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(01/01/1900)
3.08/5   6 notes
Résumé :
« Elle leur sembla au début, cette offre, trop belle pour être vraie, et la lettre que leur ami leur adressa pour tâter, comme il disait, le terrain, quant à leurs goûts et leurs responsabilités, leur fit presque l'effet d'une bonne plaisanterie à leurs dépens. Leur ami, Mr Grant-Jackson, un personnage extrêmement influent et arriviste, très fort dans la discussion et la négociation, abrupt dans l'ouverture, imprévu, voire un brin contrariant dans son attitude et pr... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
"Fantôme : Signe extérieur évident d'une frayeur interne."
(Ambrose Bierce, "Le Dictionnaire du Diable")

Peut-on considérer "La maison natale" ("The Birthplace", 1903) comme une histoire de fantômes ? Oui et non.
Dans sa carrière d'écrivain, Henry James a abordé plusieurs fois la thématique, toujours à sa façon. Il y a beaucoup d'ambigüité dans les "ghost stories" de James. Ce sont davantage des récits psychologiques qui analysent les rapports de ses protagonistes aux diverses "apparitions", parfois seulement aux sensations inconfortables. Quelque chose n'est pas comme cela devrait l'être dans un monde ordinaire...
James n'aime pas la simplicité. Même dans les histoires comme "La redevance du fantôme" qui trouve une explication rationnelle, la fin nous fait retomber à nouveau dans cette ambigüité toute jamesienne. Sans parler des récits comme "Le coin plaisant", ou l'indéchiffrable "Tour d'écrou", qui a autant d'interprétations que de lecteurs.

"La maison natale" peut donc être vue comme une histoire d'un lieu hanté par les esprits d'autrefois. Mais elle a cette particularité que ces esprits sont évoqués délibérément, puis exorcisés par le désir humain de toujours tout savoir, tout expliquer... jusqu'à tordre la vérité en la transformant en mensonge. C'est une fine analyse de l'avidité humaine pour le sensationnel, et sous cet angle on peut la considérer davantage comme une satire dont la fin pourrait prêter à sourire, si elle ne faisait pas tant réfléchir.

La nouvelle était mentionnée dans l'ouvrage de James Shapiro sur la controverse shakespearienne, et sa lecture n'a fait que confirmer mes opinions sur le bien-fondé même de cette controverse : quand on ne sait pas, on préfère s'inventer une vérité, si possible colorée et époustouflante, susceptible d'intéresser les masses. Sinon, quel intérêt ?
Henry James n'a jamais été l'un de ces "oxfordiens" ou "baconiens" convaincus ; il avait seulement d'inexplicables doutes (ce qui lui ressemble bien, après tout) sur la paternité des oeuvres de Shakespeare. Il a visité la maison natale de Shakespeare à Stratford plusieurs fois en 1901, et c'est sa discussion animée avec le guide Joseph Skipsey qui a inspiré cette nouvelle. Skipsey et sa femme étaient d'abord ravis et honorés d'obtenir le poste de gardien de ce sanctuaire stratfordien. Mais très bientôt, ils ont découvert que leur travail ne consiste qu'en mystifications et tromperies réclamées par le grand nombre de visiteurs, qui exigent une anecdote mémorable sur chaque pièce, chaque objet - un fabuleux conte à avaler sans scrupule. Ils ont fini dégoutés, tant intellectuellement que moralement, par la façon dont ils devaient affronter les touristes, et ils ont démissionné quelques années plus tard... persuadés que si l'esprit du Barde a jadis possédé ces lieux, cela fait bien longtemps qu'il est parti.

