Roman-
Les Parasites de l'Esprit (Planète 1967, Néo 1980) est un roman clef pour qui veut pénétrer la pensée étourdissante de
Colin Wilson. Elle repose sur deux fondamentaux, la Phénoménologie de
Husserl et l'Inconscient Collectif de
C.G. Jung, deux penseurs auxquels il consacrera du reste des études très intéressantes. Pour faire simple, et au risque d'être caricatural, on retiendra
° de la phénoménologie, la question suivante : comment fonder, d'un point de vue critique, l'accès à la connaissance des réalités transcendantales à la conscience ?
° de l'inconscient collectif, admettre son existence et son influence, c'est reconnaître que « nous ne sommes
pas d'aujourd'hui ni d'hier ; nous sommes d'un âge immense ».
Nous sommes dans un monde d'un futur relativement proche, en
compagnie du Dr Austin, perturbé par le suicide de son ami et collègue, le Pr Weissman, célèbre pour ses travaux sur la conscience. Un suicide totalement incompréhensible. Il laissera à Austin de nombreux dossiers dont l'archéologue repoussera l'examen tout en notant que son collègue travaillait sur le mystère des « parasites de l'esprit » par lesquels il se sentait infecté. Austin est pour l'heure complétement mobilisé par les fouilles de Karatepe en Turquie , suite à la découverte d'une statuette dont la datation va créer une véritable révolution, remettant en cause les chronologies habituelles sur l'apparition de l'homme. de surcroît, le site dissimule sous plusieurs kilomètres de terre des blocs cyclopéens sur lesquels, après déblaiement, d'étranges inscriptions seront relevées :
- Avant Pitkanas étaient les Grands Anciens.
- Tudaliyas rendit hommage à Abhot le Noir.
Or,
August Derleth va écrire au Pr. Reich, un proche collaborateur d'Austin, pour
lui signaler qu'Abdoth l'Impur est cité par
Lovecraft @ comme Grand Ancien . Et de fait, il figure dans la nouvelle
Dans l'Abîme du Temps (1935), étant également connu sous le nom de Nyogtha.
Lovecraft a vraisemblablement pioché dans « son réservoir à rêves – l'inconscient collectif - où il a retrouvé l'archétype de la cité cyclopéenne. Cette « découverte » va susciter un nouvel engouement planétaire pour l'oeuvre du Prince Noir de Providence et l'opération Karatepe sera rebaptisée « opération Kadath ». Les deux savants sont du reste tellement enthousiaste qu'ils envisageront un instant d'entreprendre des fouilles en Australie sur les traves du Pr Nathaniel Wingate Pealse.
Mais Austin va rapidement mettre ses recherches archéologiques en sommeil, perturbé de plus un plus par des interférences dans son esprit par ce qu'il appelle, clin d'oeil à
Lovecraft, les Tsathogghiens. Un prétexte pour plonger dans l'abondante littérature laissée par Weissman et ses étonnantes Réflexions Historiques. Commence alors un combat titanesque contre «
les Parasites de l'Esprit » sur fond de plongée vertigineuse dans les couches les plus profondes de la conscience. Les parasites sont une forme de cancer de l'esprit, et comme tout cancer est apparu lorsque l'homme a perdu son unité face à l'explosion du progrès, générant stress, inquiétude et désespoir. Réussir à les vaincre rendra à l'homme son unité et son émerveillement d'enfance. Un combat très coloré de science-fiction, au parfum d'Apocalypse et d'étranges pouvoirs de la lune.
Colin Wilson s'est expliqué dans plusieurs textes sur la façon dont il utilisait la fiction pour faire
passer son message philosophique. Ce livre est en effet une analyse en profondeur de la conscience humaine, une métaphore sur les limitations phénoménologiques que nous nous sommes fixés. « Il semblerait que « les parasites » forment une entité mystérieuse qui cherche à maintenir les hommes « en arrière », pour les empêcher d'avoir pleinement usage de leurs pouvoirs. Tout se
passe comme si l'homme était infecté par un virus invisible, dont le but est de ne
paslui permettre d'embrasser sa liberté. Blake a appelé ce parasite « le spectre » (In The New Existentialism) ». La touche de l'horreur gothique et de la science-fiction est utilisée pour illustrer le propos. « le spectre est invisible, comme une ombre, mais quand il prend l'ascendant sur l'homme, tout se fige. » (The Outsider). Une bonne description de ce phénomène est donnée dans « le point de vue des yeux de ver », de
Beckett. « le proche et le lointain » sont inconciliables » (L'art du roman).
Blake a décrit le spectre dans son long poème prophétique, Jérusalem. « le spectre est le raisonnement qui, lorsqu'il est séparé de l'imagination, forme une cage d'acier. » Wilson imagine pour sortir de ce piège une sorte de main apte saisir le monde. « Votre conscience génère une sorte de bras, un pseudopode qui enveloppe [l'objet] » (in le Journal de Gérard Sorme, le 18 novembre). Ce resserrement de conscience est sa méthode de vaincre ce qu'il appelle le robot (ou
les parasites de l'esprit), ou encore les spectres de Blake.
Livres imaginaires
Il n'y a
pas encore de Necronomicon dans ce roman, mais une belle bibliothèque de livres imaginaires à caractère scientifique :
° Réflexions Historiques, Karel Weissman, manuscrit non publié.
° La philosophie de Karel Weissman, Max Viebig, Northwestern University, 2012.
° Les Frontières de l'Archéologie, Dr Austin, Londres 1983.
°
Lovecraft et les inscriptions de Kadath, Dr Austin, conférence à la Société Historique de New York du 18 juin 1999.
° La Vie, l'Être et le langage, Dr Austin, 2005.
° Oeuvres diverses, Dr Austin.
° Dalgleish Fuller, étude sur le fanatisme, Daniel Atherson, New York 2010.
°
le Temple Caché, George Ribot.
° de l'Atlantide à Hiroshima, George Ribot.
° Mon grand-père, le poète russe Nadson, Stanlislaw Perzynski.
° Histoires Surnaturelles du comte Potocki, Stanlislaw Perzynski.