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Galia Ackerman (Traducteur)Pierre Lorrain (Traducteur)
EAN : 9782020289351
368 pages
Seuil (27/08/1997)
3.74/5   29 notes
Résumé :
Un quiproquo de l’Histoire fait que Piotr Poustota, poète pétersbourgeois du début du siècle, poursuivi par la sinistre Tchéka, se retrouve commissaire politique d’une division de cavalerie rouge en pleine guerre civile. Son chef, le fameux Tchapaïev, apparaît sous des traits forts éloignés de ceux, édifiants, que lui prêtés littérature et cinéma soviétiques : sous son commandement on passe le plus clair de son temps, entre de deux combats, à discuter de l’irréalité... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Voilà bien un livre à la hauteur de sa réputation, éclatant chef-d'oeuvre de la très jeune littérature post-soviétique, perpétuant la tenace tradition d'excellence littéraire d'un peuple coutumier des violences de l'Histoire…

Délirante mais solidement campée, l'histoire de ce livre alterne entre deux époques charnières du pays, chacune succédant à une révolution, marquant naissance et mort du soviétisme, le tout possiblement encapsulé dans la tête de notre héros dérangé, Poustota (signifiant « vide »), tour à tour opportuniste brigadier rouge au coté du légendaire Tchapaïev lors de la guerre civile, pour se retrouver enfermé dans un asile d'aliénés sous Eltsine, sans que soit jamais complètement décidé laquelle étant le rêve de l'autre.

D'une remarquable densité, convoquant avec une sautillante exhaustivité toute la panoplie de l'âme russe, trouble tord-boyau et oignons posés sur la table, grand écart d'apollinien à dionysiaque, d'une rationalité occidentale tentée par le cinéma américain, modèle d'oligarches oubliant leurs racines, d'autres plongeant jusqu'aux confins asiatique, chevauchant avec le Bachkire de petits alezans, le visage radieux fouetté par le vent des steppes… chacun philosophe, mais d'aucun capable de philosophie, mis à part ces quelques maitres anarchistes, que l'on hésite encore à ranger sous la lettre Φ, Bakounine ou Kropotkine rarement classés dans la même catégorie que Kant, Marx ou Nietzsche… à raison ?
En tout cas, de la philosophie, ce livre en fait, avec ce mythe de l'armée rouge, Tchapaïev, transformé en néo-platonicien, lui qui a fini noyé dans l'Oural, à la frontière géographique de l'Europe et de l'Asie…

Pas mal de poésie, aussi, ce qui permet au passage d'admirer le travail de traduction du tandem Galia Ackerman - Pierre Lorrain, qui en font juste ce qu'il faut pour expliquer certaines subtilités aux non-slavophiles, sans jamais freiner l'allure échevelée de l'embarcation.

Mis à part un petit creux aux trois quarts du livre, emporté loin vers une autre figure tutélaire nationale, le Diable, l'histoire ne connait aucun répit dans ce feu d'artifice, rejoignant une très sélective catégorie incluant « Underground » de Makanine ou ce « Train Zéro » de Bouïda, conjuguant à chaque fois des références familières pour en sculpter de l'inédit.
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Pour développer ce roman, Viktor Pelevine a fait appel à la méthode argile. Il travaille de façon empirique et itérative, en incrémentant à chaque chapitre un nouvel environnement de test pour les personnages et le lecteur. La communication est un enjeu vital de ce projet, car les personnages ne cessent de se livrer à des dialogues sur le sens de ce qu'ils entreprennent. Ils se développent ainsi eux-mêmes, dans une intégration continue de nouveaux principes. le héros et certains personnages secondaires sont des acteurs transverses de ce projet, puisqu'ils communiquent avec plusieurs réalités différentes, parfois en même temps.

Voilà c'est ça la méthode argile. Elle a ses avantages, mais elle est difficile à équilibrer : elle peut générer beaucoup d'entropie et de dysfonctionnements, synonymes de défaillances du système. du point de vue du client (le product owner, celui qui achète ce livre), il faut constater que le récit ne tient pas très bien sur la durée et finit par brasser beaucoup de vide, exactement comme le jargon dont je viens de vous bassiner sur deux paragraphes (bravo si vous avez tenu jusque là).

