Le Prisonnier du Caucase
Tolstoï 1872
D'autres textes, des films du même nom ne sont en aucun point comparables à l'oeuvre du Maître de Iasnaîa Poliana. En plus les scènes décrites, il les a vues .. Ce n'est pas comme
Pierre Benoit qui décrit la montagne Pelée dans
Fort-de-France sans l'avoir jamais vue ?
1872, c'est l'année où les rudiments d'
Anna Karénine germent dans la tête du grand écrivain (*), c'est aussi l'année, on le sait moins où il a concocté pour l'école qu'il a initiée et les élèves, enfants de moujiks de Iasnaïa Poliana, un abécédaire, outil éducatif, appelé Les Quatre livres de lecture où il est question de contes, de récits et de légendes russes, mais pas seulement, à résonnance plutôt universelle. . On retrouve dans ces textes l'inspiration helléniste de Tolstoï, et en bon nombre des textes signés de sa plume. Si on l'avait interrogé à cette époque là, c'est un des ouvrages qu'il préfère, dont il est le plus fier, parce que utile sans doute selon lui, proche de la nature et fruit de sa richesse intérieure, éloigné donc des formats éducatifs enseignés..
Prisonnier au Caucase, nouvelle ou récit puisqu'histoire vraie, est un bijou enchâssé dans cette moisson de textes et de références tous plus magnifiques les uns que les autres où une pureté et une fraicheur d'esprit s'en dégagent..
Tolstoï a déjà écrit sur le Caucase, ne serait-ce que
les Cosaques qui a fait le tour du monde .. On ressent encore dans le récit présent tout l'attrait de Tolstoï pour la nature et les montagnards "insoumis", tout le charme aussi de la beauté des jeunes femmes sauvageonnes, farouches qui le grise ..
Transposé en Amérique, Tolstoï aurait aimé indubitablement les peaux-rouges tel Kit Carson ou Cartland ou Blueberry ! L'aventure est évidemment présente dans ce récit, à telle enseigne qu'il a magnifiquement inspiré le très beau film éponyme de
Sergueï Bodrov sorti en 1996 qui n'est autre que le fils du grand metteur en scène russe du même nom : il deviendra la coqueluche des russes et une légende !..
(*) le projet d'
Anna Karénine a mijoté dans la tête de Tolstoï depuis au moins le jour où il apprit ce fait divers malheureux d'une dame trompée, répudiée de son pays qui se suicida en se jetant sous un train, il se rendit d'ailleurs sur place. Il est bien évident que la chose trouva un écho chez l'écrivain non par sensationnalisme ou curiosité morbide mais par intérêt pour un thème qui tenait à coeur à l'artiste et qu'il trouva résonnance à bien des sentiments intérieurs et antérieurs. Il est parfois difficile de fixer un cadre temporel à la genèse d'une oeuvre autrement que par ce qu'en dit l'auteur lui-même !...