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EAN : 9781300334668
Faber and Faber (06/04/2006)
4.83/5   3 notes
Résumé :
This work presents an intimate history of Shakespeare, following him through a single year that changed not only his fortunes, but the course of literature. How did Shakespeare go from being a talented poet and playwright to become one of the greatest writers who ever lived? In this one exhilarating year, we follow what he reads and writes, what he saw, and who he worked with as he invests in the new Globe theatre and creates four of his most famous plays - "Henry V... >Voir plus
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Que lire après 1599 : A Year in the Life of William ShakespeareVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
"He was not of an age, but for all time."
(Ben Jonson)

Si vous vous étiez baladé dans Londres lors d'une certaine nuit terriblement froide quelques jours avant Noël 1598, vous auriez pu tomber sur une scène pour le moins inhabituelle : une bande d'acteurs armés, qui s'apprêtent à voler un théâtre !
Le bail du terrain sur lequel était construit The Theatre, le gagne-pain de la troupe des Chamberlain's Men, a expiré, et son propriétaire, un certain Mr. Allen, n'avait aucune intention de le renouveler. Il voulait récupérer sa parcelle pour une entreprise plus lucrative. Mais le contrat ne concernait pas le bâtiment en bois, et la troupe de Shakespeare a décidé de récupérer ce qui lui revenait de droit. Par précaution, ils ont tout de même opté pour la nuit, en profitant du moment où Allen était absent de Londres pour fêter Noël à la campagne. Quelle surprise, à son retour ! Mais le bon bois de construction était coûteux, et cet ancien théâtre démantelé très rapidement jusqu'à la dernière planche et transporté de l'autre côté de la Tamise deviendra au printemps suivant le célèbre Globe, temple de la gloire des Chamberlain's Men, et témoin de leur âge d'or.

L'exclamation de Ben Jonson, grand rival et grand ami de Shakespeare, est davantage une sorte de publicité de l'époque, mais aussi une preuve que la pub n'est pas toujours mensongère.
On ne sait presque rien de la vie privée du grand magicien Will, et la plupart de ses (nombreuses) biographies le présentent comme un auteur intemporel. James Shapiro change complètement d'angle de vue et décide de nous montrer un Will tout à fait "temporel"; celui de 1599, quand le dramaturge avait 35 ans et bien des choses remarquables étaient encore à venir. Shapiro ne peut pas utiliser la magie pour nous sortir de sa manche un tas d'anecdotes palpitantes sur la vie de Shakespeare, mais après 15 années de fouilles acharnées dans les archives, il est en mesure de nous renseigner sur ce qu'il à pu lire et écrire, qui il a pu fréquenter et ce qu'il se passait autour de lui pour nourrir son imagination.

L'année 1599 n'est pas choisie au hasard. C'est tout d'abord la construction du Globe. Mais aussi une époque assez mouvementée dans l'histoire de l'Angleterre. le fiasco total d'Essex lors de sa campagne militaire en Irlande a sonné le glas de l'ancien esprit chevaleresque. Les rumeurs d'une nouvelle invasion espagnole ont semé une grande panique partout dans le royaume... la mobilisation était coûteuse et finalement inutile. La reine Elisabeth devenait une vielle dame maladive (elle avait eu 67 ans en septembre de cette même année), et malgré une censure très stricte, tout le monde s'interrogeait déjà sur qui sera son remplaçant.
Shakespeare ne se laissait pas distraire par la gravité des événements, au contraire, c'était une des périodes les plus créatives de sa vie. Après avoir achevé son "Henry V", il enchaîne sur "Julius Caesar", la comédie "As You Like It", et vers la fin de l'année il commence "Hamlet". Un tempo infernal, si on considère le peu de temps dont il disposait : répétitions dans la matinée, représentations dans l'après midi, tout en surveillant la construction du Globe dont il était copropriétaire.

