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EAN : 9781906981372
200 pages
Parkstone (07/04/2011)
4.06/5   8 notes
Résumé :
«Je hais les cuistres qui nous régentent, les pédants et les ennuyeux qui refusent la vie. Je suis pour les libres manifestations du génie humain. Je crois à une suite continue d'expressions humaines, à une galerie sans fin de tableaux vivants, et je regrette de ne pouvoir vivre toujours pour assister à l'éternelle comédie aux mille actes divers [...]. Autant de sociétés, autant d'œuvres diverses, et les sociétés se transformeront éternellement. Mais les impuissants... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
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Dès ces premiers articles comme critique d'art, l'audience du romancier est au rendez-vous.
Il débute au Salon de 1866 et publiera dans « L'Événement » et autres journaux presque tous les ans jusqu'en 1881 des jugements sur les toiles du Salon.
L'écrivain a souvent la dent dure pour les artistes. Il fustige les peintres académiques, les Cabanel, Gérôme, Meissonnier, etc. Il saisit parfaitement que la « révolution » dans les arts plastiques imposée par Manet, par Monet et par les autres peintres d'avant-garde qu'il défend et soutient, est d'abord un changement du langage plastique. Il ne s'agit pas de concevoir un tableau comme une sorte de fenêtre ouverte sur la nature, sur les êtres et sur les choses ; c'est d'abord et essentiellement un ensemble de formes et de couleurs.
Comme ses amis, il travaillait « sur le motif » distribuant les êtres et les choses dans l'espace, « dans l'air du tableau ».
Je propose de vous montrer quelques extraits, ci-dessous, des Salons d'Émile Zola. Écrits avec le talent de l'homme de plume célèbre, ils exprimeront, mieux que de longues théories, son état d'esprit et ses préférences durant cette période d'une quinzaine d'années d'effervescence artistique :

A mon ami Paul Cézanne – Mon salon, 20 mai 1866
Il s'agit d'une dédicace adressée à ami d'enfance à Aix, Paul Cézanne.
« J'éprouve une joie profonde, mon ami, à m'entretenir seul avec toi.
[…] Il y a dix ans que nous parlons arts et littérature. Nous avons souvent habité ensemble – te souviens-tu ? – et souvent le jour nous a surpris discutant encore, fouillant le passé, interrogeant le présent, tâchant de trouver la vérité et de nous créer une religion infaillible et complète. Nous avons remué des tas d'effroyables idées, nous avons examiné et rejeté tous les systèmes, et, après un si rude labeur, nous nous sommes dit qu'en dehors de la vie puissante et individuelle, il n'y avait que mensonge et sottise. […] Tu es toute ma jeunesse ; je te retrouve mêlé à chacune de mes joies, à chacune de mes souffrances. […] Nous affirmions que les maîtres, les génies, sont des créateurs qui, chacun, ont créé un monde de toutes pièces, et nous refusions les disciples, les impuissants, ceux dont le métier est de voler çà et là quelques bribes d'originalité. Sais-tu que nous étions des révolutionnaires sans le savoir ? »

Édouard Manet - 1er janvier 1867
Le peintre est très critiqué depuis ses premiers envois au Salon. Zola écrit un long article sur son ami Édouard Manet et son oeuvre qu'il admire :
« Je voudrais pouvoir prendre les sceptiques par la main et les conduire devant les tableaux d'Édouard Manet : « Voyez et jugez, dirai-je. Voilà l'homme grotesque, l'homme impopulaire. Il a travaillé pendant six ans, et voilà son oeuvre. Riez-vous encore ? le trouvez-vous toujours d'une plaisanterie drôle ? Vous commencez à sentir, n'est-ce-pas, qu'il y a autre chose que des chats noirs dans ce talent ? (en référence au chat dans « Olympia ») (…) Riez encore, si vous aimez à rire ; mais prenez garde, vous rirez désormais aveuglement. »

Sur le « Déjeuner sur l'herbe » de Manet :
« le Déjeuner sur l'herbe est la plus grande toile d'Edouard Manet, celle où il a réalisé le rêve que font tous les peintres : mettre des figures de grandeur naturelle dans un paysage. On sait avec quelle puissance il a vaincu cette difficulté. (…) Sur le premier plan, deux jeunes gens sont assis en face d'une seconde femme qui vient de sortir de l'eau et qui sèche sa peau nue au grand air. Cette femme nue a scandalisé le public, qui n'a vu qu'elle dans la toile. Bon Dieu ! quelle indécence : une femme sans le moindre voile entre deux hommes habillés ! Cela ne s'était jamais vu. Et cette croyance était une grossière erreur, car il y a au musée du Louvre plus de cinquante tableaux dans lesquels se trouvent mêlés des personnages habillés et des personnages nus. »

