Trois versions de la vie

"Trois versions de la vie" est une pièce de Yasmina Reza, une agréable représentation de la société contemporaine et de ses ridicules.
Ce n'est sans doute pas une grande pièce, mais on passe un bon moment avec cette pièce sans prétention.
Quoique… Yasmina Reza me semble appartenir à ces auteurs de l'ordinaire qui, en dépeignant l'ordinaire, le banal, dénonce et fait réfléchir sur notre monde.
Vu comme ça, je classerais même "Trois versions de la vie", aux côtés d'une "Extension du domaine de la lutte".
Dans les deux cas, je pense que les auteurs se sont fixés un même objectif : révéler la société à travers des scènes en apparence banale…
Il s'agit donc d'une pièce agréable, mais sans plus. J'émettrai quand même un petit reproche, concernant les dialogues que j'ai trouvé trop banals-même dans une sorte de banalité, je pense qu'il est possible de faire quelque chose de plus littéraire.
Il s'agit donc d'une bonne pièce, sans plus, que des amateurs plus assidus de théâtre contemporain sauront sans doute mieux apprécié que moi, qui suit plus habitué à Racine, Shakespeare ou Molière qu'à Yasmina Reza !
J'ai néanmoins passé un agréable moment.

🚬“INES. Je peux fumer ?
HENRI. Si vous pouvez vous en empêcher ce serait mieux.
SONIA. Quelle mouche te pique, tu plaisantes ! Fumez Inès, bien sûr !
HUBERT. Personne ne fume, pourquoi veux-tu fumer !
SONIA. Elle peut tout à fait fumer, Henri dis lui qu'elle peut fumer !
HUBERT. Nous sommes chez Henri, Ines n'a aucune raison de fumer. D'autant que fumer n'est pas une nécessité pour une femme.
INES. Je ne fume pas.
SONIA. Inès, je vous demande de fumer.”
(P. 75-76)

🚬 Il suffit d'un appartement parisien, d'un collant filé, d'un rendez-vous mal pris, d'un enfant qui ne veut pas dormir, d'une pomme et de quelques biscuits au chocolat, et d'une théorie cosmologique foireuse. Voilà les ingrédients parfaits pour que l'interaction entre quatre personnes donne des étincelles … ou pas. Dans cette pièce de théâtre livrée en trois actes qui représentent en effet trois versions de la vie, Yasmina Reza explore trois réactions possibles à une même mise en scène, à un même scénario. En tant que professeure, l'auteure se livre à une expérience inédite, et fait de ses personnages des petits rats de laboratoire livrés à leurs propres faiblesses.

🚬 A travers ce jeu, ce triptyque tragi-comique, Reza met en évidence la vacuité du langage, l'hypocrisie et l'égocentrisme de l'être humain qui se contemple et s'y complaît, sa tendance naturelle à commenter ce que fait autrui sans jamais se remettre en question. Théoriser sur des principes scientifiques pour vanter sa surpuissance et révéler ainsi l'impossibilité de se contenter de ce qu'on a, séduire son audience ou la femme d'autrui, tergiverser sur le principe d'autorité sans être capable de coucher un enfant de six ans, voilà tout autant de vaines tentatives de donner un sens à sa vie, une ligne droite, un fil rouge, un motif pour avancer. Alors que l'être humain devrait se nourrir d'aspirations et de transcendance, il n'a sous la main que quelques Apericubes et un Sancerre qui, plutôt que de le rendre ivre, l'abrutit totalement. A méditer ?

🚬 Reza, comme à chaque fois que je la lis, livre une vision cynique et piquante de l'être humain en mal de vie… incurable ?

J'aime bien le théâtre de Yasmina Reza. Ses comédies de moeurs peuvent être acides et drôle. C'est du vécu comme on dit.
« Trois versions de la vie » est une pièce qui a été jouée pour la première fois en 2000. Il s'agit de trois versions de la même scène. Yasmina Reza nous propose un huis clos dans un salon de bobos parisiens.

Un couple a du mal à passer une soirée tranquille et se dispute en cédant à l'enfant-roi (que l'on ne verra pas) qui est au lit et demande un gâteau.
Des invités se trompent de jour et cueillent leurs hôtes au débotté. Il s'ensuit un malaise qui bouleverse les lois de l'hospitalité mais aussi de la bienséance. On ne sait plus comment mentir. Alors on se dit des vérités qui ne sont pas toujours bonnes à entendre.
Entre les grignotages et le vin, les couples vont s'envoyer quelques mots violents en guise de règlement de comptes devant témoins. Mais surtout, ce qui est le plus intéressant, ce sont les rapports de pouvoirs entre les deux hommes qui travaillent dans le même domaine, l'astrophysique. Et ce sont ces rapports professionnels qui vont évoluer dans les trois versions. le dominé va finalement positiver et on voit bien comment le même événement peut être vécu de façon très différente, voire opposée.

La seule critique que je ferais est que ça ne m'a pas semblé très original : on retrouve les couples de « le dieu du carnage », autre pièce de Yasmina Reza, et pour la proposition de multiples versions d'une vie il y a l'excellent film d'Alain Resnais « Smoking / No Smoking » adapté de la pièce « Intimate Exchanges » du dramaturge britannique Alan Ayckbourn et dans le genre, il est difficile de faire mieux.

Trois versions de la vie, pièce de Yasmina Reza, met en scène dans trois tableaux différents les cinq mêmes personnages, dans la même situation; le prodige réside dans la démonstration de la manipulation. Si l'auteur manipule les personnages, c'est par ce que les mots manipulent les intrigues, plus exactement la parole ( silence, vitesse, geste, etc.).
De l'âme des mots naît l'esprit d'une pièce.
Si vous voulez connaître la puissance de l'écriture théâtrale, alors lisez ces trois versions. Il ne suffit pas que tout soit écrit, pour que tout soit déjà joué....

Astrid SHRIQUI GARAIN

Après "Art" et "Le Dieu du carnage", c'est la troisième fois que je me régale avec Yasmina Réza: chez un astrophysicien maudit, un merdeux de 6 ans a décidé de ne pas dormir et de pourrir la soirée de ses parents. La situation est déjà bien tendue lorsque arrivent pour dîner, avec un jour d'avance un grand ponte pompeux et sa femme au bas filé et aux principes éducatifs bien arrêtés. Au menu: apéricubes, fingers et quelques baffes qui se perdent. Délicieusement acide !