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EAN : 9782021498523
160 pages
Seuil (03/02/2023)
4.26/5   23 notes
Résumé :
« Zéro point de fixation. » De Calais à Dunkerque, c’est l’expression employée par les autorités pour définir la politique de la France en matière d’immigration à la frontière franco-britannique. Caractérisée par des battues ou chasses à l’homme organisées toutes les 48 heures, cette stratégie de gestion policière des campements d’exilés a pour but de dissuader les personnes de s’installer et de se regrouper. Une manière de gouverner par l’image, l’exemple et la vio... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
Cela fait des années que Louis Witter, photo journaliste, illustre de façon souvent saisissante le quotidien de ces milliers d'exilés qui fuient les guerres , la répression et la misère : Syriens, Kurdes, Irakiens, Afghans, Soudanais, Érythréens…. Aujourd'hui , parce qu'il a eu le sentiment que « les images ne se suffisent pas en elles-mêmes », il signe avec « La battue » une enquête-témoignage sur les pratiques policières et les politiques de l'Etat en matière d'immigration à la frontière franco - britannique.

Dans une partie intitulée « Petite histoire de Calais », il rappelle les différentes étapes du traitement de l'afflux de réfugiés qui se pressent sur la côte d'Opale avec un même objectif : atteindre le Royaume-Uni.
Depuis la fin des années 1990, il y a eu d'abord le Centre d'hébergement et d'accueil d'urgence de Sangatte, géré par la Croix Rouge et fermé en 2002 par Nicolas Sarkozy. Il y a eu la « Grande Jungle» de Calais, immense camp de migrants aux allures de bidonville, dont l'évacuation est ordonnée par Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur de François Hollande, qui met alors en place la politique dite du « zéro point de fixation » visant à empêcher la formation de nouveau camp : « plus de camps, plus de cabanes de bois, plus d'électricité, plus d'aide humanitaire que celle, minimale, fournie par l'Etat. » Une stratégie renforcée par Emmanuel Macron et son ministre de l'intérieur, Gérald Darmanin ( avec la bénédiction et la contribution financière du Royaume Uni)

Witter explique ensuite ce qu'il a vu pendant ses 18 mois sur place : les expulsions des campements toutes les 48 heures (oui, tous les 2 jours !) au petit matin ; les tentes et effets personnels des migrants déchirés ou mis à la benne; les traques sur les plages; les interdictions préfectorales de distribuer de l'eau et de la nourriture; une chasse à l'homme, une « battue » encouragée par les pouvoirs politiques, à l'échelon local et national. Les associations qui, malgré tout, continuent à apporter leur aide parlent de « politique de harcèlement ». Un harcèlement aussi inhumain qu'inutile puisque tout le monde sait très bien que sitôt les gendarmes partis, le campement de fortune se reconstitue ! Il pousse simplement un peu plus de personnes à prendre le risque de la traversée : plus de 350 personnes ont perdu la vie , sur terre ou en mer, à cette frontière franco- britannique.

Le livre élargit le propos à l'ensemble de l'Europe. Il rapporte les camps grillagés ,entourés de policiers, ouverts aux frontières entre la Serbie et la Hongrie ; la concertina , « ce fil métallique fait de centaines de lames de rasoir toutes aussi tranchantes les unes que les autres, fabriqué depuis des années par une entreprise espagnole nommée European Security Fencing, clôture de sécurité européenne. » qu'on retrouve partout aux portes de l'Europe. Il parle aussi des millions d'euros (500 M supplémentaires en 2022) accordé par l'Union européenne au Maroc pour couvrir la lutte contre l'immigration illégale.

Il rappelle aussi que lorsque l'invasion de l'Ukraine a commencé, entraînant sur les routes de l'exil des milliers de civils , « l'Union européenne , sur l'accueil des réfugiés, réagit en un temps record. Les États font l'étalage de leur grande solidarité, les portes s'ouvrent une à une. Même à Calais, la mairie réquisitionne une auberge de jeunesse pour accueillir ces nouveaux réfugiés ». Cent mille personnes sont accueillies en France, par l'Etat et par des familles. 150 euros d'aide mensuelle annoncée par la 1ere ministre pour les familles qui accueillent des réfugiés ukrainiens ; mais 135 euros d'amende pour les bénévoles de Calais qui , au moment du Covid, viennent apporter de la nourriture aux réfugiés Soudanais ou Érythréens : « Il y a ceux à qui on tend la main et ceux que l'on pourchasse » .Une humanité à deux vitesses …

