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EAN : 9782923398020
60 pages
Le Lézard amoureux (21/01/2006)
3.64/5   11 notes
Résumé :
En littérature, les choses ne sont pas racontées parce qu'elles se produisent ; elles se produisent parce qu'elles sont racontées.
Gaétan Soucy adhère à cette foi en la fiction. Ecrivain le plus brillant de sa génération, indiscutablement l'un des flambeaux de la littérature contemporaine en langue française, il n'a cessé d'insister sur la nature thaumaturgique de la narration. La littérature crée un modèle du monde afin que nous ayons la possibilité d'explor... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
L'Angoisse du Héron de Gaétan Soucy se décompose en trois parties : la description des tribulations de l'Acteur et du Cabotin, la mort de l'ami du narrateur, et la découverte par le narrateur du texte initial faisant mention de l'Acteur, écrit de la main de l'ami décédé. A cela s'ajoute l'analyse d'Alberto Manguel.
Le récit commence de manière surprenante. le narrateur présente une personne, l'Acteur (qui n'est pas un simple acteur mais mérite sa majuscule, nous le comprenons plus tard) comme si nous savions déjà tout à son sujet, avant de nous informer de manière inattendue et percutante qu'il est un meurtrier et un fou, enfermé à jamais dans un asile. L'ironie et l'humour truculent de Soucy esquissent un paysage et une ambiance détonants. Mais l'affaire ne s'arrête pas ainsi. Cet Acteur, à la posture avachie et immobile, dans « une chute figé dans son amorce », se transforme soudain en Héron, raide et tout aussi immobile sur une jambe, tenant cette position comme si sa vie en dépendait. Et elle semble en dépendre, comme la vie du Cabotin dépend de ses allers et venues de la chaise au mur et du mur à la chaise. On l'aura compris, le dépaysement est assuré dans la description de cette scène d'asile, mais nous conduit néanmoins à de nombreuses interrogations sur nous-mêmes et sur le monde.
Le récit ne s'arrête pourtant pas là. Bond en avant de treize ans. L'ami du narrateur vient de mourir, par suicide, pendaison. Passons le fait que ce soit une mode bien étrange actuellement que de vouloir se pendre. Cet ami, Coco, est donc décrit comme un looser total, qui n'a même pas réussi à épargner le spectacle de son corps pendu à ses amis, malgré toutes ses bonnes intentions. On sent ici la volonté de donner un sens à l'inexplicable, de refaire le chemin et de voir ce qu'on aurait pu faire pour éviter ça, pour secourir son ami. de nombreux textes ont la même démarche, mais celui-ci comme les autres montre la fatalité, l'impossibilité de changer les choses.
La troisième et dernière partie du texte de Gaétan Soucy nous apprend l'origine du premier texte, celui de l'Acteur. le narrateur passe, de manière quelque peu perturbante pour le lecteur, de la description d'une fillette sans main à qui il a étourdiment offert un cahier à dessin, à la réponse faite à une jeune femme, fille inconnue de Coco, qui souhaitait en apprendre plus sur son père. Deuil, coïncidence, rapports humains, connaissance de l'autre, ce qui est évoqué ici dépasse le simple récit fait d'un ami à un autre. L'enfer est pavé de bonnes intentions, et la vie est loin d'être aussi rose qu'on le souhaiterait naïvement, voilà ce que Gaétan Soucy tient à nous rappeler.
Les dernières pages de cet ouvrages sont laissées à Alberto Manguel, qui a intégré ce texte dans son « Cabinet de lecture », collection des éditions l'Escampette. Il y décrypte, à sa façon, le récit de l'auteur Québécois et fait une habile transition entre l'angoisse du Héron et celle de l'auteur et du lecteur. Magnifique analyse que je ne reprendrait pas mais vous invite à lire, dans laquelle il met en abîme le récit. « En littérature, les choses ne sont pas racontées parce qu'elles se produisent ; elles se produisent parce qu'elles sont racontées. » p. 61. Cette notion, on peut la retrouver dans des romans tels que Aerkaos de Jean-Michel Payet, ou Coeur d'Encre de Cornelia Funke, romans que je vous invite chaleureusement à lire si cette idée vous intéresse.
Ce texte, très court (il ne fait que 65 pages en incluant l'intervention de Manguel), est donc extrêmement dense et riche d'enseignements, de messages et de réflexions. Chaque partie pourrait tenir en plusieurs centaines de pages sans démériter, mais ils en ont fait un petit ouvrage percutant et donnant matière à réfléchir, même longtemps après avoir refermé le livre. La plume des deux écrivains est fluide et se laisse lire de manière envoûtante. Cela me rappelle le recueil de contes philosophiques de Jorge Buçay intitulé Je suis né aujourd'hui au levé du jour, que j'ai beaucoup apprécié. L'Angoisse du Héron a donc été une excellente découverte, et j'espère qu'il vous plaira autant qu'à moi.
