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René de Ceccatty (Autre)
EAN : 9782080648761
201 pages
Flammarion (08/01/1992)
3.98/5   24 notes
Résumé :
Rome est déserte ou presque, et il regarde. Cet intellectuel marginal observe son père, scrute la coupole de Saint-Pierre, ponctuellement auréolée du "nuage atomique", effeuille Pascasie l'Africaine, subtile évocation d'un poème de Mallarmé, et espionne Silvia, sa femme.

Mais pourquoi hait-il tant son père ? Pourquoi Silvia quitte-t-elle le domicile conjugal ? Qui est cet amant si puissant ? C'est par la fente indiscrète d'une porte mi-close que s... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Dans chacun des romans d'Alberto Moravia le sexe est une métaphore. Ici " L'homme qui regarde" est un roman spéculatif. Au couple père-fils , pour lequel Alberto Moravia a voulu pousser cette relation jusqu'à l'extrême, jusqu'à la concurrence sexuelle, il y adjoint la morale.
Le fils est celui qui doit subir. Par ailleurs c'est un intellectuel et ce sont toujours les intellectuels qui subissent.
En effet il échoue comme professeur autant que comme mari, et s'il ne mène pas à son terme sa contestation c'est parce qu'il n'y croit plus.
Le roman pose la question : que reste-t-il du père ? Mais c'est pour mieux la transformer en cette interrogation : que reste-t-il du désir ? Trame essentielle de ce livre.
Se condensent dans "L'homme qui regarde" (homme sans inconscient) des forces en tension entre passé et présent qui entravent la dynamique de la transmission du désir.
Le père n'écrase-t-il pas le fils en s'emparant de toutes les femmes ? provoquant la révolte de celui-ci, le poussant jusqu'à l'idée d'un parricide nécessaire (mais idéalisé).
Roman d'une grande virtuosité qui confirme que cet écrivain à sa place parmi les plus grands.
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Trois voies pour connaître le monde: la science, la littérature et le sexe. Un medium commun entre elles : le regard.

A travers le trio complexe que forment un père, son fils et la femme de ce dernier, Moravia jette les lignes de son récit, comme autant de hameçons...

Pêche inventive, complexe, intelligente et déroutante.

Le Narrateur, Dodo, professeur de littérature française sans grand renom, a un surnom ridicule, enfantin et régressif. Il est l'époux de la belle Silvia qui l'aime mais étrangement le quitte "pour réfléchir ». Tous deux vivent dans l'appartement du père de Dodo, émérite professeur de physique à la faculté, un vieux Don Juan provisoirement hors de course - encore que...- des suites d'un accident de voiture.

Entre le vieil homme, guetté par l'âge et l'impotence - à ne pas confondre avec l'impuissance- et l'homme jeune, empêtré dans son passé de rebelle et refusant honneurs et possessions matérielles, se joue une rivalité qui a le sexe pour emblème, pour terrain. le sexe, le désir et la transgression. Silvia est en effet l'enjeu de cette lutte mortifère.

Le vieil homme est un scientifique, son fils un littéraire : chacun a sa grille pour analyser le conflit immémorial entre père et fils, dans le tissu compliqué des relations humaines.

Etrangement, avant même de centrer son inquiétude sur ce problème intime et douloureux, c'est la catastrophe nucléaire qui obsède le narrateur : il voit des champignons atomiques s'ouvrir comme de monstrueux parachutes au-dessus de la coupole de Saint-Pierre de Rome.

Sa grille de linguiste – et le désordre amoureux qu'il est en train de vivre - lui font bientôt voir une parenté étroite entre « fission » et « fente ».. La catastrophe nucléaire redoutée serait apparentée à celle qui menace son couple : la curiosité scientifique pousse à intervenir, pour la briser, dans la matière même et la créativité littéraire offre ses points de vue voyeuristes sur ce « coquillage pâle et rose », pour en surprendre les secrets, en déchiffrer les oracles…

J'ai lu avec fascination ce récit limpide, mais ô combien complexe, pimenté de quelques scènes d'un érotisme raffiné- on convoque Mallarmé, Baudelaire, Proust, Hérodote, ou les peintres De La Renaissance italienne- les scènes les plus crues sont toujours entrevues par l'entrebâillement d'une porte, dans le secret d'une bibliothèque, d'un bureau ou d'un cabinet particulier.. faisant du lecteur- ou de la lectrice- un(e) scopophile consentant(e) – le mot voyeur est trop vulgaire pour une quête aussi exigeante de la vérité.

La fin m'a surprise : une sorte de retour à la case départ inattendu- et pourtant tout le parcours intellectuel et érotique des protagonistes a profondément modifié la donne. Même si le mystère des décisions humaines reste entier.

Il faut réfléchir davantage, semble nous dire Moravia. Pas question de vous délivrer un prêt-à-penser des relations homme-femme ou des modes de règlement du conflit oedipien…Débrouillez-vous avec les outils à votre disposition : lisez, parlez, écoutez, mais surtout regardez, de tous vos yeux, regardez…
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La Feuille Volante n° 1258
L'homme qui regardeAlberto Moravia – Flammarion.
Traduit de l'italien par René de Ceccatty.

