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Élisabeth Janvier (Traducteur)Michel Le Bris (Préfacier, etc.)
EAN : 9782859406264
384 pages
Phébus (28/05/1999)
4.08/5   30 notes
Résumé :
Dans une ferme perdue au coeur du bush sud-africain, où l'on dirait que chacun vit enfoncé dans un rêve, deux enfants essaient de survivre et de comprendre le monde, tandis qu'autour d'eux les êtres se heurtent, se déchirent, livrés à la seule brutalité de l'instinct. Ces enfants, nous les voyons grandir, aimer, souffrir, tourmentés par un obscur sentiment de révolte, confrontés à un destin qui semble s'ingénier à ruiner l'attente de leur jeunesse. Comme si aucune e... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (11) Voir plus Ajouter une critique
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Lecture coup de coeur pour moi.
Je m'étonne d'ailleurs que le livre ne soit pas plus connu que cela. Je me rallie à la position de Michel le Bris qui signe une très belle préface (« Dans l'oeil du cyclone ») : « ce livre [est] unique, splendide, et maladroit, bouleversant. »
Ce livre et très riche en personnages et en thèmes abordés. Deux mots seulement de ma part qui vous invite tout simplement à le lire : la cause féministe est incarnée par Lyndall, dont l'attitude est revendicative, par opposition à la soumission d'Em et l'amour est conçu comme impossible dans sa forme la plus absolue, c'est-à-dire entre Lyndall et Waldo.
Lecture coup de coeur je vous disais !
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Olive, comme tu m'as émue avec ta nuit africaine. Olive, ma petite soeur, ta jeunesse transpire dans chacun de tes mots, dans chacune de tes phrases. Tout est imprégné de ta soif immense de liberté et d'indépendance, de ton désir d'être libre d'aimer celui/celle que tu veux, de ta souffrance d'être née femme dans l'Afrique du Sud de la fin du XIXème siècle, patriarcale, bigote et colonialiste où « plus une femme a la tête vide, mieux elle s'élève ».

Olive, j'aurais voulu te convaincre qu'il existe une alternative à la fin que tu réserves à tes deux héros, Lyndall – cette petite âme intrépide qui regardait au fond des gouffres - et Waldo – qui éprouvait la vie comme un objet rare et précieux - , deux jeunes personnes qui, je le sais, te ressemblent dans leur fougue, dans leur intransigeance avec la vie et dans leur honnêteté envers eux-mêmes.

Olive, ton roman est inclassable, merveilleux, revendicatif, poétique, dramatique… Et je comprends que tous les éditeurs ont refusé ton manuscrit, ton discours était tellement peu conventionnel, tellement dérangeant mais tellement juste, qu'il aurait peut-être insufflé l'idée d'un désir de changement, voire d'une potentialité d'insoumission, dans la conscience de tes lecteurs et de tes lectrices. D'ailleurs Doris Lessing ne s'y trompe pas quand elle dit que ton roman est de ceux qui peuvent (ont pu ou auraient pu) changer une vie.

Olive, ma petite soeur, comme j'aurais aimé te consoler, écouter (et partager) tes revendications, échafauder un plan pour la lutte de l'égalité des droits hommes-femmes, car, petite soeur, les choses ont changé, c'est vrai, mais nous n'y sommes toujours pas, à cette fameuse égalité. J'ai même l'impression qu'on s'en est éloigné ces dernières années.

