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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Courir après des chimères, se brûler les ailes aux lumières de la rampe et autres trivialités humaines...
Anton Tchekhov aborde dans La Mouette la thématique, ô combien d'actualité, des jeunes gens désirant plus que tout s'adonner aux métiers artistiques, et tout particulièrement, ceux du spectacle.
Combien d'apprentis chanteurs, danseurs, acteurs, humoristes, musiciens, écrivains se retrouveront, eux et leurs illusions déçues dans cette mouette, symbole du jetable ; un coup de fusil et on n'en parle plus !
Mais La Mouette c'est aussi bien plus que cela et s'il est réellement une oeuvre qui souffre de la traduction en français, c'est assurément celle-là. En effet, Anton Tchekhov joue fréquemment sur le signifiant et le signifié des mots et des noms qu'il emploie, chose indubitablement perdue à la traduction.
En russe, le mot « mouette » ressemble à un verbe qui signifie « espérer vaguement quelque chose, plutôt en vain » (de même pour le nom de Medvedenko qui évoque en russe l'ours pataud). de plus, si l'on se souvient que la scène se déroule au bord d'un lac à l'intérieur des terres, la mouette devient alors un oiseau égaré, blanc parmi les sombres alentours, symbole à la fois de candeur, de fragilité et d'égarement, d'espoirs plus ou moins déçus et de voix dissonante.
On est donc loin des hordes piaillardes et envahissantes des bords de mer auquel le nom « mouette » fait référence, de prime abord, dans notre esprit, pour nous autres, habitants des franges du continent. L'oiseau le plus proche en français de ce qu'a voulu exprimer l'auteur serait peut-être l'hirondelle, pour la notion de fragilité et de vague espoir, mais bien loin de recouvrir toutes les thématiques évoquées plus haut.
Tchekhov nous dépeint un monde où les artistes célèbres sont mesquins, égoïstes, narcissiques et sans intérêt comme l'actrice Irina Arkadina ou l'écrivain Trigorine, ceux qui désirent devenir artistes sont gonflés d'orgueil et de talent parfois douteux à l'instar de Treplev et Nina, les gens en place désirent autre chose que ce qu'ils ont tels Sorine, Medvedenko, Macha ou Paulina.
Bref, tous courent plus ou moins après des chimères (la reconnaissance du public ou celle de ses pairs, l'amour de quelqu'un qui ne vous aime pas, le mode de vie opposé à celui que l'on pratique, etc.). Finalement, (est-ce un hasard sachant que Tchekhov est médecin de formation ?), un des seuls à avoir des yeux lucides semble être le médecin Dorn, qui possède un regard distancié et détaché des émotions, qui sait goûter le talent quand il est là et qui n'essaie pas d'avoir un autre âge que celui qu'il a.
En somme, une pièce qui remue beaucoup du côté de nos attentes, souvent un peu triviales ou inaccessibles, alors qu'à deux pas, l'accessible est négligé, tels l'amour de Macha pour Treplev, l'amour de Treplev pour Nina ou sa mère, l'amour d'Arkadina pour Trigorine, l'amour de Paulina pour Dorn, etc.
Le message de Tchekhov pourrait être : " Ne regardez pas trop haut, n'allez pas vous griller les ailes comme un papillon de nuit sur une lampe à incandescence et sachez jouir de ce qui est à votre portée. " Si vous obtenez de la reconnaissance sans l'avoir cherché, tant mieux, sinon, ce n'est pas bien grave car les trompettes de la renommée sont souvent bien mal embouchées comme disait si justement Georges Brassens...
Voici mon avis, un tout petit avis, blanc et piaillard, tout blanc, sur fond blanc, c'est-à-dire bien peu de chose en définitive.
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J'ai aimé Tchekhov novelliste, l'auteur de « La dame au petit chien » ou « Un royaume de femme » a su me faire entrer, à mon insu, si loin, si fort dans l'intime et l'empathie, rendant la nouvelle cruellement courte, preuve de sa redoutable efficacité : le « fusil de Tchekhov » vise toujours juste.

“Les gens ont des destins divers. Les uns, à peine ils arrivent à traîner une existence ennuyeuse, insipide, ils se ressemblent tous, ils sont malheureux ; les autres, vous, par exemple- vous seul sur un million- le sort leur offre une vie intéressante, lumineuse, pleine de sens...”

