s'entourer de toute une équipe de spécialiste en particulier dans les technologies les plus récentes et performantes ainsi qu'un homme d'expérience théorique, ce sera le professeur Delachaux, un vieil universitaire plutôt excentrique.

L'état de Brunei semble être le pays idéal, encore faut-il se rendre sur place et c'est Flora, une jeune femme attachante, ancienne militaire , plongeuse de combat, qui va s'y rendre pour prendre le pouls de ce sultanat, chercher les failles, observer les caractéristiques humaines et géographiques , un rôle essentiel !
Elle est accompagnée de Jo qu'elle prend immédiatement en grippe.

Je ne savais rien sur ce pays, situé sur l'ile de Bornéo , gouverné par un sultan qui a été l'homme le plus riche du monde, détrôné justement par les patrons des GAFAM .

On découvre avec Flora ce drôle de pays , membre du Commonwealth, à la population en partie malaise, où la charia intégrale a été proclamée , où beaucoup de chinois travaillent et entourée de jungle dans laquelle vivent des peuples autochtones .

L'attention est maintenue tout au long du récit avec la préparation de l'événement puis la mise en place selon la technique de l'ébranlement chère au professeur avec toutes les incertitudes que cela entraine , un pari plutôt risqué ...

On pense , bien sur aux romans de John le Carré mais avec un coté plus détendu car on y retrouve l'humour et la finesse de Jean-Christophe Rufin et également plus humain, car il y a forcément des personnes vivant à Brunei qui vont être prises comme boucs émissaires .

Les personnages sont attachants, en particulier celui de Flora , la véritable héroïne de cette histoire .

