AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782228894067
166 pages
Payot et Rivages (31/05/2001)
4.06/5   153 notes
Résumé :
Globe-trotter poète, écrivain du voyage, Nicolas Bouvier aura sans doute rempli autant de carnets de notes qu'il aura achevé de paires de chaussures. Le Journal d'Aran et d'autres lieux s'ouvre sur une balade le long des falaises d'îles irlandaises, saoules de vent et hantées par la solitude minérale, sur les traces de quelques moines fondateurs d'abbayes, de bâtisseurs acharnés. Ou plus simplement dans le sillage de la "jeune... >Voir plus
Que lire après Journal d'Aran et d'autres lieuxVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (16) Voir plus Ajouter une critique
4,06

sur 153 notes
5
7 avis
4
7 avis
3
1 avis
2
0 avis
1
1 avis
De retour d'une balade irlandaise, non pas esseulée dans les brumes du Connemara mais à quelques encablures dans les embruns des îles d'Aran sur les pas de Nicolas Bouvier missionné pour y réaliser un reportage en plein hiver, une destination insolite à cette saison mais une destination qu'il connaît déjà.

C'est peut-être la raison d' un détour au monastère de Clon-Mac-Noise sur les rives du Shannon, un détour qui s'impose comme un passage obligé, une sorte de recueillement nécessaire qui embrasse la grandeur et la force du lieu, un avertissement bienveillant au futur lecteur. Il nous conte alors son histoire en partant sur les traces de Saint Ciaran à l'origine de la fondation de cette abbaye, disciple de Saint Enda ermite sur une des trois îles d'Aran, Inishmore... Une balade érudite qui jette déjà l'esprit du voyage où épure et liberté font bon ménage .

Journal d'Aran dans les années 80 sont des instants d'humanité partagés, des éclats d'émerveillements magiques glanés. L'oeil du voyageur, celui de Nicolas Bouvier, encore plus acéré par la fièvre paratyphoïde qui l'habite et le lessive littéralement, révèle les mystères, les secrets et les réalités de ces îles, morceaux de terres celtes longtemps oubliées.
De moutons en abeilles, de varechs en gentianes, j'ai rempli ma besace d'odeurs, de senteurs, de sons, de visions et de nombreux portraits d'insulaires au destin extraordinaire et découvert des îles battues par les vents, échappées des poches des dieux (ou de Dieu) mais façonnées par la main des Hommes.

Puis par Les Chemins du Halla-San dans les année 70, le voyage nous emmène vers d'autres îles, des îles surgies des fonds marins telles des ponts vers d'autres mondes, d'autres imaginaires: celui qui a plongé son regard dans les yeux des marins sait qu'on y découvre toutes les couleurs de la terre. Alors Nicolas Bouvier, éternel voyageur, conte et continue ses périples et nous confie des fragments de paysages ou d'émotions ouvrant de nouvelles fenêtres en nous emmenant vers d'autres lieux aux charges aussi fortes et puissantes, comme « le livre de pierre » sur une des îles Coréennes qui mène à l'un des monastères bouddhistes des Monts Koya qu'il gravit en compagnie de son aimée puis plus tard comme sortie de son mouchoir lorsqu'il nous révèle l'existence d'une autre île coréenne, Quelpaert dont le point culminant lui ouvre de nouveaux horizons spirituels.

Journal d'Aran et autres lieux, une suite de notes, où se rallument impressions et sensations.
Trois récits de voyage où s'expriment l'authenticité et la sincérité de Nicolas Bouvier, une écriture fleurie, poétique hors des frontières où seuls le coeur et l'esprit ont leurs empreintes.