L'histoire des Gedge de la nouvelle ressemble beaucoup à celle des Skipsey, du moins au début. Un couple modeste mais cultivé, tous les deux amateurs de l'Oeuvre, ils acceptent avec joie de devenir les gardiens du Sanctuaire. James ne mentionne jamais le nom de Shakespeare ni de la localité de Stratford, et même si on le devine aisément, sa nouvelle prend ainsi une dimension universelle et presque inquiétante.
Les meubles, les objets, la cheminée... mais est-ce qu'il reste encore quelque chose de Lui, entre ces quatre murs ? Morris Gedge voudrait le croire. Il arpente la maison la nuit, à la recherche d'un signe, d'une révélation... Mais le jour se lève, et les visiteurs arrivent, déçus de ne pas pouvoir repartir la tête dans les nuages. Les "faits" ne leur suffisent pas, ils veulent un "show".
Les honnêtes Gedge traversent une véritable crise, dont l'issue sera toute différente de l'histoire racontée par Joseph Skipsey.
Ils viennent pour un spectacle ? Eh bien, ils l'auront !
Ensuite, on ne peut plus que se demander si l'esprit du Barde a définitivement abandonné son lieu de naissance, ou, au contraire, s'il s'est emparé de Morris Gedge. Tout comme Shakespeare a resuscité les anciens rois et grands hommes de l'antiquité sur la scène du Globe, Gedge va resusciter William Shakespeare sur les planches de sa maison natale. Son "spectacle" est tellement grandiose, tellement plaisant, tellement imaginatif qu'on en parle même en Amérique. (Et ces passages vous feront regretter que James ne se soit jamais vraiment réalisé dans le genre comique.) La question reste : quelle sera la réaction de son employeur, face à ce théâtre populaire tant applaudi par les bardolâtres... ?

Finalement, c'est donc bien une histoire de fantômes, même si les discrètes présences y sont remplacées par des apparitions carnavalesques qui agitent des chaînes en faisant beaucoup de bruit pour rien. Après tout, c'est ce qu'on préfère tous... la réalité est tellement fade et ennuyeuse ! Ou au contraire, comme le remarque le cynique Bierce, elle est difficile à affronter. Quoi qu'il en soit, le résultat est toujours identique : la tendance à la déformer. Et Shakespeare, dans tout ça ? Je crois que son esprit est parti se réfugier dans ses pièces et ses poèmes, où personne ne risque de le déranger. C'est là que vous le trouverez, si le coeur vous en dit.
4/5, non à cause de l'histoire qui est parfaite, mais pour la difficulté de lecture. Il était intelligent de la part de James de ne jamais évoquer explicitement aucun nom ni lieu, mais cela crée parfois des phrases opaques, pas évidentes à saisir du premier coup.
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Hier soir, j'ai lu La maison natale, une toute petite nouvelle (à peine 90 pages) de l'excellent auteur Henry James. Malheureusement, cet ouvrage m'a déplu. À plusieurs moments pendant ma lecture, je me sentais perdu, je relisais certaines pages pour ne me sentir que davantage confus. C'est qu'il y a peu sur quoi se rattacher. Il ne semble pas vraiment y avoir d'histoire. On nous présente quelques personnages, il y est question d'une maison, de personnes chargées de s'en occuper, etc. Mais pas vraiment d'action. Je sais, je sais, des actions ne sont pas toujours nécessaires pour qu'un roman soit réussi. Toutefois, ce qu'il me manquait, c'était la réponse aux questions suivantes : « C'est l'histoire de qui ? Que font-ils ? » J'ai longtemps attendu… en vain. Mes yeux continuaient leur lecture mais je n'enregistrais aucune information. Je déteste ne pas terminer un livre, ne pas l'avoir compris. Alors ce matin (je me disais que je serais plus éveillé, plus alerte !) j'ai essayé de reprendre La maison natale mais rien n'y fait. Alors tant pis. Il est dangereux de critiquer un livre dont on ne se rappelle rien, ça semble peu « professionnel », on risque de passer à côté de quelque chose et surtout de se faire démentir quand une autre personne donne son avis par la suite. Mais tant pis. N'est-ce pas un critère d'appréciation, capter l'attention et l'intérêt de ses lecteurs ? D'après moi, oui. Eh bien, dans ce cas, Henry James a manqué son coup.
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J'ai lu ce court roman, presque une nouvelle, dans son édition bilingue. J'ai commencé ma lecture en anglais mais j'ai été assez vite déroutée par le style et le niveau de langage et devais en conséquence me référer constamment à la traduction… qui ne m'éclairait souvent pas beaucoup. J'ai donc décidé de poursuivre ma lecture en français; j'ai dû alors me référer souvent à la page originale étant presque aussi confuse que lors de mon essai en V.O. Je pense d'abord que la traduction (de Louise Servicen dont je comprends que ni l'anglais ni le français n'étaient la langue maternelle) n'est pas bonne: en particulier, l'emploi des pronoms et adjectifs possessifs en français sème une confusion qui n'existe pas en anglais (où le neutre est différent du masculin, où her/his sont traduits indifféremment par son…). Je reconnais néanmoins que le style original n'est pas simple sans doute à dessein car il reflète l'état d'esprit du personnage principal Morris Gedges. J'ai inclus un résumé dans la fenêtre réservée à cet effet pour qu'on puisse comprendre le contexte, le résumé de l'éditeur n'étant qu'une citation, l'entrée en matière du roman.
Même s'il n'est jamais explicitement nommé par James, on comprend vite qu'il s'agit de la maison natale de Shakespeare et que les fadaises qu'on demande à Gedges de débiter sont probablement celles que James a entendues sur place et qu'il réprouvait. Je crois donc que ce petit ouvrage un peu obscur était une façon pour James de faire passer sa propre opinion sur l'authenticité des reliques accumulées dans cette maison de Stratford-on-Avon, des légendes qui s'y rattachent et, plus généralement, sur la question de qui se cachait derrière le nom de Shakespeare, une question qui fait encore aujourd'hui débat.
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La maison natale
et autres nouvelles (6)
Henry James (1903)
traduit de l'anglais par Louise Servicen (1972)
Denoêl (302p)


