Julien Letrouvé colporteur

Août 1792, à l'aube de Valmy. Julien Letrouvé, enfant abandonné comme son nom le marque bien, rejoint une librairie. Il est colporteur, dans une boîte à l'intérieur tapissé, comme un coffret précieux, qu'il transporte sur les routes, il vend des livres, des petits livres à la couverture bleue, bleu comme le ciel, son étendue, son horizon. Il marche, nul ne sait d'où il vient, lui ne sait où il va. Il arpente les chemins, les caillouteux comme les encrés. Et pourtant, Julien Letrouvé est analphabète. Il le tait, secret honteux.

La littérature, il l'aime depuis son enfance. Depuis qu'il a été accepté, lui, le garçon, dans ce petit monde de femmes, des fileuses, au fond de l'écreigne, au fond de la terre, d'où il s'extrait chaque matin, comme autant de naissance et de renaissance. Là, une paysanne plus savante que les autres, lisait. Et lui était blotti contre la chaleur de son sein, bercé par les mots. de ce paradis perdu à la puberté, Julien Letrouvé a choisi de devenir colporteur. Vendre des livres, transporté un peu de liberté, apporté un peu de culture dans sa lourde boîte suspendue par une lanière à son cou.

Indifférent à la guerre, l'innocent Julien Letrouvé sillonne la campagne. Il croise sans le connaître l'astronome Laplace. Un siècle plus tard, il aurait pu croiser Rimbaud. Et tombe un soir sur Voss, un soldat prussien déserteur. Voss a passé son enfance en Prusse, son père était chargé d'allumer et d'éteindre les bougies. Il servait Frédéric le Grand, et petit, Voss a connu Voltaire et sa grande silhouette maigre. de l'homme des Lumières, il a reçu un petit encrier en argent, dont il ne s'est jamais servi et dont l'encre noire a séché. Instruit, le soldat sait lire, mieux, il parle français. Dès sa rencontre avec Julien Letrouvé, un lien se noue entre ces deux hommes seuls. Ils se reconnaissent comme étant semblable. Au soldat, Julien avoue son illettrisme. Alors le soir même, c'est Voss qui lui fait la lecture. Qu'a fui Voss, pourquoi avoir déserté après tant d'années au sein de l'armée ? le froid, la dysenterie qui sévit dans les rangs de l'armée de Prusse ? Ce n'est pas sa première campagne militaire, ce n'est pas la première fois qu'il fait face à la maladie, aux vols, aux pillages et à la mort.

Julien Letrouvé colporteur, c'est un hommage poétique et magnifique rendu à la littérature. Une littérature salvatrice qui permet de traverser la violence des hommes, les heures sombres et la solitude. Un phare dans la nuit obscure. Un dialogue entre les Lumières et leurs ombres.
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Comme d'autres grands auteurs des éditions Verdier, Pierre Silvain nous charme par la douceur du regard qu'il porte sur les paysages, et les hommes et les femmes qui les traversent. Dans ce court roman, on est saisi par la profusion des sensations qui plonge très vite le lecteur dans l'univers du récit, pourtant peu familier. On est en août 1792, dans les environs de Valmy, où des combats vont bientôt souiller une campagne paisible, belle et innocente.
C'est en suivant les errances d'un jeune colporteur de livres de la Bibliothèque bleue, au gré de ses rencontres, de ses souvenirs et de ses rêves que Pierre Silvain donne corps à la réalité d'un monde sans morale. Un monde beau, sublime, où les gestes d'amour et de tendresse, où les sourires et les complicités, précèdent les violences, les brutalités et les humiliations.