“Le théâtre, pas possible de faire sans.” Anton Tchekhov ne s'est jamais complètement considéré comme un écrivain, en dépit du succès qu'il connu de son vivant. Avec « La Mouette », le dramaturge interroge la notion d'art, de création artistique et la condition de l'artiste. Sont-ce ses propres doutes, son rapport au succès, à la modernité qu'il veut mettre à distance dans sa pièce, jouée pour la première fois en 1896 ?
“ il faut peindre la vie non pas telle qu'elle est, ni telle qu'elle doit être, mais telle qu'elle se représente en rêve.” Cette pièce est (si j'ose) le théâtre d'une réflexion sur l'art et le beau, le beau doit-il être sérieux, l'abstraction est-elle encore de mode et trahit-t-elle le réel ?

L'édition « Babel » avec la traduction « à l'allemande » d'André Markowicz, que j'avais découverte par la lecture de « Un homme ridicule » de Dostoïevski et qui, malgré quelques perditions lourdes de sens (beaucoup de jeux d'équivoques, à commencer par le titre : « Mouette » voulant dire « espérer » en russe par exemple), se veut plus fidèle au texte d'origine et nous donne à lire la version originale non censurée.
Car la censure de l'époque exigea le retrait de certaines répliques ou didascalies en lien avec le concubinage de la mère actrice, avec un jeune homme de lettres, qui passait aux yeux des autres personnages comme trop banal. Pourtant rien d'étonnant de la part de Tchekhov qui, détestant la « petite morale », n'a jamais jugé ses personnages.

« Si un jour tu as besoin de ma vie, viens et prends là ». Tchekhov, qui n'a jamais connu l'amour, comme le personnage Trigorine, rend compte de l'impasse illusoire de la rédemption amoureuse pour Tréplev et Nina.

« La frivolité est dure comme de l'acier » écrivait Montherlant. Cette pièce relate les tragédies silencieuses, l'insatisfaction létale, qui se jouent sous l'épaisseur de l'épiderme, qui coulent dans les veines déjà froides, alors même qu'autour la vie -mondaine - suit ennuyeusement et implacablement son cours, « fatal and faithed » comme écrivait Lord Byron, les gens évoluent autour du mort-vivant, Tréplev, dans une indifférence totale, “souvent, je n'ai pas la moindre envie de vivre.”

“C'est très difficile de jouer dans votre pièce. Il n'y a pas de personnages vivants.” Cette pièce n'est pas aisée à appréhender. de son propre aveu, l'écrivain russe en souligne le « peu d'action » mais la grande émotion. Comme dans ses nouvelles, le lecteur fait irruption dans la vie des personnages, une immersion empathique et totale, et le retrait est tout aussi brutal, pas de début et pas de fin, juste un morceau de vie. Cependant, le chemin du succès sera houleux, la pièce, jouée en 1896, est d'abord très mal reçue par la critique.

En effet, comment écrire, sans dérouter, ce que le poète belge Henri Michaux appelait « l'amère vie quotidienne » ? de tous les critiques, c'est peut-être Anatoli Koni qui a le mieux compris « La Mouette » : « une vie quotidienne toute proche et que personne ne comprend dans sa cruelle ironie intérieure ».