La politique du « zéro point de fixation » est manifestement un échec, et en conclusion, l'auteur rappelle que la question de l'immigration va se poser de façon de plus en plus cruciale avec les enjeux climatiques et qu'il faut donc s'interroger collectivement sur notre conception de « l'autre », « l'accueil », « l'hospitalité », des notions que « le politique semble avoir totalement abandonnées pour les laisser entre les mains d'associations, de groupes sociaux et d'individus solidaires »
« Poser les nouvelles bases d'une société qui pourrait alors de nouveau se regarder dans le miroir ».


Une lecture nécessaire, étayée de faits et de chiffres précis, de témoignages d'exilés et de bénévoles, au plus près de la réalité et loin des effets de manche des politiques ou des propos nauséabonds de chroniqueurs de plateaux TV…
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La politique du zéro point de fixation, c'est celle mise en place par le gouvernement français sur les côtes Nord depuis le démantèlement de la "jungle" de Calais en 2016. Son fonctionnement ? Toutes les quarante-huit heures, c'est, pour les forces de l'ordre, démanteler, en emportant, en mettant à la benne, en détruisant, parfois même sur place, tentes, affaires personnelles laissées à l'intérieur, des réfugiés et migrants qui attendent de trouver un moyen de se rendre en Angleterre, et s'en aller, laissant celles et ceux qui viennent d'être chassé.e.s se réinstaller au même endroit, pour mieux les chasser quarante-huit heures plus tard. C'est aussi rendre aux associations d'aide l'impossibilité de donner de quoi manger et de quoi boire au quotidien.
Son résultat ? A part rendre encore plus inhumaines les conditions d'accueil qu'elles ne l'étaient avant, donnant à cette politique le rôle d'une véritable battue, aucun : il n'y a pas, en effet, moins d'installations, mais plus encore de barbarie qui ne fait pas honneur au pays, alors qu'un accueil digne de celui que l'on nomme encore, l'on ne sait de moins en moins pourquoi, le pays des droits de l'homme, serait bien plus simple, et bénéfique.

C'est par un travail au long cours, effectué pendant de nombreux mois sur place, précisément documenté, particulièrement éclairant sur la situation, que Louis Witter, photojournaliste qui a fait le choix, ces dernières années, notamment de raconter les conditions d'accueil des réfugiés dans le monde, et qui est à l'origine d'une photographie ayant fait polémique, à Calais, qui montre des équipes de "nettoyage" accompagnant les forces de l'ordre lacérer au couteau les tentes avant de les démonter, décrit dans le moindre détail cette politique du zéro point de fixation. Il s'appuie d'abord sur l'histoire de Calais, de ce qui a mené à cette politique, et montre ensuite que cette politique ne s'applique malheureusement pas qu'en France, et qu'elle s'accompagne de plus en plus de frontières officieuses, notamment en Europe. Ou comment la xénophobie nous étreint de plus en plus violemment...