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La lecture de l'angoisse du héron de Gaétan SOUCY édité par L'escampette éditions est un délice. En premier, vous tenez ce minuscule livre dans la main, puis vous apercevez qu'il fait partie d'une collection qui se nomme " le cabinet de lecture ", vous savez tout de suite que vous entrez dans le domaine de l'intime. Lorsque vous constatez que non seulement la collection est dirigée par Alberto MANGUEL, mais que le texte de Gaétan SOUCY que vous vous apprêtez à savourer et suivi de " L'angoisse du lecteur " de Monsieur MANGUEL lui-même, vous qui connaissez, entre autre son " Histoire de la lecture " vous avez par avance la conviction de pénétrer dans un moment rare. Dans son récit, Gaétan SOUCY, vous entraîne dans une succession de tiroirs dans lesquels " Je " n'est pas toujours la même personne: est-ce le narrateur, est-ce lui, l'auteur? Peut-être, est-ce vous, le lecteur? Au début, vous entrez dans la description détaillée de deux personnages dans la salle commune, réservée aux fous meurtriers d'un asile d'aliénés, " des piqués de la tête ". L'un , " le héron ", il est l'Acteur, car malgré sa casi-immobilité, c'est lui qui occupe la plus grande place, il est le héron parce qu'il se tient debout sur un pied, son angoisse réside dans le fait " de devoir se maintenir dans une posture impossible ". L'autre, le " Cabotin "est continuellement dans l'action, il est " occupé à se rendre jusqu'au mur d'en face " . Gaétan SOUCY donne une symbolique à ces deux personnages. L'un est l'acteur sauvant le monde, l'autre l'entrepreneur qui le transforme. Dans un style vigoureux agrémenté d'expressions délicieuses, il déroule un texte empreint de gravité, la dernière rencontre avec un ami qui s'est donné la mort, la découverte d'un manuscrit, la rencontre avec la petite fille, vous mène vers une furtive révélation qui finit par dévoiler l'identité du narrateur initial. L'angoisse du héron se confirme être un délice, mais avec une intensité, et une profondeur, rarement égalée pour une oeuvre aussi courte. L'angoisse du lecteur de Alberto MANGUEL ajoute un éclairage savant à la fiction de Gaétan SOUCY pour faire de ce petit livre, le régal de lecture que vous attendiez.
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Merci à Babelio et aux Editions L'Escampette pour l'envoi de ce très petit roman dans le cadre de la Masse Critique de février. Ces opérations Masse Critique permettent de découvrir des auteurs, des styles, des textes... parfois c'est un grand coup de coeur, parfois un peu moins... il reste cependant toujours le plaisir de la découverte. Avec l'Angoisse du Héron de Gaetan Soucy j'ai été confronté à tous ces sentiments !
Ce très court texte (environ 50 pages en format poche et police de 14 minimum, le tout pour 12€... faut bien que les auteurs vivent ! mais parfois il y a un peu d'abus !) est construit en trois parties. La première m'a littéralement scotché, captivé. Au fil des pages grâce à une écriture magnifique, je me suis retrouvé comme le narrateur, dans cet hôpital psychiatrique, totalement fasciné par ces deux personnages : l'Acteur et le Cabotin. Malheureusement cette tension retombe brutalement à la lecture des deux autres parties qui deviennent soudainement plus banales. On ne comprend plus ce que l'auteur souhaite nous raconter... au point que l'éditeur a trouver le besoin d'insérer une postface donnant quelques clés de lecture et d'analyse du texte.
Si cette postface éclaire effectivement le texte, elle vient à posteriori confirmer ma déception et mes interrogations sur le texte qui retombe comme un soufflé.
Mais il y a ces 15 premières pages, et uniquement pour celles-ci la découverte de Gaetan Soucy valait le coup.
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Un défi… ce petit livre de 65 pages.
Au commencement, j'ai découvert une sorte de fable de la Fontaine mettant en scène un Héron et un Cabotin se défiant dans une chorégraphie dont j'ai beaucoup apprécié la description. Je croyais que l'histoire était lancée et que j'allais poursuivre avec ce livre les aventures sédentaires de ces deux olibrius dans leur asile de fous, décrites par le narrateur, en visite dans cet asile. Cela me plaisait bien.
"Et son pied de se soulever davantage, lentement, tremblotant, jusqu'à ce que la cheville atteigne à la hauteur du genou gauche. Alors, avec une extraordinaire dignité, il redressa les épaules, le buste, le front. Il était droit comme un cierge. Ses bras longeaient ses flancs avec une irréprochable rigidité de garde-à-vous. L'Acteur était devenu le Héron." (p.20) J'étais fascinée par ce Héron, et son duel avec le Cabotin.

