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EAN : 9782266126335
281 pages
Pocket (04/07/2002)
3.91/5   347 notes
Résumé :
" Il y avait à l'hôtel quatre-vingt-dix-sept publicistes de New York. Comme ils monopolisaient les lignes interurbaines, la jeune femme du 507 dut patienter de midi à deux heures et demie pour avoir sa communication. Elle ne resta pas pour autant à ne rien faire. Elle lut un article d'une revue féminine de poche intitulée "Le sexe, c'est le paradis ou l'enfer". Elle lava son peigne et sa brosse. Elle enleva une tache sur la jupe de son tailleur beige. Elle déplaça l... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (32) Voir plus Ajouter une critique
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sur 347 notes
Avez-vous déjà lu une nouvelle de Jérôme David Salinger, ou, si vous préférez, J. D. Salinger ?

C'est quelque chose qui m'est arrivé très récemment. Un moment de lecture surprenante qui contribue tant à ce plaisir de lire. Mais commençons par le début. Autant vous dire d'emblée que je suis tombé sur Salinger par hasard. J'aime bien fouiner dans les librairies et je suis attiré par les nouvelles en raison de ma paresse naturelle qui m'interdit les longs romans où l'ennui me guette bien avant la page 99 .

Lorsque j'ai vu ce livre de Jérôme David Salinger intitulé "Nouvelles", j'ai tout de suite pensé à des nouvelles, car je suis une personne d'observation profonde et de déduction sûre. Il est vrai que Jérôme David Salinger ne s'est pas fatigué pour trouver un titre à son livre. D'ailleurs Jérôme David Salinger n'a jamais vraiment cherché à être publié et de très nombreuses nouvelles écrites de sa main ne sont toujours pas publiées à l'heure où je m'apprête à diffuser ce billet, car Salinger (je suppose qu'à présent, vous savez qu'il se prénomme Jérôme David) était un écrivain un peu particulier, qui n'a fait aucune apparition ni accordé aucun interview durant quarante années au cours desquelles il a refusé toute publication. La notoriété le fatiguait sans doute. Cette notoriété qu'il avait connue avec son roman "L'Attrape-coeurs" (titre original : The Catcher in the Rye).

J'ai donc fait l'acquisition pour un prix modique de "Nouvelles" publié dans la collection POCKET (N° 10031). Un livre qui ne dépasse guère les 280 pages dans un petit format, ce qui me va bien. J'ajoute ici, pour être tout à fait honnête avec vous, que le fait que ces pages soient en "papier fabriqué à partir de bois provenant de forêts gérées de manière responsable" n'a aucunement influencé mon choix. D'ailleurs, je ne sais pas ce qu'est une forêt gérée de manière responsable. Quoi qu'il en soit, cette mention au début de l'ouvrage ne réduit pas les 80.000 km2 de forêts qui disparaissent chaque année de la surface du globe, soit l'équivalent de l'Autriche, et cela depuis plus de quinze ans. (Une réflexion au passage qui devrait nous orienter vers le livre électronique. Fermons la parenthèse).

Avant d'atteindre, en page 27, le début de la première nouvelle, il faut également parcourir ou s'affranchir de la préface. Je n'ai aucune attirance pour les préfaces. Les préfaces m'ennuient. Je les parcours en diagonale et n'en lis la plupart du temps qu'une ou deux pages. La préface de "Nouvelles", écrite par Jean-Louis Curtis, ne fait pas moins de quinze pages ! Mes carences étant plus nombreuses que les étoiles du firmament, j'ignorais naturellement que Jean-Louis Curtis était le pseudonyme de Louis Laffitte, qu'il avait étudié à la Sorbonne, qu'il était agrégé d'anglais, avait obtenu le prix Goncourt en 1947 pour son deuxième roman, Les Forêts de la Nuit, et qu'il avait été membre de l'Académie française. J'en passe et des meilleures. Je n'ai donc rien changé à mon habitude de "sabrer" la préface pour atteindre au plus vite la première nouvelle intitulée "Un jour rêvé pour le poisson-banane".