Vous l'aurez compris, j'ai bien aimé cette histoire d'aventures originale et tant pis pour les grincheux ...
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critiques presse (16)
Culturebox
25 mars 2024
Jean-Christophe Rufin imagine une nouvelle forme de coup d'Etat qui permettra à un géant des nouvelles technologies de mettre la main sur un pays. Pour s'affranchir des Etats, autant posséder un Etat. "D'or et de jungle", une politique-fiction vraisemblable.
Lire la critique sur le site : Culturebox
SudOuestPresse
22 mars 2024
L'Académicien déploie tous les rouages du montage d'une prise de pouvoir dans un monde où les milliardaires sont désormais les rois du numérique. Diabolique !
Lire la critique sur le site : SudOuestPresse
LeSoir
21 mars 2024
Et si les géants du numérique en venaient à acquérir leur propre Etat, pour échapper à toute contrainte et tout contrôle ? Jean-Christophe Rufin concrétise cette hypothèse. Et c?est le Brunéi qui est visé. Un roman fascinant et hallucinant.
Lire la critique sur le site : LeSoir
LeJournaldeQuebec
19 mars 2024
Dans ce roman trépidant, l’auteur de L’Abyssin et de Rouge Brésil nous invite à participer à un coup d’État presque en direct !
Lire la critique sur le site : LeJournaldeQuebec
LeDevoir
18 mars 2024
Un thriller politique rythmé, cynique et efficace.
Lire la critique sur le site : LeDevoir
LaLibreBelgique
11 mars 2024
Et s’il suffisait de deux fake news et d’une panne de courant pour renverser un Sultan ? Avec “D’or et de jungle”, l’académicien Jean-Christophe Rufin signe un roman d’anticipation dangereusement vraisemblable.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
Liberation
08 mars 2024
Le romancier imagine des rois du Net putchistes.
Lire la critique sur le site : Liberation
LeSoir
07 mars 2024
Dans « D'or et de jungle », Jean-Christophe Rufin imagine un coup d'Etat pour livrer clé sur porte le Brunei à une grande entreprise californienne du numérique.
Lire la critique sur le site : LeSoir
LActualite
29 février 2024
Un roman haletant et si réaliste qu’on pourrait bien imaginer l’histoire se réaliser dans un avenir proche.
Lire la critique sur le site : LActualite
Marianne_
22 février 2024
Jean-Christophe Rufin : l’auteur de "Rouge Brésil" (2001) a-t-il bien mesuré le mauvais coup qu’il portait à la littérature avec "D’or et de jungle" ?
Lire la critique sur le site : Marianne_
Bibliobs
16 février 2024
Dans son dernier roman, Jean-Christophe Rufin imagine un coup d'Etat high-tech. Du Tintin 2.0
Lire la critique sur le site : Bibliobs
LeFigaro
13 février 2024
L'académicien en observateur avisé des chaos du monde narre la déstabilisation d'un pays.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
LePoint
12 février 2024
Dans « D’or et de jungle », son nouveau roman d’anticipation, Jean-Christophe Rufin imagine la déstabilisation d’un État organisée grâce à la technologie.
Lire la critique sur le site : LePoint
Culturebox
12 février 2024
"D'Or et de Jungle", le nouveau roman de l'académicien Jean-Christophe Rufin, met en scène un monde de mercenaires, à la solde d'un géant du numérique, dans le sultanat de Brunei, sur l'Ile de Bornéo.
Lire la critique sur le site : Culturebox
LesEchos
08 février 2024
Dans « D'or et de jungle », l'écrivain-ambassadeur délaisse Aurel, consul adjoint du Quai d'Orsay, pour Flora, une plongeuse téméraire impliquée dans un coup d'Etat fomenté à Brunei par les gourous libertariens de la tech. Action, exotisme et réflexion géopolitique moins légère qu'il n'y paraît sont au rendez-vous.
Lire la critique sur le site : LesEchos
Lexpress
05 février 2024
Dans "D’or et de jungle", l’académicien imagine que des mercenaires à la solde d’un géant du numérique prennent le sultanat de Brunei. Une politique-fiction plus proche de Malaparte que de Gérard de Villiers.
Lire la critique sur le site : Lexpress
Citations et extraits (46) Voir plus Ajouter une citation
Marvin appela un de ses chauffeurs. Une limousine noire se gara devant eux en crissant sur le gravier de la cour. Deux vigiles guettaient dans l’ombre, à la lisière des bosquets de buis. Ronald monta à l’arrière et Marvin se pencha à l’intérieur par la vitre ouverte.
— Rappelle-moi comment elle s’appelle, ton agence.
— Ne cherche pas, répondit Ronald, qui avait remis ses lunettes noires malgré l’obscurité. C’est mon agence, point final. Tu ne la trouveras nulle part. Discrétion d’abord. Il suffit de t’adresser à moi.
— Tu n’as laissé qu’une adresse postale sur ta lettre.
Ronald sortit de sa poche de veston une petite carte de visite sur laquelle figuraient son nom, un numéro de portable et une adresse mail.
— J’ai compris, murmura Marvin, trop heureux d’entrer, si peu que ce fût, dans le monde du secret. Je te donne des nouvelles bientôt.
Et il ajouta, avec une mimique de conspirateur :
— Discrètement.
Il était trois heures du matin. Le chauffeur reconduisit Ronald sans desserrer les dents. Il le déposa à cent mètres d’un hôtel trop minable pour qu’il eût osé en donner l’adresse.
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(Les premières pages du livre)
Prologue
Une dispute ne manque jamais d’éclater, à l’agence Providence, chaque fois que quelqu’un entreprend de raconter cette histoire. Il se trouve toujours un parti pour affirmer qu’elle ne débute pas en mer de Chine méridionale, où elle se déroule pour l’essentiel, mais dans l’océan Pacifique, au large du Pérou.
Il est vrai que cette aventure aurait suivi un autre cours si Flora, ce jour-là, n’avait pas rencontré un requin-baleine.
À bord du navire de croisière Prairial, cette blonde de trente-deux ans avait autant d’importance que le capitaine, même si elle était payée trois fois moins que lui. C’était sur elle que reposait toute l’escroquerie intellectuelle qui avait fait la fortune de la compagnie. Grâce à la présence de cette ancienne championne de plongée, une croisière de retraités arthritiques, intéressés par la bonne chère et gâtés par un personnel aux petits soins, pouvait s’intituler « navigation d’aventure ».
Cette réputation flatteuse était d’abord due aux conférences quotidiennes de Flora, consacrées à la faune marine. Elles étaient illustrées par des diapos colorées mais Flora ne se faisait aucune illusion. Pour l’essentiel, l’assistance était composée d’hommes seuls qui portaient moins leur attention sur les anémones de mer que sur ses formes harmonieuses de sportive. Le responsable du personnel avait été clair avant le départ. N’hésitez pas à vous habiller court. Le client est roi.
Mais la principale contribution de Flora au programme sportif du bateau était les sorties en mer et ce que le catalogue appelait pompeusement les « plongées découvertes ».
Ces épreuves étaient réservées à un groupe d’élite, cinq ou six passagers tout au plus sur deux cents, qui pouvaient se prévaloir de la forme physique et de l’intrépidité nécessaires pour aller barboter une heure dans les eaux chaudes des tropiques.
