Le Trésor du Zen

Malgré un titre qui pue la mort et qui vous rappellera les têtes de gondoles de l’espace culturel Leclerc, ce livre n’est pas une daube se raccrochant aux mouvements du développement personnel. Si vous désirez apprendre quelque chose de la philosophie Zen, Taisen Deshimaru semble pas trop mal placé. Né au début du siècle dernier, il est le premier patriarche zen d’Occident. Héritier des maîtres de la transmission, il apporta le zazen en Europe. C’est donc le médiateur désigné pour faire le pont entre la tradition Zen et la culture occidentale, avec tous les risques que cela comporte.

Taisen Deshimaru sélectionne ici quelques textes fondamentaux écrits par Dogen. Dogen naît en 1200 au Japon. Il arrive en Chine en 1223 avec la volonté de remonter aux sources du bouddhisme zen. Son initiateur se rencontrera sur un bateau en la personne d’un vieux moine japonais qui lui fait comprendre l’importance de tous les actes de la vie quotidienne. En 1227, Dogen retourne en Chine et s’installe dans un temple à Kennin-ji où il écrit son premier recueil, le Fukanza-zengi, contenant les règles universelles pour la pratique du zazen. Le zazen, c’est quoi ça encore ? On connaît le vin vegane, on connaît les fleurs de Bach et on connaît la spiruline, on connaît le lâcher-prise et l’acceptation joyeuse des merdes quotidiennes de l’existence, mais qu’est-ce que c’est encore que le zazen, un nouveau truc à la mode ? Sans doute pas et sans doute jamais car ça n’a rien de très bandant et c’est même un peu chiant à première vue. Zazen, c’est seulement s’asseoir dans une posture exacte, sans chercher quoi que ce soit, en laissant passer les pensées sans les aimer, sans les détester, sans vouloir les entretenir et sans chercher pour autant à les abolir.

Après quelques années, en 1236, Dogen construisit le premier monastère zen véritablement indépendant du Japon. Qu’est-ce que ça veut dire un monastère zen vraiment indépendant ? On ne le saura jamais. On peut s’en faire une idée. Ici, Dogen rédige les premiers chapitres de son œuvre fondamentale, le Shobogenzo, contenant l’essence de sa vision philosophique et religieuse. Il eut de nombreux disciples entre 1233 et 1243 avant de crever. Zazen ne rend pas immortel, et le vin vegane provoque des cirrhoses comme tout autre vin. Ejo sera son successeur, on lui souhaite tout le meilleur pour la suite. Ce qu’on peut retenir de Dogen, c’est qu’il apporta un nouveau souffle à un bouddhisme qui commençait à devenir sclérosé. Comme tous les types qui plantent des piquets dans les terres usées des habitudes, on lui voua d’abord animosité puis hostilité.

Sans doute y a-t-il des subtilités de traduction et de compréhension que seul un héritier de la tradition Zen peut comprendre. Deshimaru, parce qu’il est né dans une tradition qui privilégie l’état d’esprit du Zen et parce qu’il n’est pas encore trop contaminé par l’esprit de notre culturel occidentale (tout du moins on l’espère), semble être un intermédiaire de qualité pour la diffusion de cet enseignement aussi austère qu’il est sans fariboles. A l’heure des effusions hystériques, c’est un soulagement du cœur et de l’esprit.