Ne vous attendez pas à un résumé de ma part. Les nouvelles de J. D. Salinger ne se résument pas, c'est une de leurs caractéristiques. le lecteur est angoissé du début à la fin, baigne dans un climat oppressant et trouble qui le tient en haleine. Je vous dévoilerai seulement que la fin est très surprenante. Tout allait (à peu près) bien jusque là, alors je suis passé à la deuxième nouvelle, puis la troisième. Et bien, c'est plutôt déroutant ! J'avais l'impression d'aller nulle part, en m'égarant sans cesse avec de minuscules détails qui n'avaient absolument aucune importance. Alors je me suis dit "Mon gars (je suis assez familier avec moi-même) tu ne peux plus continuer comme ça, tu n'y comprends rien, il te faut une explication de texte". J'avais lu quelque part que les critiques de J. D. Salinger étaient très partagés, certains criant au génie alors que d'autres le traitaient de fumiste et de violoniste manchot.

Méfions-nous des verdicts péremptoires des critiques. Et s'il était un fumiste génial !?

Pour en avoir le coeur net, je me suis résolu, avant de poursuivre, à lire plus attentivement la préface de Jean-Louis Curtis. Elle est très éclairante et je ne saurais trop en conseiller la lecture, une fois n'est pas coutume. Elle m'a surtout rassuré. En effet, n'avais-je pas plus de bon sens qu'une boule de billard à ne pouvoir me détacher de ces histoires sans queue ni tête ? Mon esprit se retournerait-il sur lui-même et basculerait-il "comme un bagage mal attaché dans le filet d'un compartiment" (selon une expression de Salinger) pour que je me contente subitement de dialogues de sourds dont les interlocuteurs ne finissent jamais leurs phrases ?

La réalité est que l'on devient addict des nouvelles de Salinger parce que cet écrivain est extraordinairement habile. L'ambiguïté et l'insaisissabilité de ses histoires vous prennent en otage, vous entrainent sur des sentiers visqueux, vous font prendre des vessies pour des lanternes. C'est le jeu du chat et de la souris. Votre imagination tourne à plein régime. Vous aimez ces personnages pleins de tics et de gaucheries. Ils sont tellement normaux lorsqu'ils se grattent un petit bouton sur le mollet ou se font sauter un reste de nourriture entre deux dents. Ils sont tellement sympathiques, naïfs et fragiles que le lecteur se surprend à partager avec eux leurs inquiétudes et leurs énervements.

Mais avant tout, Jérôme David Salinger a l'art de vous faire imaginer l'innommable. Il sait comme personne faire osciller votre pendule intérieur entre la pire détresse et l'espérance la moins plausible, et finalement, il vous étonnera. Toujours.
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Recueil de nouvelles de J. D. Salinger.

Un jour rêvé pour le poisson-banane - Dans la chambre 507, Muriel rassure sa mère sur l'état mental de son époux, Seymour, vétéran de la guerre. Pendant ce temps sur la plage, Seymour parle à Sybil des poissons-bananes :"Ils entrent dans un trou où il y a plein de bananes. Quand ils entrent, ce sont des poissons comme les autres. Mais une fois dedans, ils se conduisent comme des cochons. Tu sais, j'ai vu une fois un poisson-banane entrer dans un trou à bananes et en manger pas moins de soixante-dix-huit. [...] Naturellement, après, ils sont si gras qu'ils ne peuvent plus repousser la porte." (p. 43)

Oncle déglingué au Connecticut - Eloïse et Mary Jane se sont connues au collège. Elles aiment à se retrouver autour d'une bouteille de scotch pour évoquer leurs mariages râtés, leurs souvenirs d'école et refaire le monde. "Écoute-moi bien, fille-qui-travaille. Si jamais tu te remaries, ne dis jamais rien à ton mari. [...] Ce qu'ils veulent, c'est croire que tu passes toute ta vie à vomir chaque fois qu'un garçon t'approche." (p. 63) Mais parfois, les confidences gourmandes cachent les vrais problèmes.

Juste avant la guerre avec les Esquimaux - Ginnie Mannox et Séléna Graff partagent le même cours de tennis et le même taxi pour rentrer chez elles. Mais Séléna descend avant Ginnie et oublie souvent de payer sa part. Alors que Ginnie attend dans le salon de sa partenaire de recevoir ce qui lui est dû, elle entend les confidences du fils de la maison et d'un ami peut-être trop bien intentionné.

