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Georges Sautreau (Traducteur)Régis Boyer (Éditeur scientifique)
EAN : 9782253932741
156 pages
Le Livre de Poche (01/03/1997)
3.81/5   171 notes
Résumé :
" Tu erres ici et consumes ta vie pour une chétive écolière et tes nuits sont pleines de rêves désolés. Et un air étouffant stagne autour de ta tête, un air empesté d'antan. Cependant qu'au ciel frissonne le plus merveilleux des bleus et que les montagnes appellent. Viens, Esope, ohé ! "
Publié en 1894, quatre ans après "La faim", qui le fit connaître, "Pan" est l'un des plus célèbres romans de Knut Hamsun. La plus belle de ses histoires d'amour sans doute, e... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (22) Voir plus Ajouter une critique
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Dans Pan, Knut Hamsun nous plonge dans une histoire d'amour envoûtante, qui dénature tout, qui ronge l'être jusqu'à le priver de toute sa raison! Un amour ravageur, destructeur, ce qui conduit en même temps à une jouissance à la fois inouïe et incontrôlable.C'est avant tout l'amour de la nature un amour marqué par une liberté affolante, une douceur affligeante une fois qu'on s'en éloigne, un bien-être qui semble imposer à l'homme la solitude...ce premier amour qui fait que le lieutenant Ghan vive dans une hutte juste à l'entrée de la forêt, des montagnes et à côté de la mer, au point que le deuxième amour avec Edvarta ne sera qu'un véritable désastre, pourrait-on dire la mère nature est très jalouse...
Un livre où la participation de la nature, en tant qu'un personnage à part entière, m'a beaucoup fasciné!!!
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Traduit du norvégien par Georges Sautreau
Panique au Nordland ! Ce n'est pas le roman d 'un amour, mais celui de la folie. C'est le livre du désir, de la possession, de la jalousie, de la frustration. La légende dit que celui qui rencontrera Pan deviendra fou. Hamsun nous en donne la démonstration. Paradoxe que ce livre. Alors qu'à travers le regard de Glahn, le personnage principal, on en vient à se laisser bercer par la poétique de l'espace et par la déclamation des émotions qui le saisissent, et que l'on se voit porter vers un sentiment de liberté, d'indépendance, de dépassement, d'amour et de respect pour la nature sauvage qui l'entoure, nous sommes constamment rappelés au désordre par un sentiment d'enfermement, d'emprise, de désoeuvrement, de rancoeur, et de haine.
La caresse et la gifle. La glace et le feu. La pureté et le mensonge. La comédie et la vérité.
Hydre bicéphale sous l'emprise de la destruction.
Étrangeté du récit qui provoque le malaise de cette lecture. « Bénis soient la vie et la terre et le ciel, bénis soient mes ennemis, je veux en ce moment faire grâce à mon pire ennemi et nouer les cordons de ses souliers »...Oui mais voilà que ce chantre du « tout amour » balance à l'eau sans aucune raison le soulier de son espérée...voilà qu'il crache dans l'oreille d'un baron, voilà qu'il tue « accidentellement » son aimée en faisant exploser le pan d'une montagne ( l'image d'ailleurs est assez intéressante je trouve) , voilà qu'il se tire une balle dans le pied, et voilà qu'il abat son chien, voilà qu'il tire à coups de fusil sur tous les oiseaux...
Devenu un classique de la littérature norvégienne, Pan fut écrit par Knut Hamsun en 1894. En 1920, celui-ci se voit couronner par un prix Nobel de littérature. Parcours chaotique que celui de cet auteur dont l'enfance n'a pas été des plus heureuse ( ceci a valeur de tentative de compréhension et non d'excuse) . Peut être est ce là qu'il convient de rechercher le venin de la folie injecté dans ce roman, et la vision de l'auteur sur la société humaine ? Sa recherche pathologique de la pureté est apparente dans ce livre. Ce qui est considéré comme « impure » chez Hamsun est sous sa plume frappé de laideur. La notion de pureté et, surtout, la recherche et la glorification constante de celle-ci a toujours quelque chose de sulfureux, de nauséabond.
Il n'est pas possible d'ignorer les choix injustifiables de Hamsun lors de la seconde guerre mondiale qui l'on poussé à soutenir le 3e Reich jusqu'à en venir à écrire l'éloge funeste du monstre de Berchtesgaden. Henry Miller le voyait comme un aristocrate de l'esprit. Nombreux furent ceux qui saluèrent sa plume : Thomas Mann , André Gide, Maxime Gorki, Bertolt Brecht, H.G. Wells. Nombreux, oui, mais en 1929…
Il peut paraître pour certains quelque peu facile et même tendancieux aujourd'hui de rechercher les traces dans les écrits d'Hamsun des indices d'une appétence pour le nazisme, puisque nous connaissons le passé. Mais je prends ce risque.
Hamsun lui même savait le désordre qui le hantait, seulement il en avait sous estimé l'ampleur.
« Dieu avait fourré le doigt dans mon réseau nerveux et modérément, très superficiellement, il avait mis un peu de désordre dans les fils.".

