1951, résidence K, à Tokyo. Une résidence exclusivement pour femmes, des femmes vieillissantes et a priori bien sages qui ne reçoivent pas d'hommes. Pourtant, Mme Chikako Ueda, ancienne institutrice, qui vit au 4ème étage, s'est arrangée, en faisant croire à une visite de sa cousine pour recevoir un homme, affublé d'une écharpe rouge. Il porte une lourde valise. Dedans, un enfant…mort. Ils vont ensemble aller l'enterrer à la cave. Les deux gardiennes n'y ont vu que du feu. Quelques jours après, le chauffeur d'un camion renverse celle qu'il croit être une femme, bien attirante avec son écharpe rouge. Elle…ou plutôt il décède. Quelques semaines auparavant, l'enfant d'un commandant de l'armée d'occupation américaine et de sa femme japonaise avait été enlevé. Sans nouvelles de son fils, il finira par divorcer et rentrer aux Etats-Unis.
Quelques années plus tard, on s'apprête à déplacer la résidence K sur des rails, seule la cave devant évidemment rester au même endroit. Les femmes de l'époque sont toujours là, nous allons suivre les petits secrets de sept d'entre elles, dont les deux gardiennes. La vieille gardienne Tôjo observe que les femmes sont chagrinées, et plus très tranquilles depuis que
le passe-partout accédant à toutes les chambres a disparu, deux mois plus tôt…Déjà quatre mois, et six mois plus tôt, le passe a servi, dans le dos des occupantes, et pour des motifs mystérieux…
Ces quelques femmes que nous suivons, dans cette résidence qui en compte 150, ont tous quelque chose à se reprocher, lié à leur passé. Ces femmes désormais âgées, de condition modeste, ont leurs petites manies. Curiosité malsaine, jalousie, vols et petites intrigues comblent une sorte de vide intérieur, comme des prétextes pour les extraire d'un sentiment de solitude et d'abandon. La plume de l'auteure est très agréable, l'écriture est à la fois simple et de qualité, et nous révèle peu à peu avec subtilité le passé souvent assez douloureux de ces femmes qui ont connu les drames de la vie, un moment où leur destin a basculé. On éprouve une forme de tendresse, le sourire aux lèvres, à l'évocation des travers de ces femmes imparfaites, avec leurs attitudes de vieilles biques intrigantes, à la fois malignes et maladroites, car elles se prennent souvent les pieds dans le tapis quant il s'agit de nuire à leurs voisines.
Une fois dépassé le slogan trop commercial du « suspense insoutenable », qui colle mal avec le ressenti post-lecture, ce roman est en vérité une belle surprise. C'est une bonne idée des éditions Denöel de nous faire découvrir cette auteure très connue au Japon, en avance sur son époque, vu ses idées féministes et avant-gardistes, dont pour ma part je n'avais jamais entendu parlé.
Je remercie donc l'éditeur, et babelio, pour cet envoi dans le cadre du dernier masse critique.