Avec ce avant-dernier tome de sa fresque fantastique, Takahashi revient aux sources de son oeuvre : la noirceur de l'âme humaine et les matérialisations qu'il en fait sont aussi bluffantes que malaisantes. Un très bon opus !
La série aura oscillé depuis le début entre fantastique et politique, donnant l'impression de ne pas toujours savoir trouver sa place. En fait, l'auteur a juste envie de jouer sur les deux tableaux et peut-être un peu de mal à allier les deux, il alterne donc. Une alternance salutaire ici car j'ai pris un réel plaisir à voir Shion combattre son alter ego négatif dans cette lutte des esprits.
L'histoire en elle-même ne dit pas grand-chose, le scénario est assez pauvre. On a un jeune aigri par la vie qui en veut à la Terre entière et veut faire payer les autres. Il s'en prend donc aux grandes figures devant lui. Et Shion, elle, est un peu un ange gardien qui veut le ramener sur le droit chemin et cherche donc à le sauver à tout prix. Rien de bien original.
Cependant la mise en scène de
Tsutomu Takahashi fait toute la différence. Sa représentation des noirceurs de l'âme des héros avec cette matérialisation de lutte à travers des jets de force noire spirituelle est saisissant et captivant. C'est beau et sombrement déroutant et dérangeant mais vraiment j'adore l'allure qu'il donne à cette lutte. Ce côté gluant et adipeux, tel du pétrole qui s'attache aux personnages et qu'ils se jettent les uns aux autres est impressionnant. Cela change des nuages toxiques habituels et de leur côté évaporé. Là on sent une vraie matérialité dans ce mal être ainsi matérialisé, prenant vie sous une forme conforme à ce que ça fait à sa victime : ça lui colle à la peau et l'englue. J'adore.
Le combat entre Shion et
Kubo est vain mais prenant à suivre. On se plaît à suivre leurs échanges, à les voir échanger des attaques, et à découvrir les conséquences de tout cela sur le monde réel. Certes, le côté politique m'a manqué ici avec ce focus sur eux, mais j'ai apprécié, même brièvement, qu'on revienne vers le Premier ministre et son engagement anti-nucléaire qui est devenu pour moi le thème phare de la série. J'ai aimé la façon dont dans les dernières pages réel et irréel se mélangent pour nous compliquer la tâche avec des rebondissements lourds de sens qui donnent un sentiment d'inéluctabilité. La fin est proche mais comment vont-ils s'en sortir ?
Série très sombre, normal pour du Takahashi vous me direz, mais quand même, Soul Keeper est certes inégal et maladroit dans sa narration, mais l'auteur a parfois de belles trouvailles et fulgurances scénaristiques comme la matérialisation des âmes en déshérence de nos protagonistes. C'est ainsi malaisant d'assister à leurs échanges au sommet mais également très prenant et percutant. Une belle envolée lyrique sombre et poisseuse dont je serai curieuse de connaître le dénouement dans le prochain tome.
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