AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782080436672
240 pages
Autrement (10/01/2024)
3.59/5   11 notes
Résumé :
Seul l'exercice de l'échec permet d'élargir le champ des possibles. Si, comme le disait Beckett, il importe d'échouer mieux, c'est sans doute parce que créer ne veut pas dire réussir, mais plutôt soutirer à l'obscurité un aveu de lumière. Au risque, consenti, d'aboutir à une impasse - c'est là non une malédiction, mais une chance. Dans cet essai personnel, Claro convoque entre autres Kafka, Pessoa, Cocteau et Hitchcock pour nous plonger dans les failles ouvertes par... >Voir plus
Que lire après L'échec : Comment échouer mieuxVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Il n'est pas simple de suivre le raisonnement vagabond de Claro, dont l'esprit facétieux scrute avec malice les moindres pièges et chausse-trapes du langage, pour mieux balader le lecteur autour de la notion d'échec.

Avec un point d'ancrage autour de la littérature, la notion d'échec n'est pas abordée dans son sens premier, car qui oserait juger ratées les carrières de monstres sacrés comme Cocteau ou Kafka, dont la plainte en sourdine relève plus de la dépression que de l'échec à proprement parler.

Que dire de la traduction, (sujet que connait bien l'auteur), dont la trahison est une composante inévitable, approximation contrainte, absence d'équivalence mais qui peut aussi donner lieu à des fulgurances qui magnifient le texte original ?

Claro analyse également le processus même de l'écriture, mais aussi le devenir d'une oeuvre, dont la gloire posthume ou la disparition dans les limbes de l'oubli semblent dues à un ensemble de faits contextuels incontrôlables !

L'humour hante ces pages, comme celle de la liste des échecs de l'auteur, où les formules si répandues pour expliquer l'échec d'une lecture …


Un essai à lire dans le calme et lentement, pour mieux en apprécier toutes les références et les nuances.


