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Critiques de Estelle Faye (1497)
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Widjigo

Que voici un livre sombre, étrange, fort, et surtout ancré dans L Histoire ! Quelle merveille !

J'ai d'abord lu le livre, avec l'hésitation qui accompagne la pression : envoyé par le très sympa Gilles Dumay, directeur de la collection Albin Michel Imaginaire, et en plus, dédicace personnelle de l'auteure, Estelle Faye, ce qui ne m'arrive jamais, dû à mon ermitage.. et ensuite j'ai cherché à connaître ce qui m'avait interpellée : es gabelous, les faux sauniers, le Wendigo, Terre-Neuve, les habitants, les légendes, l'histoire... j'adore lorsque les livres ouvrent sur des envies de comprendre, d'apprendre..



C'est l'histoire de deux mondes, l'ancien et le nouveau.

C'est la guerre, en France, qui oppose l'armée révolutionnaire et les révoltés chouans, les faux sauniers et les gabelous, et ceux qui fuient la mobilisation car en 1793, l'armée de la toute nouvelle République n'a presque plus d'hommes. C'est la famine partout.



Les soldats "Bleus" menés par Jean Verdier, tout jeune lieutenant, quasi morts de faim et de froid, luttent contre les éléments dans cette région de Basse-Bretagne où ils sont envoyés pour aller chercher un membre de la Noblesse, Justinien de Sales, pour le passer à la guillotine, c'est pratiquement toujours ce qui leur arrive, aux nobles, depuis 1789. Son petit régiment affaibli a de plus en plus de peine à avancer dans ces marais, et une tempête se prépare. le château, dont il ne reste qu'une tour, se dresse sur la roche, glissante elle aussi. Ce premier chapitre me fait penser aux tableaux de Bernard Buffet, âpres, durs, hachés de grands traits noirs.



Le châtelain est seul, d'après les renseignements de Jean Verdier. Mais méfiance. La troupe arrive à la porte, et dans l'entrée, il fait rentrer son petit bataillon à bout de forces : dehors, ils ne survivront pas à la tempête qui commence. C'est alors que la voix grave d'un homme l'appelle, du haut des escaliers. Malgré le fait que tous aient été mis au fait des cicatrices défigurant le visage du vieil homme, tous sont pris d'effroi en le voyant, pourtant dans la pénombre.



Mais, ils ne peuvent pas repartir comme ça avec leur prisonnier maintenant, avec la tempête qui frappe de vagues la tour, déjà. Et ils n'ont ni dormi ni mangé depuis deux jours. Alors la troupe se calme enfin, au sec, et l'homme dit à Verdier qu'il veut juste discuter. Puis il repartira avec eux après la tempête. le jeune lieutenant évite de toutes ses forces de regarder ce visage. Mais il va y être obligé.



En haut des escaliers, une pièce en demi-lune, protégée du froid par de lourdes tentures, est éclairée par de nombreux cierges, en plus du grand feu brûlant dans la cheminée. le vieil homme s'assied à son bureau, invite son hôte à s'assoir dans un fauteuil.. et là Verdier manque de vomir. Par quel monstre a-t-il été défiguré, ce vieux noble, et même la tête entière est marquée par de gros et longs sillons... un... monstre ? le vieil homme va alors raconter son histoire, depuis ses années de jeune noble à l'aventure dans les contrées froides de Port Royal, en Acadie Anglaise en 1754.



Envoyé par bateau depuis Port Royal pour enquêter sur la disparition d'une expédition de cartographie à Terre-Neuve, Justinien de Salers passe la traversée à entretenir son alcoolisme et à souffrir du mal de mer. Lorsqu'il se réveille le lendemain, il est sur la grêve, il y a des morceaux de bois ça et là, et quelques personnes survivantes à ce qui semble bien être un naufrage. Plus beaucoup de vivants.

Il fait froid, humide, il pleut, la mer charrie des blocs de glace, et, relevé, il se rend compte que ses compagnons d'infortune sont très peu.

Un marin, un trappeur, un officier anglais, un grand pasteur presbytérien a l'air austère, teint cireux, sa fille, la petite Penitence, dite Penny, le jeune rescapé de l'expédition qu'il doit rechercher, qui doit les guider, malgré son mutisme traumatique, la grande femme au tricorne, que d'autres appellent "sang-mêlé", pisteuse et tireuse hors pair, engagée avec un herboriste et géographe, pour accompagner Justinien de Salers dans son investigation.



Mais, échoués sur la plage, un feu fait de bois flotté est vite allumé par la grande femme au tricorne, qui semble savoir faire beaucoup de choses. En fait elle descend de ces autochtones presque disparus, les Beothuks, il en reste peu comme elle. Ces habitants de Terre-Neuve depuis l'Antiquité disparaitront pour de bon en 1829. le pisteur ramène de gros oiseaux à plumer et manger. Mais le lendemain, le pisteur est mort. Retrouvé sur la plage, comme dévoré. C'est la panique, Quel monstre est assez gros pour .. ? La troupe choisit de passer par la langue de grève surplombée de falaises pour remonter jusqu'à un port. Ici c'est désert.

Mais la nuit suivante, dans la grotte où tous s'abritent, il manque l'un d'entre eux. le marin, que l'on retrouve à moitié dévoré, pendant depuis le haut de la falaise au-dessus d'eux.



Entre les exhortations d'Ephraïm, hurlant à la repentance, à la parole de Dieu pour chasser les esprits démoniaques dans chacun des personnes présentes, et des esprits de la forêt, ilest difficile de garder son sang-froid, et sa raison.



Le comportement de la petite Penny change, elle se défait lentement de l'emprise du prédicateur ; l'officier anglais, blessé, mais armé, semble perdre la tête, Justinien est pris de fièvre et du manque d'alcool, seuls le botaniste et Marie, le nom que se donne la femme qui semble la plus à l'aise dans cette nature hostile ont l'air d'être fiables, dans la petite troupe, qui s'amenuise car toutes les nuits ou presque, le monstre dévore l'un d'entre eux. Ou alors l'un d'entre eux est un monstre.

Entre le froid, la neige, la faim, la route de Justinien de Salers est d'une inhumanité à faire dresser les cheveux sur la tête.



Estelle Faye raconte ici une épopée glacée, entremêlée de surnaturel, empreinte de la spiritualité des Beothuks, leur Widjigo (appelé aussi Wendigo), monstre cannibale craint dans la culture légendaire de ce peuple, et des Mikmaqs ensuite, faits réels sur le génocide indigène, avec les envois de colons contaminés par la variole, la rougeole, la petite vérole depuis la France et l'Angleterre pour décimer les populations locales, les horreurs perpétrées par les missionnaires pour "évangéliser les sauvages", les marins qui auraient pu manger leurs congénères pour survivre à la famine, tout un monde qui est peu connu apparaît, avec un talent de conteuse hors pair.

