Avant l'aube il fait nuit, et après ?
Philippe Marlin, de la police judiciaire de Paris, s'efforce de résoudre une enquête classée trop vite à son goût de la justice. Aidé par une journaliste et amante et un commissaire complice, freiné par les encombres de la société obscure des années gaullistes, il se retrouve malgré tout, seul face à ses fantômes dans ce roman noir.
Le roman de
Xavier Boissel dépeint fâcheusement une enquête policière qui s'ouvre sur le meurtre d'une jeune femme (orpheline et ancienne prostituée, mariée à un homme d'affaire douteux) qui fera l'objet de l'enquête effrénée d'un flic dévasté (veuf, alcoolique et un peu violent) qui tombe amoureux d'une journaliste (séduisante, carriériste et progressiste). Dès les premières intentions déclarées par l'auteur, aucune révolution du topos noir n'est à attendre. Les tourments de
Philippe Marlin sont ainsi nourris par les expériences désastreuses de sa vie. La mort le hante inéluctablement tout au long du roman, comme la destinée inévitable d'un être en proie au deuil de sa femme, à la criminalité, à l'impunité de son temps. L'histoire d'un simple meurtre et de son enquête forge ainsi l'embryon de ce roman vêtu d'une intrigue policière marquée par les stéréotypes. le tableau des personnages et l'arbre de leurs interactions n'ont comme surprise que l'audace de l'auteur de nous affliger un tel cliché du roman noir. Pourtant, la focalisation sur le personnage principal, déposée sur la papier avec un style incisif et même cynique, accomplit une réussite de l'appréhension de ce personnage, et ceci dans le cadre d'une société changeante, motivée par le profit. L'auteur nous dévoile, au fil de cette enquête en marge du système judiciaire officiel, un filet d'intervenants et d'interactions faisant montre d'une orchestration divertissante bien que peu surprenante. L'emboitement des preuves établit alors le crime comme la conséquence d'un penchant oblique de la société économique et politique des années 1960 : le mobile du mal est le gain économique. Seul l'inspecteur
Philippe Marlin, entouré de ses adjuvants (le commissaire Baynac et sa bienveillance, et la journaliste Charlotte et sa jeunesse), incarne la volonté d'une réparation. La seconde moitié de ce roman met alors à l'oeuvre un déterminisme éloquent au service de la survie de ce bien – concomitante à la propre survie du personnage principal. Sa volonté de résolution est guidée par ses souffrances personnelles et celles que le crime lui afflige. le style écru de
Xavier Boissel épouse alors la spontanéité de vouloir percer le mal mais aussi l'absence d'espoir qui achève le roman ; cependant il ne participe pas à l'établissement d'une profondeur des émotions du personnage. Les manoeuvres de l'auteur parviennent certes à illustrer la férocité d'une histoire mais pour un résultat décharné d'un réel impact. Si la lecture de ce roman noir n'offre pas d'innovation formelle, le point final achève le mutisme de sa portée avec une scène d'action suicidaire triviale et peu sensée. En se complaisant de la rengaine noire mise en oeuvre,
Avant l'aube dévoile tout de même une intrigue attrayante au service d'une peinture efficiente de la société. L'imaginaire, bien qu'assidu, nous délaisse néanmoins dans une littérature alanguissante, à la finalité peu émouvante.