Les jours où se déroulaient ces sorties, les participants, le torse bombé tels des gladiateurs, traversaient le navire et se rendaient au pont 3 pour enfiler leur combinaison personnelle. Il n’était pas toujours facile de rapprocher les bords en caoutchouc pour parvenir à remonter la fermeture Éclair ventrale. Flora feignait de considérer les bourrelets de graisse comme des signes flatteurs de maturité et même, sans insister, de virilité.
Elle était en mer depuis six mois et enchaînait les croisières. Ce travail l’avait bien dépannée quand elle s’était retrouvée sans ressources l’année précédente. Sur le CV qu’elle avait transmis à la compagnie, elle n’avait mentionné que sa première place aux championnats d’Europe de plongée libre. Bien que son titre remontât à dix ans, la responsable DRH ne lui avait posé aucune question sur ce qu’elle avait fait depuis. C’était tant mieux. Si elle avait dû tout raconter, il est plus que probable qu’ils ne l’auraient pas engagée.
À bord, Flora était logée à l’étage du personnel, au ras de l’eau, juste à côté du secteur des officiers. Mais faute de place, elle devait partager sa cabine avec une autre femme. Pendant quatre mois, elle avait cohabité avec une danseuse australienne. Cette Judy assurait les activités de réveil musculaire des passagers et faisait partie de la troupe qui donnait chaque soir des spectacles dans le grand salon. Flora l’aimait beaucoup. Malheureusement, Judy entretenait un flirt avec un officier mécanicien et ils avaient décidé de quitter le navire à l’escale de Valparaiso.
Elle avait été remplacée par Marika, une Polonaise mal soignée qui fumait en cachette près du hublot. Cette promiscuité mettait constamment Flora sur la défensive, d’autant plus qu’elle soupçonnait Marika de fouiller ses affaires quand elle ne les surveillait pas. Elle dormait mal et se montrait de plus en plus sujette à des réactions agressives. Un soir qu’elle arpentait les coursives, elle avait sèchement rembarré un passager du pont 6, celui des cabines de luxe qui donnaient droit à tous les égards. L’homme chauve et ventripotent lui avait fait une remarque à peine plus appuyée que celles auxquelles les femmes du bord étaient habituées.
Flora était trop irritable pour se contenir. Les mots « gros porc » avaient été rapportés au directeur de croisière et lui avaient valu un premier avertissement.
Elle abordait la session de plongée aux Galápagos avec une sourde inquiétude.
La sortie se présentait pourtant sous les meilleurs auspices. Le temps était magnifique, la mer translucide et chaude, étale et sans houle.
Les cinq intrépides du jour embarquèrent dans le Zodiac sous les encouragements bruyants des autres passagers, alignés le long du bastingage.
La plongée commença à moins d’un mille nautique, sur le rebord d’un plateau sous-marin. Retrouver l’eau produisait toujours un effet intense sur Flora. Elle se sentait envahie par un calme voluptueux et regagnait d’un coup l’aisance, la grâce dans les gestes, la puissance de concentration et de mouvement qui lui faisaient défaut dans l’atmosphère sèche et violente du monde aérien.
Malgré l’envie qu’elle en avait, elle ne pouvait s’abandonner complètement à cette jouissance. Il lui fallait surveiller sa petite troupe de plongeurs, car, en dépit des exploits qu’ils s’attribuaient dans les conversations de table, ils manquaient d’expérience et de technique. Ils palmaient lentement, tripotaient anxieusement le bouton de réglage du débit d’oxygène et prenaient garde à ne pas descendre trop en profondeur.
Sur les pentes sous-marines, le fond rocheux dessinait des reliefs spectaculaires dans lesquels s’abritaient quantité d’espèces de poissons et de mollusques. Ce décor somptueux et débonnaire parut calmer les angoisses du groupe. Les gestes se firent moins précipités, les trajectoires plus harmonieuses.
Apaisés par cette entrée en matière rassurante, les plongeurs n’en ressentirent que plus brutalement le choc.
En tournant l’angle d’une sorte de crête sous-marine, ils virent apparaître tout à coup une énorme masse pâle, rose et blanc. Ils crurent d’abord être tombés sur la coque d’un navire. Mais ils se trouvaient déjà trop loin de la surface pour que ce fût vraisemblable. Rapidement, la forme ne leur laissa plus aucun doute. Par un mouvement brusque de sa nageoire caudale, elle leur présenta son flanc. C’était un gigantesque être vivant. Une bête.
Elle devait peser plusieurs tonnes. Sa masse était encore agrandie par l’effet de loupe du milieu aquatique. Même les moins expérimentés comprirent qu’il ne s’agissait pas d’un mammifère. Quand l’animal tourna la tête, ils reconnurent, béante et sombre, la gueule d’un monstrueux requin.
La panique s’empara du groupe, déclenchant des réactions incohérentes. Un des plongeurs, en faisant brutalement volte-face, perdit son masque. Un autre s’enfuit si vite qu’une de ses palmes se détacha de son pied. Un autre encore nagea en fermant les yeux de terreur et se heurta de plein fouet à l’hélice heureusement arrêtée du Zodiac, qui lui déchira néanmoins la joue.
Flora observa cette débandade sans réagir. Elle avait conscience que son devoir était d’intervenir, de porter secours au groupe qui lui était confié. Elle savait ce qu’il lui en coûterait de ne pas assumer ses responsabilités. En même temps, une force irrésistible l’immobilisait.
Le plus étonnant était que cette force, loin de l’accabler, avait une vertu libératrice. Elle sentait en elle une forme de soulagement et même de revanche à voir disparaître ces gens qui lui gâchaient son plaisir.
Elle resta seule avec le requin-baleine, une espèce inoffensive et rare, impressionnante de puissance et de calme, d’une beauté stupéfiante. Dans ces eaux cristallines, des pinceaux de lumière posaient des touches colorées sur la peau soyeuse du poisson géant. Flora se tenait devant lui et le regardait. Il lui sembla remarquer dans son œil un éclat de connivence et elle s’approcha. Lorsqu’elle arriva à moins d’un mètre du requin, il fit demi-tour et Flora sentit contre son visage les remous qu’avaient provoqués les nageoires.
En quelques battements de palmes, elle alla se placer sur le dos de l’animal et posa la main sur lui.
Doucement, il se mit à nager, entraînant sa cavalière. Il lui fit faire de longues voltes dans l’eau, plongea et remonta, tandis que Flora, comme dans une fête foraine, riait de ces jeux, criait d’émotion quand il accélérait.
Elle aurait voulu rester toujours ainsi, que cet instant n’eût pas de fin. Elle se voyait entreprendre un long voyage sur sa monture ondoyante. Peut-être eût-il mieux valu pour elle qu’elle y parvînt.
Mais son destin était autre. Le requin, comme s’il avait finalement saisi à quel monde elle appartenait, la déposa près du Zodiac où gisaient les rescapés gémissants. Leurs yeux étaient pleins de haine pour celle qui les avait abandonnés. Flora lâcha le requin et nagea vers le bateau.
Elle ignorait encore de quel prix elle allait payer ces inoubliables moments de bonheur.