C'est glaçant et à la fois interpellant, et ça ouvre sur des évènements de l'Histoire, bien réels. J'ai vraiment, vraiment aimé.


Lien : https://melieetleslivres.fr/..
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Widjigo

Après Gauthier Guillemin et son Rivages et Franck Ferric et son Chant Mortel du Soleil, Albin Michel Imaginaire continue la publication de romans d’imaginaire francophone avec une plume déjà bien connu des lecteurs de fantasy : Estelle Faye. Après son diptyque sur Bohen et sa trilogie La Voie des Oracles, la française signe cette fois un roman fantastique entre Terre-Neuve et la Bretagne. On y retrouve tout ce qui fait l’univers de la romancière : l’océan, la révolte, l’injustice et…les monstres !



Une époque déchirée

Widjigo s’ouvre sur l’arrivée de Jean Verdier, jeune lieutenant de la toute nouvelle République française, au pied de la demeure du marquis Justinien de Salers, sur la côte bretonne. La Révolution réclame des têtes, du sang, de la justice et Jean Verdier vient traîner un « coupable » devant le tribunal du peuple. Malheureusement, les choses ne se passent pas tout à fait comme prévu et le vieux Justinien de Salers finit par obtenir ce qu’il veut : une nuit pour raconter son histoire au lieutenant de la République.

Une histoire qui fait remonter Jean Verdier et le lecteur près de quarante ans plus tôt, en 1754 à Terre-Neuve au nouveau-monde, pas loin de l’Acadie et de la Nouvelle-France. Justinien est alors un noble ruiné qui écume les tavernes et soigne ses remords dans l’alcool et les tavernes miteuses. Engagé par un riche commerçant en fourrures, Claude Gendron, il va devoir embarquer pour l’île de Terre-Neuve où une expédition a mystérieusement disparue, ne laissant qu’un survivant mutique et souffreteux incapable d’élucider cette sinistre affaire : Gabriel.

Accompagné de ce dernier et de deux autres larrons, Marie, une sang-mêlée aux allures d’Ankou, et Veneur un botaniste dont plus personne ne veut, Justinien n’est pas au bout de ses peines. Emporté par une violente tempête, l’expédition chavire et une poignée de survivants se retrouve confronté à l’hostilité de ce coin reculé du Nouveau-Monde. Éreintés, affamés, apeurés, les survivants disparaissent les uns après les autres…et la méfiance s’installe dans le petit groupe terrorisé…

Estelle Faye entrelace deux époques pour les besoins de son jeu de massacre.

D’abord, 1793, au cœur de la Révolution, Paris meurt de faim, la guillotine élimine tous les opposants de la jeune République, Louis XVI est décapité et les Chouans prennent les armes en Bretagne et en Normandie contre les armées de la République.

Ensuite, 1754, de l’autre côté de l’Atlantique, dans ce que l’on appelle encore la Nouvelle-France et plus particulièrement en Acadie, ce territoire français qui n’arrête pas de changer de mains au gré des conflits avec les Britanniques, les red coats. Une zone tampon qui va bientôt subir la déportation forcée, trop menaçante pour une Couronne Anglaise en guerre contre le Royaume de France.

Deux lieux, deux temporalités mais un tumulte similaire, une vie rude où l’injustice règne, où la mort survient de façon arbitraire, dans des endroits où les hommes s’entretuent pour des idées, pour des guerres qu’ils n’ont pas choisis, pour une misère qui les rattrape toujours. Deux époques où la tension règne, où tout le monde semble chercher la justice et la vengeance et où l’horreur, elle, attend son heure.



Échos par-delà l’océan

Sur ces crispations sociales et politiques, Estelle Faye attache son récit à deux lieux qui discutent par-delà les kilomètres : la Bretagne, son sel et ses côtes emblématiques, et Terre-Neuve, territoire sauvage, indomptable où l’océan gronde. Fasciné par l’ambiance maritime, Estelle Faye excelle à nous y plonger, à immerger ses personnages dans des espaces où l’on sent l’écume proche des rafales de vent, où l’on sait que la vastitude des étendues d’eau renferment le secret des histoires et des hommes.

Car rapidement, le jeu de massacre commence. Jean Verdier écoute Justinien de Salers lui raconter la perte de ses camardes d’infortune les uns après les autres. La méfiance monte à chaque mort, la tension va crescendo et ce qui commençait comme une expédition de recherche devient une tentative de survie en milieu hostile. À dessein, la française entretient le mystère : morts surnaturelles ou simple bestialité humaine ?

On s’en doute au vu du titre du roman, la question finira par se trancher en faveur du Widjigo (ou Wendigo, c’est selon), créature mythique du peuple Algonquin où l’homme qui consomme de la viande humaine se mue en monstre malveillant. Mais ici, pas question d’une simple chasse à l’homme comme c’était le cas dans le génial Vorace d’Antonia Bird. Non, Estelle Faye n’a pas l’intention de simplement vous tenir éveillé avec des cadavres mutilés et des ombres entre les arbres.

C’est autre chose qui préoccupe la française, une chose plus importante et plus humaine au fond : la justice.



Nous sommes tous coupables

Parmi la poignée de survivants au naufrage, on comprend vite que les choses ne sont pas si claires que ça. Que chacun, à sa façon, a quelque chose à cacher, à une histoire à raconter.

De Justinien de Salers et son refus de se souvenir de sa vie en Bretagne à Ephraïm, prêtre puritain dont la fille Penitence en sait bien plus long qu’elle ne veut bien le dire sur son « adoption » suite à la mort tragique de sa mère, en passant par Jonas, le gabier capable de tout pour l’argent.

Au cœur de Widjigo, il y a la notion de jugement, de vengeance, de repentance, de châtiment. Sur la part du monstre qui sommeille au fond de nous, caché par des couches de mensonges que l’on se raconte à soi et aux autres. Estelle Faye passe au crible les péchés de ses naufragés, même ceux dont la vengeance apparaît comme légitime. Elle constate que le monstre naît de l’injustice et que la justice, comme une boucle parfaite, engendre et perpétue des monstres.

Même Jean Verdier, candide auditeur d’une nuit, a des choses sur la conscience, au service d’un nouvel arbitraire qui n’a plus rien de royal mais en conserve l’esprit. République, Révolution, Royauté, Religion.

Le jugement s’abat, sauvage, violent, aveugle. Parfois juste, parfois douteux.

Au fond, Estelle Faye regarde ce qui transforme l’homme en monstre, faisant entrer en collision le surnaturel et le pouvoir des puissants, ceux qui ont la possibilité de châtier selon leur bon vouloir, prenant prétexte de Dieu, du Roi ou de la Révolution.