Astrid Shriqui Garain
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J'ai découvert Knut Hamsun par hasard, juste sur le titre d'un livre de poche qui n'avait ni résumé ni présentation de l'auteur, mais un livre qui s'appelle Vagabonds et qui coûte à peine un euro, je ne pouvais pas être déçue. Et j'ai été comblée au-delà de mes espérances.
Depuis, j'ai fait quelques autres incursions dans l'oeuvre de Hamsun, mais je n'ai jamais retrouvé ce coup de foudre initial. Je pensais qu'avec Pan, un de ses livres les plus connus, je pourrais retrouver un peu de mon engouement d'autrefois. Mais non, c'est probablement le pire livre d'Hamsun que j'ai lu (bon, il n'y en a pas tant que cela, j'ai encore quelques oeuvres à découvrir, je ne désespère pas de retrouver quelque chose à mon goût).

Pour en venir aux faits, Pan est l'histoire d'un jeune lieutenant en congé dans le nord giboyeux de la Norvège. Louant une petite cabane, il passe ses après-midi à chasser et à arpenter les bois, ne demandant pas plus à la vie que d'être libre dans cette nature où il se sent plus à l'aise que dans la société. Mais il ne peut s'extraire tout à fait du commerce avec les hommes, et surtout du commerce avec les femmes. Il séduit, il est séduit, dans des jeux qui se révèlent plus dangereux et surtout plus malsains qu'ils ne paraissent au premier abord.
Et c'est ce côté malsain qui m'a dérangée tout au long de ce livre, que j'ai fini seulement parce que je me suis engagée à en faire la relecture pour une publication gratuite. Bien que ce roman puisse apparaître comme une exaltation de la nature et de la vie simple et en autarcie dans les grands espaces sauvages de Norvège, tout est vicié, peu agréable, et ce Thomas Glahn est vraiment antipathique (au même degré que son amour principale, la prude et manipulatrice Edvarda).
L'épilogue, conté par une tierce personne alors que le roman est écrit à la première personne, et situé dans la moiteur de l'Inde, tranche avec le corps principal du roman et lui donne une autre perspective, mais cela n'a pas racheté cette lecture à mes yeux, qui est donc un cuisant échec.
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« Il peut pleuvoir et tempêter, ce n'est pas cela qui importe, souvent une petite joie peut s'emparer de vous par un jour de pluie et vous inciter à vous retirer à l'écart avec votre bonheur. Alors on se redresse et on se met à regarder droit devant soi, de temps à autre on rit silencieusement et on jette les yeux autour de soi. A quoi pense-t-on ? A une vitrine éclairée dans une fenêtre, à un rayon de soleil dans la vitrine, à une échappée sur un petit ruisseau, et peut-être à une déchirure bleue dans le ciel. Il n'en faut pas davantage. »

Relecture de Pan.

Après son chef d'oeuvre La Faim, Pan est considéré comme le roman le plus populaire de Knut Hamsun, prix Nobel de littérature en 1920. Comme à son habitude l'écrivain norvégien met en scène un personnage vivant à la marge de la société, un vagabond à l'esprit fantasque et aux idées poétiques, en rupture avec l'époque moderne. A travers ce roman qui raconte en deux parties distinctes la vie et la mort du chasseur Thomas Glahn, Knut Hamsun célèbre l'authenticité et la simplicité de la vie dans la nature et dénonce la société hypocrite et corruptrice.

