J'aime flâner dans ma campagne qui m'embrasse chaque jour de sa plénitude et de sa liberté de vie, je chausse mes chaussures de marche, je prends mon sac à dos (Dora), mes mollets pour me porter sur les chemins de traverses qui découpent les champs, ma casquette et mes lunettes de soleil, je pars respirer les effluves des sous-bois, retrouver l'humidité de cette
verdure me caressant la peau, je me perds dans cet univers, en prenant des clichés de ces instants pour en faire profiter mes amis urbains, je picore de temps à autre,
Fenêtre sur terre de
Franck Bouysse qui entremêlent photos et proses sur sa région la Corrèze, comme un parallèle de mes balades auboises, pendant ce temps,
Verdure que j'ai dévoré avec cette lenteur rurale, la Mayenne cristallise le paysage que modélise
Jean-Loup Trassard dans ce recueil de textes qu'il a écrit au fil de sa vie, la nature est génitrice d'elle-même, les jardins, les bocages, les ruisseaux, les arbres, les fleurs sont mises en proses tout le long de ce magnifique livre sur la Nature sauvage sans l'artifice de l'être humain, dénonçant le désastre humain sur le paysage, son travail de démolition, ce carnage de vouloir être l'architecte d'une Nature sauvage indessinable et indépendante.
Jean-Loup Trassard est photographe et écrivain français, originaire de la Mayenne, il se dit écrivain de l'agriculture, ce livre est un regroupement de divers écrits qu'il a tout le long de sa vie, publié dans diverses revues, cet apanage de textes comme le dit le quatrième de couverture « décrit sa campagne », des années 70 à nos jours, ces récits ont la saveur de la terre, respirant la monde rurale et ces paysages qui petits à petits se meurent d'une urbanisation rurale.
Ces quatorze textes de 1975 à 2017 forment une farandole naturaliste de la campagne, où la vision de l'auteur pour un monde rurale sans artifice sociétale de ce monde libérale où le profit, la destruction, le rendement, les herbicides sont le flambeau d'un monde qui se meurt, les bocages de son enfance disparaissent, les chemins creux ne sont que des souvenirs, la faune et la flore vont devenir des espèces protégées, s'étalent dans sa prose poétique et éducative. Personnellement pouvoir me perdre dans la redondance rurale des paysages que notre auteur raconte avec beaucoup de passion et d'amertume lorsque celle-ci est mise à mal, est un plaisir, j'apprends, je découvre, j'imagine, je respire, j'erre dans ces lieux comme si ma chair foulait cette terre millénaire et ces ruisseaux fantômes, ces arbres centenaires abattus par bêtises et lâchetés, ces bocages lointains qui ne sont plus et me dire aussi, la tristesse de voir mourir ce monde paysan, ce matin encore flânant dans un chemin entre les champs, un chevreuil a débusqué d'un talus, pour s'évanouir dans un bosquet comme un mirage, une libellule accrochée sur une herbe, devenant mon modèle le temps de deux ou trois clichés, et ces coquelicots rouges attirant les abeilles et boudons, ces fleurs devenues invisibles dans le regard des autres, qui illuminent toujours mes azurs, je retrouve cette nature dans ce livre ou la chlorophylle abonde, ou chante la Nature, celle que la terre façonne seule depuis des siècles. La bibliographie des textes a diverses origines comme
Le Figaro Littéraire, des préfaces, dans des magazines, des journaux quotidiens comme Ouest-France, le bulletin municipal de Saint-Hilaire-du-Maine, un livre d'artiste avec Odile Levigoureux sous le titre, le temps qu'il fait et des inédits.
De page en page,
Jean-Loup Trassard sublime sa campagne, sa Mayenne, ses souvenirs germent au fil des textes, le poirier cidre, les châtaigniers que l'on nomme écussons à Mayenne disparaissent des paysages français, restant dans la mémoire de notre auteur, peuplant son enfance, Les arbres de la famille, Châtaigne sont des proses intimes, laissant l'auteur peintre de ces mots le paysage de son enfance, la châtaigne respire la douceur de vivre de sa campagne, le bonheur de manger ce gâteau à la châtaigne enfant restera une empreinte indélébile, devenant un rêve de toute une vie, La Flore de la Mayenne est une ode des plantes et de leurs secrets, comme Portrait du bourrier, listant comme un livre de botaniste ces fleurs de nos campagnes dites importunes, les recensant, les décrivant, donnant leurs caractéristiques et aussi leur pouvoir médicinal, ces plantes souvent méprisées revivent sous la plume de notre passionné, nous retrouvons, la capselle, le séneçon, la fumeterre, le plantain, la mercuriale, la cardamine, le bouillon blanc, l'euphorbe, l'achillée, la bryone, la reine des prés, l'arum ou gouet, les liserons, la mauve, l'ortie, la chélidoine, la bardane, l'iris jaune, la digitale, le sceau de Salomon, la morelle noire,
Jean-Loup Trassard fera aussi des lettres dédiées à certaines plantes, comme Lettre à l'ortie, Lettre au lin, Lettre à la prêle, pour explorer nos campagnes de ces espèces qui la peuplent que beaucoup oublient. L'ortie est une herbe piquante, une mauvaise herbe que l'on doit désherber à tout prix, en oubliant son pouvoir médicinal et ces vertus incroyables pour notre corps, comme le lin qui reprend sa place de noblesse, dans l'habillement et la nourriture.
Il y a aussi beaucoup de colère dans ces différents textes, une amertume, le remembrement est une hérésie pour le paysage rurale, le dénonçant dès qu'il le peut, critiquant les politiques, les banques, l'agriculture intensive et toutes ces conséquences,
Jean-Loup Trassard déteste ces passéistes, ces logiques de destructions, et cette violence mécanique qui travaille la terre, cette terre sans repos inséminée, dans son dernier texte, Un procès moderne,
Jean-Loup Trassard retrace l'agriculture moderne, sa mécanisation, les engrais, les désherbants et les insecticides, et ces conséquences environnementales et humaines. La nostalgie de notre auteur, c'est comme un refrain tout le long de ce livre, ces châtaigniers porteurs de nourriture souvent oublié avec l'introduction des patates, les merisiers et leurs floraisons de fleurs blanches, les pommiers et son cidre, les haies, la biodiversité des cultures, ces variétés florissantes, pommes de terre, betteraves fourragères, grands choux pour nourrir les vaches, trèfle rouge, maïs à couper vert, navette fleurie en jaune, avoine… Sont désormais des souvenirs, laissant des vastes étendues de monoculture. Les couleurs disparaissent du paysage avec cette diversité qui s'évapore avec le temps,
Jean-Loup Trassard n'oublie pas le rôle des haies, avec ces arbustes, le noisetier, le sureau, le frêne et le merisier, les épineux aussi, le néflier, l'aubépine et le prunelier, sans oublier ces lièvres nichés dans les haies, comme les nids à bourdons utiles aux colportages des pollens et ces oiseaux !
Verdure est un hymne à la campagne, à la vie, à la diversité, à cette campagne d'autrefois par son amour de la terre et sa flore, sans oublier sa faune comme l'alouette chantant dans les chants.
Jean-Loup Trassard laisse son amertume se dissoudre dans ces textes pour y faire germer une colère sourde face à l'argent qui gangrène l'agriculture, je n'oublie pas cette loi stupide des semences devenues privées diminuant la biodiversité de plus de 75 pour cent, la nature se privatise en dépit du bon sens.