Le monde tissé d’histoires

Outre cette traque, entre l’homme et le monstre, la justice et l’injustice, la vengeance et le pardon, c’est la notion même d’histoire qui achève ce tableau du Nouveau-Monde et de l’Ancien.

Au cours du récit, Estelle Faye soulève les mythes, du Widjigo à la cité d’Ys, d’échos en échos, où les légendes se répondent, où les héros mythiques enfantent d’autres héros, où l’on s’aperçoit que les Saints sont à la fois les descendants et les frères des grandes figures des mythes païens, qu’ils soient algonquins ou français. La Mort devient l’Ankou, l’Atlantide devient l’Ys, le Widjigo flirte avec le Démon.

Comme si un même mythe se ramifiait, se multipliait, se nourrissait de lui-même, magnifié par l’imagination humaine qui oublie et transforme.

Et si les hommes passent, s’ils meurent et s’ils croupissent au fond de l’océan, les histoires restent, immortelles, comme les créatures qu’elles enfantent : sorcières, widjigos, esprits… construit sur le réel et en équilibre précaire, au bord du gouffre de la mémoire.

Alors Estelle Faye raconte sa version du Widjigo, monstre cannibale et prédateur, explore les différentes facettes de la sorcière, cette femme trop libre qui fait peur aux hommes, s’interroge sur les fantômes qui règnent et nous soufflent dans l’oreille les péchés et les crimes que nous oublions.



Davantage qu’un roman fantastique, Widjigo est un récit d’injustices et de révolte contre les puissants qui broient les faibles et s’en tirent à bon compte. Dans une ambiance humide et épaisse, Estelle Faye livre une histoire à la croisée des temps et des hommes où les mythes se font échos et où les monstres, les vrais, sortent punir les coupables. Gare aux widjigos !
Lien : https://justaword.fr/widjigo..
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Widjigo

Je ne reviens pas sur l'intrigue de "Widjigo", d'autres l'ont fait avant moi et le quatrième de couverture résume suffisament la chose...



J'en viens donc directement à mon ressenti : l'écriture d'Estelle Faye est richement évocatrice, le récit n'est ni trop court, laissant le temps à l'autrice de planter le décor, situer l'époque et créér une atmosphère, ni trop long, évitant de faire trainer l'histoire et de lui faire perdre sa dynamique.



C'est un bon roman fantastique, qui intègre les codes du genre sans en abuser, une lecture qui ne sera peut-être pas pour moi inoubliable, mais une réussite à conseiller aux amateurs.
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L'arpenteuse de rêves

Estelle Faye, signe avec L’arpenteuse de rêves, un conte merveilleux où derrière une apparente lecture divertissante, se trouve un récit empreint de réalisme.



Le royaume de Claren pourrait s’apparenter à une montagne couronnée comme peut l’être la préfecture de l’Aisne, Laon. Une colline sur laquelle en place d’une cathédrale se niche un palais, celui de la mystérieuse Jeune Reine. Autour, en plus de l’habitat de riches bourgeois, se trouve une Académie, celle des Arpenteurs, qui ont le pouvoir de visiter les rêves.



Plus nous nous éloignons du sommet de cette colline, plus la pauvreté se dévoile. Sur ses soubassements, vit une population très pauvre, dans un environnement pollué et où certains, pour survivre, trichent, volent, font régner la terreur. Parmi ces brigands, les Silures avec à leur tête Marcus. C’est à leur côté, contraintes, que Cassandra et sa jeune sœur Lissem vécurent quelques années. Cassandra, comme les Arpenteurs, possède le don de se rendre dans les rêves. Don qu’elle doit utiliser à mauvais escient pour dévaliser les victimes endormies. Jusqu’au jour où Lissen est tuée et où Cassandra, s’enfuit, se cache et devient Myri.



Quelque temps plus tard et alors qu’au hasard de rencontres, Myri, s’est trouvée une nouvelle famille à qui, elle dissimule son don, des spectres apparaissent et un étrange mal s’étend. Quand le petit Miracle, ce bébé que cette drôle de famille a recueilli, à son tour est touché, Myri n’a d’autre possibilité que d’utiliser son pouvoir.



L’Arpenteuse de rêves, c’est de la fantasy, mais pas seulement. Certes, dans ce roman, il y a de la magie, des créatures fantastiques, un monde imaginaire mais, il y a aussi, des thématiques universelles et toujours, très actuelles telles que l’écologie, la place des femmes dans la société, les inégalités sociales, les luttes de pouvoir. Ce roman est une aventure que nous pourrions aisément qualifier d’aventure philosophique avec en conducteur cette question : « Qu’est-ce qui compte vraiment pour nous ? ».



Ce roman en plus, de ce récit intelligent et accessible aux jeunes lecteurs dès l’âge d’une douzaine d’années, bénéficie d’une magnifique couverture, illustrée par Paul Echegoyen et mise en valeur par des incrustations dorées. À l’approche de la fin d’année, une super idée cadeau.
Lien : https://imaginoire.fr/2021/1..
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Les Seigneurs de Bohen

Il m'a fallu presque un mois pour lire ce roman de fantasy !

C'est long ce genre de roman quand on n'est pas emballé...

La lecture était pourtant assez plaisante car Estelle Faye nous propose un univers plutôt cohérent et digne de la bonne fantasy. Cependant, j'ai eu beaucoup de mal à m'attacher aux personnages principaux, Saint-Étoile, sorte de chevalier errant, et Maeve, la morguenne, sorcière des océans. Je les ai trouvé tous deux sans saveur et leur vie amoureuse, voire sexuelle, ne m'a pas franchement touchée. Ce qui est bien dommage car cette dimension prend une place importante dans le roman.

Heureusement leur chemin a croisé des personnages méritant un peu plus d'attention.

L'intrigue politique est somme toute assez basique. Un Empire à renverser, quelques mercenaires feront l'affaire. Ajoutons à cela un peu de magie et le tour est joué.

Enfin en ce qui me concerne, le tour a tout de même eu du mal à prendre.

Que ce fut long !
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Les nuages de Magellan

Estelle Faye poursuit ses écrits et signe cette fois un space opera chez Scrinéo, Les Nuages de Magellan.



Space Opera Adventure

Dans la lignée de cette collection de science-fiction initiée et dirigée par Stéphanie Nicot, Estelle Faye mise sur un space opera de pure aventure. Dans son format, par son contenu et selon son approche, ce roman rentre tout à fait en compatibilité avec ce que semble vouloir faire Stéphanie Nicot de cette collection : retrouver l’esprit (et parfois les défauts) d’une collection précédente, « Fleuve Noir Anticipation ». En effet, on retrouve des romans plutôt calibrés, le voyage dans l’espace comme principal argument et un public populaire, potentiellement primo-lecteur de science-fiction, comme cible. Évidemment, il y a toujours le risque de retrouver les mêmes tics inhérents à cette ancienne collection : des romans un brin formaté dans un moule préconçu, mais au moins ils répondent à une attente. Personnellement, j’aime beaucoup le space opera, donc ce n’est pas très dérangeant, mais je n’irai pas jusqu’à dire comme d’autres qu’il y a trop peu de space opera, et de science-fiction en général, dans les publications, car là les chiffres disent l’inverse.