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La Mouette est, pour moi, une comédie sur l'écriture et sur l'Art.
Je ne sais pas si certains arrivent à l'apprécier sans y réfléchir et sans préparation, mais ce n'est pas mon cas. On y trouve bien quelques remarques amusantes sur le métier de l'écrivain, quelques quiproquos et plusieurs possibilités amusantes à mettre en scène pour que la pièce soit immédiatement drôle et c'est indéniablement ce qui fait le succès populaire de la pièce. Par contre, si on en reste là, il me semble, qu'à l'instar de Tolstoï, on ne pourra saisir ce qui fait la qualité propre de la Mouette.
(Tolstoï a, en effet trouvé qu'elle était « une absurdité sans valeur à la manière d'Ibsen », où « les mots sont entassés les uns sur les autres, sans qu'on sache pourquoi ».)
Ce que je trouve vraiment génial avec cette pièce et que je suis arrivé à remarquer par la suite en approfondissant les vagues intuitions que j'ai eues en allant voir jouer et en lisant La Mouette, c'est d'abord, qu'il s'agit d'une transposition de la structure narrative de Hamlet. Tchékhov replace en effet tous les éléments et personnages royaux, aux ambitions politiques grandiloquentes de Shakespeare dans une lointaine province, où les personnages sont de petits bourgeois qui veulent voir leurs noms dans les journaux. C'est une répétition historique ironiquement imaginée dans un horizon médiocre, par un artiste qui s'exprime ainsi cyniquement envers lui-même, exactement comme le font les personnages dans sa pièce.
Ensuite, il n'y a aucun fond dramatique réel, aucun menace matérielle. le devenir, le mouvement, comme dans la logique hégélienne, surgit du mouvement purement verbal de l'être vide au néant et du néant à l'être vide. C'est une pure affaire de langage existant pour lui-même en dehors de l'humanité souffrante à partir de besoins réels et concrets. Tout provient du vide de l'intériorité de pauvres riches êtres campagnards qui désespèrent d'atteindre les standards sociaux qu'ils idéalisent candidement.
Je n'avais pas non plus prêté attention à l'aspect symbolique de la pièce. La Mouette y symbolise pourtant la liberté artistique, qui peut bien voler, mais qui reste toujours à portée de fusil du premier chasseur venu. Ainsi, le personnage de Nina, si heureuse et adorée près de son plan d'eau est abattu inconsciemment par Trigorine. Ce dernier, hanté par son besoin d'écrire, vide de leurs substances les êtres qu'il rencontre et agit de manière si nécessaire et innocente qu'il ne se souvient même pas, à la fin de la pièce, d'avoir demandé à Chamaraïev d'empailler la mouette, alors que titube autour de lui, les restes moribonds de Nina.
Enfin, la vanité existentielle du métier d'écrivain et de l'écriture en général est aussi tellement bien mise de l'avant dans la pièce! le pur talent monstrueux qui ronge l'écrivain, qui le pousse follement à ne vivre que pour et dans son écriture, sans se faire d'illusions sur les qualités de ses efforts, car il a perdu tout contact avec leur valeur réelle depuis des lustres. Tout cela convient tellement à une personne comme Tchekhov qui a écrit 600 oeuvres littéraires (dont La Mouette) entre 1880 et 1903! Son cynisme envers lui-même a quelque chose de vraiment grand et de très touchant.
Comme l'a compris, et exprimé mieux que personne Mallarmé, l'artiste, c'est le guignon « mordant au citron d'or de l'idéal amer »...
Bref, plus j'y pensais et plus je trouvais la pièce géniale. Il y a longtemps que je n'avais pas autant creusé autour d'une oeuvre d'art pour mieux la comprendre et l'apprécier. Je me sens maintenant fin prêt pour y retourner. Quelqu'un veux bien venir avec moi?
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A priori, il n' y a pas plus russe que cette tragédie des illusions perdues, dans une datcha éloignée de Moscou.

Ennui, désoeuvrement, rêves de gloire. Et vodka. Amours incomprises, art qui sauve ou qui perd. Et vodka...Neige, partie de cartes, coups de fusil. Et vodka.

On retrouve les personnages chers à Tchékhov: intellectuels fatigués, médecins désabusés, comédiennes égocentriques ...

Il y a là Kostia, un jeune dramaturge, épris d'idées nouvelles, Sorine, son vieil oncle, Conseiller d'état, Dorn, un médecin cynique, Medvedenko, homme à tout faire, instituteur pragmatique et amoureux déçu de Macha, une jeune fille de propriétaire, toute pleine de larmes et d'alcool fort , qui aime sans espoir le beau Kostia.

Tout ce petit monde vivote et s'ennuie dans l'attente des arrivées brèves mais spectaculaires de la maîtresse des lieux, la mère de Kostia, Irina Arkadina. Une comédienne égocentrique, étoile un peu pâlie du firmament moscovite, flanquée de son amant, Trigorine. Un écrivain traditionnel, auteur et homme à succès.

La pièce commence par une mise en abyme: Kostia veut représenter, devant sa mère et Trigorine, une pièce d'avant-garde de son cru, entre poésie trash, incantation ténébreuse et provocation littéraire, jouée par sa jolie voisine, la charmante Nina, une toute jeune fille qui brûle d'être distinguée comme une actrice prometteuse par ce public de choix- et de prendre enfin son envol loin de la campagne ennuyeuse , vers la capitale....

La blanche mouette de ce petit lac oublié, qui rêve de pleine mer et de grands espaces..

Comme celle que tue par désespoir le jeune Kostia et qu'il fait empailler.

Mais le spectacle va tourner au drame: Irina a la dent dure avec le spectacle donné par son fils, et Trigorine tombe sous le charme de cette petite Nina , si jeune, si jolie, si fraîche et qui, surtout, l'aime et l'admire tant..