N'est pas voyageur qui veut semble nous murmurer Nicolas Bouvier, l'émerveillement est l'essence du voyage et une convocation de tous les sens. le voyage immobile ou animé regorge de richesses.
L'oeil du voyageur, capteur d'ombre et de lumière est immense et profond…

Une lecture enivrante qui donne envie de découvrir entre autres les Iles Aran de John Millington Synge et de visionner le film de Robert Flaherty, L'homme d'Aran (1933) dont le tournage a laissé des souvenirs contraires aux habitants, deux oeuvres évoquées par Nicolas Bouvier dans ce vagabondage planétaire teinté de spiritualité.
Commenter  J’apprécie          14113
En 1985, Bouvier est envoyé sur Inishmore, la plus grande des trois îles d'Aran qui se trouvent au large de Galway, quelques kilomètres au sud du fameux Connemara.
Inishmore, j'en reviens justement: août 2022, un ferry transporte une cinquantaine de familles pour quelques heures sur l'île où l'on se dépêche, une fois débarqués, d'en voir le plus possible de ce paysage sauvage et pierreux traversé de toute part de minibus et de calèches. L'horreur.
20 ans plus tôt, en plein hiver, nous n'étions qu'un petit nombre, un seul pub était ouvert, il ventait, pleuvait, et le patron du pub nous racontait des histoires comme à de petits enfants.
En 85, Bouvier débarque sur une île attirant surtout ornithologues, naturalistes et Américains à la recherche de leurs origines. Bref, en 40 ans le tourisme y a bien changé.
Bouvier n'y va pas à la meilleure période. L'année vient de commencer, les tempêtes empêchent toute activité, le ciel est plus gris encore que ces kilomètres de plaques pierreuses qui habillent les trois îles. Son hôte est vexé: il y a tant à voir au printemps, quand tout refleurit!
Entre légendes et Histoire, Bouvier, qui se débat contre une dysenterie, parcourt l'île comme il peut, écoute les récits des plus âgés, dont ceux qui sont revenus de la côte Est américaine après des années d'exil, raconte l'accueil pas toujours accueillant réservé au réalisateur Robert Flaherty quand il est venu tourner son documentaire, en faisant prendre des risques inconsidérés et irréfléchis à ses habitants.
Tout, jusqu'à la moindre souche morte, recèle de bons ou mauvais sorts et l'île vit au rythme de croyances populaires que Bouvier ne renie pas.
Lorsque le séjour se termine, on ne sait pas ce qu'il en a vraiment pensé... l'Asie lui est sans doute plus familière que ces terres à l'extrême ouest de l'Europe.
Quant à moi, j'y ai redécouvert une Galway encore très rurale très différente de celle que je connais, et un paysage battu par les vents et l'écume qui m'ont ravie.
Commenter  J’apprécie          282
Une belle découverte dans ma librairie indépendante, Nicolas Bouvier avec son Journal d'Aran et d'autres lieux, un récit de voyage unique dans trois contrées différentes. Nous allons d'un coup être transportés dans ces pays lointains, d'une culture, d'un paysage, d'une population différence et de leurs identités propres. Nicolas Bouvier est un voyageur écrivain, de langue française, originaire de la Suisse, il a cette chance d'être mandaté par des revues pour parcourir le monde et de son écriture en faire profiter ces lecteurs, il est l'auteur de L'Usage du monde, de Chronique japonaise et d'autres relatant ces expéditions diverses.
Lorsque l'auteur vogue vers une terre difficile, un paysage sauvage parcouru par une météo entrainant la désertification des touristes, laissant les autochtones dans une solitude de routine, Nicolas Bouvier erre dans cette atmosphère rude, cette apprêté Irlandaise qu'il va côtoyer dans une liberté solitaire avec pour compagnon, ces âmes pilier de ce terroir, gardien des traditions, des us et coutumes, le lecteur les accompagne à travers la prosaïque artistique de ce visiteur perdu dans les méandres de ces iles d'Aran. Ce premier récit perce la culture d'Irlande, celle méconnue de ce peuple meurtri par une deuxième guerre mondiale en marge de cette neutralité suspecte, mais aussi de ces légendes, celle des fées et du monde du dessous, le side, cette contrée fait partie intégrante de celle de l'Ulster. Je me suis laissé happer par la vie rude de ce paysage forgé par le temps et les siècles, épargné par la culture romaine, ce peuple reste ancré dans une misanthropie des étrangers, mais cette apparence se brise par l'amitié et la bienveillance naturelle que l'on leur apporte, c'est un peuple ancestrale, prisonnier de trop de légendes et du side.