Quand on est dans l'oeuvre de Moravia, ce titre un peu original ne peut s'appliquer qu'au regard d'un homme pour une femme, même à une passante inconnue, un plaisir des yeux innocent, furtif et frustrant chez un timide, prometteur chez un séducteur. L'homme exerce ce regard inquisiteur ou fantasmé comme un voyeur, un scopophyle mais celui (ou celle) qui est regardé peut aussi être un exhibitionniste avec toute la charge valorisante, érotique voire pornographique que cela suppose, le plaisir de regarder et d'être regardé étant ainsi partagé, entre envie d'être vu et attirance sexuelle. Les yeux sont le vecteur essentiel du regard. Par eux on perçoit la réalité extérieure mais quand on rencontre ceux d'un autre, ils peuvent faire office de miroir où se reflète sa propre personnalité mais aussi se transforment en verre transparent ce qui permet la lecture des pensées les plus secrètes de l'autre. Moravia excelle évidemment dans ce registre où la psychologie se mêle parfois à la sexualité. Ici l'auteur met en scène Eduardo, le narrateur, jeune mais obscur professeur de littérature française, époux et amoureux de la belle Sylvia qui l'aime mais le quitte sans autre raison que de vouloir « réfléchir », situation bâtarde et hypocrite puisqu'il y a un autre homme dans sa vie dont elle ne dévoile pas l'identité à Eduardo qu'elle accepte cependant de revoir. Auparavant, ils vivaient ensemble dans l'appartement du père d'Eduardo, un brillant professeur d'université, un Don Juan sur le retour, cloué momentanément au lit à la suite d'un accident de voiture, mais encore plein de vitalité.
Eduardo est un intellectuel, et, à ce titre, convoque Mallarmé, Baudelaire et Dostoïevski et même l'apocalypse de St Jean pour nourrir ses fantasmes. Ce thème du regard, favori des philosophes, des psychiatres, des artistes est traité par Moravia, avec son habituel style fluide et son regard aigu, est intéressant même si l'histoire se perd un peu dans un épisode de vie entre Eduardo et Sylvia, dans sa rencontre avec une autre femme, dans l'opposition oedipienne entre un fils et son père, et pas au seul niveau théorique de la comparaison. Il y a autre chose pour Eduardo qui regarde par le trou de serrure, ce qui lui donne une vision réductrice des choses en ce sens qu'il ne voit pas ce qu'il devrait voir, pour la seule raison que cela se passe devant ses yeux, même s'il est vrai que sa cécité est favorisée par le mensonge et la trahison et que ses soupçons sont suscités par le seul hasard. Pour autant, devant ce qu'il croit finalement être une évidence, a-t-il réellement envie d'en avoir confirmation, au point de cultiver le non-dit voire le silence ou la dénégation, alors qu'il pourrait facilement lever ses doutes. Il y a même ce refus d'admettre les certitudes au point de se mentir à soi-même et aux autres pour sauver les apparences et son acceptation étonnante de la décision finale de son épouse qui néanmoins maintient le secret. Il y a aussi le fantasme d'Eduardo pour un improbable champignon nucléaire au dessus du Vatican, un contexte de fin du monde ! Cette obsession n'est évidemment pas gratuite, l'explosion dévastatrice éventuelle rompant le silence dans lequel il vit, la fission de l'atome évoquant la fente, allusion forcément sexuelle, mais aussi l'endroit par lequel le voyeur regarde puisqu'il doit rester caché.
Moravia sollicite ici beaucoup le registre érotique, voire pornographique, à ce titre use beaucoup de l'état d'infériorité physique du père d'Eduardo et de la mise en retrait de celui-ci, autant que l'opposition de son fils. L'âge et la condition du père d'Eduardo ouvrent une réflexion sur la vieillesse, même si cette période nécessairement déclinante en matière de vitalité est ici compensée par une activité sexuelle quelque peu débridée. Tout ce contexte permet à l'auteur de mener son analyse intime sur les rapports toujours compliqués entre les hommes et les femmes faits d'amour, de sexe, de plaisirs mais aussi de trahisons, de mensonges, d'adultères et de secrets. Encore doit-on se sentir soulagé quand, comme c'est le cas ici, on accepte de solliciter le pardon de l'autre, de tourner la page en tentant de réinstaller la confiance perdue.
© Hervé-Lionel – Juin 2018. [http://hervegautier.e-monsite.com]
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Très curieux roman de Moravia, où l'on se rend peu à peu compte que le personnage est beaucoup plus "atteint" qu'on ne le pense... Un scopophile ! Un voyeur, pour les profanes. Ce serait d'ailleurs drôle de considérer ce roman non comme un récit, mais comme un compte rendu médical sur le voyeurisme. Par ailleurs, le voyeurisme du personnage principal se conjugue avec une relation compliquée avec un père célèbre et des difficultés de couple... Complètement déjanté... J'en conseille donc la lecture !
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réflexions sur les rapports humains ; très bien écrit
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Citations et extraits (19) Voir plus Ajouter une citation
- En effet, mais quelle est donc ma manière de faire l'amour ?
Elle me dévisage un moment, puis m'explique :
- Tu fais l'amour toujours de la même façon. Tu t'allonges sur le dos et tu veux que je te monte dessus. Tu vois, déjà en disant la façon dont nous faisons l'amour, j'en donne une idée fausse, incomplète et vulgaire. Mais continuons. Pourquoi veux tu que je sois dessus et toi dessous ?
Je me le suis souvent demandé et toi même tu me l'as expliqué : pour mieux me regarder, d'une manière plus détachée et plus contemplative. Et en effet, de temps à autre, tu me dis que, durant ces instants, mon visage te rappelle celui de la Vierge, dans une église où te conduisait ta mère quand tu étais enfant.
Qu'est ce que tout cela, sinon une espèce de voyeurisme, disons, mystique ? Moi, c'est tout à fait ce que je ressens, d'autant que cette idée, en un sens, religieuse que tu te formes de moi influe sensiblement sur mon comportement pendant l'amour. Car je me rends compte que tu "veux" que je ressemble à une Vierge et, pour cette raison, j'essaie de ne pas montrer le plaisir que j'éprouve et je m'efforce de donner à mon visage une expression sereine, immobile, impassible, et pourtant, si je me laissais aller, Dieu sait quelles grimaces je ferais, comme on en fait toujours pendant l'amour !
Quelle barbe de faire semblant d'être la Vierge pendant que l'homme qu'on aime vous baise !
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Mallarmé.
C'est un poème qui emprunte à son premier vers son titre : Une négresse par le démon secouée. Le voici :