Un nouveau spectacle se déroule alors dans la datcha, déclenché par le premier: Nina va partir à Moscou où elle rejoindra Trigorine, qui, pas fou, se garde bien de choisir entre elle et Irina. Kostia désespère et rate son suicide comme il a raté la conquête de Nina et la représentation de sa pièce..Macha souffre pour lui et boit encore un peu plus..

Le spectacle se déroule sur plusieurs années: on mesure le passage du temps au délabrement moral et physique des personnages: à chacune de leurs retrouvailles, au bord du lac, les personnages perdent ce qui reste de leurs illusions, et bientôt leurs plumes, et parfois la vie...Tout s'émiette tristement et inexorablement..L'âme russe joue toute sa palette de gris...

Tout le monde s' aime à contretemps, on parle d'art pour tromper l'ennui ou pour faire sa cour, la sincérité et la pureté artistiques ne sont pas de mise, presque incongrues, ridicules; on se tire une balle dans la tête et on se rate. Parfois.

J'ai vu trois ou quatre fois La mouette, je l'ai lue aussi, et jamais pourtant elle ne m'a semblé aussi intemporelle et "atopique" que dans la mise en scène de Thomas Ostermeier à l'Odéon et la traduction d'Olivier Cadiot.

Plus de datcha ni de samovar: un espace sobre, avec une grande banquette qui court le long des trois murs gris où sont assis les acteurs, attendant leur tour. Comme dans la vie. Quelques objets transforment la scène en ponton, en chambre, en bureau. Un texte rafraîchi, étoffé de quelques improvisations qui le rajeunissent. On découvre une réflexion impertinente sur le théâtre contemporain et son avant-garde si décalée de toute réalité, presque risible dans ses efforts provocateurs qui deviennent des effets de mode, et une critique pas plus tendre avec les tenants de la tradition théâtrale, si embourgeoisés et prudents. Qui n'enfoncent plus que des portes ouvertes.

Mais derrière cette problématique propre aux gens de théâtre, qui était d'ailleurs celle de Tchékhov, -qui se projetait aussi bien dans le vieil écrivain roublard que dans le jeune dramaturge naïf et maladroit-, il y a toute la tension créée par la situation que ce "théâtre dans le théâtre" provoque, révélant les vertiges existentiels de chacun. L'intensité de la mise en scène met l'émotion à nu. le jeu des acteurs , formidables, fait le reste. A côté d'acteurs chevronnés comme Valérie Dréville, Jean-Pierre Gos ou François Toriquet, excellents, on découvre la présence détachée et froidement analytique du médecin, Sébastien Pouderoux, étonnant - encore un avatar de Tchékhov , médecin lui-même, le troisième dans cette pièce-miroir...aux mouettes! La jeune Benédicte Cerutti fait une Macha toujours au bord des larmes d'une grande justesse. Et puis il y a Matthieu Sampeur qui joue Kostia et Mélodie Richard qui prête sa grâce dansante et fragile au personnage de Nina: un duo bouleversant de jeunesse et de sincérité.

Pendant tout le spectacle, Marine Drillard, une jeune plasticienne en combinaison noire , peint imperturbablement sur le mur de scène , une encre de Chine géante qui évoque très progressivement le lac isolé dans la nature, jusqu' à ce qu'un Ultra Noir, digne des tableaux de Soulages, le fasse disparaître à nos yeux.

Oui, vraiment, la mise en scène de Thomas Ostermeier fait de cette Mouette que je croyais si russe, une pièce intemporelle qui dit le dérisoire de la vie, qui passe trop vite et qui fait si mal quand on est jeune et qu'on la croit pleine de promesses.

Courez à l'Odéon: cette Mouette-là est toute neuve, vous ne l'avez jamais lue, jamais vue voler, jamais vue se brûler les ailes de cette façon..

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C'est un monde, tout de même ! Il y a un décalage flagrant entre ce que je crois que je devrais ressentir en lisant des oeuvres russes telles que celle-ci ou L'accompagnatrice de Nina Berberova, et ce que je ressens effectivement. Ça colle pas.
L'absence d'action, l'absence d'humour (ou alors très énième degré), les personnages concentrés sur leur petite personne et leurs problèmes existentiels ; normalement, là, je fuis.
Mais non en fait. Ici, il y a un rythme dans le déplacement de ces nombreux personnages que j'ai eu du mal à bien identifier (pas évident les noms russes, et ils ont des diminutifs, en plus). Pourtant, la scène les limite à une zone spatiale plutôt étroite, mais ils peuvent entrer, sortir à leur guise ; il n'y a pas de découpage en scène qui entraine une coupure, seulement une continuité. Il y a aussi un rythme dans la traduction du texte russe qui apporte une certaine forme d'exotisme, de parler français qui étonne.