Une quête de sens et de liberté

Dan est une jeune serveuse dans un bar paumé de la galaxie. Alors qu’une révolte est réprimée dans le sang et retransmise par les réseaux, elle improvise une chanson en soutien aux victimes et qui fait bien plaisir aux clients sympathisants. Devant l’arrivée de représentants des autorités qui traquent tous les agitateurs prêtant assistance aux insurgés, Dan doit s’enfuir et, pour cela, elle rejoint clandestinement le vaisseau de Mary Reed, aventurière rencontrée tout récemment et qui lui semble une figure de liberté. Liberté, c’est là le mot qui est souvent sous-entendu par l’autrice comme fondamental dans cette histoire. Pourtant, c’est un mot finalement bien moyen face au pouvoir capitaliste des compagnies marchandes interstellaires qui dominent cet espace d’échanges. Sous couvert d’apporter un confort marchand, elles cloisonnent, enferment leurs administrés. Cet aspect aurait pu (dû ?) être poussé plus loin par l’intrigue, cela aurait donné de belles choses. Malgré cela, nous suivons la découverte d’une partie de la galaxie par cette jeune Dan au péril de sa vie.



Yo Ho, Yo Ho et une bouteille de rhum !

Depuis pas mal de temps, Estelle Faye semblait avoir envie d’écrire sur les mers et les océans (cf. Les Seigneurs de Bohen), mais aussi de s’inspirer des aventures pirates, au besoin en les intégrant dans un tout autre genre que le roman historique habituel. Ainsi, dans ce space opera d’aventure, l’autrice convoque toutes les références pirates qu’elle peut : Mary Reed est l’aventurière mise sur la route de la protagoniste, le mythe de New Providence (ici dénommée Carabe, ce qui nous renvoie à nos chers Caraïbes) constitue l’horizon de cette aventure, etc. Ce fort lien avec les utopies pirates du début du XVIIIe siècle irrigue l’esprit du roman, où il semble que le lecteur ait embarqué pour découvrir le concept de nouvelle frontière spatiale ; l’autrice essaie, au fond, de nous emmener vers un « Far Space ». Le schéma est relativement classique pour du space opera ou des scènes de piraterie : fuite involontaire, lieu hostile et isolé, scène de taverne, cercle de jeux glauque, sauvetage in extremis, etc. Toutefois, il est surtout possible de se retrouver avec une énorme frustration en ayant terminé ce livre : le début est très rapide pour se lancer tout de suite dans l’exploration de cet univers, mais on oublie jusqu’au bout la très belle première scène qui aurait mérité un meilleur sort par la suite.



Estelle Faye qui écrit un space opera et qui écrit à propos des utopies pirates, c’est toujours intéressant. Malgré cela, le format et la restriction globale du scénario pourront en gêner plus d’un.

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Un éclat de givre

Ce n'est pas souvent, pal monstrueuse oblige, que je me dis qu'un jour, je relirai ce livre que je viens à peine de refermer... Estelle "Fée" et la magie de ses mots y sont arrivé !

Car ce livre est un livre "d'ambiance". Ambiance jazzy mélancolique formidable avec une B.O à tomber. Pas un page-turner, pas un bouquin qu'on reprend quand on a 5 minutes. Par contre, une fois plongée dedans, je n'y étais pour personne.

Entre M. Fazi et E. Faye, mon bouquiniste pourra se vanter de m'avoir fait découvrir quelques jolis fleurons de l'écriture "à la française" !



Le style est impeccable. Hyper-visuel (suis-je la seule à me dire que ça pourrait faire un jeu d'exploration fabuleux ?), on s'immerge avec Chet avec un mélange de fascination et de répulsion dans ce Paris totalement ravagé. Ayant visité un peu Paris récemment, cela m'a peut-être aidée à visualiser davantage, c'est vrai. Il n'empêche que même sa description des égouts (non, je les ai pas visités, eux !) est "visualisable", c'est juste un bonheur. Je pense que je mettrai un peu plus tard une citation descriptive rien que pour illustrer mon propos.



Un petit bémol : si le style est ciselé, le fond est classique. Il manque parfois quelques précisions scénaristiques, les actions se passent très, trop vite, et la fin est bien trop rapide. Je ne sais pas s'il était prévu qu'il y ait une suite, mais pour moi, une fois le livre refermé, il me reste comme un goût d'inachevé trop prononcé. "coïtus interruptus", si j'ose dire, parce qu'il est vrai que j'aurais bien pris une cinquantaine de pages de plus en rab.



Ce sont quelques défauts "de jeunesse", peut-être, à travailler pour cette auteure fort prometteuse !



Je ne vais cependant pas bouder sur la note, parce que le plaisir de lecture que j'en ai tiré est tel que les défauts passent à l'as... ç'eût été un 4,5 si les demis avaient existé ici, ce sera un 5...



Et c'était le F de mon défi ABC prévu d'entrée de jeu, ce que je ne regrette pas !

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Porcelaine : La légende du tigre et de la tis..

En Résumé : J’ai passé un très bon moment de lecture avec ce roman présenté en forme de conte asiatique qui nous plonge dans le destin fascinant, à la fois tragique et émouvant, de Xiao Chen. L’histoire, en trois actes, se révèle entrainante, alternant de façon vraiment efficace aventures, magie et émotions pour le plus grand plaisir des lecteurs. L’univers, développé sur près de 15 siècles offre une vision d’une Chine changeante et pleine de surprises, où la magie s’efface peu à peu au profit du concret et des hommes. Les personnages sont vraiment attachants et entrainants, même si parfois je leur reproche d’être trop attentistes, ce qui donne envie de les secouer. Je regrette juste que la troisième partie manque un peu de rythme et se révèle un peu répétitive, mais par contradiction j’aurai aimé resté plus longtemps dans cet univers, surtout qu’il y a matière pour. Concernant la conclusion en forme de léger « Happy-end », elle se révèle sympathique, mais je l’aurai préféré plus mélancolique je pense. Rien de bien bloquant ou dérangeant de toute façon. Dans tous les cas la plume de l’auteur se révèle vraiment poétique, fluide et entrainante emportant le lecteur dans cette histoire pleine de féérie et de beauté. Je lirai sans soucis d’autres récits de l’auteur.



Retrouvez ma chronique complète sur mon blog.
Lien : http://www.blog-o-livre.com/..
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L'arpenteuse de rêves

Une superbe couverture pour cette très belle histoire.