En 1868, Emile Zola, dans son Salon, fait des commentaires magnifiques à un peintre sans succès à cette période : Camille Pissarro.
Mon Salon, Les naturalistes 19 mai 1868
« Il suffit de jeter un coup d'oeil sur de pareilles oeuvres pour comprendre qu'il y a un homme en elles, une personnalité droite et vigoureuse, incapable de mensonge, faisant de l'art une vérité pure et éternelle. Jamais cette main ne consentira à attifer comme une fille la rude nature, jamais elle ne s'oubliera dans les gentillesses écoeurantes des peintres-poètes.
[…]
Camille Pissarro est un des trois ou quatre peintres de ce temps. Il possède la solidité et la largeur de touche, il peint grassement, suivant les traditions, comme les maîtres. J'ai rarement rencontré une science plus profonde. Un beau tableau de cet artiste est un acte d'honnête homme. Je ne saurais mieux définir son talent. »

L'Evénement illustré, mai 1866, concernant Gustave Courbet :
« Mon Courbet à moi, est simplement une personnalité. le peintre a commencé par imiter les flamands et certains peintres de la Renaissance ; mais sa nature profonde se révoltait, et il se sentait entraîné par toute sa chair – par toute sa chair entendez-vous ? – vers le monde matériel qui l'entourait, les femmes grasses et les hommes puissants, les campagnes plantureuses et largement fécondes. Trapu et vigoureux, il avait l'âpre désir de serrer entre ses bras la nature vraie ; il voulait peindre en pleine viande et en plein terreau. »

Au Salon de 1866, Emile Zola ne mesure pas son enthousiasme pour « La femme à la robe verte » de Claude Monet qui représente sa jolie compagne « Camille » :
« Las de ne rencontrer aucun talent nouveau, lorsque j'ai aperçu cette jeune femme traînant sa longue robe et s'enfonçant dans le mur, comme s'il y avait eu un trou. Vous ne sauriez croire combien il est bon d'admirer un peu, lorsqu'on est fatigué de rire et de hausser les épaules.
Je ne connais pas Monsieur Monet. Je crois même que jamais auparavant je n'avais regardé attentivement une de ses toiles. Il me semble cependant que je suis un de ses vieux amis. Et cela parce que son tableau me conte toute une histoire d'énergie et de vérité.
Eh oui ! voilà un tempérament, voilà un homme dans la foule de ces eunuques. Regardez les toiles voisines et voyez quelle piteuse mine elles font à côté de cette fenêtre ouverte sur la nature. Ici, il y a plus qu'un réaliste, il y a un interprète délicat et fort qui a su rendre chaque détail sans tomber dans la sécheresse. Voyez la robe. Elle est souple et solide. Elle traîne mollement, elle vit, elle dit tout haut qui est cette femme… »