Toute « l'action » de la mouette se passe sur la propriété campagnarde de Piotr Nikolaievitch Sorine, dans un endroit différent selon l'acte : ici un salon, là un coin du parc… Des personnages liés par des liens familiaux, des liens de travail ou d'amitié (voire) se croisent, se parlent, jouent ensemble, mangent ensemble. Pourtant, chacun semble enfoncé dans sa propre détresse, n'écoutant le voisin que d'une oreille. La solitude de chacun, quand elle s'exprime, est suffocante. La détresse peut être amoureuse, un dépit professionnel, un regret. L'instituteur Medvedenko, d'une nature plutôt optimiste, veut se marier avec Macha qui traine son désespoir jusque dans ses habits éternellement noirs. Macha ne vit que pour Treplev qui ne la voit pas. Treplev est fou dingue de Nina qu'il ne parvient pas à retenir. Il est désabusé par l'absence de compréhension du public envers ses nouvelles ou ses pièces de théâtre abstraite. C'est d'autant plus douloureux quand il s'agit de l'opinion de sa mère, Irina, ancienne actrice qui ne comprend pas plus que les autres les oeuvres de son fils. Il y a de l'Oedipe là-dedans.
Nina idéalise le monde des écrivains et des artistes qu'elle dessine comme des dieux. Elle ne peut que tomber amoureuse de l'écrivain Trigorine qui cède un temps à sa jeunesse. Confrontée à la routine du métier d'actrice, elle verra s'écrouler ses illusions et germer ses regrets. Trigorine est « arrivé », dans un sens. Il a « réussi ». Mais il sait qu'il ne sera jamais qu'un médiocre qui ne soutient pas la comparaison avec un Tolstoï.
Irina vit dans son passé. Son frère Sorine regrette ses actes manqués. Son médecin est blasé de l'attirance qu'il a toujours provoquée chez les femmes, et trouve que soigner un vieux comme Sorine, si près de la tombe, n'a pas vraiment de sens.

C'est gai, pas vrai ? Pourtant, il y a des contrastes. Les conversations mondaines, les sujets superficiels qui permettent de faire diversion des affres de chacun, sont rafraichissants. le parc et le lac sont reposants. Il y a aussi beaucoup de culture européenne chez ces gens qui emploient de nombreuses expressions « en français dans le texte », évoquent Hamlet et rappellent que Maupassant détestait la tour Eiffel.
Et La mouette alors ? Que vient-elle faire dans cette galère ? Je me le demande encore. Analogie vivante d'une personne aimée qui se veut libre, et que l'on tue pour se l'attacher ? Animal empaillé pense-bête pour une histoire que l'on pourrait écrire ? Je ne sais, je ne sais plus, je suis perdu…
Bon ben je vais faire comme l'oiseau alors. Conclusion qui ne veut rien dire, mais je trouve que ça sonne bien.
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La diversité des grands auteurs russes ne cessera jamais de m'éblouir.
Pour Tchekov, que je découvre un peu plus après Oncle Vania, c'est sa modernité qui m'interpelle de nouveau. Modernité de ton, de moyens avec une scénique très épurée et des thèmes abordés dans La Mouette que, si j'avais découvert le texte sans connaître l'auteur et la date, j'aurais placé dans l'univers littéraire de l'entre deux guerres, voire aujourd'hui tant les sujets sont éternels : la soif de notoriété, le feu intérieur qui consume les artistes véritables opposé à la tiède médiocrité des compositeurs médiatiques, l'indolence méprisante des nantis, l'adultère, la violence des amours malheureuses... une richesse sidérante dans une pièce courte et percutante dont il faut je pense plusieurs lectures pour en faire le tour.
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Il y a bien longtemps que je voulais lire cette pièce, celle-ci étant citée bien souvent quand on nomme Tchekhov.

Que dire qui n'a pas encore été dit et sûrement avec bien plus de connaissance sur le sujet que je ne saurais en avoir.