Shapiro profite de ses découvertes pour essayer de déceler dans chacune de ces pièces des empreintes réelles de l'époque. Shakespeare a très certainement entendu le prêche enflammé, que la reine a commandé à Lancelot Andrews pour remonter le moral de ses troupes avant la campagne irlandaise, car on trouve son écho dans "Henry V". La lente disparition de la mythique forêt d'Arden près de Stratford se reflète dans "As You Like It", et dans "Jules César" il aborde le thème précaire de la censure et de l'assassinat d'un souverain. Mais tout cela d'une façon maligne et voilée; il ne faut pas oublier le destin de la plupart de ses collègues : Kyd est mort sous la torture, Marlowe probablement assassiné, et Jonson en prison. Shakespeare savait pourtant bien qu'une tiédeur molle et trop de précautions lui feraient perdre son public, alors il avance avec intelligence sur la lame du couteau : ses pièces sont chargées de sens, mais il est impossible de connaître l'opinion personnelle de leur auteur. Comme le remarque Shapiro, le génie c'est aussi de savoir ce qui passera et ce qui ne passera pas.

Même Shapiro a opté pour cette "voie du milieu", et son livre est parfaitement équilibré. Saison par saison, cette chronique de 1599 vous demande beaucoup de concentration, car ses 400 pages sont littéralement bourrées d'informations et d'anecdotes historiques de toutes sortes. Mais cela se lit comme un excellent roman, sans jamais tomber dans le style sec et académique. On y apprend énormément... Et si vous me demandez comment était donc Will en tant qu'homme ?
Eh, bien... je passerais avec plaisir une soirée en sa compagnie chez "George & Dragon", mais je ne lui prêterais jamais un seul de mes bouquins ! Il ne le rendrait pas.
Son succès est dû moitié à son génie, moitié au dur travail quotidien, comme le dit encore son pote Ben Jonson dans sa dédicace au "First Folio" :
he
Who casts to write a living line, must sweat,
(Such as thine are) and strike the second heat
Upon the Muses' anvil; turn the same,
(And himself with it) that he thinks to frame;
Or for the laurel he may gain a scorn,
For a good poet's made as well as born,
And such wert thou.

5/5 pour le mélange d'érudition et de passion de James Shapiro pour son sujet. On fera encore un bout de chemin ensemble.
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Pour nous, Français, la figure de Shakespeare est entourée d'un épais mystère, à cause de l'éloignement géographique et temporel, mais aussi du mythe romantique du génie, qui nous intimide et nous dissuade d'aller voir de plus près. James S. Shapiro, dans ce merveilleux ouvrage, prend le parti de nous montrer Shakespeare dans son entourage concret, dans son époque et dans son lieu. Pour cela, il choisit l'année 1599 de sa vie, année féconde, puisqu'il écrivit quatre pièces importantes et en créa trois : "Henry V", "Comme il vous plaira", "Jules César" et enfin "Hamlet", non créé cette année-là mais seulement rédigé, au moins dans ses grandes lignes. A ces quatre pièces correspondent les quatre saisons de l'année 1599, et les quatre grands problèmes qui se posaient aux Anglais d'alors : Henry V parle de gloire militaire, au départ de l'expédition du comte d'Essex pour l'Irlande ; "Jules César" pose des questions d'actualité politique aiguë, sur le droit des sujets d'assassiner un mauvais roi, et sur ce que cela entraîne (l'exemple d'Henri III de France est présent à tous les esprits) ; "Comme il vous plaira" rappelle l'ancienne Angleterre perdue, la forêt d'Arden et les métamorphoses de l'amour (dans un chapitre réjouissant où l'on voyage avec l'auteur de Londres à Stratford et où l'on fait connaissance avec la famille Shakespeare). "Hamlet" enfin nous conduit au plus intime des consciences du temps, après soixante ans d'orthodoxies contradictoires, de fidélités successives et de crises de la foi religieuse, à la lumière des Essais de Montaigne que l'on commence à lire en Angleterre. Mais tout ceci risquerait d'être bien abstrait et analytique : l'auteur sait couler son érudition et ses profondes pensées dans le moule des anecdotes vivantes, éclairantes et frappantes. On n'a rien de pareil en France : un essai littéraire de niveau universitaire raconté comme un roman. Dommage que ce beau livre ne soit pas traduit dans notre langue.
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1599, c'est l'année de Henri V, Jules César, Comme il vous plaira, et une bonne part de l'écriture d'Hamlet… (Je vous laisse reprendre votre souffle). C'est aussi l'année où le théâtre du Globe sort de terre. C'est l'année où le comte d'Essex échoue à pacifier l'Irlande manu militari et enterre les idéaux chevaleresques, et enfin l'année où l'on craint l'arrivée d'une seconde Armada espagnole - sans compter les tentatives d'assassinat de la reine vieillissante mais sans héritier direct.