1
Lorsqu’on s’apprête à rencontrer un des hommes les plus riches du monde, il est vivement conseillé de se composer une attitude digne et même conquérante, surtout si on vient de sortir de prison.
Ronald Daume savait qu’il pouvait compter sur sa cinquantaine élégante, sa haute taille et ses cheveux poivre et sel, coupés court. À tout cela s’ajoutait une carrure d’athlète, car il n’avait rien eu d’autre à faire les mois précédents que de soulever des haltères en ciment entre quatre murs.
Il se tenait immobile au milieu de l’immense salon désert où il avait été introduit par deux gardes du corps, à peine plus baraqués que lui. Un subtil parfum d’intérieur, sur des notes de cuir et de vétiver, emplissait l’espace.
La lumière du couchant déclinait sur le Pacifique. Les collines de Los Angeles s’assombrissaient, mais un dernier rayon soulignait d’ocre jaune la ligne régulière de la baie. Les grues de port vibraient dans les lointains et des voiliers blancs se pressaient de regagner la côte, griffant d’écume le violet presque noir de l’océan.
Ronald regardait l’horizon à travers la
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Une dispute ne manque jamais d’éclater, à l’agence Providence, chaque fois que quelqu’un entreprend de raconter cette histoire. Il se trouve toujours un parti pour affirmer qu’elle ne débute pas en mer de Chine méridionale, où elle se déroule pour l’essentiel, mais dans l’océan Pacifique, au large du Pérou.
Il est vrai que cette aventure aurait suivi un autre cours si Flora, ce jour-là, n’avait pas rencontré un requin-baleine.
À bord du navire de croisière Prairial, cette blonde de trente-deux ans avait autant d’importance que le capitaine, même si elle était payée trois fois moins que lui. C’était sur elle que reposait toute l’escroquerie intellectuelle qui avait fait la fortune de la compagnie. Grâce à la présence de cette ancienne championne de plongée, une croisière de retraités arthritiques, intéressés par la bonne chère et gâtés par un personnel aux petits soins, pouvait s’intituler « navigation d’aventure ».
Cette réputation flatteuse était d’abord due aux conférences quotidiennes de Flora, consacrées à la faune marine. Elles étaient illustrées par des diapos colorées mais Flora ne se faisait aucune illusion. Pour l’essentiel, l’assistance était composée d’hommes seuls qui portaient moins leur attention sur les anémones de mer que sur ses formes harmonieuses de sportive. Le responsable du personnel avait été clair avant le départ. N’hésitez pas à vous habiller court. Le client est roi.
Mais la principale contribution de Flora au programme sportif du bateau était les sorties en mer et ce que le catalogue appelait pompeusement les « plongées découvertes ».
Ces épreuves étaient réservées à un groupe d’élite, cinq ou six passagers tout au plus sur deux cents, qui pouvaient se prévaloir de la forme physique et de l’intrépidité nécessaires pour aller barboter une heure dans les eaux chaudes des tropiques.

