« Il peut pleuvoir et tempêter, ce n'est pas cela qui importe, souvent une petite joie peut s'emparer de vous par un jour de pluie et vous inciter à vous retirer à l'écart avec votre bonheur. Alors on se redresse et on se met à regarder droit devant soi, de temps à autre on rit silencieusement et on jette les yeux autour de soi. A quoi pense-t-on ? A une vitrine éclairée dans une fenêtre, à un rayon de soleil dans la vitrine, à une échappée sur un petit ruisseau, et peut-être à une déchirure bleue dans le ciel. Il n'en faut pas davantage. »
Relecture de
Pan.
Après son chef d'oeuvre
La Faim,
Pan est considéré comme le roman le plus populaire de
Knut Hamsun, prix Nobel de littérature en 1920. Comme à son habitude l'écrivain norvégien met en scène un personnage vivant à la marge de la société, un vagabond à l'esprit fantasque et aux idées poétiques, en rupture avec l'époque moderne. A travers ce roman qui raconte en deux parties distinctes la vie et la mort du chasseur Thomas Glahn,
Knut Hamsun célèbre l'authenticité et la simplicité de la vie dans la nature et dénonce la société hypocrite et corruptrice.
Dans la première partie, Thomas Glahn se rappelle l'été 1855 alors qu'il vivait de chasse et de pêche en compagnie de son chien
Esope. Glahn habitait dans une hutte, à la lisière d'une immense forêt, non loin de la mer et des montagnes du Nordland.
« de ma hutte, je pouvais voir un fouillis d'îles, d'îlots et de récifs, un peu de la mer, quelques cimes de montagnes bleuâtres, et derrière la hutte s'étendait la forêt, une forêt immense. La senteur des racines et des feuilles m'emplissait de joie et de gratitude, de même que le fumet gras du pin qui rappelle l'odeur de la moelle ; dans la forêt seulement tout s'apaisait en moi, mon âme devenait égale et se gonflait de puissance. »
A Sirilund, petite ville des environs, Thomas Glahn fait la rencontre d'Edvarda, fille du négociant M. Mack. Dès lors, la vie simple et heureuse de Glahn dans la nature est perturbée par ses pensées et ses émotions envers la jeune femme. D'autant que celle-ci souffle le chaud et le froid au pauvre chasseur, homme peu habitué à la vie en société.
« Vous avez raison, je ne sais guère fréquenter le monde. Soyez pitoyable ; vous ne me comprenez pas, je demeure de préférence dans la forêt, c'est là ma joie. Ici, dans ma solitude, cela ne fait tort à personne que je sois comme je suis ; mais, quand je me trouve avec d'autres personnes, il me faut employer tout mon soin pour être comme je dois. Deux années durant j'ai si peu été dans la société des hommes… »
Glahn est soucieux et son amour pour Edvarda le déchire parce qu'il brime son besoin de liberté.
« Tu erres ici et consumes ta vie pour une chétive écolière et tes nuits sont pleines de rêves désolés. Et un air étouffant stagne autour de ta tête, un air empesté d'antan. Cependant qu'au ciel frissonne le plus merveilleux des bleus et que les montagnes appellent. »
Plus tard, Glahn fait la connaissance d'Eva, la fille du forgeron, dont la candeur l'attire et envers qui il va se comporter comme Edvarda à son égard. Finalement, malheureux dans ses relations et ayant achevé son temps dans le Nordland, Glahn quitte Sirilund.
« Aucun souci ne me presse, je me languis seulement vers ailleurs ; où, je ne le sais pas, mais très loin, peut-être en Afrique, aux Indes. Car j'appartiens aux forêts et à la solitude. »
Si le jeu du chat et de la souris entre Edvarda et Glahn m'a paru long et redondant, en revanche j'ai grandement apprécié l'écriture joyeuse, insouciante et poétique qui narre la vie gaie et heureuse que mène Glahn dans la nature, à découvrir et à apprécier ses merveilles.
La seconde partie du roman, dont le narrateur est le compagnon de chasse de Thomas Glahn, rapporte en quelques pages l'étrange et suicidaire attitude du hé
ros alors que tous les deux sont dans un village des Indes à chasser le gibier. N'étant jamais parvenu à comprendre ses semblables et à trouver la sérénité au sein de la société des hommes, Glahn choisira lui-même sa mort. Cette fin, tragique, résonne comme une impossible acceptation de la vie en société, de ses contraintes sociales et de sa fausseté.
« Plusieurs années durant j'ai pensé pouvoir lire dans les âmes de tous les hommes. Peut-être n'en est-il rien… »
Une très belle lecture.