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EAN : 9782221106488
432 pages
Robert Laffont (04/03/2010)
3.74/5   23 notes
Résumé :
Élisée Reclus, né en 1830 à Sainte-Foy-la-Grande, étudie en Allemagne, traverse la France à pied, travaille comme ouvrier agricole en Irlande, découvre l'esclavagisme en Louisiane et tâte de l'agriculture en Colombie tout en explorant le pays. En 1857, à Paris, il entre à la Société de géographie et devient, avec Bakounine et Kropotkine, un pilier du mouvement anarchiste. Il s'engage dans la Garde nationale pendant la Commune de Paris ; fait prisonnier, il est conda... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Après des décennies d'oubli suite à une très vaste renommée de son vivant, nous connaissions, grâce à Yves Lacoste, l'auteur de l'immense traité encyclopédique Nouvelle Géographie Universelle se composant de quelques vingt mille pages rédigées au cours de presque deux décennies, ainsi que d'une vaste série d'autres ouvrages géographiques aussi ambitieux que novateurs.
J'ignorais, pour ma part, les deux autres volets que le célèbre neurobiologiste Jean-Didier Vincent met en exergue de la biographie de son héros concitoyen : l'anarchiste et l'écologiste. Je retire en plus de cette biographie amoureuse sous forme d'épopée, dont le style parvient sans doute à s'identifier avec celui du géographe, le portrait d'un homme aussi exceptionnel qu'emblématique de son éducation et de son temps.
L'éducation, caractérisée par l'austérité ainsi que par l'omniprésence des sentiments de justice et de religiosité, c'est celle du protestantisme de son pasteur de père, poursuivie dans ses études théologiques en Allemagne. Elle aura pour conséquences sa première révolution intime, qui le mènera à un athéisme militant, mais aussi à une grande et précoce aise à voyager et à s'établir à l'étranger - Allemagne, Angleterre, Irlande, Louisiane, Colombie, Suisse, Algérie, Belgique. Peut-être également, sur un plan plus métaphysique, le dirigera-t-elle vers ses relations si étrangement fusionnelles avec la Terre et avec l'Homme (deux maîtres-mots de toute son oeuvre), sans parler des femmes, aimées jusqu'à la fin d'amours libres et librement consenties défiant tout le choc et la réprobation de l'époque, trois objets d'amour donc, inconditionnel, sur lesquels il déversera par l'exploration, le nomadisme et la fraternité (de l'une et des autres pareillement), son chant d'espoir ininterrompu, ainsi que toute son espérance transcendantale muée du religieux.
Issu de son temps aussi. Comme tous ces hommes épris de liberté, dont la jeunesse se forgea en 1848 et l'âge adulte connut les pires humiliations morales et vexations physiques -réclusion, exil - en 70, à la suite de leur engagement pendant la Commune de Paris ; sans oublier l'ostracisme définitif de l'institution universitaire ni les constantes tracasseries policières qui le repoussèrent souvent hors de France.
C'était le lot de ces idéologues de l'entraide et de la solidarité universelle, parmi lesquels il eut sa place auprès notamment de son "frère fratrissime" Elie, son alter ego réservé et pessimiste, avec qui il vécut longtemps, ainsi que de son ami de toute la vie, Kropotkine. Son célèbre discours de février 1905, prononcé le lendemain de la tentative de révolution russe et quelques semaines avant son décès, donne le ton de cet anarchisme plutôt distant du style pamphlétaire, par son degré élevé d'abstraction et d'idéalisme. A noter aussi sa perspective d'origine protestante, centrée sur la responsabilité individuelle ainsi que sur ce qui se comprend aujourd'hui comme une révolution tout intime dans l'accession du sujet à la liberté, notamment dans la question des relations homme-femme.
Cette position excentrée révèle à la fois sa gêne par rapport aux actes violents de certains anarchistes de la dernière décennie du XIXe s. - la "terreur noire" - notamment "l'admiration ambiguë qu'il portait à Ravachol" (p. 335), et aussi ses propres contradictions sur la question coloniale, alors même que l'une de ses grandes causes avait été la dénonciation de l'esclavagisme.
L'écologisme de Reclus, enfin, recèle aussi une part de contradiction, dans la mesure où une dénonciation très précoce des dangers d'épuisement des ressources naturelles ainsi que de ceux de la technique à l'égard de la conquête individuelle de la liberté ne lui fut pas suffisante à se soustraire au positivisme et à la foi dans le progrès, si propres à son temps.

PS. "Comment admirer, aimer la petite individualité charmante de la fleur, comment se sentir frère avec l'animal [...] quand on ne voit pas aussi dans les hommes de chers compagnons, à moins pourtant qu'on ne les fuie à force d'amour, afin d'éviter les blessures morales qui viennent du haineux, de l'hypocrite ou de l'indifférent. " (E.R., L'Homme et la Terre, cit. p. 405).
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Voilà la biographie complète d'un homme en avance sur son temps, donc forcément décalé, un géographe, savant reconnu par tous, un homme engagé, anarchiste, et écologiste avant l'heure. C'est un livre passionnant, d'autant que l'auteur aime visiblement son sujet, c'est érudit, documenté, peut-être écrit d'une façon un peu trop classique et conventionnelle. Et encore : l'auteur y va de temps en temps de sa patte. !
Reclus mis à part, on y rencontrera des figures passionnantes, Kropotkine, Bakounine, Ravachol, Caserio et bien d'autres et on voyagera sur tous les continents à la découverte de territoires à peine explorés.
A lire avant tout pour découvrir un homme exceptionnel, encore bien trop méconnu et auquel l'avenir rendra bientôt sa juste place dans l'histoire des idées, j'en suis sûr.