Myri est une arpenteuse, elle possède un don particulier qui lui permet d'entrer dans les rêves d'autrui. Mais ce pouvoir lui a faire perdre un être cher et depuis elle refuse d'y avoir recours.

La ville de Claren sombre peu à peu d'avantage dans la pollution, et au même moment, d'étranges fantômes font leur apparition et sèment le trouble en provoquant d'horribles cauchemars. Personne n'y échappe. C'est alors que le destin rattrape Myri, et afin de sauver un membre de sa famille, elle n'a plus le choix. Elle s'immisce dans son mauvais rêve ...



Une très bonne intrigue entre rêve et réalité, rondement menée dans un monde scindé en deux. Celui d'en haut qui n'est que faste et richesse et celui d'en bas où tout n'est que pauvreté et noirceur.

Myri est touchante et attachante, pleine d'humanité et de courage. Elle veille sur sa famille et apporte une touche d'espoir et de lumière dans un quotidien bien sombre.

Une dose subtile de magie enchante ce récit à l'écriture enivrante et nous pousse également à réfléchir. A découvrir sans attendre.



Challenge multi-auteures SFFF 2021

Challenge féminin - Item 10. Livre d'un auteur ayant écrit plus de 35 livres

#LArpenteusederêves #NetGalleyFrance !









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La Suriedad

Je suis passé par plusieurs états d’esprit avec cette nouvelle, l’une des premières publiées par l’autrice.



J’ai tout d’abord été affecté par son côté sombre. Son côté ? Tous ses côtés sont sombres en fait. Comment pourrait-il en être autrement alors que la nouvelle est une sorte de testament de la part d’un homme qui a, pour ce qu’il en sait, toujours été ballotté par les vents furieux d’un destin tragique ?

Et on ne peut pas dire que Vreck se souvienne de nombreux éléments positifs de sa vie ; quelques personnes peut-être, comme Joey Mort Rouge, le médecin de bord, ou le capitaine Sir Lance. Car oui, je ne l’ai pas dit mais il s’agit d’un récit de mer, de chasseurs de corsaires voguant à bord de la goélette Princess, pénétré d’étrange magie et de peuples rugueux – les « gladinos » – informés d’arcanes que la science peine à expliquer. Une sorte de Pirates des Caraïbes désespéré.



Abandonnant mon affection première, j’ai fini par accepter de me laisser ballotter avec Vreck. Pauvre gars, réceptacle d’un vaccin contre la souillure qui affecte un dieu de la mer et qui va, dans un sens, devoir imiter le Christ, celui qui a pris sur lui tous les pêchés du monde. Je me demande pourquoi il fallait que ce devoir soit exécuté par un innocent qui n’a aucune idée de ce qu’on attend de lui. N’aurait-il pas été plus efficace d’utiliser un initié ? Peut-être, mais moins romantique aussi. Et puis… souvent l’innocence est le meilleur des détergents pour gommer la souillure.



Ai-je dit que c’était sombre ? Estelle Faye pousse la cruauté jusqu’à laisser poindre une lueur d’espoir ensoleillée avec de la recouvrir aussitôt de ténébreux nuages. Elle laisse une fin ouverte, dans la mesure où on ne saura pas quels seront les répercussions de ce qu’ont vécu les marins du Princess.

Mais le sort de Vreck, lui, ne fait guère de doute. Je ne dévoile rien. Il le dit lui-même dès ses premières lignes.



C’est finalement plutôt envoûtant. Mais mon dieu que c’est sombre !

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Widjigo

Basse-Bretagne, 1793 : Jean Verdier et sa troupe viennent arrêter Justinien de Salers, vieux marquis défiguré et retranché dans son fort au bord de la mer. Mais Justinien lui demande d’accepter d’entendre son histoire. Et durant toute la nuit, Justinien lui racontera ce qui a bouleversé sa vie.



Terre-Neuve, 1754 : Justinien, renié et exilé par son père, écume les tavernes de l’Acadie devenue anglaise et s’abrutit dans l’alcool, quand un négociant lui propose de rejoindre une équipe qui recherchera la cause de la disparition d’une expédition menée par un cartographe.



Justinien accompagne Marie, la métisse algonquine en qui il reconnaît la mystérieuse Camarde qui le surveillait, Clément, un botaniste qui a fait partie d’une précédente expédition, et Gabriel, le seul rescapé de ladite expédition disparue. Mais le bateau sur lequel ils avaient embarqué échoue loin de leur destination, du côté opposé de l’île. Les quelques rescapés — notre équipe et d’autres survivants — se retrouvent isolés, dans un environnement hostile, froid, gris et humide. Au matin, un cadavre dans un état effroyable est découvert. Alors que commence un long périple pour rejoindre la partie habitée de l’île, dans une nature inhospitalière en hiver, d’autres voyageurs meurent dans des conditions atroces.



Tout le monde se méfie de son voisin, la marche harassante épuise des voyageurs ; et rapidement, plane le mythe du Widjigo, ce monstre qui naîtrait de la faim, de la solitude, et qui dévorerait les âmes. L’ambiance horrifique de ce roman fantastique est servie par la plume littéraire et évocatrice de l’auteure, qui décrit un univers rugueux, sombre et inquiétant. On sent le sel, les marées, la boue, l’humidité ; on marche avec les personnages dans un monde isolé où la fin de l’hiver teinte l’environnement de gris obscur, gris-blanc, ou gris cendre. L’auteure joue avec le lecteur qui parfois ne sait pas où est la frontière entre la réalité et les visions du narrateur, alors qu’il se demande quel est le meurtrier.



La mort rôde, alors que les vieilles légendes surgissent à travers les hallucinations des voyageurs affamés. La nature humaine est disséquée dans son ambiguïté, les monstres ne sont pas ceux qu’on croit, et le cadre historique sert un récit fascinant pour un périple sur une île où des entités plus anciennes que les hommes resteraient tapies dans l’ombre de la forêt.



En ce qui me concerne, une très belle découverte.


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Les Seigneurs de Bohen

A la place d’une Dark Fantasy « épique et spectaculaire », Estelle Faye vous propose en fait une Paranormal Romance évitant de façon maniaque toute scène d’envergure



La quatrième de couverture parle de « roman de dark fantasy spectaculaire et épique, dans la lignée de Joe Abercrombie ou de Glen Cook », mais on se retrouve en réalité avec de la Paranormal Romance Gay d’une grande mièvrerie et qui, au mépris de l’aspect Flintlock également présent, fait passer au troisième plan la Révolution qui est supposée être au cœur de l’histoire au profit des transports amoureux des protagonistes (et d’un message social contre les intolérances / pour la liberté sexuelle et la libération de la femme -notamment sur le plan professionnel-). Deux des personnages principaux, loin des codes de la Dark Fantasy, sont d’ailleurs des Bishōnen (hommes d’apparence délicate, androgyne, voire carrément féminine) sortis tout droit d’un manga / anime. Si vous pensez que la Dark Fantasy peut s’accommoder de personnages mercenaires au teint de rose et aux cheveux soyeux, dépourvus de la moindre cicatrice, au mépris des codes du genre qui privilégient les protagonistes patibulaires et burinés, allez-y, sinon, fuyez.