Olive, ma petite soeur …

PS : Pour ma part je remercie Tandarica qui m'a fait découvrir ce très beau roman.
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D'abord refusé de publication pour son caractère jugé scandaleux en Grande-Bretagne, La nuit africaine connut pourtant un succès dans ce même pays, dépeignant avec fidélité un pays que connaissait bien Olive Schreiner pour y être née et y avoir vécu, l'Afrique du Sud. Pays multiculturel, déjà, puisqu'en plus des populations africaines d'origine zouloue, y vivaient, au début du 20ème siècle, les descendants des premiers colons néerlandais - mais aussi huguenots français - et ceux des colons britanniques, bien plus récents. Schreiner, elle, était fille de pasteur allemand et mariée à un fermier afrikaaner ; elle s'opposa à Cecil Rhodes, le gouverneur britannique qui manoeuvra en faveur d'une guerre contre les Boers, les descendants de colons néerlandais.
Son roman crépusculaire met en scène deux personnages perdus dans l'immense nature africaine autant que dans la société coloniale. Waldo, le jeune garçon, est un rêveur qui, après les travaux des champs et des bêtes, s'interroge sur le sens de sa vie et remet en cause la religion (le protestantisme rigoriste enseigne très tôt la culpabilité au jeune enfant, sans que celui-ci n'ait rien fait), lui le fils de pasteur luthérien allemand. le personnage de Lyndall, plus intelligent, se révèle aussi plus profond et davantage révélatrice des aspirations d'Olive Schreiner. En effet, Lyndall est l'exemple rare d'une femme, isolée pourtant, qui se promet d'être indépendante, au risque même de sa vie.
L'Afrique du Sud sert les décors vastes et beaux de ces parcours mi-chaotiques, mi-initiatiques ; loin de toute ville, la vie se déroule dans les campagnes arides où les bêtes sont recluses. Les hommes s'intéressent à Lyndall, lui jurent que sans eux elle ne pourra s'en sortir.
La nuit africaine est réellement bouleversant, car Schreiner y livre une vision du monde forcément personnelle (l'éducation protestante, le rôle de la femme jugée inférieure dans le monde, les beautés brutes de l'Afrique) et pourtant formidablement universelle et progressiste. C'est le roman d'une artiste qui photographie son monde, le critique de manière acide et le fait, dans le même temps, avancer.
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Nous voici vers le milieu du XIXe siècle, dans les plaines d'Afrique du Sud. le soleil pèse comme du plomb sur la terre rouge désséchée où ne poussent guère que l'euphorbe et le figuier de Barbarie, où survivent comme ils peuvent quelques troupeaux de moutons. Une ferme s'est installée là, au pied d'une colline de pierres surgie du fond des âges, gérée d'une main de fer par une hollandaise à l'esprit lourd, au corps pesant.
Dans cette solitude immense, trois enfants apprennent peu à peu la vie. Il y a Em, petite blonde au visage ingrat, aux manières effacées, terne et bonne, qui passera toujours après tous les autres. Il y a Waldo, avec ses belles boucles brunes, jeune garçon assoiffé d'absolu qui verra bientôt basculer dans l'abîme toutes ses vieilles idoles. Et puis il y a Lyndall, la très belle, très impérieuse Lyndall, dont les yeux noirs font déjà plier plus fort qu'elle, prête à défier le monde entier pour gagner sa liberté.
Le temps file, les saisons, les années passent, quelques étrangers aussi, porteurs d'un peu de bien ou de beaucoup de mal. Les adultes comptent, mentent et meurent. Et les enfants grandissent, portés par des rêves qui sans cesse leur échappent, sans cesse se reforment, nourris de mille promesses confuses face au vertige inquiétant du vide.

C'est un roman magnifique que cette Nuit Africaine, qui offre à la lecture un rare mélange d'effervescence intellectuelle, d'exaltation spirituelle et de puissante sensibilité. Cela parle de la difficulté d'être au monde, de tous les mirages que les hommes s'inventent pour supporter d'exister, faire reculer le néant. de la beauté infinie de la nature et de la nécessité absolue de rêver. de la solitude, de la soif d'amour, du pouvoir de la volonté et de la condition féminine. Et cela en parle avec une fièvre contagieuse, dans un récit qui bouleverse les codes du roman, avance à grands bonds, recule, bouscule, s'apaise en lentes contemplations, emprunte à la magie mystique du poème en prose comme à la virulence du réquisitoire, à la satire et au conte. C'est drôle parfois, mais d'une drôlerie cruelle. C'est poignant, souvent, et fascinant de bout en bout.