Tout cela pour vous faire comprendre que ce premier long roman de Viktor Pelevine tombe dans le double écueil du verbiage et de la fumisterie. L'intrigue est un gigantesque gloubi-boulga mélangeant les repères chronologiques et symboliques de la Russie du vingtième siècle pour les remixer à la sauce pelevinenne, en faisant notamment du héros populaire Tchapaïev un bodhisattva, qui cherche à éveiller le héros Piotr Poustota à la vacuité du monde, une vacuité qu'il porte jusque dans son nom (Poustota signifie « vide » en russe).

D'un côté le livre applique les codes du rêve en alternant très vite entre différentes situations, différents points de vue, différents univers, sautant souvent du coq à l'âne. Mais de l'autre il est principalement fondé sur des dialogues philosophiques, eux-mêmes fondés… sur la logique du monde éveillé. Ce mélange rend la suspension d'incrédulité bien délicat, d'autant plus que les personnages principaux ont la fâcheuse tendance à tous parler avec la voix de l'auteur, si bien que le contenu philosophique de leurs discussions abonde toujours dans le même sens, en revient toujours au même (le vide). Cette narration artificielle au possible n'aide pas à prendre le récit au sérieux. Mais surtout, le discours bouddhiste demeure assez superficiel, réduit peu ou prou à ce concept de vide, jusqu'à frôler dangereusement la confusion avec le nihilisme. Et enfin, où est passé l'aptitude de Pelevine à intégrer ce discours de façon cryptée, sous-jacente et élégante dans ses récits ?

Il me semble que l'on a affaire au syndrome du roman trop ambitieux où l'auteur veut faire trop de choses à la fois, et finit paradoxalement par exprimer moins que dans des allégories plus concises comme pouvaient l'être La flèche jauneLa vie des insectes.

Cela dit il y a de quoi rire dans ce délire déprimant, car Pelevine demeure un excellent satiriste de la Russie eltsinienne colonisée par le capitalisme. On trouve de bonnes scènes d'amour, de sepukku et de virée en avion avec un Schwarzie qui cite l'évangile selon Donald Trump (ce passage à lui seul vaut le détour). Mais malgré les prouesses aéronautiques de notre americano-autrichien préféré, le roman n'atteint pas les hauteurs promises et s'avère moins grand que la somme de ses très inégales parties. Sur le même format, iPhuck 10, plus tardif, m'a paru nettement supérieur, sans qu'il sacrifie pour cela en rien à l'irrévérence et à la folie littéraire qui caractérisent le style de Pelevine.
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Mais qu'ont donc tous ces Russes à se mettre le nez dans la poudre !
Forcément, après on peut en faire des tonnes sur le caractère excessif et délirant de l'âme slave et de ses héros, tu m'étonnes ...
La cocaïne était déjà une drogue très prisée (ben oui, facile) dès la fin du XIXe siècle dans toute l'Europe. Sherlock Holmes, Freud, les Surréalistes, Cocteau etc..., ont franchi allègrement les lignes blanches, s'ouvrant ainsi "les portes de la perception" les menant à leur art. Rien d'étonnant non plus, qu'entre les deux guerres mondiales, cocaïne et morphine aient servi soit à stimuler le courage des soldats, soit à calmer leurs douleurs et leurs traumatismes.

Il n'y a donc pas de raison que les Bolchéviks échappent à la règle. Et notamment Piotr Poustota, poète pétersbourgeois qui, en cette année 1920, se voit miraculeusement sauvé des griffes de la Tchéka par un commandant rouge, le célèbre et mystérieux Tchapaïev. Poustota se voit ainsi nommé commissaire politique de la division de cavalerie commandée par Tchapaïev. Ces deux-là ne se quitteront plus jusqu'aux rivages de "la Mongolie intérieure". Lors d'une bataille Poustota se conduira en héros. Blessé à la tête, il sombrera dans un coma dont il émergera deux mois plus tard, ne se souvenant de rien. de curieux cauchemars émailleront ses nuits et ses jours seront parsemés d'étranges événements.

Et c'est comme ça qu'on se retrouve, de nos jours, entre les murs d'un hôpital psychiatrique moscovite ! Parmi les internés, un certain Piotr Poustota qui, sous l'emprise des neuroleptiques, s'évade vers de drôles d'univers, seul ou en compagnie de ses compagnons d'infortune.
Comme dans un jeu de ricochet, de chapître en chapître, les deux récits se mêlent et se répondent par-delà le temps. Lequel est le vrai Poustota ? Où se trouve "la Mongolie intérieure" ? Qu'est-ce que cette mystérieuse mitrailleuse d'argile ? Autant de questions auxquelles je n'apporterai pas de réponses, vous laissant le soin de les découvrir en lisant cette fable philosophique qui, sous ses abords loufoques, nous donne à réfléchir sur l'illusion et la réalité de notre monde.
Il y aurait dans tout ça un petit parfum de bouddhisme que cela ne m'étonnerait pas ...


