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Critiques de Estelle Faye (1497)
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La voie des oracles, tome 2 : Enoch

Après la Dark Fantasy façon Renaissance, la magie de la Chine éternelle et le post-apocalyptique écologique, l’auteure française continue avec ce 2e tome de "La Voie des oracles" son peplum onirique et fantastique. La jeune Thya, héritière des savoirs païens dans un Empire romain devenu chrétien, poursuit sa quête qui va la mener des forêts germaines aux déserts iraniens en passant par Salone, Constantinople, les montagnes d’Arménie et la Route de la soie traversant l’Empire Sassanide…



Dans ce tome 2, passé un cap le récit se divisant en POVs :

- Thya poursuit sa route avec Adur en direction du Désert du Vide, en parallèle de celle suivit par Aylus et Tirésias

- Enoch, qui doit apprendre à maîtriser la magie ancestrale dont il a hérité, tente d’échapper à la cage dorée d’Hécate

- Aedon le fourbe poursuit sa conquête du pouvoir pour s’apercevoir qu’elle ne lui apporte rien de ce qu’il avait désiré…

- l’Ondine et le Sylvain se voient confier une mission par Culsans : équipés de l’ultime sortilège des Étrusques et de l’Epée d’Orion offert par Apollon, c’est à eux que reviendra la lourde tâche de sauver leur monde ou de le condamner…

Après tout n’est pas toujours très clair en ce qui concerne l’intrigue général et le fil directeur, je n’ai ainsi pas compris l’obstination de Thya à retrouver les Dieux Voilés, celle-ci prenant la décision de partir au bout du monde les retrouver avant que ces derniers ne lui donnent de véritables raisons de les poursuivre…





Dans cet empire romain finissant où la magie existe encore, les dieux anciens font face aux temps nouveaux… Hécate prend exemple sur le Christ Blanc en voulant devenir une Déesse Unique régnant de Rome à Samarcande, Dionysos mime les bacchanales des temps jadis, Apollon profite de son nouvel anonymat pour s’adonner aux joies simples du théâtre, Janus ambivalent comme toujours ne sait lui à quels saints se vouer… Ces divinités désenchantées m’ont bien rappelé les anciens dieux perdus dans les villes et les campagnes du Nouveau Monde du roman de Neil Gaiman intitulé "American Gods".



Le désenchantement est aussi de mise pour les hommes et les femmes puisqu’aucune des rencontres de Thya ne survivra, tous et toutes mourant vainement sans rien avoir accompli de leurs rêves ou de leurs ambitions : Waudur ne réveillera jamais les siens, Sethre ne pourra jamais apporter son aide à sa nièce, Orodès ne sauvera jamais son roi, Adur ne sauvera jamais son peuple, le Faune et le Sylvain ne sauveront pas leurs amis… Culsans tant qu’Aelon ne sont plus que les marionnettes d’Hécate, et je ne parle même pas du pauvre Enoch !

Et pour la 5e fois en 5 livres Estelle Faye continue son exploration du thème de la mémoire :

- Thya vend les souvenirs d’Enoch pour venger son ami qu’elle pense défunt

- en souhaitant retrouver Thya, Enoch finit par être obligé de l’oublier

Difficile de ne pas penser au conte d’Andersen où la courageuse Gerda partait à la recherche de Kai complètement vampé par la Reine des Neiges…



Quelqu’un qui a tout perdu a donc tout à gagner, et c’est avec détermination que Thya tente le tout pour le tout…



Toutes les cartes sont redistribuées pour troisième et dernier tome ! C’est bien vu et c’est bien joué, et c’est même un soulagement que d’apporter une lueur d’espoir dans l’océan de désespérance sur lequel nous avons vogué…





C’est original, c’est intéressant, bien écrit et bien construit. Derrière une plume agréable, en dépit des nombreuses ellipses, Estelle Faye nous offre une joli prose et un travail de fond qui fait la part belle aux légendes celtiques, romaines, grecques et iraniennes, ici joliment maîtrisées, où apparaissent ménades, goules, simurghs, phénix et licornes… Mais au final je ne suis vraiment pas persuadé que les ambiances sombres et amères de l’auteur se marient très bien avec les codes de la littérature YA. Si l’auteure choisi le parti pris de quelque chose de définitivement plus ambitieux en terme de public cible, on tentait carrément un incontournable de la Fantasy française !