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Une superbe biographie au profil d'une vie passionnante. A travers la vie d'Elisée Reclus, c'est la naissance de notre société moderne que nous suivons. Grâce à de nombreuses citations, Jean-Didier parvient à nous faire sentir ces évolutions telles que Reclus les a vécues.
Ce livre donne envie de lire beaucoup d'autres livres (sur l'anarchisme, sur la Commune de Paris) et c'est le plus beau compliment que l'on puisse faire à un livre.
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J'ai tenu 50 pages. Récit au passé simple comme une mauvaise rédaction de 6e, notes en fin de livre, jugements gratuits, conclusions hâtives, tout ce que je n'aime pas dans une biographie. Je crois que je vais directement me plonger dans l'oeuvre d'Elisée Reclus. C'est plus sûr.
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Didier Vincent Neurobiologiste et Neuropsychiatre a écrit sur les passions et le fonctionnement du cerveau. livre mentionné par Levradeur. Ami de A.D. Neel, je souhaiterai mieux le connaître d'autant plus qu'il avait en cette fin du XIXeme siècle une pensée très ouverte tant sur l'écologie que sur la vie tout comme ses idées anarchistes. A LIRE
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Il dévoilait les motivations et les buts des entrepreneurs, des marchands et des fonctionnaires coloniaux : « Elle [la mère Patrie] prétend en toute hypocrisie, de manière à tromper quelques naïfs, "porter la civilisation" ou même propager les "grands principes" chez les peuples lointains, mais le but incontestable, sous le couvert des formules les plus honorables, n'est autre que de voler et de piller : le colonial n'a d'autre objectif que de prendre, soit des trésors, soit des terres et les hommes qui les peuplent, soit le pouvoir et des titres à l'avancement. L’œuvre dans son ensemble est mauvaise et les agents qu'on emploie pour l'accomplir conviennent d'autant mieux à l’œuvre projetée qu'ils sont mauvais eux-mêmes. Accompagnant ces fonctionnaires civilisateurs, viennent les marchands qui reçoivent pour mission spéciale des créer des besoins aux indigènes naguère accoutumés à une vie des plus simples. Les efforts des colonisateurs prétendus se combinent pour faire naître de nouvelles demandes, notamment celle de l'eau-de-vie […] Bien pire encore est le sort du travailleur « libre » ! Sa tâche est fixée et, s'il ne la remplit pas, s'il n'apporte pas l'ivoire, ou le caoutchouc, ou la gomme copal, ou le sac de mil que l'on attend de lui, gare au fouet, au bâton, même au couteau. »
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[C'est ici Élisée Reclus qui parle] : « Nous voulons tous la destruction de l'Etat et pourtant nous nous servons d'une forme qui conserve les États centralisés. Il y a eu approbation quand on a parlé de l'abolition des frontières, on a dit que les vieilles patries ennemies devaient disparaître pour donner naissance à la grande patrie dont tous les hommes sont citoyens. J'appuie ceci de toute ma raison et je me demande pourquoi nous parlons des États-Unis d'Europe. Les Américains, les Chinois et les habitants des îles du Pacifique sont aussi nos frères et ce que nous voulons fonder, c'est la République fédérale de la terre entière. Toutes ces frontières ne sont que des lignes artificielles imposées par la violence, la guerre, l'astuce des rois et sanctionnées par la couardise des peuples. Et je me demande si les habitants d'Alsace n'hésitent pas entre la France et l'Allemagne ; si les Basques du nord des Pyrénées ne pourraient pas s'unir aux Basques espagnols ? Au nom de quel droit voudriez-vous les en empêcher ? Si même la France voulait s'unir à la Suisse, ne pourrions-nous pas nous en féliciter, en supposant bien entendu que ses institutions centralistes ne fussent pas un redoutable cadeau pour la libre république ?
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N'abdiquez donc pas, ne remettez donc pas vos destinées à des hommes forcément incapables et à des traitres futurs. Ne votez pas ! Au lieu de confier vos intérêts à d'autres, défendez-les vous-mêmes : au lieu de prendre des avocats pour vous proposer un mode d'action futur, agissez ! Les occasions ne manquent pas aux hommes de bon vouloir. Rejeter sur les autres la responsabilité de sa conduite, c'est manquer de vaillance.
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Pour se donner, il faut s'appartenir.
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Qu'est ce qu'un politicien ma tante ?
Un ingrat qui dépouille les pauvres pour donner aux riches, en n'oubliant pas de se servir au passage.
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Videos de Jean-Didier Vincent (14) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Jean-Didier Vincent
Il n'est pas exclu que la planète Terre vive les prémices d'un basculement historique : la transition d'une gouvernance ancestrale fondée sur la peur et la violence ? dictatures et terrorismes prolifèrent ? vers le pouvoir numérique bien plus subtil, et en apparence démocratique, qui s'affirme de jour en jour. Pourtant, sous des formes nouvelles, c'est le même pouvoir qui se perpétue. C'est pourquoi Jean-Didier Vincent pose ici la question des bases biologiques du pouvoir. Dès le plus jeune âge, notre cerveau est aux prises avec les notions d'imitation, d'empathie et de charisme, de désir de justice et d'humiliation, de violence et d'apaisement, que gèrent les flux de quelques molécules cruciales ? des hormones baptisées ocytocine et vasopressine ? sous le contrôle de la célèbre testostérone. Passionnant, et inquiétant, car cette étrange cuisine moléculaire s'applique aussi bien aux circuits du désir amoureux qu'à ceux qui mènent à la fabrication des monstres politiques. Auteur d'une célèbre « Biologie des passions » (1986) qui a révélé au plus grand nombre les mystères du cerveau, et de bien d'autres ouvrages, Jean-Didier Vincent, professeur à l'Institut universitaire de France et à la faculté de médecine de Paris-Sud, est membre de l'Académie des sciences.
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