Mais que nenni.
En passant au chapitre suivant, le récit nous transporte 13 ans plus tôt, quand le narrateur, Gaétan, se prépare pour l'enterrement de son ami Coco, un « raté » total, qui n'a jamais rien réussi dans sa vie comme nous l'apprend Gaétan (de façon surprenante et peu gratifiante, ai-je trouvé, pour parler d'un ami et qui plus est d'un ami mort). La phrase-clé vint plus tard : "Coco avait passé sa vie occupé à se rendre jusqu'au mur." (p.43)
D'ailleurs, les quelques amis de Coco ou sa famille ne veulent pas se partager ses quelques dessins ou peintures affreuses.
Dans ce chapitre, deux bizarreries dans le récit m'ont frappée. L'une porte sur cette phrase, très énigmatique : "Nous faisons ensemble la queue à une quincaillerie ; je lui demande ce qu'il dissimule sous son veston ; et il porte une cravate bleue." (p.30) je me suis crue plongée dans quelque oeuvre surréaliste… on dirait du Dali.
L'autre concerne « son navrant dégât » que Coco a nettoyé chez Gaétan : j'ai eu beau relire le texte, pas trouvé d'explication à ce dégât… mystère.

Ensuite, brusquement, je n'ai plus rien compris au récit.

Voici que dans le carnet à dessins de Coco, Gaétan découvre le texte sur le Héron, soit ce que nous avons lu en premier chapitre ( !). Puis il y a l'histoire du voyage en bus et de la petite fille sans bras… Et soudain on découvre que le narrateur s'adresse à une Mademoiselle qui est la fille de feu Coco.
Personnellement, pardonnez-moi l'expression triviale, mais bien que le récit ne s'étale que sur 60 pages, j'étais complètement larguée dans l'histoire. J'ai dû relire deux fois le livre pour y voir plus clair, et mieux apprécier l'enchaînement. Et encore, cela reste brumeux… Ah, quelle entourloupe nous a fait l'auteur autour de son "Je faussement narratif" (p.64).

D'où la parfaite transition avec la postface d'Alberto Manguel, dont je réalise à présent la justesse du titre : « L'angoisse du lecteur » !

Y-a-t-il une morale dans la fable L'angoisse du Héron ?
La toute fin du récit ne se prête pas à l'optimisme… : « On n'a pas toujours ce qu'on souhaite. » (…) Car, l'enfer doit ressembler à ceci, Mademoiselle, qu'au début, tous nos désirs semblent soudain se réaliser. le Diable peut vaquer tranquillement à autre chose. Il n'a qu'à les laisser suivre leur cours. » (p.57 : dernière phrase du récit)

Merci à masse critique de Babelio et aux Editions Escampette pour cette périlleuse lecture !.
Lien : http://coquelicoquillages.bl..
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Au commencement est l'Asile, théâtre où évolue l'Acteur et le Cabotin. le narrateur observe ces deux étranges olibrius : l'un, prenant le rôle du Héron, choisit de ne pas perturber le monde mais de l'observer, en retrait, figé dans une « promesse jamais tenue de chute vers l'avant », le regard affolé de mots silencieux; l'autre, au contraire, dérange le monde de sa gesticulation incontrôlée, le provoque, arpente en « conquérant avide », déterminé, la scène à laquelle il est voué. de leur opposition naît un spectacle-fable où on lit en écho deux postures de l'homme face au monde, l'un emmuré dans sa tour d'ivoire et de folie, l'autre, acteur, actant, tout de fracas agité.