James est un classique, on le sait, on l'aborde donc avec crainte et déférence. Ce sont les dernières nouvelles de James (1843-1916) né aux Etats-Unis et naturalisé Anglais à la fin de sa vie, dont les influences furent Balzac, Flaubert et Tourguéniev. C'est donc ce qu'on peut appeler un réaliste, mais aussi un moderniste dans la mesure où il a marqué fortement les écrivains qui venaient après lui. Joseph Conrad a fait un bel éloge de son talent d'écrivain.
Les personnages de ces nouvelles sont des domestiques, des aventuriers américains, des mères et leurs fils, des écrivains dont l'un est sans doute un double de James pour qui l'écrivain, dont l'ambition est de faire de son oeuvre une oeuvre d'art, est d'abord un homme qui doute.
Si l'histoire est simple, presque sans actions, sa composition et son avancée sont plus complexes. On sent les choses venir, mais on se demande dans quel sens elles vont tourner. Les dialogues sont très travaillés, aidant à comprendre locuteur et interlocuteur, et parfois l'un des personnages fait comprendre à l'autre ce que ce dernier est véritablement, fait sentir aussi comment les Anglais voient les Américains. C'est dit sans être dit, c'est subtil, ironique, voire satirique. C'est intelligent.James explore la conscience, voit le dessous des choses, sait lire le motif dans le tapis. Il montre également aux lecteurs comment vivent certaines classes sociales. Une misogynie certaine perce chez James.
le choix du narrateur est important. Tout sera dit à partir de son point de vue.
La lecture de ces nouvelles est intéressante, et même plaisante, mais je suis persuadée qu'une relecture accentue l'intérêt et le plaisir.
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
Elle leur sembla au début, cette offre, trop belle pour être vraie, et la lettre que leur ami leur adressa pour tâter, comme il disait, le terrain, quant à leurs goûts et leurs responsabilités, leur fit presque l'effet d'une bonne plaisanterie à leurs dépens. Leur ami, Mr Grant-Jackson, un personnage extrêmement influent et arriviste, très fort dans la discussion et la négociation, abrupt dans l'ouverture, imprévu, voire un brin contrariant dans son attitude et presque également acclamé et critiqué dans la vaste région des Midlands où il avait, selon l'expression, laissé l'empreinte de son pied - leur ami les avait atteints à l'improviste et les avait, par là même, bouleversés au point que leur crainte dépassait presque leur espérance. La place se trouvait vacante par suite de la mort d'une des deux dames, une mère et une fille, qui remplissaient la charge depuis quinze ans.
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The patience was needed for the particular feature of the ordeal that, by the time the lively season was with them again, had disengaged itself as the sharpest — the immense assumption of veracities and sanctities, of the general soundness of the legend with which everyone arrived. He was well provided, certainly, for meeting it, and he gave all he had, yet he had sometimes the sense of a vague resentment on the part of his pilgrims at his not ladling, out their fare with a bigger spoon.
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Vidéo de Henry James
Avec "La Bête", le réalisateur Bertrand Bonello reprend à sa manière la nouvelle "La Bête dans la jungle", de Henry James, en plongeant Léa Seydoux dans un futur dystopique qui rappelle notre propre présent et dans lequel les émotions n'ont plus lieu d'être. Il est l'invité de Géraldine Mosna-Savoye et Nicolas Herbeaux.
Visuel de la vignette : "La Bête" de Bertrand Bonello, 2024 - Carole Bethuel
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