A mi-chemin entre histoire et analyse textuelle, Shapiro fait un extraordinaire travail pour tenter de révéler un Shakespeare fermement enraciné dans son époque de troubles et de censure. Il combine une érudition étourdissante (à l'excès parfois, à mon goût) à une historiographie "impressionniste" pour nous faire partager l'ambiance d'agitation et de peurs dans laquelle écrit Shakespeare. Ce travail historique permet une approche plus précise des pièces qui ont été écrites pendant cette année. La plus grande période de Shakespeare commence.



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Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
La musique originale de "It Was a Lover and his Lass" a survécu, arrangée pour la voix, le luth et la viole de gambe, et publiée dans le livre de Thomas Morley "The First Book of Ayres", peu après sa première apparition sur scène. * Morley était l'un des plus illustres musiciens et compositeurs de l'époque, et pendant un moment il était aussi voisin de Shakespeare à Bishopsgate Ward. La meilleure explication de pourquoi cette même chanson apparait dans les deux publications respectives de Morley et de Shakespeare reste que Shakespeare a songé à prendre Morley comme collaborateur. Les paroles dans une pièce musicale ne comptent pas vraiment, si elles ne sont pas accompagnées des mélodies de premier choix. Il semblerait que les deux artistes ont travaillé ensemble sur la chanson, Shakespeare fournissant les paroles et Morley la musique, en gardant cependant la liberté de publier indépendamment le fruit de leur entreprise commune.
Si c'est le cas, l'audience du Globe a pu profiter de l'association inspirée d'un des plus grands paroliers d'Angleterre et d'un de ses meilleurs compositeurs. Si quelques vers perdus de Shakespeare restent encore à découvrir, il est probable que ce sera dans des oeuvres anonymes, contenues dans des recueils similaires au "Book of Ayres" de Morley.

* Dans "Comme il vous plaira"
(Trad. de l.)
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Depuis leur formation en 1594, il est probable que The Chamberlain's Men ont déjà collaboré à une bonne centaine de pièces, dont presque un cinquième était de Shakespeare. Quand Shakespeare s'asseyait pour écrire une pièce, c'était toujours en pensant au potentiel de sa troupe. "Hamlet" ne serait pas le même si Shakespeare n'avait pas écrit le rôle principal pour Richard Burbage. Les rôles comiques étaient écrits en vue des pitreries improvisées de Will Kemp. Augustine Philips et George Bryan se produisaient déjà en tant que professionnels depuis plus d'une décennie, Thomas Pope, qui excellait dans les rôles comiques, encore davantage. Henry Condell, Will Sly, John Duke, John Holland et Christopher Beeston étaient tous des vétérans du théâtre, et ont beaucoup contribué à la renommée de toute l'équipe. Le degré de confiance et de compréhension mutuelle (encore plus important pour une compagnie sans un véritable directeur) était extraordinaire. Pour un dramaturge - sans parler de son activité d'acteur que Shakespeare était également - la séparation d'un tel groupe serait une incalculable perte.

(trad. de l.)
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Shakespeare est donc né dans une Angleterre suspendue entre deux mondes. Certes, les Elisabéthains n'eurent pas à subir les sanglantes guerres religieuses qui déchirèrent une bonne partie du continent, mais les Réformes anglaises provoquèrent, entre autres choses, le dépouillement des autels, [la suppression] des peintures, cérémonies, ornements, rituels sacramentels, fêtes très aimées. En théorie du moins, cela avait un sens, puisque les réformateurs cherchaient à purifier une Eglise qu'ils jugeaient encombrée d'idolâtrie ; mais en pratique cela créait une déchirure dans le tissu de la vie quotidienne. Les rythmes saisonniers traditionnels étaient rompus, l'équilibre séculaire entre jours ouvrés et jours chômés, détruit. Les efforts des réformateurs pour se débarrasser des rituels distrayants du culte catholique créèrent une espèce de privation sensorielle, car le zèle réformateur avait négligé l'amour du peuple pour les spectacles et les sons des anciennes célébrations communautaires. Il apparut bientôt aux autorités Tudor que la Réforme avait créé un vide dangereux. Le Livre des Homélies, ouvrage officiel d'orientation protestante, mentionne cela dans l'homélie "Sur l'endroit et le moment de la prière" : on y lit un dialogue imaginaire entre deux dévotes perturbées par les récents changements. "Hélas, ma chère, dit l'une à l'autre, que ferons-nous maintenant à l'église, puisque tous les saints sont enlevés, puisqu'on n'y voit plus les beaux spectacles d'antan, puisque nous ne pouvons plus entendre comme avant les flûtes, les chants, les psalmodies et le son des orgues ? "