Soudain le texte glisse, vers un autre jeu, un autre je : et le narrateur que l'on suivait, confiant, se métamorphose, emprunte une autre voix pour chanter l'ami perdu, l'artiste inachevé, le premier narrateur, retiré du théâtre du monde. Cet hommage se teinte volontiers d'ironie et est sans cesse remis en question par le narrateur lui-même dans ses notes ; il se métamorphosera une dernière fois en lettre, en adresse à une potentielle lectrice, avant de chuter, affolé, en final inattendu.

La suite par ici : http://www.delitteris.com/notules/langoisse-du-heron/
Lien : http://www.delitteris.com/no..
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Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
« L'Acteur se tenait debout dans son coin, le même toujours, invariable. Si on peut appeler debout cette posture qui était le commencement d'une chute, une chute figée dans son amorce, une promesse jamais tenue de chute vers l'avant. La tête était penchée, les épaules ployaient sous un fardeau invisible mais très certainement réel, les genoux avaient fléchi, fléchi, puis s'étaient arrêtés en plein fléchissement. Ses mains longues, dénervées, des mains de vieille dame pianiste qui se vide de son sang, tendaient vers le sol, le bout des doigts tremblant d'un tremblement imperceptible de brin d'herbe. Comme si elles avaient voulu toucher le sol, mais s'étaient, elles aussi, arrêtées en chemin. […] Vous lui auriez donné trente ans. Le médecin me confirma qu'il en avait quarante-sept et qu'il était en institut depuis vingt-huit ans. Il était là dans cette salle a répéter le même spectacle depuis vingt-huit ans. On ne l'appelait pas l'Acteur pour rien. »
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Et son pied de se soulever davantage, lentement, tremblotant, jusqu’à ce que la cheville atteigne à la hauteur du genou gauche. Alors, avec une extraordinaire dignité, il redressa les épaules, le buste, le front. Il était droit comme un cierge. Ses bras longeaient ses flancs avec une irréprochable rigidité de garde-à-vous. L’Acteur était devenu le Héron.
(...)
Le Héron commençait à vaciller sur sa patte. A mesure que l’ankylose gagnait le mollet, que les muscles manquaient de je ne sais quoi, que le sang congestionnait, les traits de ce dernier exprimaient une angoisse qui n’a pas de nom et qui est la catatonie même : l’angoisse corrosive, absolue, de devoir se maintenir dans une posture impossible, sous peine de provoquer un cataclysme qui fera voler le monde en éclats.
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On l’avait cataloguer catatonique avec brusques et imprévisibles explosions de fureur. Ce qui avait valu à sa photographie l’honneur des journaux. Les membres de sa famille, au sens anatomique, ceux de ses trois petits frères, de ses deux sœurs et de sa mère, cela prit des semaines pour les retrouver un à un, éparpillés dans le jardin jouxtant la maison familiale quelque part près de Saint-Aldor. Il n’était pas ce qu’on appelle un individu fréquentable.
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Il n’y a pas déniaisage plus violent que le deuil. Chacun nous perce à bout portant des trous dans l’âme. Qui sait si nous ne finissons pas par mourir de nos morts ? Vidés de notre sang, vidés de notre substance par ces trous que nos morts crèvent en nous, comme des balles de revolver ?
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Car, l'enfer doit certainement ressembler à ceci, Mademoiselle, qu'au début, tous nos désirs semblent soudain se réaliser. Le Diable peut vaquer tranquillement à autre chose. Il n'a qu'à laisser suivre leur cours.
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Videos de Gaétan Soucy (3) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Gaétan Soucy
Présentation de Gaétan Soucy, écrivain canadien, par Claude Rouquet (L'Escampette éditions) à l'occasion du festival littéraire Passeurs de monde(s). Vidéo réalisée par les yeux d'IZO. © Centre du livre et de la lecture en Poitou-Charentes - 2009
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