Il y a une manière d'écrire que je qualifierais de moderne; du moins une manière que j'apprécie chez nombre d'auteurs contemporains. Par opposition aux récits qui se déroulent de façon linéaire qui respectent certaines règles d'unité, tels que ceux qui ont fait la gloire du XIXe siècle, les romans d'aujourd'hui procèdent souvent par touches, juxtaposant celles du temps présent avec celles d'un passé plus ou moins lointain, ou encore par alternance des narrateurs... touches qui finissent — à l'instar de celles d'un peintre impressionniste—par constituer un tableau cohérent. Il y a toutes sortes de façons de faire et ces façons, notre cerveau les appréhende bien parce qu'elles lui sont familières; c'est ainsi qu'il fonctionne passant aisément, par associations libres, du coq à l'âne, d'un temps à un autre ou d'un point de vue à un autre.
Et puis, il y a la façon d'
Annie Saumont qui se veut sans doute moderne et qui pousse ce procédé de déstructuration plus loin, prenant plaisir à déstabiliser le lecteur par toutes sortes d'artifices (par exemple, en ne respectant pas les règles usuelles de ponctuation), des artifices qui agacent. J'ai même eu l'impression à la lecture de certaines nouvelles qu'elles étaient doubles: deux nouvelles que l'auteure aurait soigneusement saucissonnées, la version finale apparaissant comme un mille-feuilles indigeste fait de l'alternance des tranches ainsi obtenues. J'ai eu aussi la surprise de trouver les mêmes nouvelles dans des recueils différents.
Bref, j'ai eu la désagréable impression d'une imposture de la part de cette écrivaine par ailleurs largement reconnue. Peut-être n'ai-je pas lu ses meilleures productions. Je demande qu'on me convainque.