Ce périple débute en 1985 à Clon-mac-noïse, cette abbaye d'un historique que Nicolas Bouvier nous laisse caresser, de faits historiques et de petites anecdotes, puis nous avançons avec plaisir avec ce voyageur hors saison, la météo est grise, le vent violent, la pluie lacère les lieux et sculpte le relief de cette région, où tinte au loin de mon esprit une musique de Michel Sardou, les lacs du Connemara. Je ferme les yeux et me berce des mots pour peintre ce tableau qui comme une photo se présente à moi, Nicolas Bouvier mêle les descriptions du paysage, des bâtiments, des personnes qu'il rencontre, des animaux aussi, et laisse ces guides lui narrer des petites légendes qu'il distille dans ces écrits, pour notre plus grand plaisir. C'est troublant de se sentir aspiré par ces mots et d'être projeté dans ces territoires et ces iles d'Aran de leur architecture comme ces étranges édifices de pierre sèche. Dun Angeus, de la faune, comme les merles de Sibérie, et ce pays du mensonge, c'est une belle carte postale pour venir visiter ce pays Irlandais.
Le second récit est une promenade du côté de l'Asie en 1970, Nicolas Bouvier nous fait découvrir plus précisément le peuple coréen, face à ce Japon colonisateur de ce pays, lui pillant beaucoup de sa culture comme le bouddhisme, l'écriture chinoise…Le coréen est selon notre visiteur, aime être dans l'emportement, tout chez lui est dans la frénésie de l'instant, ils sont aussi bagarreur, ils se chamaillent souvent, d'une nervosité à fleur de peau, mais ils sont travailleurs. L'homme doit pouvoir pleurer sans être moqué de cette faiblesse dans d'autres sociétés, au contraire c'est une force, une marque de confiance pour les coréens, ils seront traités de « vauriens », s'ils se cachent ou ne pleurent pas, la primeur aux larmes n'est pas exclusive aux faibles et n'entache pas la virilité d'un homme, la sensibilité est humaine, je dois avoir des gènes Coréens. Au-delà du caractère, Nicolas Bouvier nous gratifie de petits anecdotes sur la façon d'être des Coréens, comme de mettre un doigt dans l'oreille d'un inconnu, comme l'a pu le constater notre voyageur, pour vérifier la teneur du cérumen, une pratique bien familière comme le souligne l'auteur, il y a aussi le Dieu du Pet, ce pays est totalement à l'opposé de Nadine de Rothschild avec son savoir vivre asservissant et ridicule de petite bourgeoisie démodée. le pet donnant naissance à cette Île Quelpaert, où notre auteur donne quelque notion de sa découverte, une quête historique remontant au XVII e siècle, cette naissance de l'île n'est pas « scabreuse » pour ces coréens, pour eux , je cite Nicolas Bouvier :
« Les traditions extrême-orientales n'ont jamais humilié le corps et ses fonctions, elles les ont plutôt considérés comme compagnons de travail ou de plaisir qu'il faut traiter avec égards, voire, comme dans l'Inde tantrique, comme instrument de connaissance spirituelle »
J'aime que le corps d'humain et ses fonctions ne soit pas cachés par des politesses niant celle-ci par du puritanisme d'un savoir vivre d'une époque perdue dans les abimes de l'oubli.