Sur le livre objet, encore un travail très propre des poulains des éditons Scrineo : magnifique illustration d’Aurélien Police, cartes très utiles et très réussies de F. Legeron, couverture solide, papier épais, mise en page claire et aérée… et le tout 100% « made in France » s’il vous plait. (Au grand dam des dézingueurs du dimanche made in France)
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Les nuages de Magellan

Après plusieurs romans de fantasy à destination de la jeunesse et des adultes, Estelle Faye s’est récemment lancée dans la science-fiction, et plus spécifiquement dans le space-opera avec « Les nuages de Magellan ». Cela fait bien longtemps que les humains ont du abandonner la Terre, totalement polluée et inhabitable, et qu’ils ont peu à peu colonisé les planètes alentours. Ankou est l’un de ces corps célestes qui abritent à présent une population humaine : un trou paumé dont peu de gens avaient entendu parler jusqu’à ce qu’une révolution citoyenne y soit violemment réprimée par le pouvoir en place. C’est là que l’on fait la connaissance de nos deux héroïnes : la première est une jeune serveuse un peu paumée, forcée de fuir pour échapper aux grandes Compagnies qui la poursuivent ; la seconde est une baroudeuse plus âgée qui tente elle aussi d’échapper depuis des années aux autorités en raison de son passé mouvementé. Le hasard faisant bien les choses, les deux femmes vont parvenir à quitter la planète ensemble, avant de se lancer dans une formidable aventure qui va les entraîner d’un bout à l’autre de la galaxie. Bien qu’habituellement peu fan de ce sous-genre de la science-fiction (même si « Pyramides » m’a récemment fait changer d’avis), j’ai fini par me laisser convaincre de lire le roman, poussée à la fois par les critiques enthousiastes publiées par la blogosphère, mais aussi parce qu’Estelle Faye est une auteur dont j’apprécie souvent les textes. Et il faut bien avouer qu’on passe un bon moment avec ces « Nuages de Magellan » qui transportent dans l’espace les grandes utopies pirates du XVIIIe siècle et mettent en scène deux personnages féminins attachants et bien campés.



Le roman d’Estelle Faye pullule en effet de références à la piraterie, thème semble-t-il cher à l’auteur. Outre la mention évidente à une certaine Mary Reed, on peut également mentionner la présence de capitaines de vaisseaux charismatiques commandant un équipage épris de liberté, une volonté affichée de s’affranchir des règles et carcans de la société, et surtout l’existence d’une île/planète servant de repère à tous les rebelles et marginaux qui ne rentrent pas dans le moule. L’insoumission et la révolte sont ainsi deux thématiques essentielles du roman (comme c’était d’ailleurs déjà le cas dans « Les seigneurs de Bohen ») et son message est assez explicite. L’intrigue est pour sa part bien rythmée : on ne s’ennuie pas une seconde tant les rebondissements et les nouvelles rencontres s’enchaînent rapidement. L’univers est quant à lui assez succinctement décrit compte tenu de son immensité, mais les quelques aperçus que l’on en a suffisent à satisfaire l’imagination du lecteur. On a ainsi l’occasion de visiter plusieurs planètes aux climats et aux usages différents qui nous permettent d’appréhender la diversité des paysages mais aussi des habitants qui cohabitent sur les différents astres de cette galaxie. Le principal atout du roman tient cela dit moins à la qualité de son décor qu’à celles de ses personnages, à commencer par les deux aventurières qui occupent ici le devant de la scène. Dan est une jeune fille un peu paumée à laquelle il est facile de s’identifier : on se reconnaît aisément dans son désir d’aventures et de voyages. Liliam est plus torturée, mais on devine sans mal derrière sa froideur et sa dureté apparente une souffrance profondément enfouie qui ne manquera pas de toucher le lecteur.