Dans la première partie, Thomas Glahn se rappelle l'été 1855 alors qu'il vivait de chasse et de pêche en compagnie de son chien Esope. Glahn habitait dans une hutte, à la lisière d'une immense forêt, non loin de la mer et des montagnes du Nordland.

« de ma hutte, je pouvais voir un fouillis d'îles, d'îlots et de récifs, un peu de la mer, quelques cimes de montagnes bleuâtres, et derrière la hutte s'étendait la forêt, une forêt immense. La senteur des racines et des feuilles m'emplissait de joie et de gratitude, de même que le fumet gras du pin qui rappelle l'odeur de la moelle ; dans la forêt seulement tout s'apaisait en moi, mon âme devenait égale et se gonflait de puissance. »

A Sirilund, petite ville des environs, Thomas Glahn fait la rencontre d'Edvarda, fille du négociant M. Mack. Dès lors, la vie simple et heureuse de Glahn dans la nature est perturbée par ses pensées et ses émotions envers la jeune femme. D'autant que celle-ci souffle le chaud et le froid au pauvre chasseur, homme peu habitué à la vie en société.

« Vous avez raison, je ne sais guère fréquenter le monde. Soyez pitoyable ; vous ne me comprenez pas, je demeure de préférence dans la forêt, c'est là ma joie. Ici, dans ma solitude, cela ne fait tort à personne que je sois comme je suis ; mais, quand je me trouve avec d'autres personnes, il me faut employer tout mon soin pour être comme je dois. Deux années durant j'ai si peu été dans la société des hommes… »

Glahn est soucieux et son amour pour Edvarda le déchire parce qu'il brime son besoin de liberté.

« Tu erres ici et consumes ta vie pour une chétive écolière et tes nuits sont pleines de rêves désolés. Et un air étouffant stagne autour de ta tête, un air empesté d'antan. Cependant qu'au ciel frissonne le plus merveilleux des bleus et que les montagnes appellent. »

Plus tard, Glahn fait la connaissance d'Eva, la fille du forgeron, dont la candeur l'attire et envers qui il va se comporter comme Edvarda à son égard. Finalement, malheureux dans ses relations et ayant achevé son temps dans le Nordland, Glahn quitte Sirilund.

« Aucun souci ne me presse, je me languis seulement vers ailleurs ; où, je ne le sais pas, mais très loin, peut-être en Afrique, aux Indes. Car j'appartiens aux forêts et à la solitude. »

Si le jeu du chat et de la souris entre Edvarda et Glahn m'a paru long et redondant, en revanche j'ai grandement apprécié l'écriture joyeuse, insouciante et poétique qui narre la vie gaie et heureuse que mène Glahn dans la nature, à découvrir et à apprécier ses merveilles.
La seconde partie du roman, dont le narrateur est le compagnon de chasse de Thomas Glahn, rapporte en quelques pages l'étrange et suicidaire attitude du héros alors que tous les deux sont dans un village des Indes à chasser le gibier. N'étant jamais parvenu à comprendre ses semblables et à trouver la sérénité au sein de la société des hommes, Glahn choisira lui-même sa mort. Cette fin, tragique, résonne comme une impossible acceptation de la vie en société, de ses contraintes sociales et de sa fausseté.

« Plusieurs années durant j'ai pensé pouvoir lire dans les âmes de tous les hommes. Peut-être n'en est-il rien… »

Une très belle lecture.
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Le lieutenant Thomas Glahn vit dans le Nordland, une des contrées les plus septentrionales de la Norvège où Knut Hamsun, lui-même passa une grande partie de son enfance. Un jour, une forte averse propulse pour s'abriter dans sa petite hutte, M. Mack, sa fille Edvarda et le Docteur.

Dès lors, la vie du Lieutenant Glahn, un ermite chasseur et pêcheur pour sa nourriture, amateur de forêt et de paysages, va se trouver bouleversée. Sous le charme d'Edvarda, il n'aura de cesse que de la séduire ; alors qu'Eva, la femme du forgeron lui voue un amour simple et sincère.
Edvarda s'avérera beaucoup plus calculatrice que sa gaucherie pouvait le laisser prévoir : mythomane, elle se joue des hommes pour les séduire et les abandonner. Il sera très tard quand Glahn le comprendra à ses dépends… Glahn, beaucoup plus adapté à la vie « d'homme des bois » qu'à la vie en société.