L'homme Hilare - le Club Comanche réunit des gamins sous la houlette du Chef John Gedsudski, un étudiant bénévole, qui les emmène sur les terrains de base-ball et leur raconte les aventures extraordinaires de l'Homme Hilare. "J'ai gardé très claire à l'esprit l'image du Chef en 1928. Si les voeux étaient des centimètres, nous, les Comanches, l'aurions transformé en géant en un rien de temps." (p. 101) On a beau être un géant devant un parterre de gosses admiratifs, on est parfois un tout petit homme devant une fille.

En bas, sur le canot - Boo Boo Tannenbaum a bien des difficultés à faire sortir son fils Lionel du canot amarré au bout du ponton. C'est une douleur immense pour son petit coeur d'enfant qui l'a poussé à se réfugier sur les flots. "Les marins ne pleurent pas, mon petit, les marins ne pleurent jamais, sauf quand leur navire sombre, ou quand ils font naufrage, et quand ils sont sur un radeau et tout ça..." (p.137)

Pour Esmé avec amour et abjection - "J'ai décidé de jeter sur le papier quelques notes révélatrices sur la mariée, que je connais depuis près de six ans. SI ces notes devaient faire passer au marié, que je ne connais pas, une ou deux moments pénibles, tant mieux. Dans les pages qui suivent, personne n'est là pour plaire. Mais seulement pour édifier, pour instruire." (p. 141) L'auteur de ces mots plonge dans ses souvenirs de guerre et retrouve le fantôme d'une jeune fille de 13 ans qui lui avait demandé de lui dédier une histoire "extrêmement abjecte et émouvante." (p. 160)

Jolie ma bouche et verts mes yeux - Il est tard quand Lee appelle Arthur pour se plaindre de l'absence de son épouse. Joannie est encore dehors à des heures indues. Lee le sent, Joannie le trompe, encore. Mais Arthur est un ami sur lequel on peut compter : tout en caressant une très jolie femme, il rassure son ami et tente de l'apaiser. "Tu as encore de la veine que ce soit une bonne petite. Je t'assure. Tu ne lui fais jamais confiance, pour rien, ni pour la gentillesse ni pour la jugeote." (p. 183) Avec de tels amis, les ennemis sont inutiles.

L'époque bleue de Daumier-Smith - Pour avoir remporté trois prix de peinture à Paris, un jeune homme s'imagine artiste de génie. Il se dit descendant de Daumier et se réclame de Picasso pour se faire engager comme professeur dans l'école Les Amis des Vieux Maîtres, à Montréal, qui donne par correspondance des cours de peinture. L'école est dirigé par M. Yoshoto. "Comme beaucoup de très bons artistes, M. Yoshoto n'enseignait pas le dessin mieux que ne peut le faire un artiste quelconque mais doué pour l'enseignement." (p. 215) le jeune professeur découvre parmi les élèves qu'il doit corriger les oeuvres troublantes de Soeur Irma, mais il semble que la vocation religieuse est incompatible avec la vocation artistique.

Teddy - Teddy est un jeune garçon singulier. "Sa voix avait un accent particulier, d'une rugueuse beauté, comme celle de certains petits garçons. Chacune de ses phrases ressemblaient à une petite île oubliée, entourée d'une mer miniature de whisky." (p. 247) Très intelligent, il serait la réincarnation d'un sage indien et il discourt à l'envi sur l'inné et l'acquis, sur la logique et la sagesse. Mais il reste un petit garçon, soumis aux vicissitudes du monde.

Les nouvelles de Salinger soulève des malaises indicibles qui font dire que, parfois, l'espoir ne suffit pas. Au détour des pages, on surprend d'intimes fragilités, des existences dissimulées sous des vernis qui se craquèlent, des douleurs minuscules ou gigantesques, des veuleries ridicules ou des trahisons impardonnables et des révélations qui, pour être fracassantes, n'en sont pas moins ténues. Les univers dépeints par l'auteur sont dérangeants : on entre dans des mondes inachevés, en formation ou en mutation. Garder l'équilibre est un exercice périlleux, chaque phrase manque de faire basculer l'ensemble dans l'étrange et le tordu. Il me semble entendre des échos autobiographiques dans ces nouvelles mais ne connaissant pas suffisamment la vie de l'auteur, je me garde de l'affirmer. Néanmoins, certaines anecdotes sentent le vécu à plein nez.