Bref si l’aspect « dark » est en effet présent, il est trop noyé dans des éléments qui ne correspondent pas aux codes du genre pour remporter l’adhésion des puristes. L’aspect épique et spectaculaire, vanté lui aussi par la quatrième de couverture, je le cherche encore (en même temps, avec des batailles réglées en quelques lignes lapidaires…), tout comme le magicbuilding, aux abonnés absents (ce qui, vu la présence très importante d’éléments surnaturels, est un comble). L’impression d’ensemble est celle d’un livre peu maîtrisé (avec de grosses incohérences en terme d’intrigue et de worldbuilding), relevant globalement plus du Young adult que de la Dark Fantasy pour adultes : autant dire qu’on est très loin de la comparaison fantaisiste avec Cook et Abercrombie, de grands écrivains maîtrisant avec brio leur sujet. Le soin quasiment maniaque avec lequel l’autrice évite toute grande scène potentiellement immersive, spectaculaire ou épique est juste extraordinaire. Ce qui n’aurait pas posé de problème si ce roman avait été présenté comme intimiste, et pas comme « épique et spectaculaire » : là, il y une discordance absolument énorme entre le marketing et la réalité concrète.



Le seul intérêt que je trouve à ce livre est une atmosphère fantastique très agréable, des influences slaves qui le démarquent du tout-venant de la fantasy francophone, et bien entendu la présence de canons et d’armes à feu, ainsi que le contexte Révolutionnaire, qui l’inscrivent dans le mouvement Flintlock Fantasy. Toutefois, dans chacune de ces catégories (ainsi, bien entendu, qu’en Dark fantasy), vous pouvez trouver largement mieux, surtout si vous lisez l’anglais. Si vous êtes intéressé par une exploration au travers d’un prisme Fantasy de la Révolution, on vous conseillera plutôt de vous tourner vers McClellan ou Wexler, nettement plus pertinents (le second proposant également une romance gay autrement plus intéressante). Pour l’aspect civilisation slave + mousquets / canons + magie, les anglophones auront tout intérêt à aller plutôt vers Bradley P. Beaulieu. Enfin, pour de la Fantasy Gay-friendly, préférez Rien que l’acier de Richard Morgan, incomparablement plus solide.



Bref, un livre qui se destinera essentiellement au fan de l’autrice, au novice en Fantasy, au lecteur de Young Adult ou de Paranormal Romance, ou au lecteur non-anglophone. Le fan de Cook, d’Abercrombie et de Dark Fantasy / Fantasy épique ira, lui, voir ailleurs si l’herbe est plus verte (et elle l’est).



Ce qui précède n'est que la conclusion / le résumé de ma critique : retrouvez l'argumentaire et l'analyse complète sur mon blog.
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Les nuages de Magellan

L'énorme plus de ce roman SF c'est sa grande poésie dans la description des mondes traversés et une sensibilité certaine aux problématiques de l'amour qui transcende le temps, l'espace et même les limitations physiques.



Il y a aussi, là, de grandes qualités d'écriture.



Tout cela est vraiment épatant, pourtant je dois reconnaître avoir éprouvé de l'ennui pendant cette lecture. L'intrigue est surprenante : impossible de deviner où l'autrice veut nous emmener. Elle peut donc paraître un peu décousue...



Je ne connaissais pas Estelle Faye et ce roman m'aura en tout cas donné envie de lire autre chose d'elle.

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La voie des oracles, tome 2 : Enoch

Vers l’est, vers l’uchronie, et au-delààààààà !



Changement de braquet dans ce deuxième tome largement tourné vers l’action. Le rythme s’accélère et les pénétrations dans l’esprit des personnages sont limitées au strict nécessaire.

Les enjeux augmentent également. Alors que le premier tome semblait restreindre l’intrigue essentiellement à un affrontement frère-sœur, ce deuxième tome lui fait subir une inflation subite et ce n’est ni plus ni moins que l’existence de l’univers qui se retrouve dans la balance. Le gabarit des acteurs – surtout des « maléfiques » – enfle également avec l’arrivée de dieux d’envergure qui prennent les choses en main.



Le récit reste toutefois centré autour de nos trois héros Thya, Aylus et Enoch – les deux premiers oracles de leur état, le dernier plutôt sorcier – qui vont être balayés par les vents des événements et manipulés comme des héros grecs. Avec eux nous partons en voyage vers l’Orient. C’est l’occasion de découvrir de nouvelles cultures, moins « romaines ». Mais cela passe très vite. On ne s’endort pas, il faut se déplacer. Dommage. J’aurais apprécié découvrir un peu plus Constantinople, avoir le temps de figer dans ma tête des images inoubliables. Mais non, faut partir.

Les kilomètres parcourus vont d’autant plus se multiplier car Estelle Faye fait prendre à sa Communauté le même destin que celle de l’Anneau de Tolkien : elle la casse et développe plusieurs chemins parallèles. Les péripéties subies par les uns et les autres sont très prenantes, écrites selon la classique méthode page turner : pour savoir ce qu’il advient de Thya, il vous faut passer le chapitre qui parle de Enoch, puis celui sur Aylus, puis celui sur Aedon le frère de Thya, puis… Comment voulez-vous vous arrêter pour dormir ?



On entre aussi franchement dans l’uchronie. Si jusqu’à présent les événements avaient pu avoir lieu dans notre Histoire, cachés aux yeux des contemporains, ce qui arrive à l’Empereur Honorius nous plonge dans l’imaginaire. Tchouk-tchouk, le train de l’Histoire vient de bifurquer et s’engage sur une voie inconnue. Au niveau des enjeux, cela m’a rappelé la BD Troie de Nicolas Jarry.



Tout est-il excellent dans ce deuxième tome ? Non pas. Je suis sceptique devant la faiblesse et l’humanité dont Estelle Faye pare certains de ses dieux. La vitesse à laquelle le récit se déroule oblige à certaines ellipses un peu malheureuses, comme certaines batailles qui sont éludées, certains périples zappés, certaines aventures (celle d’Aylus en particulier) font tout simplement pschitt. Et comme dans le premier tome je trouve les enchainements de certains événements quelque peu capilotractés. Je ne comprends pas pourquoi Thya conserve sa motivation de vengeance à la fin, alors que celle-ci n’a plus lieu d’être.