En dépit de toutes ces qualités, le roman n’est pas exempt de défauts, le premier étant sans aucun doute que l’intrigue aurait mérité d’être un peu plus étoffée. On aurait en effet voulu que les pérégrinations des deux héroïnes soient développées sur plus de trois cent pages, ce qui aurait permis de complexifier l’intrigue ainsi que les relations entre les personnages. Pour cette raison, le roman se rapproche à mon sens davantage du young-adult, ce qui se traduit d’ailleurs aussi par un style moins élaboré que celui auquel l’auteur nous avait jusque là habitué dans ses autres œuvres (nombreuses répétitions, succession de phrases très courtes…). On peut également regretter d’avoir finalement si peu d’éléments sur l’âge d’or de la piraterie tel que l’a connu Liliam. Certes, les souvenirs évoqués par le personnage permettent de se faire une idée des événements qui ont conduit à la chute des trois seigneurs pirates, mais on se prend parfois à imaginer qu’il aurait peut-être été plus intéressant de suivre leurs aventures et celle de la fondation de Carabe que celles de nos deux héroïnes. Enfin, dernier bémol : certains événements ou comportements adoptés par les personnages peuvent parfois paraître un peu trop improbables. Je pense notamment au personnage de Dan qui parvient à s’imposer presque du jour au lendemain en tant que leader d’un équipage de pirates et se révèle soudainement grande oratrice (c’est une chose qui m’avait déjà gênée dans « Les seigneurs de Bohen » où on retrouvait un personnage avec un parcours un peu similaire). L’ellipse finale et la conclusion tombent aussi un peu trop comme un cheveux sur la soupe et peuvent paraître en décalage avec le reste du récit.



Estelle Faye signe avec ce premier space-opera un roman divertissant, rempli de belles aventures et de personnages attachants. On pourrait simplement regretter que l’histoire ne soit pas plus développée, ainsi que certaines facilités scénaristiques qui m’incitent à penser que le roman s’adresse peut-être davantage à un jeune public. Cela ne gâche toutefois en rien le plaisir de cette aventure qui fait la part belle à la piraterie et au voyage. A découvrir.
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La Voie des Oracles, Tome 1 : Thya

Thya est un roman de fantasy qui se déroule lors d'une période réelle dans un lieux réel, en l'occurrence la fin de l'empire romain en Aquitaine et plus largement en Gaule. C'est ce qui m'a d'ailleurs tout de suite attiré sur le quatrième de couverture.



Les personnages principaux sont assez classiques mais restent des valeurs sûres, Thya une ado oracle accompagnée par Enoch, un jeune maquilleur (parfumeur et coiffeur qui a une aisance pour le maquillage de ses clients) se retrouvent embarqués dans une quête qui leurs fera traverser le pays.



Là ou l'intérêt des personnages arrive c'est sur les créatures fantastiques présentes dans l'aventure qui eux m'ont vraiment plus, un faune, une ondine (sirène) et encore d'autres personnages fantastiques assez cool.

L'histoire est bien écrite et fluide, le sujet lui est intéressant, je me suis vite embarqué dans cette aventure.



Pour conclure je dirai que son côté classique est surpassé par le côté réel des lieux et par l'époque où tout cela se déroule, et que si vous cherchez un roman de fantasy français vous ne serez pas déçu mais ne vous attendez pas non plus à ce que ce soit une merveille d'originalité.



Voir la chronique sur mon blog :
Lien : http://unbouquinsinonrien.bl..
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Imaginales 2016 : Anthologie Fées et Automates

Depuis 2009 le festival des Imaginales profite de la réunion des meilleures plumes de la fantasy francophone à Épinal pour sortir une anthologie confrontant deux figures emblématiques du genre. Aux reines et dragons, elfes et assassins ou trolls et licornes succèdent donc deux nouveaux personnages : la fée, créature incontournable des récits merveilleux, symbole de féminité et de magie, et l'automate, être constitué de métal et de boulons, intimement lié au monde de l'industrie et de ce fait plus volontiers associé à la science-fiction. Quatorze auteurs ont cette année apporté leur pierre à l'édifice sous la direction de Jean-Claude Vantroyen qui prend donc la suite de Stéphanie Nicot, Lionel Davoust, Sylvie Miller et Jean-Claude Dunyach à la tête de l'anthologie. Parmi les auteurs sollicités, certains profitent de l'occasion pour nous en dévoiler un peu plus sur un univers déjà exploité : c'est le cas de Charlotte Bousquet qui nous offre une jolie nouvelle prenant place à Senanq, ville fascinante et labyrinthique révélée par l'ouvrage collaboratif « Jadis » (« Le rouet noir »). Lionel Davoust revient lui à l'univers d'Evanégyre et dépeint l'affrontement de deux puissances et de deux visions du monde radicalement différentes (« Le plateau des chimères »). On retrouve également la France médiévale uchronique de Fabien Cerutti qui signe avec « Le crépuscule et l'aube » une nouvelle réussie consacrée à la disparition d'un des peuples merveilleux peuplant encore cet hexagone du XIIIe siècle revisité. Trois textes qui ne font que confirmer la maîtrise des auteurs et qui permettent aux lecteurs ayant lu leurs précédents ouvrages de bénéficier d'un bonus appréciable.