Les personnages d'enfants sont fascinants : chez Salinger, l'enfance est en décalage avec les normes consensuelles. La naïveté est souillée de perversité, l'innocence dissimule la plaie et la tâche, la candeur n'est qu'artifice et cache à grand peine des esprits tendus vers la révolte.

Je suis enchantée et très émue par cette lecture. Me voici prête à reprendre L'attrape-coeur pour tenter de le finir enfin et de l'apprécier peut-être.
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Maintenant je crois comprendre d'où vient chez Milan Kundera son style "de flashes": J.D.Salinger l'utilise déjà, avec tout ce qui en est lié, comme une grande concentration verbale, le puissant contraste des images , l'immersion dans le mouvement secret des pensées et des sentiments de ses personnages.
J'ai déjà lu cet auteur par le passé, je relis maintenant ses nouvelles. Je préfère celles avec les enfants et spécialement celle qui s'appelle "Pour Esmé avec amour et abjection."
La nouvelle est composée de deux flashes : le premier présente la rencontre entre un jeune Américain qui suit dans le Devonshire, en Angleterre, l'entraînement de pré- débarquement , et une enfant Anglaise de 13 ans.
(Ne pensez pas au mal, ce n'est pas le cas.)
Le 30 avril 1944, à 19 heures l'Américain doit partir pour rejoindre les divisions aéroportées mises sur pied pour le jour J. Il lui reste 3h 30' jusqu'à son départ, il marche dans les rues sous la pluie, entre dans une église où la répétition de la chorale a commencé à 15h15'.
C'est une chorale d'enfants de 7-13 ans, leurs voix ont une beauté mystique, l'homme regarde leurs visages angéliques, remarque celui d'une petite fille qui chante mieux que les autres.
La cantique terminée, l'homme quitte l'église, entre dans un salon de thé pour les civils, presque vide. Peu de temps après, la petite demoiselle y entre aussi, suivie de son frère de 5 ans et de sa gouvernante.
La petite choriste surprit le regard de l'Américain , le regarde à son tour, "avec ses yeux capables , très certainement , de vous faire un inventaire en moins de deux" et, soudain, lui sourit. "Le sourire était presque radieux, comme sont parfois les sourires de politesse".
En suivit une conversation, la petite demoiselle est pleine d'assurance et de la gracieuse gaucherie enfantine. Elle affirme que pour un Américain, il est très intelligent. Lui a conscience de poser un peu et de se tenir très droit sur la chaise.
Un ange passe .
A 16h15' la jeune fille part, après avoir noté le nom, le grade et les coordonnées de son interlocuteur et d'avoir annoncé l'intention de lui écrire. Et après lui avoir souhaité de revenir de la guerre "avec les facultés intactes".
Fin du premier flash.
Le deuxième flash s'ouvre sur un soldat en convalescence d'une très grande blessure. Il est presque hémiplégique, insomniaque, gravement dépressif . Il se trouve dans son logement américain et regarde avec dégoût l'amas de papiers et de lettres non ouvertes sur sa table. Son attention est attirée par une des enveloppes: elle l'a suivi plusieurs fois. Sur l'un de ses côtés il distingue trois de ses anciens secteurs postales. Il ouvre la lettre et la lit:
.."..J'ai très souvent pensé à vous et à l'après-midi extrêmement agréable que nous avons passé ensemble le 30 avril 1944 ,entre 3 h35' et 4h15', au cas où vous l'auriez oublié.
....Mon frère et moi nous faisons beaucoup de souci pour vous. Nous espérons que vous n'étiez pas parmi ceux qui ont donné le premier assaut dans la presqu' île de Contentin.
En étiez-vous? Je vous prie, répondez-moi aussi vite que possible.
Toute mon affectueuse amitié à votre femme.
Sincèrement vôtre
Esmé."
Il resta assis là un long moment. Et alors, brusquement,presque voluptueusement, il senti qu'il s'endormait. "Vos avez à faire, Esmé, à un homme bien endormi, et qui garde TOUJOURS une chance de redevenir un homme avec toutes ses FACULTES intactes."
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L'ensemble des nouvelles de Salinger recueillies dans cet ouvrage démontrent l'étendue du talent de Salinger. Ce qu'il y a de plus étonnant, c'est la vérité des dialogues. Ils oscillent entre les banalités et les éclats, et ils relèvent de la vie, de vrais dialogues qui ont en eux tout la profondeur de la relation entre les personnages, des non dits dont le lecteur est exclu.