C'est un travail journalistique de qualité, salutaire, nécessaire en des temps que je trouve personnellement bien sombres.
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Louis Witter, photojournaliste, suit depuis des années le traitement des migrants en France surtout mais aussi en Europe et à ses frontières.
Il commence son livre par une liste, une très longue liste de noms : 350 noms de personnes décédées « sur terre et sur mer, alors qu'elles étaient en demande de refuge entre la France et le Royaume-Uni ». Oui, c'est fastidieux à lire, trois cent cinquante noms. Je les ai tous lus, posément, en essayant d'absorber chaque lettre, de les prononcer car c'était bien le moins que je pouvais faire : ces cadavres de migrants, ces hommes, ces femmes et ces enfants, que l'on n'évoque au 20 heures que lorsqu'ils sont suffisamment nombreux pour que cela soit spectaculaire, avaient des noms, des vies, des ambitions, des rêves.
Louis Witter nous raconte comment au pays des droits de l'homme où "les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits", cela dépend en fait surtout de l'endroit où ils sont nés et de la couleur de leur peau. L'interdiction de nourrir les migrants et de les aider avait tout de même -un peu- choqué la population française car les medias nationaux avaient -un peu là aussi- évoqué la situation.
Les déprédations, vols de papiers et destruction d'abris, les déportations sont à la base de la politique menée par la gauche, la droite et l'en-même-temps actuel dans notre pays : le "zéro point de fixation", qui entraîne une chasse à l'homme régulièrement menée (tous les deux jours) par des compagnies de CRS venues de toute la France pour chasser ces pauvres hères.
Ce que Louis Witter dénonce ici c'est l'absence de politique migratoire, l'absence de politique d'accueil de nos dirigeants et le je-m'en-foutisme complet de nos concitoyens en général, il faut bien le reconnaître. « Humanité et fermeté » sont les mots d'ordre de nos dirigeants actuels. Il faut croire que leur capacité de concentration est plutôt limitée puisque d'après l'auteur, le volet fermeté absorbe bien 85% des sommes allouées au « problème » migratoire. La chasse est visiblement un loisir onéreux.
Louis Witter a néanmoins pu faire ce travail grâce aux bénévoles des associations qui, à Calais, assistent les migrants et témoignent, comme elles le peuvent, de ce qu'elles voient et de ce qui se passe. D'après lui, ces associations subissent « un véritable harcèlement policier ». Il donne des faits, des dates.
C'est une lecture dérangeante. La France et l'Europe se réclament des droits de l'homme, c'est beau sur le papier, surtout pour s'opposer au dictateur de l'Est qui ne les respecte pas. Les faits, eux, sont affligeants.
Quel pays, quelle Europe voulons-nous ?

Lu dans le cadre de la Masse critique de février 2023. Merci à Babelio et au Seuil de perturber mon sommeil et ma bonne conscience avec ce livre.
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Dans le cadre de la dernière Masse Critique j'ai eu la chance de recevoir ce livre. J'en avais entendu parler à la radio et c'est ce qui m'a donné envie de le lire. Ce n'est pas vraiment mon style de livre, un article à ce sujet tout au plus. Mais comme sur de nombreux sujets, on préfère parfois faire l'autruche ou ne pas se sentir concerné parce que ça ne se passe pas dans notre rue, village, région. Maintenant je ne peux plus dire que je ne sais pas. En effet Louis Witter nous ouvre les yeux sur une réalité terrible. Celle de la survie des réfugiés, des exilés, principalement à Calais. On y découvre les mécanismes de la police, de l'Etat pour venir à bout de ce problème. Et finalement on dirait un jardinier du dimanche qui s'attaque aux pissenlits au lance flammes... Sur Babelio c'est uniquement la critique du livre que je me dois de faire alors je ne vais pas pousser plus loin la comparaison. Ce livre est extrêmement bien ficelé, bien organisé et facile à lire. On ne se perd pas, on ne s'ennuie pas. L'essentiel est dit, les mots sont justes. La conclusion est forte.
Je recommande la lecture de ce livre, surtout aux jeunes, pour ne pas se laisser gagner par la facilité du populisme, d'une xénophobie ordinaire...
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La Battue est le premier livre de Louis Witter, journaliste et photographe connu pour ses reportages à Calais et plus récemment à Mayotte, que j'ai découvert sur les réseaux sociaux.

Le livre s'ouvre une longue liste de noms ; serait-ce les remerciements ? Non, ce sont les noms des personnes mortes en ayant tenté de rejoindre les côtes anglaises depuis Calais. Et l'on se reproche déjà ses propres clichés : tous ces noms ne sont pas forcément à consonnance arabe, persane ou d'Afrique de l'Ouest, on y trouve aussi de nombreux patronymes asiatiques.

Brossant le portrait de Calais et les différentes politiques mises en place pour tantôt améliorer le sort des immigrés, tantôt tenter de les faire dégager, Louis Witter revient sur le démantèlement du Camp de Grande-Synthe et sur ses conséquences.

