Des mots pour illustrer l'image, tel est le principe de Scènes de Crime, un très bel ouvrage issu de l'association de deux talents avec
Hermance Triay à la photo et
Marc Villard à l'écriture. Habitués que nous sommes à ce que la photo de couverture de livre illustre, avec plus ou moins de succès, le contenu du récit, nous voici à l'extrême inverse avec ces vingt nouvelles qui mettent en perspective l'essence même du polar, la scène de crime.
Chacune de ces nouvelles est soulignée par une photo de l'arme du crime qui trône au milieu d'une page blanche. Qu'il s'agisse parfois d'un ustensile banal ou d'un objet plus sophistiqué, tous n'en demeurent pas moins inquiétants et sinistres dans le contexte dans lesquels ils se placent. Puis c'est sur une double page que s'étale la scène de crime où
Hermance Triay met en lumière des lieux qui prennent sous son objectif, une tournure angoissante. Comme pour les armes du crime, il y a une espèce de décalage entre ces endroits ordinaires et la sombre ambiance qui s'en dégage. Pourtant, vous n'y décélérez aucun élément sordide, pas la moindre trace d'une quelconque violence. Tout semble comme figé comme pour mieux accueillir les récits glaçants de
Marc Villard. En à peine deux, voire trois pages, l'auteur s'approprie le décor que lui offre
Hermance Triay pour nous conter d'effroyables histoires qui se déroulent entre la France et les USA.
Les récits de
Marc Villard, sont extrêmement courts et ne sauraient donc être résumés. Outre leurs concisions, ces nouvelles possèdent la particularité de se terminer par une chute abrupte qui force le lecteur à retourner sur la double page pour s'imprégner d'avantage des lieux tout en restituant les émotions qu'il aura développées après avoir lu la nouvelle et qui s'étaleront sur l'image comme un filigrane tragique.
D'inégales factures, certaines de ces nouvelles me sont apparues comme plus marquantes que d'autres comme par exemple A Bout de Souffle qui se situe dans le quartier de la gare d'Austerlitz, plus précisément à la rue Watt où se déroulaient également une grande partie du récit de
Léo Malet, Brouillard Au Pont Tolbiac, brillamment illustré par
Tardi. Neige endormie distille une ambiance feutrée et presque fantomatique, avec ce convoi ferroviaire qui semble provenir d'une autre époque. Avec son mur tagué de coeurs, En Plein Coeur est l'histoire qui illustre le mieux la scène dans laquelle évoluent les personnages, tandis que Bienvenue en Amérique met en perspective toute la tragédie des migrants foulant le sol américain. Enfin, c'est sur à peine une page et demi que l'on frissonne d'angoisse avec le Fugitif.
On appréciera le retour de
Marc Villard sur le devant de la scène avec ce brillant exercice qui met en avant l'admirable travail d'
Hermance Triay dans ce très beau livre (bien que son format soit trop modeste) que l'on pourra offrir à tous les amateurs de romans noirs qui souhaitent sortir des sentiers battus
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