Nicolas Bouvier laisse la suite de son voyage dans une excursion journalière, en compagnie de sa compagne, arpentant les sentiers de ce volcan Halla-san, constituant l'île, sa narration est précise au fil du temps, avec comme souvent des petits faits historiques habillant la légende du lieu. Cette excursion éprouvante marque notre auteur pour un plaisir certain, cette exaltation est catalysée par l'adversité, il aura cette phrase belle de sens et de poésie :
« Si on ne laisse pas au voyage le droit de nous détruire un peu, autant rester chez soi. »
Le dernier récit du livre se déroule dans le coeur de la Chine à Xian, je n'ai pas trop accroché à cette visite guidée par ce Monsieur X, cette Chine de paradoxe, le passage du deuil est une tradition différente que celle occidentale, où, la mort est cachée, comme si la vie et la mort n'était pas liées, en Chine la mort est visible par la festivité de la cérémonie, celle rencontrée par notre globetrotteur, est ce cortège féerique avec ce dragon, pour une fin heureuse que célèbrent les vivants à ce mort.
Les trois textes sont de valeurs inégales, le premier est enthousiasmant, l'Irlande nous accueille de sa sauvagerie de son paysage et des us et traditions qui la rendent énigmatique et mystérieuse. le deuxième, nous présente le peuple de la Corée et de ces habitants, avec beaucoup d'humour, et le dernier sur Xian et cette Chine est peu attractif et trop court. Nicolas Bouvier est un voyeur littéraire qui vous emporte dans des récits complets pour vous aspirer dans ces pays et vous faire voyager à votre tour tout en découvrant l'histoire et des petits légendes et traditions, bon voyage à vous.
Commenter  J’apprécie          60
Les citations ; ces pépites qu'on trouve, et qu'on note pour les mettre en avant sur Babélio, sont comme les photos de vacances. On visite, on parcourt des lieux ou des pages, mais on en oublie parfois de vraiment profiter, de pleinement apprécier le voyage ou la fluidité d'une lecture. Or, il y a dans ce livre, trop de belles citations à noter, trop de pépites, j'y renonce donc, comme il m'est arrivé de laisser l'appareil-photo pour mieux jouir d'un paysage ou d'une ballade.
Dans ces lumineux récits, Nicolas Bouvier séjourne sur l'île d'Aran au large de l'Irlande, il parcourt le Corée de 1970, il crapahute sur un volcan coréen, et il rencontre un guide touristique chinois plutôt original, cela suffit, pour lui, à faire un grand livre. Car, avant d'être un grand voyageur, Nicolas Bouvier est un amoureux de l'Humanité, des cultures et des paysages, un curieux-de-tout, et surtout il sait transmettre tout cela à ses lecteurs, là est son génie. 5* pour l'ensemble de son oeuvre
Commenter  J’apprécie          183
Partir... Il y a l'errance, le dépassement physique et mental, l'aventure et les découvertes.
Puis il y a partir en vagabond sédentaire grâce à la lecture.
Partir avec Nicolas Bouvier, c'est perdre ses repères et pénétrer d'autres mondes.
L'auteur s'y entend pour décrire lieux et paysages, faune et flore, rappels historiques, portraits humains, rencontres, conditions de voyage.
Une lucidité tranchante notamment sur les conditions religieuses et superstitieuses à travers siècle jusqu'aux jours qui le virent en Irlande, en Corée et en Chine dans ce petit livre relatant ces expériences.
Un regard tranchant sur la folie humaine et les sites bafoués par la crasse déposée par l'homme (Corée), Nicolas Bouvier ne cache en rien sa révolte et son écoeurement.
Il s'avère intéressant d'effectuer quelques recherches sur l'évolution de ces lieux et des hommes au regard de la date d'édition.
L'Île d'Aran et sa sauvagerie naturelle, ses îliens aux regards tournés vers New-York, ses croyances « celtiques » qui évoluent vers un folklore touristique n'empêchent pas d'être fascinés par ce coin de terre isolé et aride.
La Corée où l'homme pleure pour se nettoyer, où la corruption émanant d'années d'occupation et d'horrible guerre nous est décrite avec tout le réalisme de l'époque.
Et enfin la Chine, à Xian, quelques feuillets d'une émotion rare qui donne à espérer en l'homme.

