Quelle était la première invasion, le roman ne le dit pas, c'est sans doute une référence à
H.G. Wells et à la guerre des monde. Mais la référence s'arrête là.
La science-fiction des frères
Strougatski est loin du Space opera. Ces martiens, on ne sait même pas s'ils existent, c'est de l'ordre du simple ragot, d'une rumeur qui se propage au bistrot. On est dans une petite ville de province, les personnages portent des noms grecs, on est à 42 km de Marathon, mais ces noms grecs ne servent qu'à rendre un peu plus universel le propos. le sujet n'est pas une histoire de lutte contre les martiens, ces martiens ne sont qu'une sorte d'allégorie, celle d'un pouvoir qui prend des décisions absurdes, ou pas… C'est loufoque, dans ces moments où l'inquiétude, la terreur ou l'angoisse devraient prendre le dessus, notre héros s'inquiète de savoir s'il continuera à toucher sa retraite, et n'oublie jamais sa collection de timbres.
Les auteurs ne s'intéressent qu'aux comportements, vis à vis d'un pouvoir inique, de décrets arbitraires, ils décrivent les processus de soumission, d'aveuglement volontaire, de lâcheté, mais avec un humour détaché, absurde. Les noms grecs pourraient suggérer un ton dramatique, de tragédie, mais au contraire, ils soulignent la médiocrité des personnages de cette histoire, notre Apollon n'a rien d'un Apollon.
Évidemment, ce roman écrit sous le régime soviétique est bien plus sournois qu'il voudrait nous le faire croire, comment ne pas y voir une critique du régime d'alors (l'arrivée de
Leonid Brejnev au pouvoir en 1964 ?). le sujet principal, c'est la désinformation et la politique incohérente auxquels sont soumis les citoyens soviétiques, et c'est aussi un constat désabusé sur la nature humaine.
Arcadi et
Boris Strougatski utilisent la science-fiction comme prétexte pour des romans sur la société soviétique et sur l'humanité en général, c'est aussi valable pour “Stalker” ou pour “
Il est difficile d'être un dieu”. Les amateurs de space opera ne s'y retrouveront sans doute pas, mais personnellement, j'adore cet état d'esprit, ce ton détaché, cette utilisation de l'absurde pour aborder des sujets graves, cette lecture m'a amusée, pour ses différentes saynètes, mais aussi et surtout pour son ironie acide et désabusée.