Merci à Babelio et aux éditions Autrement


240 pages autrement 10 janvier 2024
Masse critique Babelio
Lien : https://kittylamouette.blogs..
Commenter  J’apprécie          420
C'est dans la très courte nouvelle de Samuel Beckett intitulée « Cap au pire » «Worstward Ho »  que l'on trouve la citation suivante :« Ever tried. Ever failed. No matter. Try again. Fail again. Fail better. » traduite ainsi: « Déjà essayé. Déjà échoué. Peu importe. Essaie encore. Échoue encore. Échoue mieux. » Si vous ne connaissez pas cette nouvelle incroyable, je vous invite à en lire un extrait ici: https://excerpts.numilog.com/books/9782707313966.pdf
Beckett tente une expérience de l'effacement (de la mort?). le lecteur perd tout repère, il n'y a plus de personnages, plus de lieux, plus de temps et presque plus de mots. L'oeuvre s'annule et disparaît, comme si le romancier voulait atteindre une espèce d'anéantissement complet, une sorte de rien, de vide, de non-être (sans y arriver car il reste toujours des mots sur la page) et finalement, cette recherche de l'échec absolu (totalement désespéré), on le voit, produit du pur Beckett, du nectar de Beckett, du Beckett pur jus… (vraiment, allez y jeter un oeil, cela vaut le détour!)
S'inspirant donc de cette citation, Claro nous parle dans son dernier livre de l'échec en littérature. Claro propose un texte multiforme : essai, pensées, fiction, réflexions, autobiographie, listes, définitions, pastiches, poésie, le tout agrémenté de jeux de mots, de clins d'oeil, de sous-entendus, de détournements de citations… le texte est intelligent, brillant, plein d'humour et bourré de références… Il vaut mieux le lire à tête reposée tellement le raisonnement prend parfois des voies un peu tortueuses, voire discutables, mais toujours très stimulantes. C'est du Claro : ça pétille, ça fourmille d'idées et franchement, même si l'on n'a pas toutes les références, on s'amuse bien !
J'ai adoré la première partie où il est question de la traduction : Claro est traducteur et romancier, il sait donc de quoi il parle! En effet, traduire, selon Claro, c'est forcément échouer. L'échec serait le fondement même de la traduction : comment substituer une langue à une autre, un monde à un autre monde, une époque à une autre époque ? « Quand je traduis « bread » par « pain », je fais comme si le rectangulaire pain anglais avait le pouvoir de s'arrondir, s'allonger, se fendiller, et dorer pour prendre l'allure d'une sémillante baguette parisienne. »
Sans compter qu'un mot a un sens ET une forme. Que dire de Baudelaire qui traduit le mot tout riquiqui « dull » par le beau « fuligineux » ? Quelle erreur !  « « Dull » sent l'échec… on dirait que la bouche l'émet à peine… « fuligineux », lui, serpente, ... un peu prétentieux…. Il répand ses cendres avec panache. »
« Il existe entre les langues une faille infranchissable » conclut l'auteur. 
Intéressantes aussi ses réflexions autour de la traduction du début de « Mile Zero » de Thomas Sanchez : « It is about water. » Comment traduire ce début ? Pas si simple !
Quant au titre « Under the volcano » de Malcolm Lowry, Claro en dit ceci : « Voulez-vous être « au-dessous » du volcan ou « sous » le volcan ? Invitation au débat...
Passionnante aussi sa façon de procéder lorsqu'il doit traduire une oeuvre parue en 1960 mais dont l'histoire se déroule au XVIIe …
Et puis, ajoute l'auteur, il faudra un jour se résoudre à virer le lit de la chambre de Virginia Woolf... Mais oui, c'est vrai, pourquoi l'a-t-on reléguée dans une chambre alors qu'elle demandait une pièce entière, un lieu à elle? Je n'avais jamais pris conscience de cette traduction fautive ! « La room woolfienne n'avait rien d'un boudoir et l'on aurait pu s'en aviser un peu plus tôt. » s'exclame l'auteur !
Claro aborde ensuite le sujet de l'écriture. En effet, écrire, comme traduire, c'est échouer : on gomme beaucoup, on rature, on fait des brouillons et ça finit souvent à la poubelle ! Et c'est plutôt bon signe si l'on veut tenter d'échapper à « l'écriture pavillonnaire », l'expression est d'Éric Chevillard et elle désigne des livres qui se ressemblent et utilisent les mêmes clichés...
Écrire, c'est échapper à certains pièges : celui par exemple de vouloir DIRE. le mieux serait même que l'écrivain n'ait rien à dire. le « dire » oblige l'écrivain à « se plier au langage commun.» « Écrire serait donc ne pas dire mais contre-dire.» Bien dit !
Ainsi, échouer en écriture devient la condition même de l'écriture, fondée sur le principe du recommencement, de la correction, de l'effacement.
Il est question aussi de Kafka. (Peut-on dire qu'il a échoué pour la raison que son oeuvre est inachevée, lacunaire, fragmentaire ? Je m'interroge...) Peut-être peut-on parler d'une oeuvre en attente de fin, comme les personnages kafkaïens sont en attente d'un châtiment, d'une mort, d'un jugement. Ainsi le mot  « fin »  chez Kafka n'est-il pas vraiment opérant... Et l'échec (l'impossibilité d'en finir) prend tout son sens et donne à l'oeuvre toute son épaisseur...
Pessoa, l'homme aux nombreux pseudos, a échoué lui aussi : il a « échoué à n'être que Pessoa.» « Je suis un fragment de moi-même conservé dans un musée abandonné » dit-il en parlant de lui-même. Cette fragmentation est peut-être précisément à l'origine d'une oeuvre polyphonique bien plus intéressante qu'un bloc organisé et cohérent, « une oeuvre ouverte et infinie.» qui n'est possible que par l'échec... Finalement, la réussite réside dans une espèce d'aboutissement de l'échec. Un échec parfait.
Un texte stimulant !
Désolée, Claro, vous n'avez pas échoué et malgré tout votre livre est réussi… Comme quoi, l'échec n'est pas à la portée de tous… N'échoue pas qui veut !
Lien : http://lireaulit.blogspot.fr/
Commenter  J’apprécie          140
J'ai de la tendresse pour les perdants magnifiques, les êtres de failles et de mystères. Leur maladresse m'émeut, je ne les soupçonne pas de m'avoir trompée. A contrario, un écrivain qui bâtit son succès sur le récit des malheurs du peuple, qui en parle si bien qu'il finit en couverture de Paris Match au bras d'une princesse millionnaire, ça ne me bouleverse pas.
Sans lui faire offense, les visages de l'échec choisis par Claro ont plus fière allure : Kafka (« Il a réussi à échouer superbement là où d'autres se seraient contentés de réussir médiocrement »), Pessoa (« Je goûte l'indécise volupté de l'échec, comme un malade épuisé attache le plus haut prix à la fièvre qui le laisse cloîtré ») et Cocteau, auxquels il consacre de magnifiques chapitres. Ces génies de la littérature ont en commun d'avoir laissé le doute les gagner.
Et puis, il y a tous ceux que la postérité boude, par on ne sait quelle négligence. Claro leur rend justice. Pourquoi D'Ormesson et non Cesbron, Gide et non Suarès, Éluard et non Salmon, Cécile Coulon et non Bernard Collin, Christian Bobin et non Mathieu Bénézet ?
L'auteur s'essaye aussi aux aphorismes, nous confie ses tourments de traducteur face au texte étranger. Il l'avoue sans détour : une traduction est un échec programmé.
Confessions, bons mots, apartés, anecdotes, réflexions… Tous ses « entretemps » ont leur intérêt mais c'est la lecture de sa nouvelle, « le pont », qui m'a ravie. Un vrai bijou d'écriture (voir l'épisode 1).
Bilan : 🌹
Commenter  J’apprécie          130
Il est difficile de ne pas échouer. Alors autant s'atteler à réussir ses échecs du mieux possible.