Les autres nouvelles sont d'aussi bonne qualité, même si quatre textes sortent à mon sens du lot. La première est incontestablement « Magie de Noël » de Gabriel Katz qui nous transporte dans un Paris post-apocalyptique dont certains quartiers sont devenus de véritables zones de non droit. Un père de famille va cependant braver le danger par amour pour sa fille qui rêve de se voir offrir pour Noël une fée. Une nouvelle touchante, très immersive et dotée d'une chute bien amenée qui apporte un tout nouvel éclairage au récit. Autre texte marquant de cet anthologie, celui d'Estelle Faye (« Smoke and Mirrors »). Les interactions entre la fée et l'automate y sont quasi inexistantes néanmoins tous deux ont leur place dans cette intrigue qui met en scène trois jeunes filles bien décidées à réaliser leurs rêves… mais à quel prix ? La plume de l'auteur est toujours aussi agréable et on se prend rapidement au jeu tragique qui se joue ici. Adrien Tomas et Pierre Bordage optent pour leur part pour une critique de certains aspects de notre société moderne. Le premier imagine une cité dont l'énergie dépendrait de l'exploitation immodérée et destructrice d'un autre peuple (« L'énergie du désespoir »). Le second met en scène une fée amoureuse d'un humain et luttant tant bien que mal contre la routine dans laquelle elle et son amant se laissent enfermer (« AuTOMate »). Deux textes complètements différents, tant au niveau du style que de la mise en scène de ces fées et automates mais qui séduisent par leur originalité et par leur réflexion.



Cette septième anthologie des Imaginales est donc un très bon cru mettant en scène de façon originale et variée deux figures à priori difficilement conciliables car appartenant à deux mondes et deux genres différents. L'occasion pour ceux qui le souhaiteraient de se familiariser avec quelques unes des plus belles plumes françaises des littératures de l'imaginaire...
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Un éclat de givre

En Résumé : J’ai passé un vraiment bon moment de lecture avec le nouveau roman d’Estelle Faye. Certes l’histoire en soi se révèle classique dans son intrigue et sa façon de se dérouler, mais ça ne l’empêche pas d’être solide et intéressante. Mais là où l’auteur a vraiment réussi à m’emporter c’est par son univers, à la fois par la construction clanique de la ville de Paris ainsi que ses descriptions, mais aussi par sa plongée dans le monde artistique et du Jazz ou encore dans son univers post-apocalyptique sombre, sauvage et aussi lumineux et poétique. Le personnage de Chet, à la fois ambigu et charismatique, se révèle vraiment attachant à travers ses forces et ses faiblesses, mais éclipse un peu les autres personnages, ce qui est parfois un peu dommage tant certains ont du potentiel. Je regrette juste une petite baisse de régime vers le milieu du livre, ainsi que certains éléments qui m’ont paru parfois mal amenés, mais franchement rien de gênant tant l’œuvre globale possède une certaine magie. J’ai de nouveau été emporté par la plume de l’auteur toujours aussi entrainante, mélancolique et soignée qui m’a facilement happée. Au final un roman complètement différent de Porcelaine, plus sombre aussi, mais vraiment intéressant. Je lirai sans soucis d’autres récits de l’auteur.





Retrouvez ma chronique complète sur mon blog.
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Les nuages de Magellan

Estelle Faye est un nom que je connais bien. J’ai même plusieurs titres dont elle est l’autrice dans ma P.A.L. (si on peut encore l’appeler comme cela, étant donné qu’elle s’étend sur plusieurs étagères). Mais je n’avais encore jamais ouvert un de ses livres, malgré tout le bien que j’avais entendu à son propos.