Une négresse par le démon secouée
Veut goûter une enfant triste de fruits nouveaux
Et criminels aussi sous leur robe trouée,
Cette goinfre s'apprête à de rusés travaux :

A son ventre compare heureuses deux tétines
Et, si haut que la main ne le saura saisir,
Elle darde le choc obscur de ses bottines
Ainsi que quelque langue inhabile au plaisir.

Contre la nudité peureuse de gazelle
Qui tremble, sur le dos tel un fol éléphant
Renversée elle attend et s'admire avec zèle,
En riant de ses dents naïves à l'enfant ;

Et, dans ses jambes où la victime se couche,
Levant une peau noire ouverte sous le crin,
Avance le palais de cette étrange bouche
Pâle et rose comme un coquillage marin.
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Silvia et moi, nous nous aimons encore comme aux premiers jours de notre mariage, et probablement même plus ; et cet amour redoublé de frénésie sexuelle ne durera pas toujours ; simplement Silvia essaie de profiter de l'amour tant qu'il est là, comme l'on tente de savourer une journée ensoleillée peu avant l'hiver.
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Elle s'approche de la fenêtre, elle l'ouvre, elle s'accoude au rebord. je me tiens derrière elle; je remarque que dans cette position ses reins s'incurvent et son derrière est relevé et tendu. Je pense immédiatement à mon père et à la tentation violente, active qui lui viendrait s'il se trouvait à ma place. je me dis qu'il n'hésiterait pas à soulever le pan noir de l'imperméable pour découvrir les fesses blanches; et Silvia, avec l'hypocrisie propre à l'érotisme dans certains moments imprévus, le laisserait faire , sans remuer, feindrait de continuer à regarder en bas, dans la ruelle. Imaginant ces choses, comme je me penche à mon tour pour regarder, je l'effleure peut-être, à moins que ce ne soit elle qui ait deviné mes réflexions. Voici qu'elle se tourne tout à coup et me dit sèchement:
-Je t'en prie, ne fais pas cela.
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Je me demandais si tu avais lu par hasard un romancier qui s'appelle Dostoïevski.
Elle me regarde d'un air soupçonneux et dit :
- Non, je ne l'ai pas lu.
- Eh bien, Dostoïevski aimait les petites filles du genre de Gesuina. C'est du moins ce qu'on dit, non seulement parce qu'il aurait confessé à un autre écrivain qu'il avait une fois violé une enfant, mais également parce qu'il a décrit un tel fait dans son roman le plus célèbre.
- Comment s'appelle le roman ?
- Crime et châtiment.
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Vidéo de Alberto Moravia
15 mai 2023 Rencontre avec l'écrivain italien Alberto Moravia (1907-1990), auteur entre autres du roman «Le Mépris». Il est question des notions de curiosité et d'ennui dans sa vie; des débuts de sa carrière d'écrivain romancier; de la place à la morale et les valeurs sur lesquelles il se base pour réaliser son œuvre littéraire; de sa conviction athéiste; de son engagement dans la cause nucléaire dans le monde, etc. Source : Rencontres, 29 janvier 1985 Animatrice : Denise Bombardier
>Littérature (Belles-lettres)>Littérature italienne, roumaine et rhéto-romane>Romans, contes, nouvelles (653)
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