"Un de ces livres très rares qui, comme Moby Dick, Jude l'Obscur ou Les Hauts de Hurlevent, peuvent changer la vie de leurs lecteurs, parce qu'ils les emportent jusqu'aux limites de l'esprit humain", en dit un jour Doris Lessing - et je suis bien d'accord avec elle. Je le découvre trop tard pour qu'il change ma vie, tout ce qu'il contient est déjà là, en moi, remué et retourné depuis longtemps déjà, mais les échos qu'il trouve en moi n'en sont pas moins profonds, pas moins vibrants. Un immense coup de coeur, en somme, pour ce qui est avant tout un très grand livre, reconnu comme tel Outre-Manche dès sa parution et bien injustement méconnu en France.

La préface de Michel le Bris rend en outre un bel hommage à l'auteur, personnalité aussi fascinante que son oeuvre dont je serais bien curieuse de lire une biographie.
Lien : http://ys-melmoth.livejourna..
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Tout d'abord je remercie lafilledepassage, qui, par sa si jolie critique, m'a donné envie de lire ce livre.
C'est effectivement un beau voyage. J'avoue que j'ai mis un peu de temps à rentrer dans l'histoire, dans cette Afrique du sud que je ne connais pas, avec cet homme tellement brutal, inhumain, que j'aurais voulu voir puni de toutes ces exactions.
Puis on suit le destin de ses enfants, qui deviennent adultes, et échangent leurs rêves, leurs sentiments. Lyndall est un personnage très fort, ayant une soif d'absolu, d'amour, de vérité, de douceur.
D'ordinaire je n'aime pas les livres qui se servent de romans pour étaler leurs convictions, veulent dire trop de choses, mais là, ce n'est pas cela du tout. Lyndall veut voir les femmes de son pays, et toutes les femmes libres, d'aimer, d'aller et de venir. C'est plus qu'une caricature de la condition féminine, c'est un hymne à la liberté, au choix, à l'éducation.