Considéré comme l'un des grands écrivains voyageurs, son écriture reste contemporaine malgré le temps qui s'est écoulé, dit les choses et les faits dans une langue forte, sans concessions et c'est en cela que son expérience nous enrichit, faite de constats pertinents et lucides qui amènent à réfléchir.
Commenter  J’apprécie          130

Citations et extraits (20) Voir plus Ajouter une citation
Cheminé neuf kilomètres sans rencontrer d’autres signes de vie que quelques foulques et petits échassiers immobiles sur l’eau sombre. Traversé la baie de Manister dont les bords vaseux brillaient encore d’un vert presque noir. Au dessus de ma tête, des corneilles mantelées – celles du manuscrit de Celse- lâchaient sur la route gelée les moules ou bigorneaux trouvés dans les rochers pour briser leur coquille. Bruit de grêlons sur le sol, coquillages tombés du ciel, confusion des règnes, miracle médiéval ! Mais elles se livraient à ce manège sans les craillements, les brusques piqués, la quérulente excitation qui d’ordinaire l’accompagnent. Tout ce bestiaire semblait saisi dans la même névrose atlantique. Le vent qui prend l’île en tenaille derrière le front des falaises m’arrivait tantôt de dos, tantôt de front, pas trop fort, assez froid pour éponger ma fièvre, charriant sa véhémente odeur d’algues, d’iode, de roseaux pourrissants.

Nuit noire, cadence de mes pas sur la route qui sonne comme porcelaine, froissement furtif dans les joncs (loir ? ou justement courlis?), autour de moi c’était bien ce « rien » qu’on m’avais promis. Plutôt un « peu », une frugalité qui me rappelait les friches les friches désolées du Nord-Japon, les brefs poèmes, à la frontière du silence, dans lesquels au XVIIe siècle, le moine itinérant Bashô les avait décrites Dans ces paysages faits de peu je me sens chez moi, et marcher seul, au chaud sous la laine sur une route d’hiver est un exercice salubre et litanique qui donne à ce peu – en nous ou au dehors – sa chance d’être perçu, pesé juste, exactement timbré dans une partition plus vaste, toujours présente mais dont notre surdité au monde nous prive trop souvent.
Commenter  J’apprécie          806
A propos de l'air d'Aran :
Tout le bien que je pourrais dire de celui que l'on respire ici, dans cette météo déchaînée, avec sa saveur de fenouil sauvage et sa vapeur d'eau de mer en suspension, resterait en-dessous de la vérité. Il dilate, tonifie,saoule, allège, libère dans la tête des esprits animaux qui se livrent à des jeux inconnus, hilarants. Il réunit les vertus du champagne, de la cocaïne, de la caféïne, du transport amoureux, et l'office du tourisme a bien tort de l'oublier dans ses prospectus. En Inde, j'avais vu des gourous "pneumatistes" enfouir des litres d'air dans leur ventre, puis le restituer, en croquant au passage tous ses éléments nutritifs, comme galettes tirées du four. Sans y prêter autrement attention. Ici, j'en aurai très bien vécu pendant une semaine de jeûne absolu et de marches harassantes, dans une sorte d'ébriété ébahie.
Commenter  J’apprécie          150
Dans ces paysages faits de peu je me sens chez moi et marcher seul, au chaud sous la laine, sur une route d'hiver est un exercice salubre et litanique qui donne à ce peu --- en nous ou au-dehors --- sa chance d'être perçu, pesé juste, exactement timbré dans une partition plus vaste, toujours présente mais dont notre surdité au monde nous prive trop souvent.
Commenter  J’apprécie          240
J'étais en train de me dire : "Qu'est-ce que j'ai au monde à foutre ici ?" lorsque, sur un caprice du ciel, la lumière de fin d'après-midi est d'un coup devenue très belle, faisant briller la branche de gui encore suspendue à la porte, traversant des liquides d'une coloration douteuse. Bref : en dépit de l'indigence du lieu, c'était cette pénombre ambrée, dans la manière des maîtres flamands qui reproduisent sur un flanc de carafe toute la taverne qui remplit leur toile. Trop sombre pour photographier à main levée. J'ai fixé l'appareil sur un petit trépied, l'ai posé sur un coin du bar et, trompé par la torpeur générale, négligé de prononcer le fatidique "ne bougeons plus !". Diaphragme : 5,6, pose : une seconde. Précisément celle qu'ils ont choisie pour s'étirer en bâillant et battre des paupières. Au lieu d'un Vermeer j'ai eu un Francis Bacon avec ses contours fondus, glaireux, cirrhosés. Et sans doute plus fidèle au génie du lieu.
Commenter  J’apprécie          70
il connait dans l'île des lieux -bien circonscrits : un roc fendu par la foudre, une souche de cornouiller qu'on a toujours vue là et qui ne veut pas mourir - pleins de force, d'efficace et de bonté. c'est là qu'il faut aller se recueillir, demander, remercier. Ailleurs, à l'église qu'on laisse un peu aux femmes, c'est du temps perdu. Il ne dira pas où ni comment les trouver : les découvrir et savoir ce qu'ils nous veulent est l'affaire de chacun. Ils ne se signalent par rien mais restent tapis au sol avec leur charge de cadeaux et de menaces. Que vous les approchiez par la gauche ou par la droite et votre journée sera différente. p.46

