. . . L’obscur se calme au murmure du ruisseau, aux ombres humides
Et aux fleurs de l’été, à leur tintement si beau dans le vent.
Déjà s’auréole de crépuscule le front du songeur.
Et s’éclaire une petite lampe, le bien, dans son cœur,
. . . et il te regarde de ses yeux de nuit
Le frère silencieux, pour que l’errance d’épine trouve repos.
. . .
Car il croit en la lumière et toujours s’éveille des minutes noires de la démence
Lui qui souffre sur le seuil pétrifié
Et s’enlacent avec violence la bleuité fraîche et la chute étincelante de l’automne,
La maison silencieuse et les légendes de la forêt,
Mesure et loi et les sentiers lunaires des Séparés.
Extraits de « Chant du Séparé » / « Gesang des Abgeschiedenen », début 1914
Traduit de l'allemand (Autriche) par Michèle Finck.
Musique dans le Mirabell
Une fontaine chante. Les nuages sont
dans le bleu clair, les blancs, les délicats.
Le soir, des gens tranquilles, marchent lentement
dans l'ancien jardin.
Le marbre ancestral est gris.
Une migration d'oiseaux se promène au loin.
Un faune aux yeux morts cherche des
ombres qui glissent dans l'obscurité.
Les feuilles deviennent rouges du vieil arbre
et tournent à travers la fenêtre ouverte.
Une lueur de feu brille dans la pièce
et peint de sombres fantômes de peur.
Un étranger blanc entre dans la maison.
Un chien tombe dans des couloirs délabrés.
La bonne éteint une lampe,
l'oreille entend des sonates la nuit.
Dans le feuillage rouge plein de guitares
Dans le feuillage rouge plein de guitares
Les cheveux jaunes de la fille soufflent
Sur la clôture où il y a des tournesols.
Une charrette dorée traverse les nuages.
Dans l'ombre brune de la paix,
les vieux se taisent ;
Les orphelins chantent gentiment aux vêpres.
Les mouches bourdonnent de fumées jaunes.
Les femmes se lavent toujours au ruisseau.
Les draps suspendus roulent.
Le petit que j'ai aimé depuis longtemps
revient à travers le crépuscule.
Du ciel doux, les moineaux tombent
dans des trous verts pleins de pourriture.
La faim trompe la guérison,
une odeur de pain et d'épices amères.
[RARE] Georg TRAKL – Une Vie, une Œuvre : De rêves et de ténèbres étreints (France Culture, 1986)
Émission "Une Vie, une Œuvre", par Hubert Juin, diffusée le 29 mai 1986 sur France Culture. Invités : Lionel Richard, François Vezin, Eugène Guillevic et Antoine Berman.