AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782849528174
250 pages
Imago (19/03/2015)
4.12/5   8 notes
Résumé :
« Toute femme devrait être accablée de honte à la pensée qu'elle est femme. » (Clément d'Alexandrie). Déjà chez Aristote, et bien avant les Pères de l'Église, la femme est matière sans qualité aucune, la qualité restant à l'évidence le propre de l'homme. Tel est le paradoxe du « beau sexe » : source du péché, sa plaisante apparence ne peut que dissimuler un être répugnant.
Plus tard, sa beauté enfin reconnue, la femme se voit sommée de s'épanouir dans le mari... >Voir plus
Que lire après Histoire de la laideur féminineVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Le sujet de cette monographie pourrait ainsi se résumer : au fil des siècles, la misogynie s'est exprimée en fabriquant intellectuellement la laideur de la femme. Ce qui évolue dans le temps, et qui permet une périodisation en trois temps – 1. Antiquité jusqu'au XVIIe siècle, 2. XVIIe-XIXe s, 3. depuis le XXe s. et en particulier en relation avec le féminisme –, c'est le mouvement de l'autonomisation progressive de le femme lequel a conduit néanmoins à une imputation à celle-ci de sa laideur et donc à sa culpabilisation conséquente. En effet, durant la première période, et singulièrement dans l'Antiquité, la laideur féminine correspondait à une donnée ontologique de la féminité, opposée à la beauté de la masculinité, et ce jusqu'au point d'un déni d'humanité à l'égard des femmes, surtout des laides. La deuxième période tendit graduellement à associer la laideur de certaines femmes à l'inadaptation de leurs comportements et personnalités vis-à-vis des attendus de la féminité : d'abord à leur rôle reproductif et à leur sujétion aux hommes. La figure de la sorcière prévaut de manière emblématique dans ce sens, de façon concomitante avec l'essor de l'individualisme. La troisième période ne comporte pas une rupture avec la précédente, cependant la croissance progressive de l'autonomie féminine va de pair avec la croissance du poids des apparences, en particulier pour les femmes, qui provoque une image généralement dépréciée de soi par rapport à une perfection physique inatteignable. Si la laideur devient (enfin) quelque chose de plutôt concret malgré la persistance des connotations morales – cf. notamment le surpoids –, ce phénomène semble avoir surtout des conséquences psychologiques – frustrations liée à l'impossibilité d'atteindre l'idéal de beauté, sentiment de honte causé par la laideur – que l'on peut donc presque reconduire à la position initiale de la laideur ontologique, à présent intériorisée, et ainsi boucler la boucle de la misogynie. Dans ce contexte contemporain, une attention particulière est consacrée à deux figures particulières de la laideur, assez inédites, ambiguës voire paradoxales : la vieillesse et l'anorexie. L'essai se clôt par une Annexe : « La femme laide dans les contes ».
La problématisation de la question de la laideur est très originale, qui ne se soucie pas, contrairement à l'essai d'Umbert Eco, de l'évolution historique des critères esthétiques dans les arts ; la scansion chronologique selon la perspective philosophique et d'histoire intellectuelle de la misogynie est très intéressante, et elle relève à mon sens d'une perspective féministe ; les références sont très nombreuses et ne se limitent pas aux oeuvres classiques ; la prose est également fort agréable, sans répétitions ni pesanteurs.
Le préfacier, David le Breton, et le postfacier, Georges Vigarello, sont des personnalités illustres et citées dans l'ouvrage : malheureusement ni l'un ni l'autre n'ont, à mon avis, apporté une contribution proportionnelle aux mérites du texte.
Commenter  J’apprécie          123
Ce livre peut se lire par curiosité historique ou féministe. Claudine Sagaert traite brillamment d'un sujet épineux — le corps des femmes — sans imposer de jugement à son lecteur. Très documenté, son livre nous apporte de nombreux témoignages qui permettent d'affiner notre perception du corps féminin et plus important encore, de réaliser que les diktats ne sont ni nouveaux, ni prêts de s'arrêter. L'oeuvre incite également à réfléchir sur notre rapport à la beauté et à la laideur, sur l'importance du physique dans le tissu social... Une vraie perle, accessible, aisée à lire et pleine d'informations : c'est un livre intéressant, que l'on peut mettre dans les mains de toute personne curieuse.
Lien : http://libriosaure.com/histo..
Commenter  J’apprécie          70