Certains jours on se passerait d'avoir un corps : avant l'aube, la colique et la
fièvre me laissent quatre heures de sommeil et de répit bienvenus que j'emploie à le séparer de moi. Au réveil, je le retrouve à une bonne longueur de bras. je le bouchonne, je l'étrille à la brosse et à l'eau froide, je le frotte à l'alcool de camphre, le retourne sans façons en m'amusant de le retrouver chaque matin plus émacié et piteux. Je l'enveloppe de laine et de cuir, l'abreuve de thé très sucré -le seul aliment qu'il supporte - puis l'envoie sur la route où il se nourrit de vent atlantique et où je le rejoins un peu plus tard sans qu'on ai échangé un mot. Si mauvaise qu'ai été la nuit, quelques bouffées d'air ont suffit à le remettre d'aplomb. Il est là, revigoré, fin prêt pour les entreprises de la journée. p.48
Commenter  J’apprécie          40

Videos de Nicolas Bouvier (23) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Nicolas Bouvier
"On ne fait pas un voyage, c'est le voyage qui nous fait" - Nicolas Bouvier La Ride : un road movie où l'amitié vous guidera d'un coup de pédale dans une aventure au coeur de la France !
Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/livres/2766780/simon-boileau-la-ride
#bdadulte #buddymovie #velo #france #ride #evasion #amitié #voyage @editionsdargaud
Visitez le site : http://www.mollat.com/ Suivez la librairie mollat sur les réseaux sociaux : Instagram : https://instagram.com/librairie_mollat/ Facebook : https://www.facebook.com/Librairie.mollat?ref=ts Twitter : https://twitter.com/LibrairieMollat Linkedin : https://www.linkedin.com/in/votre-libraire-mollat/ Soundcloud: https://soundcloud.com/librairie-mollat Pinterest : https://www.pinterest.com/librairiemollat/ Vimeo : https://vimeo.com/mollat
+ Lire la suite
>Géographie générale. Voyages>Histoire de la géographie>Géographes, explorateurs, voyageurs (13)
autres livres classés : irlandeVoir plus
Les plus populaires : Non-fiction Voir plus


Lecteurs (361) Voir plus



Quiz Voir plus

L'usage du monde - Nicolas Bouvier

En juin 1953 débute l’aventure. Nicolas et Thierry partent-ils à pied, en voiture ou à dos d’âne ?

à pied
en voiture
à dos d’âne

10 questions
155 lecteurs ont répondu
Thème : L'usage du monde de Nicolas BouvierCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..