La « ballade » du titre évoque la
poésie du Moyen-Âge, avec des strophes et des refrains qui reviennent. Et cette ballade écrite en 1898 évoque bien le Moyen-Âge, ou plutôt un temps ancien, reculé, associé « au gibet », aux « lépreux », à la « sarabande des damnés ». Aucun indice temporel n'est donné, aucune allusion qui permette d'identifier les personnages, l'époque. J'ai ainsi plusieurs fois pensé à la ballade des pendus de
Francois Villon. Les prisonniers d'
Oscar Wilde ne sont pas les pendus de Villon : ils ne sont pas encore morts, mais is sont déjà « damnés », « rejetés du coeur du monde ». n'étant plus dans le monde des vivants, ils seront morts bientôt, puisqu'ils sont dans l'attente de leur châtiment, dans l'attente de la pendaison. Les cellules sont des « tombes numérotées ».
Ces cellules sont « l'enfer distinct de chacun », où les prisonniers sont torturés par des gardiens sans sourire et sans humanité. Comme au Moyen-Âge suite à la peste noire, les « damnés dansent une sarabande », ce qui évoque la mesnie hellequin ou la chasse infernale, la mort et son cortège de spectres. D'ailleurs, la Mort n'est pas la seule allégorie évoquée, il y a aussi le Désespoir, la Faim, la Terreur, des mots qui renvoient eux-aussi au champ lexial de l'horreur médiévale. Cependant, comme chez Villon, Dieu - et son pardon – sont le seul motif d'espoir est en Dieu. Cette ballade est une prière pour obtenir le pardon. Les allusions religieuses catholiques sont très nombreuses.
Un autre motif récurrent, comme un refrain, c'est celui de l'oeil regardant fixement le ciel, ou plutôt « une petite tente de bleu que les prisonniers nomment le ciel » ; même la vue d'un paysage ou celle d'une petite fleur sauvage sont interdites aux prisonniers.
Enfin, la force du texte vient aussi du contexte d'écriture.
Oscar Wilde écrit après son propre emprisonnement pour travaux forcés pour homosexualité. Ainsi, une autre thématique qui revient en boucle, « tous les hommes tuent ce qu'ils aiment », a-t-elle un sens encore plus fort avec une lecture biographique.
Un texte désespéré, puissant, d'une grande beauté. J'ai regretté de ne pas savoir suffisamment lire l'anglais pour pouvoir découvrir la version originale.