Lien : http://moustafette.canalblog..
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Piotr Poustota (vide en russe) se voit ballotté entre deux univers dont il lui est difficile de départager lequel est véridique et lequel est factice. La faute peut être au coups périodiques qu'il reçoit sur la cafetière ou à l'usage immodéré de psychotropes. Alors, est-il un poète pétersbourgeois, fourvoyé dans les steppes de la Russie, dans l'orbite de Vassili Tchapaïev commandant des rouges à l'assaut des blancs? Est-il tout simplement un patient interné pour trouble psychiatrique dans un hôpital du Moscou d'aujourd'hui? La vérité est peut être à mi-chemin, allez savoir...

Ce roman déconcertant oscille entre monde onirique et réalisme magique. On est désorienté par ce va-et-vient permanent entre époques et lieux différents. L'auteur semble nous jouer à plaisir un tour pendable, nous malmener d'une histoire à l'autre, il y réussit très bien car il nous perd parfois. On ne sait que penser de cet opus, de cet univers kafkaïen. Une oeuvre qui en laissera plus d'un perplexe.
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Ce livre, le second de l'auteur que je lis après La vie des insectes, aura eu raison de moi. Pourtant, l'idée d'un va et vient entre la période de la guerre civile 1919 et la période post-soviet (1995), en faisant appel à de multiples associations d'idées et en enfermant au sens figuré comme propre le héros dans son histoire et la conscience de son histoire, m'avait beaucoup séduit et je m'attendais à un régal digne de la Conscience de Zéno – ok, qui n'a rien à voir sauf le mot « conscience ». Hélas, les longues digressions pseudo-philosophiques et les conversations oiseuses sur l'emplacement de la conscience (!) deviennent rapidement d'une lourdeur indigeste et, loin d'éclairer des situations qui s'en seraient bien passé, finissent par agacer tant elles confinent à la pédanterie – c'est ce que j'ai ressenti, hein, mon point de vue n'engage que moi mais Babelio est là pour qu'on donne son point de vue. La citation que j'ai mise est un exemple typique du genre de discours sur lequel on tombe très régulièrement – et parfois pendant des pages…
« Figure de proue de la littérature russe actuelle » a écrit quelqu'un sur Wikipédia… bon, personnellement, je n'irais pas me balader sur le reste du bateau si je croyais ça
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
En fait, j’éprouve toujours une certaine réticence à utiliser l’expression « revenir à soi ». Depuis mon enfance, elle me semble d’une ambiguïté captieuse : qui revient ? Et où revient-t-il ? Et le plus intéressant : d’où ? En somme, elle me laisse la même impression de tricherie qu’une partie de cartes à bord d’un bateau de croisière sur la Volga. Avec l’âge, j’ai fini par comprendre que les mots « revenir à soi » signifient plutôt « revenir aux autres », car ce sont précisément les autres qui t’expliquent, du début à la fin de ta vie, quels efforts tu dois faire pour prendre la forme qui les arrange.
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Cette salle encombrée d'objets fragiles et sans doutes beaux, c'est votre personnalité, votre monde intérieur. Et le taureau qui se rue d'un côté à l'autre, c'est l'énergie psychique libérée que vous ne parvenez pas à dominer. Voilà pourquoi vous êtes ici.
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Sous Staline, il y avait l'athéisme après la mort et maintenant, c'est de nouveau la religion. Et selon la religion, après la mort, c'est comme sous Staline. Imagine un peu, comment c'était. Tout le monde savait qu'une fenêtre restait allumée toute la nuit, au Kremlin. Et derrière la fenêtre, c'était Lui.
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Cette dyade dialectique ne pouvait exister nulle part !
Car elle ne pouvait surgir en dehors de la conscience de celui qui la concevait... et qui n'avait pas d'endroit où exister lui-même ! En effet, puisqu'un lieu ne pouvait apparaitre que dans sa conscience, celle-ci ne pouvait se trouver que dans ce qu'elle avait elle-même créé... Mais où était-elle avant de l'avoir créé? En elle-même? Mais où?
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Quelle profusion de choses nouvelles s'ouvre à l'homme dès qu'il vide un instant le capharnaüm pétrifié de sa conscience !
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