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Patrick Straumann (Autre)Mathieu Dosse (Traducteur)
EAN : 9782367322025
94 pages
Editions Chandeigne (05/11/2020)
3/5   1 notes
Résumé :
En décembre 1904, Euclides da Cunha (1866-1909), auteur majeur de la littérature brésilienne, entame une mission de reconnaissance du bassin ouest de l'Amazonie. L'expédition qui le mène jusqu'à la région frontalière avec le Pérou le poussera au bord de la folie, mais elle lui permettra aussi de se familiariser avec la dernière part obscure du Brésil.
Sa découverte de la nature équatoriale et sa vision du drame qui s'y joue - l'esclavage des ouvriers du caout... >Voir plus
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C'est un texte court mais puissant que nous offrent les éditions Chandeigne en traduisant, plus de 100 ans après le voyage d'Euclides da Cunha dans la forêt Amazonienne, les récits qu'il a en tirés.

Euclides da Cunha est passé à la postérité comme l'auteur d'Os Sertões (Hautes Terres), immense et universel récit de la guerre de Canudos qui ensanglanta le Nordeste brésilien – et qui inspira Mario Vargas LLosa pour sa magistrale Guerre de la fin du monde. Quelques années après la publication de son chef-d'oeuvre, le journaliste et romancier partit pour l'Amazonie, qui restait à l'époque un lieu mystérieux même pour un Brésilien. Pour rejoindre la capitale de l'Etat du Pará depuis Rio de Janeiro, Euclides da Cunha mit 17 jours ! C'est encore plus loin, plus à l'ouest, dans la profondeur de la jungle qu'Euclides da Cunha se rendit, au niveau de la frontière disputée avec le Pérou dans les terres de l'Alto Purus.

S'il avait pour projet de rédiger une vaste fresque à l'image de son roman nordestin, il mourut avant, tué lors d'échanges de coups de feu avec l'amant de sa femme, comme rattrapé par la violence qu'il n'eut cessé de raconter. Il eut cependant le temps de rassembler dans le recueil À margem da história quelques textes issus de son voyage amazonien. En sont tirées trois histoires – traduites pour la première fois en français – qui constituent L'invention de l'Amazonie.

Le premier texte est intitulé Impressions générales et conte le saisissement de l'auteur à découvrir l'Amazonie mais aussi sa difficulté à appréhender ses paysages, leur immensité, leur impermanence, leur répétition. Il s'appuie sur les grands naturalistes et géographes l'ayant précédé, comme pour mieux s'en détacher, descendant de leur vision scientifique et idéale, pour un portrait plus proche, plus ambivalent aussi, tant Euclides da Cunha semble effrayé par l'inhumanité de ce territoire. Euclides da Cunha le dit avec sa prose saisissante: “l'homme est encore en ces lieux un intrus impertinent”. le second récit sans doute le plus marquant le confirme. Il narre la fièvre du caoutchouc qui enflamma la forêt amazonienne du Brésil au Pérou. Avec une précision journalistique et le génie romanesque qu'on lui connait, il nous met sous les yeux, nous donne à sentir et à entendre ce crime de la modernité ; quand, pour nourrir de latex les usines d'Europe et des Etats-Unis, des milliers de seringueiros saignèrent la forêt tropicale, creusant les troncs des hévéas pour en récupérer le précieux caoutchouc. Quand ces migrants en quête de fortune, égarés du Pérou, de la Bolivie ou du Brésil se retrouvèrent asservis dans ces terres hostiles, grevés de dettes, aux proies aux maladies et à la barbarie. Esclaves d'un genre nouveau – liés par un contrat, attachés par la dette, soumis à la violence impunie de leurs patrons, ils se révélèrent eux mêmes les bourreaux des Amérindiens. Un récit glaçant, où la mélancolie d'un Tristes Tropiques cède le pas à l'horreur et au désespoir du spectateur impuissant de la sauvagerie du soit-disant monde civilisé. le troisième et dernier texte qui clôt le petit ouvrage évoque un rituel catholique célébré à Pâques. Les seringueiros construisent un mannequin en forme Juda, façonnent son visage avec art et patience, le vêtissent comme un des leurs, pour l'empaler sur une embarcation, le jeter à la furie de l'Amazone, puis le vouer aux railleries, aux insultes, aux jets de pierres et aux coups de fusil, comme une tentative grotesque de rédemption dans ce Paradis Perdu transformé par la folie des hommes en Enfer sur Terre.
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•LE LONG DU FLEUVE•

Vous êtes en train de suer tant vous visualisez la chaleur amazonienne ? Rassurez-vous Euclides da Cunha vous rafraîchira. Auteur important de la littérature brésilienne il entreprend de découvrir l'Amazonie si peu étudiée par ses prédécesseurs. Écrit en 1909, il découvre la « genèse du monde » chargé d'une mission d'exploration il sera poussé au bord de la folie après ce voyage. Il décèdera après un échange de coups de feu avec l'amant de sa femme.

Trois récits d'une pureté littéraire incandescente et merveilleusement bien traduits par Mathieu Dosse où l'on apprend à côtoyer cet immense fleuve inquiétant et poétique. Entre les scientifiques et les poètes il n'y a plus qu'un pas. Les premiers ne peuvent aller au bout de leurs travaux alors que les seconds s'extasient devant la création possible que le fleuve pouvait inspirer. le fleuve si abstrait soit-il peut orienter les contours d'un pays tout en esquissant la faune et la flore qui en dépendent.

L'Amazone est tout autre en détruisant tout ce qu'il y a autour d'elle où les torrents de boue s'amoncellent. A travers différents auteurs ayant étudié le fleuve, Euclides Da Cunha arrive avec une force de persuasion évidente, à nous intéresser au moindre isthme. le brésilien alors qu'il est sur ses propres terres se trouve démuni et désemparé lorsqu'il est face à cette immensité fluviale. Les réflexions sur la capacité d'une terre à vivre sans les Hommes en devient bouleversante. Au coeur des rhizomes, des javaris et des mangroves, se trouve la fraîcheur de la nature, celle qui jaillit pour un retour aux sources.

J'avais ainsi l'impression d'être dans l'oreille cassée de Hergé, bercé d'illusions tout en découvrant l'esclavage des ouvriers de caoutchouc ou la destruction exponentielle des Indiens. À travers de nombreux travaux, Euclides da Cunha récoltera ainsi de nombreuses pistes quant aux difficultés amazoniennes.

À noter que le travail éditorial et graphique de l'ouvrage est remarquable avec des couleurs et des photographies dont on ne se lasse pas. Préface éclairante de Patrick Straumann sur l'histoire de l'auteur.
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