Salinger touche donc notre coeur et forcément notre imagination. Il joue donc avec l'ensemble des émotions et des sentiments qui vont de la tendresse à la cruauté, du rire aux sanglots, de l'horreur à la pitié.

En conclusion, il faut apprécier Salinger sans forcément chercher à tout comprendre et en se laissant embarquer par les mots.
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Neuf nouvelles de Salinger où les personnages sont en décalage avec ce que la société de l'époque attend d'eux – ces nouvelles datent d'après-guerre et ont été en grande partie publiées dans le New Yorker entre 1948 et 1953 – ou ce que même le lecteur s'attend à trouver dans une nouvelle : une histoire bien ficelée et une chute en conséquence.
Or rien n'est moins sûr. Déjà les personnages principaux ou les personnages tout court n'existent que par les autres, leurs conversations aux moult références, toutes en understatement. de l'innocence on passe à une expérience extraordinaire, une vision particulière du monde (Teddy), la guerre ou le destin ordinaire fait basculer une situation que l'on croyait acquise (Pour Esmé avec amour et abjection), la folie et le drame parcourent aussi ces récits (Un jour parfait pour le poisson- banane), de même, l'intérêt que l'on accorde à une histoire ( l'homme hilare, dans laquelle un entraînement de base-ball maintient ses troupes en leur racontant une histoire à épisodes après les efforts sportifs.)
D'autres nouvelles méritent certainement une relecture car la première approche nous laisse dans l'obscur. Mais comme le précise Teddy, nous ne voyons les choses que d'un côté logique, étant passé à côté de l'expérience mystique qu'il a vécue.
Ginnie Mannox dans"Juste avant la guerre avec les esquimaux" se sent perdue et de plus en plus mal à l'aise dans ce monde de bourgeois, d'argent et de mesquinerie lorsqu'elle se trouve chez son amie Selena. On n'est jamais loin de retrouver des traces de l'Holden Caulfield de l'attrape-coeurs.
Reste, à mon sens une nouvelle qui m'a marquée plus que les autres : "la période bleue de Daumier-Smith" dans laquelle tout est mensonge. le narrateur se fait passer pour un professeur d'art et s'invente un passé français où il a rencontré Picasso et intègre une école d'art par correspondance encore plus étrange tenue par un couple de japonais à Montréal. de là il découvre le talent extraordinaire d'une nonne et lui fait savoir mais le directeur du couvent souhaite qu'elle interrompe ses cours…Tout bascule toujours à chaque coin de page, d'un paragraphe à l'autre.
Une lecture qui demande donc pas mal de concentration et de retours en arrière mais qui vaut largement les détours.