Soulignant au passage la décorrélation totale des moyens alloués à la police et l'efficacité de leurs interventions (tout comme les montants accordés au Maroc et la baisse des tentatives d'entrée dans l'UE depuis ce pays), La Battue présente et illustre ensuite la stratégie employée par les forces de l'ordre à Calais : celle d'un harcèlement permanent des immigrés, à grand renfort d'expulsions toutes les 48h et de destruction des effets personnels, afin d'atteindre le sacro-saint objectif du « zéro point de fixation », ou empêcher les immigrés de se fixer en un lieu. Commence un drôle de ballet où le premier temps du zéro point de fixation est celui d'immigrés s'installant dans un campement de fortune ; le deuxième temps voit les CRS les réveiller et leur demander de quitter les lieux, saccageant au passage leurs affaires, le troisième temps est celui des immigrés revenant s'établir sur les lieux une fois l'intervention terminée…Et la chorégraphie se répète quelques 48h plus tard, si possible à l'abri des regards des journalistes et associations.

Ce qui pourrait se limiter à une situation un peu absurde glisse inéluctablement vers une guerre psychologique où les immigrés, coincés et ne pouvant transplaner vers d'autres lieux tels des magiciens, se retrouvent dans une situation où ils sont traqués, dépouillés, harcelés, menant un certain nombre d'entre eux au suicide. Il est dès lors bien commode de critiquer les pushbacks des garde-frontières grecs, le Maroc renvoyant les immigrés tentant d'atteindre Ceuta aux portes du désert marocain, à plusieurs centaines de kilomètres, ou le Royaume-Uni et sa récente solution miracle visant à envoyer au Rwanda les immigrés illégaux retrouvés sur son territoire.

Ce harcèlement s'applique également aux associations d'aide aux migrants, qui se voient sans cesse entravées dans leurs actions : restriction de l'accès aux points de distribution d'eau, contrôles policiers, amendes systématiques durant le COVID sous prétexte d'attestation non en règle…Cette politique de sabotage de la solidarité des associations ou des particuliers m'a d'ailleurs fait penser au petit essai de Cédric Herrou, une terre commune.

Une enquête fouillée et attristante, bien loin de l'autoproclamée image de solidarité et d'universalité véhiculée par la France, et qui, au-delà même des considérations humanistes ou idéologiques, révèle que les politiques actuelles déployées sur le terrain ne parviennent pas à atteindre leurs objectifs, malgré des investissements démesurés. Encore faudrait-il avoir le courage de le reconnaître…
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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
Le 13 octobre et le 26 octobre 2021, à la suite de nouvelles expulsions, toujours à Grande-Synthe, des exilés ont saisi la justice, accompagnés par des associations. Comme l'expliquait leur avocat : "Tout abri - même une bâche, et même si son propriétaire est présent sur le territoire de manière illégale - est un habitat. Il s'y applique le même droit que pour un appartement bourgeois."
(p. 33)
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Pourquoi l'Etat veut-il garder l'emprise sur sa communication et nous empêche-t-il, journalistes comme observateurs, de témoigner de ces expulsions? Il y a peu, j'ai pu poser la question à un gradé des CRS [...]. Pour lui, la question centrale est la volonté de l'Etat de garder la mainmise sur le récit des événements. "Quand on arrive sur les lieux et qu'on met en place ce périmètre, on sait très bien que c'est pour empêcher aux journalistes de voir ce qui se passe" me dit-il. Pour lui, "les gouvernements successifs préfèrent avoir leurs propres images et garder le contrôle plutôt que d'avoir des images qui choquent."
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Depuis 2016, Calais est devenue un lieu où les forces de l'ordre, toutes les quarante-huit heures, viennent déloger des dizaines d'hommes, de femmes et d'enfants de sous leurs tentes pour les voir revenir quelques minutes plus tard au même endroit. Calais est devenue une ville où, personnellement impliqué, le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, applique une politique dénoncée par les associations et les personnes qui assistent à sa mise en oeuvre comme une politique de harcèlement des personnes exilées.
(p. 15)
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Cette politique du « zéro point de fixation » censée servir les deux États en empêchant les exilés aussi bien de rester que de partir ne fait alors que les maintenir dans l’errance, dans la précarité et de fait dans un état constant de vulnérabilité physique et psychologique.
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Pour empêcher les personnes perçues comme indésirables de rester en Hongrie, on les enferme dans des camps pour les envoyer plus loin, vers l'Autriche puis l'Allemagne. Pour empêcher les personnes perçues comme indésirables de quitter l'Ukraine, on les chasse des deux côtés de la frontière. Pour empêcher les personnes perçues comme indésirables de quitter le continent africain, on les chasse au Maroc: à Nador, Tanger ou Tétouan.
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