Le titre de cet essai emprunte à une célèbre phrase d'un roman de Samuel Beckett : « Try again. Fail again. Fail better. » Claro s'attaque ici à l'échec en littérature. Et plus précisément au fiasco inévitable de toute tentative de traduction, d'écriture, et même de lecture. Pour démontrer ce systématisme, il utilise sa propre expérience de traducteur, d'écrivain et de lecteur. Il convoque également d'autres auteurs, dont il introduit les citations ainsi - comme s'il y avait urgence : « Vite, Kafka ! »

« Embrouilleur doublé d'un brouillonneur », Claro repère les failles du langage et s'en amuse. « La page est un échiquier sur laquelle l'écrivain avance des pions qui sont des mots. Mais ici, les blancs, c'est la surface, et les noirs, ce sont les mots. Combat inégal. Pas de reine ni de roi. Rien que des fous qui montent dans les tours et progressent cavalièrement. »

À chaque chapitre, on trébuche. On tombe sur des listes, une analyse de l'incipit de Madame Bovary, une anecdote de traduction ratée, une histoire de pont, de la poésie, un psaume. Avec autant d'autodérision que d'érudition, Claro tord la forme de l'essai et contorsionne l'écriture.

La « contrainte lipogrammatique » d'un texte, le défi que représente la traduction de « it is about water », le piège de la trouvaille - « mot fort laid qui semble né de l'accouplement contre nature de “trou” et de “travail” »… Les obstacles à franchir sont infinis. Mais les charmes de la faille également. À la fois fêlure et faiblesse, elle laisse passer la lumière. Elle libère un espace nécessaire à l'inspiration, et à la création.
Commenter  J’apprécie          70
Ceci n'est pas une critique mais un pense bête, ne vous méprenez pas sinon j'aurai échoué. Notez dans vos tablettes : le 17 janvier 2024, dans La Grande librairie, sera évoqué cet essai personnel teinté d'humour (qui va bien plus loin que ça) en présence de claro. Et on copie colle : https://www.programme.tv/programme/c12925-la-grande-librairie/sans-titre-26356970/
Pour ceux qui échoueraient à le visionner, mieux, il y aura un replay.
Vous savez tout.
Commenter  J’apprécie          80


