A cause d'une peinture on est,
Autant que dans l'horizon où les yeux te portent,
Avec des couleurs de terre et de pierre :
La main touche au temps.
Le paysage construit
Des formes d'en allées ou de présence humaines
tissus grands gestes, ou si les corps sont nus ?
Quelque chose d'organique avive les couleurs.
Mais s'ils se montrent nus, les corps,
Autant que la pierre ou des pentes cultivées,
Sont un secret continué.
(p.34)
Le bonheur n'est-il qu'une ombre?
Le bonheur aussitôt dans l'ombre ça brille tilleul
toit rouge ça brille avec des jeux d'enfant poète avec des
billes des mots j'attends silence au loin billes perdues
rien dans le mot bonheur mais dans le vide le sentiment
qui persiste dans la lumière centre fleuri d'un arbre fleuri
en rond c'est comme les visages que j'aime.
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bonheur il brille
l'ombre un poème avec des billes
le vide et le sentiment souriants
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Aussitôt le bonheur est là dans l'ombre il brille
Il grimpe au tilleul sur le toit rouge il brille
Avec des jeux d'enfant poète avec des billes
Avec des mots j'attends la rime
Au loin silence il perd ses billes et rien
Dans un alexandrin le mot bonheur qui brille (mais
dans le vide et le sentiment qui persiste de ma
pauvreté je vois dans la lumière et dans le
centre d'un arbre fleuri en rond les visages
souriants que j'aime).
Chacun s’en va, je sais plus
On ne peut rien savoir, ça qu’on voudrait
S’en va. À l’intérieur de soi tout s’effondre.
C’est l’impression qu’on a, pourtant
Vivre continue, c’est possible d’écrire.
Et comme si un orient
À cause de quelqu’un d’autre :
On ne saura pas dire, et ça aussi s’en va.
Vivre est un effondrement
Parmi des mots qu’on ne comprend pas.
[…]
Les yeux sans remuer de mon père :
Je le regarde qui regarde
Au fond de quel temps perdu, paroles d’emportements
Grands gestes qu’il fera plus
Le temps qui venait le temps
Que voilà, c’est compté, regard,
Qui me parle ou pas ?
Chacun s’en va, je sais plus.
Et toi qui regardes aussi :
Questions pour les partager.
N’importe qui, mon père ou le tien lecteur, mon père ou le tien
Qui vont mourir.
C’est bien connu, on a tous une famille
Pleine d’histoires de rien, tout, quelque chose
Comme une machine à connaître le monde
Conneries finesse, plein
De malconfort et quand même on est bien.
On porte ça dans le sourire qu’on a :
Quelqu’un d’autre qu’on rencontre
Si ça va pas lui faire peur ?
Le désir échappe à mon poème
En repassant par des paysages déjà parcourus
À cause que de la lumière manque, temps gris,
L'éclat de pierres noires sur les pentes pétries de chaleur
N'est plus rien qu'une étendue de caillasse terne.
Entre Alnif et Tazzarine
Dans le piedmont sud du djebel Sarho.
Sijilmassa aussi a quasiment disparu
On n'entend plus que des mots.
Il y a des formes qui s'enferment dans les sables.
Ce désir est un désert.
LA NUIT POUR ECRIRE
La nuit est là comment venue ?
N’a pas couru, elle respire léger;
On a peur on a plaisir.
Tout l’monde l’attend
Pour s’endormir, ou mieux faire quelque chose.
Quelqu’un s’en va retrouver à la nuit un vieux chemin qui va jusqu’à l’odeur d’un lavoir abandonné; du foin pas coupé dans les prés.
Faire l’amour à la nuit devient un grand moment de silence et de noir tranquille dans les arbres.
C’est que la nuit. Mais tant d’espace juste au bord des maisons remplies de lumière et
fermées.
J’attends la nuit, mais pas pour oublier, je vais pouvoir penser n’importe comment à tout.
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James SACRÉ – Surpris par la Poésie (France Culture, 2003)
L’émission « Surpris par la Poésie », par Frank Smith, enregistrée dans la Petite Salle du Centre Georges Pompidou, diffusée le 23 mai 2003 sur France Culture. Invités : François Boddaert et Bruno Di Rosa.