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Dès ses débuts en 1866, Zola avait des goûts bien déterminés et il ne s'en départira jamais, même si on peut observer des évolutions, peut-être légères mais importantes. Sa définition de l'Art est la suivante : « Une oeuvre d'Art est un coin de la création vu à travers un tempérament. » Il y a dans cette phrase les deux axes principaux de sa théorie sur l'art : la réalité et la personnalité.
Dans les premières années où Zola commence à publier des articles, alors qu'il n'a pas trente ans et qu'il est encore inconnu, il met l'accent essentiellement sur la personnalité de l'artiste qui doit transparaitre dans ses oeuvres. « Mes haines », le texte qui ouvre ce livre et dont on peut lire un extrait en quatrième de couverture, est superbe. C'est une sorte de petit « J'accuse » esthétique, typique d'une époque où les journalistes se préoccupaient assez peu d'information et encore moins de neutralité, et où ils étaient de véritables écrivains. Un texte porté par des sentiments de révolte, de dignité, magnifique d'orgueil. « Si je vaux quelque chose aujourd'hui, c'est que je suis seul et que je hais. » Tous les imbéciles et les médiocres en prennent pour leur grade. Un texte assez caractéristique de cette époque où l'on ne prenait pas mille précautions pour ne pas heurter le bon peuple démocrate, où l'on pensait encore que toutes les paroles ne se valaient pas, un bizarre mélange de pensées aristocratiques et anarchistes, ou plus simplement individualistes. Un individualisme se situant dans la lignée de l'humanisme De La Renaissance. Zola se définie comme un Diogène de l'Art, dans chaque oeuvre il cherche un homme. Tous les textes qui suivent, jusqu'en 1868, sont du même acabit. Zola y défend Manet parce qu'il voit en lui une vraie personnalité originale qui ne se soucie pas des conventions académiques et du Beau Idéal inventé par les esthéticiens du dix-huitième siècle. Et aussi, parce que Manet est un peintre moderne qui peint la réalité et non pas des sujets mythologiques ou religieux. Zola est déjà indéfectiblement un réaliste, un admirateur de Courbet, mais son individualisme lui fait prendre ses distances avec toutes les écoles, y compris celle des réalistes telle que Proudhon aurait aimé qu'elle soit, c'est-à-dire un réalisme social. C'est cette distance qui lui fait inventer le naturalisme qui n'est rien d'autre, à la base, qu'un réalisme individualiste (Je passe sur « les contradictions quasi intenables », comme l'a justement remarqué le préfacier, d'une telle théorie). C'est toujours son individualisme profond, à cette époque, qui lui fait émettre quelques réserves sur les théories positivistes de Taine, dont, par ailleurs, il admire la personnalité et le côté artiste.
De 1868 à 1872 Zola n'écrit plus sur l'art. Entre-temps il a entamé son cycle des Rougon-Macquart, Manet a été admis au salon officiel, et s'il semble que Zola n'a rien changé à sa définition de l'Art, sa préoccupation première n'est peut-être plus la personnalité de l'artiste mais le réalisme. Il continu de taper à bras raccourcis sur l'académie, le troupeau ricanant du public et les jurys du salon mais, en même temps, il commence à admettre le positivisme de Taine et finalement son oeuvre s'imprègne de socialisme. Avant 1868, il détestait les peintres académiques pour leur manque d'originalité. Après 1872, il les fustige davantage à cause de leur manque de réalisme. Il faut noter au passage que Zola est particulièrement friand des métaphores culinaires quand il s'agit de critiquer les sucreries qu'offrent les peintres académiques au public. Pour Zola, le Beau tel que l'envisage ces artistes est faux ; ce ne sont que des conventions qui ont un succès de pacotille auprès d'un public qui ne déteste rien tant que de se trouver face à la réalité sale et brutale d'un artiste original. Quand apparaissent les impressionnistes et qu'ils sont rejetés, eux aussi, des salons officiels, Zola prend aussitôt leur défense, les considérants comme des peintres naturalistes. C'est, en résumé, à peu près tout ce qu'on trouvera dans les comptes rendus de salons qu'écrit Zola pendant les années 1870.
Le dernier texte publié bien plus tard, en 1896, est un petit contre-pied à ses anciennes critiques ; alors qu'il est devenu le grand romancier français de cette fin de siècle - adulé par une foule dont il se défiait tant, posant inlassablement sa candidature pour entrer dans cette fameuse académie française – il continu de dénigrer les salons mais plus du tout avec l'esprit progressiste dont il avait jusqu'ici fait preuve, au contraire, il en vient , sans les nommer, à critiquer les successeurs des impressionnistes. Il est vrai que sa critique est logique puisque les post-impressionnistes se sont tous éloignés de la réalité, en tout cas de ce que Zola considérait être la réalité.
Ce qu'il y a de drôle à observer avec les gens qui se prétendent réalistes, c'est qu'ils ne comprennent en général rien à l'idéal ; ils ne comprennent pas que leur réalisme est encore un idéalisme et que la réalité est un mot aussi abstrait que la vérité ou l'idéal. Une question de sémantique sans doute. Quoi qu'il en soit, les commentaires de Zola sur l'art sont justes. La postérité lui a donné raison sur la plupart de ses jugements et même s'il n'est pas tendre avec les peintres qu'il n'aime pas, il reste honnête et sait reconnaître à demi-mot leur talent. Il a aussi les défauts de ses qualités et son exaltation tourne parfois à l'hystérie ; sa foi absolue en la modernité et sa haine de tout idéal est vraiment aveugle et quand il en vient à dénier tout esprit artistique aux civilisations grecque et égyptienne, je ne sais pas… tout ça manque cruellement de recul. Cependant, Zola était un grand romancier qui savait raconter et donc ses comptes rendus de salon sont assez agréables à lire.
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
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Et quelle stupéfaction pour le public, lorsqu’on le place en face de certaines toiles peintes en plein air, à des heures particulières ; il reste béant devant des herbes bleues, des terrains violets, des arbres rouges, des eaux roulant toutes les bariolures du prisme. Cependant, l’artiste a été consciencieux : il a peut-être, par réaction, exagéré un peu les tons nouveaux que son œil a constatés ; mais l’observation au fond est d’une absolue vérité, la nature n’a jamais eu la notation simplifiée et purement conventionnelle que les traditions d’école lui donnent.

Émile Zola - Le naturalisme au Salon - Juin 1880

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Extrait d'une défense datée de 1867 de l'oeuvre d'Edouard Manet - Le Déjeuner sur l'herbe

Ce qu'il faut voir dans le tableau, ce n'est pas un déjeuner sur l'herbe, c'est le paysage entier, avec ses vigueurs et ses finesses, avec ses premiers plans si larges, si solides, et ses fonds d'une délicatesse si légère ; c'est cette chair ferme modelée à grands pans de lumière, ces étoffes souples et fortes, et surtout cette délicieuse silhouette de femme en chemise qui fait dans le fond une véritable tache blanche au milieu des feuilles vertes, c'est enfin ce vaste ensemble, plein d'air, ce coin de la nature rendu avec une simplicité si juste, toute cette page dans laquelle un artiste a mis tous les éléments particuliers et rares qui étaient en lui.
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