Anton Tchékhov nous a laissé un total de neuf
pièces en un acte achevées et quelques fragments. On peut scinder ces neufs pièces en deux catégories : les farces, au nombre de six, et les études dramatiques, pour lesquelles je ne vous ferai pas l'injure de les compter à votre place.
Les sept pièces retenues ici appartiennent toutes à la catégorie des farces sauf le Chant du Cygne. Au risque d'en froisser certains, j'ose prétendre sans peur que, dans l'ensemble, on est loin, très loin, du grand
Tchékhov d'
Oncle Vania.
Concernant les farces, ça se veut drôle, probablement, mais ça ne l'est pas. Je ne peux même pas dire que j'aie pu esquisser des sourires. Mécanique lourde, prévisible, répliques sans trop d'intérêt, à de rares exceptions près.
Les deux pièces que j'ai le mieux aimé étaient les deux premières, le Chant du Cygne et
L'Ours pour lesquelles ma notation irait sans doute jusqu'à 3 étoiles. Toutes les autres sont à deux voire moins, d'où ma note d'ensemble assez basse.
Le Chant du Cygne n'est donc pas une pièce comique. L'on y assiste à la grande remise en question d'un acteur âgé, sur le déclin, qui s'interroge sur son art et sur le sens qu'il a donné à sa vie durant toutes ses années de scène. Cette pièce fait écho, mais de façon faible à
La Mouette, où cette thématique est mieux développée.
L'Ours nous met en présence un créancier qui vient réclamer une somme d'argent à une jeune veuve. Cette dernière, plutôt prude et de belles manières, lui confesse qu'elle ne pourra recouvrer sa créance que dans quelques jours. Or, lui, a un besoin urgent de la somme aujourd'hui même. S'ensuit donc une empoignade verbale de toute beauté où fourmillent quelques belles répliques pour se finir d'une façon quelque peu inattendue.
Une Demande En Mariage surfe sur l'éternelle âpreté au gain et l'étroitesse d'esprit de ces propriétaires terriens que fustige souvent
Tchékhov. Toujours est-il que toute la pièce est un crêpage de chignon sur des peccadilles, qui interdisent même au fiancé de formuler sa demande auprès de la jeune fille convoitée. Très faible intérêt selon moi.
Le Tragédien Malgré Lui, c'est encore pire, du gros, lourd et gras qui tache... Un quasi monologue où un citadin de la classe moyenne, qui vient passer son été en datcha à la campagne, égrène les mille misères que cette vie de villégiature lui cause auprès de son épouse tyrannique. On est au fond du trou de
Tchékhov d'après moi.
La Noce, un peu à la manière d'
Une Demande En Mariage, se prétend une caricature des classes moyennes qui veulent faire comme les " grands ", en mettre plein la vue, mais qui n'en ont ni les moyens ni les manières. le passage avec le capitaine de frégate, assez drôle au tout début, devient catastrophique et d'un lourdingue absolu vers la fin.
Le Jubilé nous transporte dans une banque où, là encore,
Tchékhov s'en prend au vernis derrière lequel se cachent les personnages " respectables " et essaie de l'écailler. Mais c'est encore de la grosse mécanique redondante, pas drôle et qui ne présente pas beaucoup d'intérêt à mes yeux.
Enfin, le clou, Les Méfaits du Tabac, une autre pièce creuse où l'auteur n'a rien ou à peu près à nous dire, tout comme son protagoniste principal. C'est un monologue, un peu comme le Tragédien Malgré Lui, où un mari, complètement phagocyté par sa femme, tenancière d'un pensionnat-école de musique, est mandé par son épouse pour faire une énième conférence de bienfaisance. le brave factotum va donc s'exécuter, en ayant bien évidemment pas la moindre idée de ce dont il va pouvoir parler devant un auditoire qui, de toute façon, ne l'écoutera pas. Or, accablé par la férule de sa despotique épouse, il pète un câble et balance à l'assemblée les secrets du caractère de sa femme et de ses pitoyables relations avec elle. Bref, il parle de tout, sauf peut-être des méfaits du tabac...
En somme, pour ce qui est du recueil, à mon avis du mauvais
Tchékhov, voire très mauvais, quand on sait ce dont il est capable dans ses excellentes pièces. Si vous ne connaissez pas du tout l'auteur, passez votre route et reportez-vous plus volontiers sur
Oncle Vania,
La Cerisaie ou encore
La Mouette, des pièces d'une tout autre épaisseur. Mais ce n'est bien sûr qu'un avis en un acte, c'est-à-dire, pas grand-chose.