Dans une deuxième partie, on le retrouvera chassant en Inde, alors qu'il est porté disparu et recherché par sa famille, en compagnie d'un chasseur de qui il détournera la compagne indigène…

Un ouvrage remarquable ; et tellement teinté de l'ambiance fin XIX ème siècle…
Une écriture, lyrique dans la description de la nature et une action menée le plus souvent au passé simple qui amène dans le texte des tournures verbales un peu désuètes, mais si agréables à l'oreille.

Un personnage, le lieutenant Glahn, inadapté à la vie sociale, complexe, imprévisible et tellement romantique… Edvarda, la venimeuse…

Une nature décrite sous la lumière tellement particulière de grand nord scandinave. Combien de fois, à la lecture de ces pages magnifiques, m'est-il venu à l'esprit la toile de Caspar David Friedrich, « le voyageur au-dessus de la mer de nuages » ?...

Ajoutez à cela, une édition, celle de Calmann-Lévy 1994, agrémentée de peintures étranges et dures dues à Haakon Gullvaag … Obsédantes …

On l'aura compris. Je ne me lasse pas de ce genre de texte. Même si l'homme, Knut Pedersen (c'est le véritable nom de l'auteur, Prix Nobel 1920) mérite quelque mépris par son soutien indéfectible à l'Allemagne nazie, l'écrivain Knut Hamsun reste un écrivain majeur de la fin XIX ème, début XX ème.
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Citations et extraits (47) Voir plus Ajouter une citation
L'édition que j'ai en main et agrémentée en guise de quatrième de couverture d'une postface signée Henry Miller :

" s'il est un auteur que j'ai cherché à imiter - délibérément , à corps perdu , mais , selon toute apparence , sans aucun succès - c'est bien Knut Hamsun . Et je ne suis pas le seul à lui vouer un culte inconditionnel . Pour ceux de ma génération , Knut Hamsun a probablement joué un rôle équivalent à celui de Dickens pour les lecteurs de son temps . Nous nous jetions sur tous ses livres , nous les attendions avec une impatience fébrile .

Les gens avec qui on a grandi , qu'ont-ils de commun avec nous ? Rien , en vérité ; Absolument rien . Nos amis véritables , c'étaient les auteurs des livres que nous lisions , c'étaient les musiciens dont nous écoutions les œuvres . Pour un individu intelligent et sensible , le problème était le même partout dans le monde : comment réussir à se faire reconnaître , comment réussir à infirmer les activités imbéciles des hommes politiques ?Elle était si juste cette note que Hamsun nous faisait entendre , qu'on ne pouvait s'empêcher de s'identifier immédiatement avec lui . Ses romans , ce n'étaient pas seulement des histoires d'amour , c'étaient des rhapsodies . Mais Hamsun était aussi celui qui apportait la discorde .

Comme je suis reconnaissant à la vie de m'avoir permis de rencontrer si tôt l'œuvre de Knut Hamsun et d'en penser aujourd'hui autant de bien ( sinon plus ) que la première fois que je l'ai lue . Ses admirateurs forment à travers le monde une vaste confrérie dont je ne suis qu'un des membres . Comme jack London ou Gorki , il avait autrefois ses fidèles dans tous les pays et dans toutes les langues . Il va les retrouver aujourd'hui . "
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Il peut pleuvoir et tempêter, ce n'est pas cela qui importe, souvent une petite joie peut s'emparer de vous par un jour de pluie et vous inciter à vous retirer à l'écart avec votre bonheur. Alors on se redresse et on se met à regarder droit devant soi, de temps à autre on rit silencieusement et on jette les yeux autour de soi. A quoi pense-ton ? A une vitre éclairée dans une fenêtre, à un rayon de soleil dans la vitre, à une échappée sur un petit ruisseau, et peut-être à une déchirure bleue dans le ciel. Il n'en faut pas d'avantage.