D’une manière plus générale, j’ai du mal à imaginer qu’un monde dans lequel le panthéon des dieux grecs (ou romain) et tous les personnages de la mythologie sont une réalité ait pu voir se développer le Christianisme. Une religion peut en supplanter une autre en prêchant que ses mythes ne sont que superstitions. Si vraiment Jupiter, Apollon, les Centaures et patin couffin existent, il suffirait d’un peu de comm « miraculeuse » pour que les humbles mortels s’agenouillent et jettent aux orties péché originel, Trinité et compagnie.



La fin réserve une surprise. Les événements prennent un tour qui n’a pas été sans me rappeler le tome 1 de Martyrs d’Olivier Peru. Mais là j’en dis déjà trop.

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La Voie des Oracles, Tome 1 : Thya

En Résumé : J’ai passé un bon moment de lecture avec ce roman qui nous offre une histoire, certes classique dans les grandes lignes, mais qui se révèle maîtrisé, entrainante, solide et efficace. On est vraiment emporté par les aventures des héros, le tout dans un univers d’Empire Romain en pleine décadence qui se révèle vraiment intéressant et original avec aussi un vernis réussi de magie et de mystère. Les personnages se révèlent véritablement denses, complexes et attachants avec leurs qualités et leurs défauts, ce qui les rend vraiment humains. Alors après, comme souvent dans le Young Adult, on y retrouve certaines transitions parfois un peu rapide et certaines révélations obtenues un peu trop facilement, mais rien de non plus très dérangeant tant je me suis retrouvé emporter par ce récit. La plume de l’auteur se révèle poétique, fluide et entrainante. La conclusion laisse de nombreuses questions en attente et j’ai maintenant hâte de découvrir la suite.





Retrouvez ma chronique complète sur mon blog.
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La dernière Amazone

Lysia, une gamine des bas-fonds d’Athènes qui vit de rapines, est loin de se douter du destin qui l’attend. Pour l’heure, elle vit avec sa grand-mère Maia, gardienne du secret de son origine lointaine, dans la fabuleuse cité qui porte encore l’empreinte de Thésée, le héros de légende.

Quand l’oracle Tirésias vient lui rendre visite sous les traits d’une vieille femme, les événements se précipitent. Alors que Maia disparait, la Garde royale et les Amazones sont à sa recherche.



Bouleversée, Lysia embarque à bord du « Chimère », un navire pirate, avec son ami Kostia et comme seul bagage, une lance noire. Bien plus qu’un héritage, l’arme est le symbole de son appartenance aux mystiques Amazones, les intrépides guerrières.

Lysia parviendra-t-elle à déjouer les jeux cruels des impitoyables Dieux de l’Olympe afin d'accomplir le fabuleux destin qui semble lui être destiné ?



C’est avec plaisir que j’ai découvert Estelle Faye avec ce roman plein de magie dans lequel les monstres de légende côtoient les héros de la mythologie grecque. L’auteure réécrit l’histoire de manière originale en nous faisant découvrir des créatures qui cachent derrière leur masque hideux, une humanité insoupçonnable. Une belle découverte !



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Widjigo

Basse Bretagne, 1793

Un jeune officier de la toute jeune République française a pour mission de ramener le vieux Justinien de Salers pour être jugé à Paris. Réfugié avec ses hommes dans la vieille forteresse battue par la tempête, Jean Verdier n‘aura d’autre choix que d’écoute le récit que le vieux noble lui fait de son aventure survenue quarante ans plus tôt lors d’un naufrage sur les côtes de Terre-neuve.

Echoués dans une région très inhospitalière, neuf survivants vont tenter de rejoindre la côte est, moins hostile et surtout habitée de quelques pécheurs.

Etrangement les quatre membres de l’équipe réunie par un négociant en fourrures pour retrouver un cartographe sont tous en vie : Veneur le botaniste, Marie la sang-mélée, Gabriel un ado déjà meurtri par une précédente aventure et Justinien.

Affrontant le froid, la faim, des marches éprouvantes, les rescapés vont devoir aussi faire face à des morts violentes qui surviennent jour après jour. Qui tue ? L’un de survivants ? Une bête féroce ? Une créature ?

Si l’ambiance glauque est bien rendue, si l’écriture est soignée, je n’ai pas été convaincue par les multiples rebondissements.

Trop de rebondissements tuent le rebondissement.
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Widjigo

1793, la guerre des Chouans bat son plein. Lancé à la poursuite de Justinien, un noble recherché par les soldats de la République, Jean Verdier finit par le débusquer, reclus dans une vieille tour. Loin de se cacher, le noble va inviter Jean à s'asseoir à sa table et entreprend alors de lui narrer, avec un talent de conteur certain, un étrange récit fait de naufrages, de rescapés, de meurtres et de monstre en cette sinistre année 1754.



Construit comme un huit-clos, l'angoissante atmosphère de ce roman est particulièrement efficace. Imaginez un Hercule Poirot horrifique. C'est un peu cette sensation qui m'a accompagnée en lisant ce récit. Depuis la petite île où il s'est réfugié en 1793, Justinien nous raconte son extraordinaire aventure, elle-même se déroulant sur une île, près de Terre-Neuve dans l'actuel Canada.

Il faut d'abord saluer le talent incroyable de Estelle Faye en ce qui concerne l'ancrage historique. Je me sentais réellement plongée au coeur de l'ambiance glaciale de cette terre en compagnie des coureurs de bois.

Que ce soit pour la guerre des chouans ou pour le contexte politique également délicat en Terre-Neuve, l'autrice sait parfaitement donner vie à ces univers.

Tout commence réellement avec le naufrage du bateau qui emmenait Justinien et d'autres compagnons vers Terre-Neuve, à la recherche d'un scientifique porté disparu. Seuls une dizaine de passagers en ont réchappé et leur survie s'organise autour de quelques personnages au fort caractère. Jusqu'au premier meurtre, suivi rapidement d'un deuxième. Tout laisse à penser que c'est l'un d'eux qui élimine ainsi les membres de leur clan restreint. Justinien perçoit tout de même d'étranges odeurs et des visages qui se dessinent sur l'écorce des arbres.

Hantés par la peur, la faim et en proie au désespoir comme au prédateur anonyme, les rescapés finissent par s'agiter et la tension dans le groupe atteint son paroxysme alors que un par un, les survivants sont assassinés.

Mêlant habilement folie et ésotérisme, Estelle Faye nous emmène dans un voyage où la réalité et le surnaturel flirtent allègrement sur quelques 250 pages. C'est une lecture qui m'a tenue en haleine jusqu'à la fin. L'autrice sait créer des effets et joue avec le lecteur comme avec ses personnages. C'est particulièrement savoureux.

C'est la première fois que je lis cette autrice et certainement pas la dernière.
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L'arpenteuse de rêves

Une très belle découverte, surprenante sur bien des points.



Claren est une cité où ne demeure qu'une seule magie : le pouvoir de visiter les songes, par un certain nombre de personnes, appelées Arpenteur.