Ce livre me laisse vraiment une impression étrange, comme un roman autant qu'un essai philosophique à la fois, je ne sais pas trop comment décrire cela. Un très bel ouvrage, bien écrit, avec des personnages qui sont attachants non pas dans leurs actes ou dans leur vécu, mais dans ce qu'ils ressentent. Il y a beaucoup d'émotion là-dedans.
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Citations et extraits (40) Voir plus Ajouter une citation
C’était un être frustre et peu instruit, sans autre but dans l’existence que de fabriquer indéfiniment des tables et de construire des murs de pierre ; et cependant en cet instant il éprouvait la vie comme un objet rare et précieux. Il se frottait les mains dans le soleil. Ah ! vivre ainsi, année après année, combien ce serait bon ! Vivre toujours dans le présent, laisser glisser les jours, chacun amenant sa part de travail et de beauté, voir les collines s’éclairer le matin, voir la nuit avec ses étoiles, le feu avec ses braises ! Vivre ainsi, calmement, loin des sentiers des hommes ; regarder vivre les nuages et les insectes, plonger au cœur des fleurs et observer pistils et étamines amoureusement blottis, examiner les petites graines dans les gousses d’acacia, voir comment elles aspirent la vie par leur frêle pédoncule roulé en boucle, et voir le petit germe qui dort à l’intérieur ! Combien ce serait bon, oui, de ne plus bouger de son coin, de ne plus s’occuper du monde, sinon pour respirer ces autres fleurs que sont les livres, éclos sous les mains des grands hommes, et observer comment le monde des hommes, lui aussi, ouvre et déploie ses pétales merveilleux. Ah ! que la vie est délicieuse, qu’il serait bon de vivre très longtemps, voir la nuit s’achever et le jour poindre ! Voir venir le jour où l’âme ne repoussera plus l’âme qui la cherche, où l’homme qui réclame désespérément l’amour et la compréhension ne sera plus réduit à se réfugier dans la solitude. Vivre longtemps et voir poindre les temps nouveaux ! La vie est bonne, si bonne !
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L'expérience finit toujours par nous apprendre que les règles de vie les plus sages et les droites ont des sources bien plus profondes que les lois édictées par les hommes ou les dieux, plus profondes que l'essence même de la nature humaine. Elle nous enseigne que tel qui verse le sang d'autrui, quand bien même nul ne le punirait, quand bien même il n'aurait à craindre ni enfer ni vengeance, sentira tomber sur son âme chaque goutte du sang versé qui le rongera comme un acide. Elle nous enseigne que tel qui s'approprie illégalement un être aimé cueille une fleur dont chaque pétale est un poison. Que tel qui cherche la vengeance a deux tranchants sur son épée : l'un pour son adversaire, l'autre pour lui-même. Que celui qui ne vit que pour lui est déjà mort avant d'être enterré. Que celui qui nuit à autrui amasse des nuées que sa tête. Que celui qui pêche en secret a devant lui le juge le plus impitoyable, celui dont les condamnations sont toujours sans appel :lui-même.
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Quand vient le jour où, brisé, vous vous laissez tomber au sol, que plus personne n'est là pour vous soutenir, que vos amours sont mortes ou demi-mortes ; que même votre soif de savoir, sans cesse contrariée, s'est éteinte ; que le présent n'a plus aucun désir à vous offrir ni le futur aucun espoir ; alors, avec quelle bienfaisante tendresse la nature vous prend dans ses bras !
Les gros flocons de neige tout blancs qui tombent doucement, un à un, vous murmurent : "Calme-toi, pauvre cœur, calme-toi !" Et c'est comme si votre mère vous consolait en vous caressant les cheveux.
Le bourdonnement des abeilles aux pattes jaunes vous berce comme une mélodie enchantée. Sur les pierres brunes du mur, la lumière crée des formes qui sont comme des œuvres d'art. Le soleil qui scintille à travers une feuille vous affole le cœur.
C'est alors qu'il faudrait mourir. Car si vous continuez à vivre, aussi sûrement que les années succèdent aux années, aussi vrai que le printemps suit l'hiver, les passions vont se réveiller. Elles vont revenir se glisser une à une dans la poitrine qui les avait chassées, elles vont s'y agripper et c'en sera fini de cette paix. Le désir, l'ambition, les élans déchirants de l'amour qui vous pousse vers les êtres - tout cela ressurgira. La nature laissera retomber un voile sur son visage, vous ne pourrez pas même en soulever le coin, vos regrets seront impuissants à faire revivre ces jours de paix. C'est maintenant qu'il faudrait mourir !
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La pire offense que l’on puisse faire à un être, c’est de déformer sa nature. Quand nous venons au monde, nous sommes tous aussi malléables - avec plus ou moins de force physique, peut-être, mais pour le reste, c’est la table rase. Et c’est le monde qui décide de ce que nous serons, qui nous façonne selon l’usage auquel il nous destine. À vous, les hommes, il dit : Travaillez ! Et à nous : Soyez belles ! Il vous dit : puisque vous êtes ce qui se rapproche le plus de Dieu, que vos bras sont forts, que votre savoir est grand et que vous êtes doués pour le travail, vous obtiendrez tout ce que vous pouvez souhaiter. Et il nous dit : à quoi vous serviraient la force, le savoir, le travail ? Vous parviendrez au même résultat que les hommes, mais par d’autres moyens. Et c’est ainsi que le monde crée les hommes et les femmes.
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Car la douleur et le passage du temps, s'ils impriment une histoire sur chaque visage, traitent cependant chacun avec une étrange inégalité. Un visage simplement joli, et même très joli, sera défiguré irrémédiablement. Celui dont la beauté provient d'un équilibre harmonieux entre le chant de l'âme et la forme de l'instrument qui l'exprime, s'enrichira au contraire de tout ce qui, montant de l'âme, fait résonner douloureusement le corps.La jolie femme se fane avec les roses de ses joues, et sa jeunesse n'aura duré qu'une heure. La femme belle trouve sa plénitude quand tout son passé s'inscrit sur ses traits, et c'est quand son pouvoir de séduction paraît l'abandonner qu'il est le plus irrésistible.
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