En d'autres temps, des mêmes événements extraordinaires ne parviennent pas à vous secouer et à vous faire sortir d'un état d'âme égal et pauvre ; au milieu d'une salle de bal on peut rester assis, assuré, indifférent et impassible. Car c'est votre propre vie intérieure qui est la source du chagrin ou de la joie.
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Il peut pleuvoir et tempêter, ce n’est pas cela qui importe, souvent une petite joie peut s’emparer de vous par un jour de pluie et vous inciter à vous retirer à l’écart avec votre Bonheur. Alors on se redresse et on se met à regarder droit devant soi, de temps à autre on rit silencieusement et on jette les yeux autour de soir. A quoi pense-t-on ? A une vitre éclairée dans une fenêtre, à un rayon de soleil dans la vitre, à une échappée sur un petit ruisseau, et peut-être à une déchirure bleue dans le ciel. Il n’en faut pas davantage.
(p. 6-7, Chapitre 2).
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Je crois que je puis lire un peu dans l’âme des hommes qui m’entourent ; peut-être n’en est-il rien. Oh ! quand je suis dans mes bons jours, il me semble que je vois très avant dans l’âme d’autrui, bien que je n’aie pas une tête autrement intelligente. Nous sommes assis dans un salon, quelques hommes, quelques femmes et moi, et il me semble voir ce qui se passe au-dedans de ces gens et ce qu’ils pensent de moi. J’attribue un sens à chaque signe fugace qui passe dans leurs yeux ; par moments le sang monte à leurs joues et les empourpre, à d’autres instants ils font semblant de regarder d’un autre côté, et m’observent cependant un brin du coin de l’œil. Et je suis là qui regarde tout cela, et personne ne soupçonne que je pénètre chacune de ces âmes. Plusieurs années durant j’ai pensé pouvoir lire dans les âmes de tous les hommes. Peut-être n’en est-il rien…
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Pendant que je mangeais, j’étais couché sur la terre séchée. Le silence s’étendait sur la terre, rien qu’un doux murmure de l’air et le chant d’un oiseau ou d’un autre. J’étais couché et regardais les branches qui ondoyaient doucement dans le courant d’air ; ce petit vent accomplissait sa tâche : il portait le pollen de branche en branche et emplissait chaque innocent calice ; toute la forêt était dans le ravissement. Une chenille verte, une arpenteuse, chemine, en faisant le gros dos, le long d’une branche, chemine sans arrêt, comme si elle ne pouvait se reposer. Elle ne voit presque rien, bien qu’elle ait des yeux, souvent elle s’arrête, dressée verticalement, et tâtonne dans l’air à la recherche d’un point d’appui ; elle a l’air d’un bout de fil vert qui pique une couture le long de la branche, à points lents. Ce soir elle sera peut-être arrivée à l’endroit où elle doit aller.

Toujours le silence. Je me lève et marche, me rassieds et me relève.Il est environ quatre heures ; quand il sera six heures je retournerai chez moi et verrai si je rencontre quelqu’un. Il me reste encore deux heures et pourtant je suis déjà un peu agité et j’époussète les brins de bruyère et de mousse de mes vêtements. Je connais les endroits où je passe, les arbres et les pierres sont là, comme auparavant, dans la solitude, les feuilles bruissent sous mes pieds. Ce murmure monotone et ces arbres et ces pierres bien connus, c’en est trop pour moi, je me sens plein d’une étrange gratitude, tout fait amitié avec moi, tout se confond avec moi, j’aime tout. Je ramasse une branche sèche et la tiens à la main et la regarde, tandis que je suis assis et pense à mes petites affaires ; la branche est presque pourrie, sa pauvre écorce me fait impression, une pitié envahit mon cœur. Et quand je me lève et m’en vais, je ne jette pas la branche, mais je la pose par terre et reste là et me sens de l’affection pour elle ; finalement je la regarde une dernière fois avec des yeux humides avant de l’abandonner. (VI)
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Vidéo de Knut Hamsun
En librairie le 18 août 2023 et sur https://www.lesbelleslettres.com/livre/9782251454474/mysteres
Dernier tiers du 19e siècle : une paisible ville de la côte norvégienne est le théâtre d'événements mystérieux. Un jeune homme est retrouvé mort dans la forêt, les poignets tranchés par le couteau de la fille du pasteur, en même temps que débarque un étranger, Nagel, « charlatan étrange et singulier ». Crime ou suicide ? La question est sur toutes les lèvres, y compris celle du lecteur. En reconstituant les extravagantes apparitions de Nagel et en relatant ses interactions avec les villageois, le Prix Nobel de littérature Knut Hamsun explore la personnalité d'un héros insolite et insolent.
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