Fabiola ou l'Eglise des catacombes

Commençons par dire que je suis assez perplexe par le classement jeunesse de ce livre sur Babelio...Entre les enfants de treize ans massacrés par la foule et ceux de dix-sept par une panthère, en continuant avec les morts tous les chapitres, personnellement ce roman m'aurait donné des cauchemars, si je l'avais lu enfant!
De quoi parle de Fabiola ou l'Eglise des catacombes? Et bien, de Fabiola, bien sûr, jeune patricienne romaine versée dans la philosophie, et qui n'a que mépris pour les chrétiens, cette étrange secte venue d'Orient, qui se terre dans les catacombes et adore, selon ce qui se dit à Rome, une tête d'âne. Il est assez évident dès le début que l'auteur se dirige vers la conversion de Fabiola, mais il serait vain de réduire le roman à ceci. On pourrait même dire qu'il y a ici plusieurs romans en un. Il y a la partie historique, passionnante, à la fois description de l'Eglise primitive, si différente de l'actuelle, et description de la société romaine sous Dioclétien, il y a le parcours de Fabiola, il y a la vie de St Sébastien et de Ste Agnès, il y a le drame secret nouant la jeune esclave syrienne et ce mystérieux jeune patricien venu d'Asie....il y a même par moments un petit côté roman champêtre, car les pages décrivant la campagne romaine sont tout simplement superbes.
La multiplicité des facettes est l'un des points forts de ce très beau roman, avec la très belle plume de l'auteur, mais j'ai aussi apprécié une multitude d'autres détails, comme le fait que ce soit une femme qui enseigne à Fabiola la doctrine chrétienne: dans ce genre de littérature, il y a parfois une tendance à offrir la sagesse aux personnages masculins et à traiter les personnages féminins comme de viles ensorceleuses à éviter, ou des vierges nigaudes à protéger.
Lu un peu par hasard, ce roman s'est révélé un coup de coeur!

J'ai découvert ce livre il y a longtemps dans une édition de la fin du XIXe siècle plutôt austère, mais ça a été une vraie claque. Fabiola a été un des plus gros succès du XIXe siècle (c'est un des livres les plus faciles à trouver en brocante avec Picciola, autre énorme succès de l'époque), et tombé étrangement dans l'oubli de nos jours.

Pourtant Wiseman livre une oeuvre magistrale. Certes magistralement écrite, mais ce n'est peut-être ce qui impressionne le plus. le tour de force consiste surtout à entremêler avec un génie rare la fiction et la non-fiction. Il ramène les saints à leur statut mortel (on croise Saint-Sébastien notamment), ajoute des personnages totalement fictifs (l'héroïne par exemple), et offre une reconstitution de l'époque romaine superbe.

L'histoire religieuse racontée par Wiseman est simplement passionnante. Riche en action, volontiers violente, dotée de personnages remarquablement écrits, Fabiola est une petite pépite oubliée qui est un cours de religion sur les premiers chrétiens d'une rare érudition et qui pourtant n'ennuie jamais grâce au sens du rythme, de l'aventure divertissante, du rebondissement de son auteur.

A ceux qui se demandent comment rendre vivant un sujet à priori aride, Wiseman apporte une réponse mémorable à travers cette épopée aussi spirituelle que barbare emplie de scènes inoubliables décrites avec un talent incomparable par l'auteur qui n'atteindra jamais dans le reste de son oeuvre la puissance de Fabiola.

Quelle imagination chez un auteur inattendu : Nicholas Wiseman (1802 – 1865), cardinal érudit, premier archevêque catholique de Westminster … et qui publie en 1854 ce roman devenu rapidement un best-seller …

Un roman apologétique sur la vie des premiers chrétiens : l'ouvrage dépeint l'ambiance de la Rome du début du IVème siècle. On y découvre la vaste culture générale de l'auteur, sur les arts, le mode de vie, la sociologie de l'époque et surtout explique la signification des rituels des premières communautés chrétiennes.

Et pour moi, une occasion de découvrir la source d'une image qui a hanté mon enfance : dans la chambre de mes parents, j'admirais le profil de d'une belle jeune femme couverte d'un voile rouge, « la Fabiola ». J'appris bien plus tard que l'oeuvre émanait de Jean-Jacques Henner.

Fabiola est une jeune et riche patricienne qui pratique la philosophie. Cultivée, raffinée, elle a des chrétiens l'image véhiculée par la société : une secte de fous qui adorent une tête d'âne et se repaît de la chair d'enfants immolés lors de cérémonies secrètes. L'intolérance et la haine sont déjà très présentes à Rome, où la nouvelle religion présente un danger politique évident : la non soumission au culte de l'empereur.

Fabiola découvre un jour que son ami Sébastien, officier de la garde prétorienne, dont elle admire les qualités dignes des héros antiques, est chrétien. Tout comme Syra, l'une de ses esclaves, et pire encore, sa cousine Agnès qu'elle affectionne particulièrement. le nombre croissant des chrétiens inquiète le jeune et brutal empereur Maximin Hercule.

La persécution initiée par l'empereur commence à faire rage. Pancrace, Sébastien, Agnès, les amis de Fabiola, sont emmenés pour être livrés au supplice. Mais ils n'aspirent qu'à devenir martyrs, pour avoir le privilège de rencontrer le Christ dans le ciel. Leur attitude courageuse dans l'arène ébranle le public …

C'est un ouvrage savant, qui fait la part belle aux explications historiques, aux traductions de pierres tombales, nous conduit dans le réseau impressionnant des catacombes, nous fait assister aux cérémonies secrètes …

Et aussi, une intrigue bien construite dans le style des feuilletons de l'époque avec son lot de bons sentiments, de traîtres cupides, de vengeances et de violence.

Bref, un mélange efficace entre fiction et non-fiction, une découverte littéraire qui permet de mieux comprendre le mode de diffusion du catholicisme des premiers siècles.
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