critiques presse (1)
Liberation
18 mai 2015
«Histoire de la laideur féminine» revient sur la confusion entre valeurs morales et esthétiques.
Lire la critique sur le site : Liberation
Citations et extraits (12) Voir plus Ajouter une citation
10. « Toutes les laides dans les contes sont certes méchantes, mais elles sont indépendantes, célibataires ou reines et, le plus souvent, sans enfants. Si elles ne parviennent pas toujours à leurs fins, elles possèdent néanmoins un certain pouvoir et un certain savoir. […] Image de femme donc en tout point opposée à celle de la belle jeune fille : sage, soumise, douce, docile, obéissante, vivant chez ses parents ou chez son prince. Si la femme laide est donc indépendante, par contre la belle jeune fille n'existe jamais en tant que telle. Elle dépend soit de son père, soit de son prince.
Dans une grande majorité de contes, la laideur renvoie au mal mais aussi à la violence comme seul type possible de rapport à l'autre.
[…] Si la femme est laide et méchante et que ses actes sont ou pourraient être maléfiques, elle mérite de mourir. On peut donc s'autoriser une violence sans bornes envers les personnes laides et méchantes, sans que cela soit condamnable. L'indignité, l'irrespect, et toutes les formes de maltraitance présentes dans les contes sont une conduite permise envers les femmes laides. » (pp. 191-192)
Commenter  J’apprécie          40
Pour Kant, une femme doit donc être belle et se taire. Et s'il faut développer chez les femmes « le sentiment moral », c'est dans le but de « les rendre capables de sentir ce qui convient à la dignité, aux qualités sublimes de l'autre sexe ». Le développement des qualités morales féminines ne renvoie aucunement à une nécessaire quête d'autonomie : il a pour seule finalité de permettre à la femme de reconnaître la supériorité de l'homme. Dans le même registre d'ailleurs, Rousseau écrit : « Toute l'éducation des femmes doit être relative aux hommes. Leur plaire, leur être utile, se faire aimer et honorer d'eux, les élever jeunes, les soigner grands, les conseiller, les consoler, leur rendre la vie agréable et douce : voilà les devoirs des femmes de tous les temps, et ce qu'on doit leur apprendre dès l'enfance. » Cette réflexion ne fait que réaffirmer les préjugés qui ont cours à l'époque. La femme n'a qu'un rôle, celui de plaire aux hommes, de les consoler, de reconnaître leur grandeur. [p. 99 §2]
Commenter  J’apprécie          20
À l'époque moderne, la femme repoussoir est représentée non seulement par la vieille fille mais aussi par celle qui veut développer ses facultés intellectuelles. Si les bas-bleus sont considérés comme des archétypes de laideur féminine, on peut se demander quel lien existe entre les capacités intellectuelles de la femme et sa laideur. A priori aucun. Comment expliquer alors que philosophes, écrivains, hommes politiques aient jugé laides les femmes qui ont défendu leurs idées ? Les femmes jugées laides ont-elles été celles qui ont pris la parole et qui, par leurs actes, ont refusé la place qu'on leur imposait ?
On ne peut que s'interroger sur la relation tissée entre intelligence et laideur. Ceci d'autant plus que la beauté physique de la femme a souvent été associée à sa docilité, quand ce n'est pas à sa stupidité, comme si une belle femme ne pouvait être intelligente. « Sois belle et tais-toi », énonce le préjugé populaire. Serait-ce affirmer : « Sois laide et parle » ? Comment expliquer que la beauté féminine ait souvent rendu suspectes les qualités de son esprit ? Et n'a-t-on pas souvent conseillé aux disgracieuses d'exceller dans le domaine du savoir afin de compenser leur laideur ? [pp. 97-98]
Commenter  J’apprécie          10
9. « Dans le domaine de la séduction et des rapports amoureux, la femme vieille est dépréciée. Rares sont d'ailleurs des romans ou les films qui traitent de la sexualité féminine après soixante ans. Ceux qui en parlent s'exposent à une critique désobligeante. Le film _Japon_, du cinéaste mexicain Carlos Reygadas, en est un exemple.
[…]
Si la sexualité de la femme dite pudiquement "mature" paraît en cela déplacée, c'est qu'on l'associe tant à la laideur physique que morale. […] On élude donc la sexualité de la femme âgée en donnant à penser qu'elle n'existe pas. De ce fait, ceux qui la révèlent s'attaquent à un problème jugé inconvenant, hors norme.
[…] Si ce type de discours tend à briser certains tabous et à déconstruire le lien entre vieillesse et laideur, néanmoins dans l'ensemble des écrits ce propos reste encore exceptionnel. » (pp. 168-169)
Commenter  J’apprécie          10
8. « L'anorexie incarne, si l'on peut dire, la contestation d'une nature du corps féminin. Elle est le refus des cycles menstruels et alimentaires. Elle est le refus de la matière. Affirmation de l'esprit contre la forme, elle est une inversion totale du point de vue d'Aristote qui confinait la femme à la laideur ontologique. L'anorexie exprime le retournement du paradoxe antique : la beauté féminine en tant que simple beauté de l'apparence était le signe de la laideur ontologique, la laideur se retourne en manifestation de la force de l'être dans la matière par la volonté de la femme. La laideur n'est plus seulement le signe négatif d'un manque, elle prétend légitimement à une certaine esthétique. » (p. 165)
Commenter  J’apprécie          10

Lire un extrait
autres livres classés : histoireVoir plus
Les plus populaires : Non-fiction Voir plus

Autres livres de Claudine Sagaert (1) Voir plus

Lecteurs (32) Voir plus



Quiz Voir plus

Quelle guerre ?

Autant en emporte le vent, de Margaret Mitchell

la guerre hispano américaine
la guerre d'indépendance américaine
la guerre de sécession
la guerre des pâtissiers

12 questions
3194 lecteurs ont répondu
Thèmes : guerre , histoire militaire , histoireCréer un quiz sur ce livre

{* *}