(INCIPIT)
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Le livre s'apparente en quelque sorte à un jeu dont les cartes sont authentiques mais complètement rebattues.

Brunei sert ici de laboratoire pour une expérience qui aurait aussi bien pu être menée ailleurs et dans un tout autre contexte. Le décor est réaliste mais la pièce qui s’y joue est pure invention. Mon but n’est pas le vrai mais le vraisemblable.

Reste que l'aventure de Flora et ses comparses, si elle est romanesque, n’en est pas pour autant impossible.

Ailleurs, sans doute.

Demain, peut-être...
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Dans toutes les théories classiques du coup d'État, la violence est pratiquée par ceux qui se lancent à l'assaut du pouvoir. Cette méthode-là est sanglante et même criminelle. Nous, nous sommes en train de faire l'expérience, pour la première fois au monde, notez-le, d'un autre type de processus. Nous nous contentons de révéler la violence interne d'une société, de la faire apparaître au grand jour. Comme au judo, nous utilisons l'énergie de l'adversaire pour le renverser.
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Rencontre avec Jean-Christophe Rufin à l'occasion de la parution de son roman D'or et de jungle aux éditions Calmann Lévy


Jean-Christophe Rufin est médecin. Il fut l'un des pionniers du mouvement humanitaire et, à ce titre, a parcouru de nombreux pays en crise. Il a exercé des fonctions diplomatiques (attaché de coopération au Brésil, ambassadeur de France au Sénégal et en Gambie). Romancier, il est l'auteur d'une vingtaine d'ouvrages qui ont tous conquis un large public en France et à l'étranger: Rouge Brésil (prix Goncourt 2001), Immortelle randonnée, le Tour du monde du roi Zibeline, ainsi que la série des aventures d'Aurel le consul… Il est membre de l'Académie française depuis 2008.
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