Poets are always taking the weather so personally. They're always sticking their emotions in things that have no emotions. (Teddy)
(Les poètes prennent toujours les intempéries pour eux. Ils collent toujours des émotions aux choses qui en sont dépourvues.)
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Citations et extraits (25) Voir plus Ajouter une citation
Mon troisième élève était une religieuse de l'Ordre des Soeurs de Saint-Joseph, nommée Soeur Irma, qui disait enseigner la cuisine et le dessin à l'école primaire d'un couvent, juste à la sortie de Toronto. Et je ne sais au juste par où commencer pour décrire le contenu de son enveloppe. Je pourrais peut-être mentionner tout d'abord qu'à la place d'une photographie d'elle-même, Soeur Irma avait joint, sans explication, un instantané de son couvent. Il me revient aussi qu'elle avait laissé en blanc la ligne du questionnaire où l'élève devait inscrire son âge. Pour le reste, son questionnaire était rempli comme peut-être aucun questionnaire dans ce monde ne mérite d'être rempli. Elle était née à Detroit, Michigan, et y avait été élevée. Son père était contrôleur des automobiles Ford. Ses études supérieures se résumaient à une année de cours complémentaire. Elle n'avait reçu aucune leçon de dessin. Elle disait que la seule raison pour laquelle elle l'enseignait, c'est que Soeur Quelque Chose était morte et que le Père Zimmermann (un nom qui me frappa particulièrement, parce que c'était celui du dentiste qui m'avait arraché huit dents), le père Zimmermann, dis-je, l'avait choisie pour la remplacer. Elle disait qu'elle avait "trente-quatre petits poussins dans sa classe et dix-huit petits poussins dans sa classe de dessin". Son passe-temps favori était d'aimer son Seigneur et la parole de son Seigneur, et aussi de "collectionner les feuilles, mais seulement quand elles sont tombées par terre". Son peintre préféré était Douglas Bunting (un nom, je n'ai pas honte de le dire, que j'ai traqué dans plus d'un cul de sac, au fil de ces années). Elle disait que ses petits poussins aimaient "dessiner des gens en train de courir et c'est justement ce que je fais le plus mal". Elle disait qu'elle était décidée à travailler dur pour apprendre à mieux dessiner et elle espérait qu'on serait patient avec elle.
Il n'y avait , en tout, que six exemples de son travail dans l'enveloppe (aucune de ses oeuvres n'était signée, fait d'importance assez secondaire, mais qui, sur le moment, me parut démesurément rafraîchissant. Toutes les oeuvres de Bambi Kramer et de Ridgefield étaient signées ou, ce qui me semblait plus irritant encore, marquées de leurs initiales). Treize ans après, non seulement je me rappelle nettement les six peintures de Soeur Irma, mais il me semble même quelquefois me rappeler quatre d'entre elles un peu trop nettement pour la tranquillité de mon esprit. Sa meilleure oeuvre était une aquarelle sur papier brun (le papier brun, particulièrement le papier d'emballage, est très agréable, très doux pour peindre. Plus d'un artiste expérimenté l'a utilisé quand il n'avait pas l'intention de faire quelque chose d'important ou de grandiose). L'aquarelle, malgré sa taille restreinte (elle faisait à peu près vingt centimètres sur vingt-cinq) décrivait dans le plus petit détail le transport du Christ au Saint Sépulcre, dans le jardin de Joseph d'Arimathie.
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- Ecoute. Pourquoi l'as-tu épousé, alors ? dit Mary Jane.
-Oh, mon dieu ! Je ne sais pas. Il m'a dit qu'il adorait Jane Austen. il m'a dit que ses livres représentaient beaucoup pour lui. Voilà exactement ce qu'il disait.J'ai découvert après notre mariage qu'il n'avait jamais lu un seul de ses livres.
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L'évidence apparaît toujours trop tard, mais la plus singulière différence entre le bonheur et la joie, c'est que le bonheur est un solide, alors que la joie est un liquide.
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"Ils entrent dans un trou où il y a plein de bananes. Quand ils entrent, ce sont des poissons comme les autres. Mais une fois dedans, ils se conduisent comme des cochons. Tu sais, j'ai vu une fois un poisson-banane entrer dans un trou à bananes et en manger pas moins de soixante-dix-huit. [...] Naturellement, après, ils sont si gras qu'ils ne peuvent plus repousser la porte." (p. 43)

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Eh bien, si Sven rêvait cette nuit que son chien est mort, il passerait une très, très mauvaise nuit parce qu'il aime beaucoup son chien. Mais quand il se réveillerait demain matin, tout se remettrait en ordre. Il saurait que ce n'était qu'un rêve.
Nicholson acquiesça.
- Et alors, où voulez-vous en venir, exactement ?
- Je veux en venir à ceci : si son chien mourait réellement ce serait exactement la même chose. Seulement il ne saurait pas. Je veux dire qu'il ne se réveillerait pas avant d'être mort lui-même.
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J.D.SALINGER / L'ATTRAPE-COEURS / LA P'TITE LIBRAIRIE
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