Tous sont réunis près d'un lac poissonneux, ils forment une assemblée très disparate mais cependant rassemblés par le même désir de plaire où d'être admiré pour leurs talents littéraires.

Tout oppose systématiquement les personnages.

Rivalités de styles littéraires, conflit des générations, conception de l'existence tout les oppose.

Intéressante explication des différents personnages et du rôle de chacun en fin de livre.

"L'artiste ne doit être ni maudit, ni mondain, il doit avoir du talent".




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J'ai vu au théâtre il y a trois semaines une adaptation d'une autre pièce de Tchekov « Oncle Vania » qui m'a beaucoup plu et dont l'intrigue et les thèmes sont pratiquement similaires. L'action se déroule dans une propriété à la campagne et réunit le temps de quelques jours en été des personnages qui se désirent et se déchirent. Treplev, le fils d'une grande actrice, traîne son dégoût de lui-même et éprouve pour la jeune fille de propriétaires voisins, Nina, un amour non réciproque qui jette, elle, son dévolu sur Trigorine, un écrivain amant d'une actrice de théâtre –Irina- la mère de Treplev.
Les personnages de Tchekov parlent beaucoup, souvent à vide d'ailleurs, boivent, se disputent, pleurent et, pour certains d'entre eux, ne parviennent pas à se sauver. C'est le cas de Treplev, ce fils mal aimé par une mère qui s'étonne d'avoir un fils si vieux et ne prend pas au sérieux son envie d'écrire. C'est le cas de Nina qui se fourvoie dans des amours inutiles et revient hanter la propriété de Sorine (le frère d'Irina). C'est triste, tragique aussi dans le cas de cette pièce. A lire pour les amoureux de l'âme russe.
Challenge Multi-défis 2019
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Comme tous les étés, l'on se réunit dans la propriété de Sorine, à la campagne, pour en profiter. Cette fois, Konstantin, fils d'une actrice reconnue, Arkadina, a décidé de faire jouer une pièce qu'il a écrite, tout autant pour montrer ses talents à sa mère, dont il cherche éperdument la reconnaissance, et pour séduire Nina, fille d'un riche propriétaire de la région, qu'il aime tout aussi éperdument. Mais rien n'ira comme le souhaite l'apprenti dramaturge, et la comédie de moeurs, en apparence légère et désuète, tourne vite au drame, ébranlant l'existence de chacun et le Théâtre même.

Je ne connais que peu Tchekhov, n'en ayant lu que quelques nouvelles, mais j'ai été plus que ravie par cette découverte théâtrale, en ce qu'elle interpelle fortement son lecteur, malgré une construction théâtrale assez classique – je ne peux pas en parler en tant que spectateur -, par des réflexions plus qu'intéressantes sur la création et sur le théâtre – plusieurs des personnages sont en effet des auteurs ou des acteurs, plus ou moins reconnus -, sur les relations sociales, amicales, amoureuses, et sur le rôle du langage qui ne sont, finalement eux aussi, qu'artifice et représentation. Ainsi, les évènements, et donc l'intrigue, les personnages, le sens même de leurs dialogues ou monologues, se vident progressivement de sens, l'existence elle-même devenant une vacuité qui ne pourra se réaliser pleinement, et tragiquement que dans la mort.

Une première incursion réussie dans l'univers théâtral de Tchekhov, que je vais réitérer très vite avec le Cerisaie, également dans ma PAL.
Lien : https://lartetletreblog.com/..
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"Quatre actes, un paysage (vue sur un lac), beaucoup de discours sur la littérature, peu d'action, cinq tonnes d'amour" - c'est Tchekhov qui présente ainsi La Mouette - "Il n'y a pas besoin de sujet. La vie ne connaît pas de sujet, dans la vie tout est mélangé, le profond et l'insignifiant, le sublime et le ridicule." - Eh Anton! Une pièce de théâtre, ce n'est pas la vie! - Ah si! C'est ce qu'il y a de bluffant chez Tchekhov, ce genre de considération qui chez d'autres mènerait directement au fiasco fait vibrer une vraie humanité dans ce petit monde de frustrés, où l'amour n'est jamais réciproque, où l'art ne compense pas la médiocrité de la vie, où le sens de l'existence demeure insaisissable. L'auteur de la Mouette peint la frustration, le manque, le ratage, comme personne, en nous faisant toucher à quelque chose d'essentiel de la vie humaine, là où se mêlent en nous farce et tragédie, beauté et mesquinerie.
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