Cette cité, juchée sur une colline, voit faste, luxe, santé dans ses parties hautes, pollution, insalubrité et misère dans ses quartiers bas. C'est dans la ville basse que vit Myri, arpenteuse non décelée qui a décidé de museler son pouvoir.

Sauf qu'une autre magie apparaît dans cette cité, celle de spectres qui troublent le sommeil, placent dans le coma ses victimes et apportent le désespoir. D'une manière ou d'une autre Myri est la clé... A elle de savoir comment et pourquoi...



L'aspect onirique de ce récit nous transporte dans un univers particulier et séduisant. Le personnage de Myri est attachant. Quant à l'aspect écologie, il est bien traité, s'intègre très bien avec le reste de l'univers.

Les quelques failles que l'on peut trouver sont celles qu'on peut attendre dans une lecture jeunesse : beaucoup d'actions sur peu de temps et des relations qui se nouent très rapidement rendent le scénario peu crédible. Mais au final, on s'y attend, d'autant plus que c'est un one-shot.

La fin m'a semblé, au début, prendre trop l'allure d'un happy end de contes de fées. Heureusement, la fin de l'épilogue est plus nuancé, nous offrant une fin à la hauteur de ce récit.
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Widjigo

En cette fin de XVIIIe siècle plein de bouleversements en Europe et de l’autre côté de l’Atlantique, une troupe de soldats français est chargée de récupérer un vieux noble, Justinien de Salers, afin de l’emmener vers le sort que la justice, expéditive, qui règne alors lui réserve. Mais il se terre dans une vieille forteresse à moitié en ruines, sur une presqu’ile, stérile, peu accueillante. Alors que la mer menace la troupe, le vieil homme propose à son chef un marché : il se rendra si ce dernier accepte d’écouter son histoire.



Et c’est parti pour un voyage plein d’humidité et d’angoisse, de sang et de surprises.

La scène de début m’a rappelé Cochrane vs Cthulhu, de Gilberto Villarroel, pour cette ambiance marine inquiétante, cette ile à moitié submergée, ce batiment en partie ruiné, angoissante silhouette sur un ciel gris et menaçant, cette eau omniprésente. Mais ce roman ne joue pas dans la même catégorie, puisqu’il est plutôt récit d’aventures quand Widjigo fait vibrer les cordes du fantastique et de l’angoisse. Et Estelle Faye sait manier les mots avec force et brio. Sans cesse, elle utilise des adjectifs qui instillent un climat humide et angoissant. Le rouge apparaît sans cesse, partout, sur un vêtement, sur une blessure, sur une plante. L’inquiétude, la peur, l’horreur s’installent progressivement, l’air de rien, au détour de chaque page. L’ambiance est particulièrement soignée du début à la fin. Le choix des termes amplifie les formes, les couleurs, les sensations. Pendant toute la lecture, on est transi de froid, imbibé de cette humidité latente qui suinte des pages du livre, des paysages hostiles et rudes. On sent le grain du sable s’insinuer entre nos orteils. On voit la cendre, noire, se déposer sur une joue. Car les portraits mêmes des personnages participent de cette omniprésence d’une nature forte et résolument liée aux protagonistes : « des yeux couleur de terre et de sous-bois au printemps » ou « ses iris aux reflets de nuages ». Jusqu’au bout, d’ailleurs, puisque les cadavres, il y en aura, retournent à la nature, tout emplis d’animaux, d’insectes, grouillant d’une vie qui n’est plus leur.



Vous me direz, l’ambiance, c’est bien joli, mais y a-t-il quelque chose derrière ? Du contenu ? Une histoire digne de ce nom ? Eh bien oui. Estelle Faye prouve sa maitrise de la trame narrative dans ce roman qui reprend les habitudes et les clichés de ce type de récits puis les utilise pour parvenir à ses fins. Le duo du début, ce jeune soldat et ce vieux noble, enfermés dans une tour au milieu des eaux, avec la tempête qui se déchaine à l’extérieur, sert à lancer, relancer à intervalles bien pensés et clore l’histoire principale, le récit de Justinien. Car on a droit, essentiellement, à une histoire dans l’histoire : comment le vieil homme en est arrivé à ce point, défiguré atrocement ; comment sa vie a été bouleversée de l’autre côté de l’Atlantique, dans ce Nouveau Monde qui a déjà bien vieilli, dans cette partie de terre abandonnée progressivement par les autorités françaises au profit des Anglais ; comment il a dû partir dans une expédition sans réel enjeu avec des compagnons de fortune découverts à l’occasion.



Estelle Faye nous bâtit une équipe composée, apparemment, de bric et de broc, sans lien entre eux, sans but commun, à part survivre. Car l’expédition tourne rapidement au fiasco, comme de bien entendu, laissant ces femmes et ces hommes à la merci d’une contrée inconnue, déserte de toute présence humaine, sans moyen de communication avec le reste de la civilisation, quelle qu’elle soit. Pendant le voyage qui doit les conduire au salut, nous découvrons chacun d’eux. Cette figure obligée de ce type de récit est réussie avec évidence, comme une lettre à la poste, sans que l’on se rende compte de rien. Et l’on assiste à une nouvelle mise en abîme, puisqu’à certains moments, on a affaire à une histoire dans l’histoire dans l’histoire. Et cela donne un relief supplémentaire à ce roman si riche et si envoûtant. D’autant que les personnages ne sont pas monolithiques, tout enveloppés d’une aura de mystère, propice aux soupçons. En effet, si des gens meurent, il faut bien que quelqu’un les tue. Et puisqu’ils semblent seuls, ce doit être l’un ou l’une d’entre eux. Nous revoilà avec l’histoire si forte d’Agatha Christie, dans son roman au titre récemment changé, d’un groupe de femmes et d’hommes isolés, enfermés, avec les cadavres qui s’accumulent. Sauf qu’ici, l’enfermement est plus vaste : l’ile est gigantesque, semble même infinie au fur et à mesure que les jours passent. Et cela rend le suspens encore plus fort, car les possibilités sont multipliées.



Lire ce roman m’a fait sortir de ma zone de confort habituelle. Mais, pour sûr, je ne le regrette pas tant Estelle Faye s’est montrée habile, experte, à me plonger tout entier dans son coin de terre et à me manipuler à travers les récits des personnages. J’ai adoré trembler avec Justinien et ses compagnons, attendant, dans l’inconfort de ces paysages aux parfums, aux teintes, aux goûts si présents, le verdict du Widjigo.



La couverture

Encore une réussite que cette couverture, parfaitement représentative du centre de l’histoire et de son climat malsain et pesant, d’une beauté maléfique. Mais Aurélien Police est coutumier du fait : entre l’esthétique et la proximité avec l’histoire narrée. Il a su rendre les tons du récit et l’angoissante présence de la nature à travers cette poupée menaçante qui rappelle l’image d’un homme crucifié.
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