Dans un tel contexte, de nouvelles formes culturelles (surtout celles qui offraient de "beaux spectacles") prospérèrent, surtout le théâtre public. Rétrospectivement, il paraît assez naturel que la scène satisfasse un besoin rempli auparavant par le rituel catholique, puisque le théâtre anglais émergea des pièces liturgiques des XII° et XIII°s, et pendant les trois siècles suivants occupés par des Mystères, des Miracles et des Moralités, il continua d'être imprégné profondément de rituel et de thèmes religieux. Dans la mesure où la scène élisabéthaine canalisa nombre d'énergies qui relevaient jusque-là de l'Eglise, on comprend pourquoi les réformateurs, après s'être servis du théâtre pour diffuser leurs idées, finirent par se retourner contre lui.
p. 171-172. .
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Richard Hakluyt est surtout connu comme auteur des trois volumes de "Navigations principales, voyages, échanges et découvertes de la nation anglaise", épopée d'un million et demi de mots sur les voyages anglais d'exploration, parue en folios successifs en 1598, 1599 et 1600. (...)

Sa préface au tome de 1599 nous paraît inoffensive, mais à l'époque c'était une innovation : Hakluyt décrit les marchands de Londres comme les véritables "aventuriers" d'Angleterre, et critique la noblesse, qui "gaspille son temps et son patrimoine." Il espère que les chevaliers aventureux d'Angleterre "feront bien mieux", quand ils "seront moins employés qu'aujourd'hui" aux guerres d'Irlande et des Pays-Bas. C'est un renversement de rôles fondamental : l'aventure véritable consiste maintenant à faire la gloire de la nation par le commerce et l'empire, et non plus par une culture de l'honneur. Ecrivant juste après le malheureux retour d'Essex, Hakluyt voyait bien dans quelle direction les vents de l'époque soufflaient. Dans son premier volume de 1598, il vantait les exploits d'Essex lors de la campagne de Cadix en 1596, et le livre culminait en un récit enlevé de cette entreprise, ajoutant même une liste des chevaliers adoubés sur place. Quand une seconde édition du livre fut publiée en 1599, Hakluyt supprima le chapitre de Cadix et effaça de la page de titre toute allusion aux actions héroïques (et peu profitables) d'Essex.
pp. 306-307
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Si l'on met de côté les questions morales, le vrai problème posé par l'assassinat politique pour les Elisabéthains (et la pièce de Shakespeare [Jules César] le dit en toute clarté), est qu'il lâche la bride à des forces imprévisibles et incontrôlables. L'assassinat était associé au chaos, aux effusions de sang et à la guerre civile probable, car il conduisait invariablement à cela. Malgré la noblesse des raisons de Brutus, la justification morale et politique de ses actes, les spectateurs du temps de Shakespeare ne pouvaient s'empêcher de juger qu'il n'avait pas pensé à tout. Les critiques reprochent à "Jules César" d'être une pièce à l'échine brisée, ils sont déçus par les deux actes finaux, ils estiment que l'assassinat intervient trop tôt [acte III] dans la pièce : ils ne comprennent pas que les deux parties de l'oeuvre, celle qui mène à l'assassinat, et la sanglante guerre civile qui le suit, vont de pair. Si Shakespeare présente des arguments puissants en faveur du tyrannicide dans les deux premiers actes de la pièce, il montre dans les deux derniers les sauvages massacres et l'effondrement de l'état qui s'ensuivent : il avait fourni de nombreux exemples dans ses chroniques de l'histoire médiévale anglaise. Les événements contemporains de France*, représentés sur scène par les Admiral's Men l'été et l'hiver précédents au théâtre de la Rose en un drame en quatre actes sur les guerres civiles françaises, ne faisaient que confirmer cela.
p. 163
* assassinat d'Henri III en 1589, en pleine guerre contre les catholiques, et poursuite du conflit par Henri IV jusqu'en 1598.
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