critiques presse (2)
LeMonde
01 février 2024
Un essai malicieux sur ce que le traducteur et auteur ne connaît que trop bien.
Lire la critique sur le site : LeMonde
LesInrocks
11 janvier 2024
Plus qu’une énième théorie philosophique de l’échec, [ce] livre vibre comme un essai poétique et existentiel sur la condition même d’écrivain, dont la vie se résume à un brouillon, à une succession infinie d’obstacles, à une “passion de la défaite”.
Lire la critique sur le site : LesInrocks
Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Faillir, c'est aussi bien faire et ne pas faire ; se planter et ne rien semer. Échouer, c'est aussi, notons-le, arriver, certes mal en point, mais arriver néanmoins, tant qu'à faire sur la plage abandonnée, coquillages et crustacés. Celui qui faut (troisième personne de l'indicatif présent du verbe faillir, j'ai vérifié, merci) rate en conséquence sa cible, qu'il ait ou non décoché sa flèche.
Commenter  J’apprécie          70
J'ôte, donc je crée. Je soustrais pour produire. Je racle la peau, ce qui fait de moi, sémantiquement parlant, un rastaquouère - de rastracuero: celui qui racle le cuir. Tanner sa phrase : déjà ça. Je défais pour faire. J'habite la
défaite, ouvre dans le défaire. C'est parce que j'échoue en écrivant, ou plutôt parce que je sais que j'échoue en écrivant, qu'il m'est possible de recommencer, de raturer et de récrire. Je dois devenir non seulement écrivain, mais récrivain. Accepter d'être l'implacable récidiviste de mes propres écrits, l'horrible travailleur appelé par
Rimbaud, corriger, tancer. Quand je me relis, c'est gomme à la main, gomme dans les yeux, gomme au souffle. Écrire me gomme .. ce pourrait être une devise pour l'écrivain délivré des tentations pavillonnaires.
p. 65
Commenter  J’apprécie          30
L'apprentissage de la lecture, on le sait, est semée d'embûches. Enfant, nous butons. Nous ânonnons. En nous un bégaiement s’éveille mantra. Tout n'est que plis et noeuds. On se coince l'œil entre deux lettres comme le doigt dans une porte claquée par le vent, quel vent ?
Commenter  J’apprécie          70
J'arme le silence. J'absente. Je rogne le centre. J'omets des plis. J'immisce. Je trop, je pas assez, je gruge et luxe. p.63
Commenter  J’apprécie          20
[l'écrivain] Pour lui, l'échec n'est pas une clôture, mais une étape, qu'il doit repousser sans cesse, c'est en quelque sorte son rocher de Sisyphe, sauf qu'au lieu de simplement le pousser il s'y cramponne, il est la mousse qui s'y amasse tandis que ce monstre roule. p.58
Commenter  J’apprécie          00

Videos de Christophe Claro (29) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Christophe Claro
Pourquoi l'échec serait-il forcément négatif. N'y aurait-il pas un peu de plaisir coupable à échouer ? Avec ce nouvel essai, L'échec paru aux éditions Autrement, Claro pose la question de Comment échouer mieux. "Seul l'exercice de l'échec permet d'élargir le champ des possibles. Si, comme le disait Beckett, il importe d'échouer mieux, c'est sans doute parce que créer ne veut pas dire réussir, mais plutôt soutirer à l'obscurité un aveu de lumière. Au risque, consenti, d'aboutir à une impasse – c'est là non une malédiction, mais une chance". Pour ce faire, Claro aborde entre autres Kafka, Pessoa, Cocteau et Hitchcock, des grands noms qui ont un point en commun, celui d'avoir échoué. Avec beaucoup d'humour et une grande sensibilité, l'auteur nous invite à réfléchir et à repenser nos limites ainsi que nos faiblesses et les regarder avec un nouveau prisme pour que ces derniers nous aident à avancer.
+ Lire la suite
autres livres classés : écritureVoir plus
Les plus populaires : Non-fiction Voir plus


Lecteurs (102) Voir plus



Quiz Voir plus

Retrouvez le bon adjectif dans le titre - (5 - essais )

Roland Barthes : "Fragments d'un discours **** "

amoureux
positiviste
philosophique

20 questions
849 lecteurs ont répondu
Thèmes : essai , essai de société , essai philosophique , essai documentCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..