Cette lacune est corrigée avec ce roman qu’on pourrait plutôt cataloguer comme Y.A., tant certains passages sont rapidement évacués. Mais n’allons pas trop vite. Les Nuages de Magellan, c’est un space opera efficace et bien fichu, avec des personnages de premier plan forts, une histoire d’amitié très réaliste et beaucoup d’action. Un jeune serveuse, suite à un évènement particulièrement violent (la répression violente et meurtrière d’une grève par les propriétaires), improvise un chant de résistance (il faut dire qu’elle était complètement défoncée et ne se rappelait plus rien le lendemain) et se retrouve recherchée par les Compagnies, devenue malgré elle un symbole de résistance. Elle s’échappe dans le vaisseau d’une ancienne pirate, qui avait mené, voilà des années, la résistance contre ces mêmes Compagnies. La boucle est bouclée, la transmission va pouvoir s’effectuer entre les deux générations.



Mais tout n’ira pas de soi : les deux femmes vont devoir se découvrir, s’accepter, s’apprivoiser. Et cette naissance d’une amitié forte, Estelle Faye la raconte avec talent. Même si on imagine bien depuis le début la suite logique de la rencontre, les différentes étapes de leur relation, les multiples péripéties s’enchainent avec un grand naturel et sans que l’on soit en train de chercher les ficelles. Par contre, les autres personnages sont laissés à l’état de silhouettes. On les prend et on les jette quand on n’en a plus besoin. La nécessité de faire court, peut-être, de s’attacher à l’essentiel. C’est dommage et cela catalogue, comme je l’ai écrit plus haut, ce roman dans une littérature plus légère, malgré les thèmes abordés.

Pour cadre, l’autrice a choisi le monde des pirates. De l’espace. Pas tout à fait Albator, mais cela n’empêche pas de rêver. C’est fou comme cet imaginaire est puissant : des tyrans dominateurs qui veulent imposer leur ordre à des foules assommées. Mais soudain, quelques-uns se dressent contre la violence et, pour de bonnes ou de mauvaises raisons, allument la mèche qui peut faire exposer toutes ces injustices. Ou pas. On ne peut qu’être pris par cet espoir de renverser l’ordre (injuste) établi, de voir les petits triompher des grands égoïstes, éternelle rengaine toujours d’actualité hélas.



Les Nuages de Magellan se sont donc révélés être une lecture très agréable et, malgré mes réserves, m’ont donné envie de poursuivre la découverte de l’univers de cette autrice si importante dans le panorama de la littérature SFFF française.
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La voie des oracles, tome 3 : Aylus

Le tome de trop.



J’avais beaucoup apprécié le tome 2 de cette trilogie, et la fin nous amenait vers quelque chose de différent, d’uchronique. J’en bavais d’impatience.

Estelle Faye se retrouve donc pratiquement avec un nouvel univers à faire vivre. Et que fait-elle ? Rien d’autre que de le mettre en miettes. Elle obéit au proverbe « on sait ce que l’on perd on ne sait pas ce que l’on va gagner ». Non, finalement cet univers est une mauvaise idée. Sur la grande échelle du bonheur de l’humanité, il n’a guère amélioré le score par rapport à l’ancien.

Du coup, rétrogradage, marche arrière. Faut effacer comme sur les Télécrans.



Bon, admettons. D’autres ont déjà joué ce jeu avec brio. A mon avis Estelle Faye s’y prend mal. Du point de vue de la motivation des acteurs, je comprends bien que Thya veuille désormais s’opposer au gouvernement des Oracles qui ne correspond pas à ce dont elle avait rêvé, et que les Dieux qui ont retrouvé leur place dans les temples souhaitent son maintien. L’auteur aurait dû broder autour de cela, et au début cela en prend le chemin. Mais rapidement ce conflit est avalé par une menace de destruction du monde dont je n’ai pas compris pourquoi elle apparaissait. Le « Mal » s’insinue dans le monde, l’empoisonne, mais où est la connexion logique avec le régime des Oracles ? L’explication de la motivation des personnages disparaît au profit du grand spectacle. Pourquoi le Dieu Culsans aide-t-il Thya alors que ce monde devrait lui plaire ? Pourquoi Zeus n’intervient-il plus après le début du récit ? Je n’ai pas arrêté de me poser des questions e cet ordre durant toute ma lecture.



J’ai dit qu’Estelle Faye privilégie le spectacle et elle y réussit pleinement, développant à plein le « sense of wonder » du récit, mettant habilement en scène des forces surpuissantes, enchainant rapidement les événements qui viennent culminer dans un parfait crescendo. La plume de l’auteur est enlevée et le récit se lit sans effort. Seulement, je n’ai tout simplement pas compris pourquoi tout cela avait lieu. L’auteur agit trop comme un deus ex machina en mettant de côté la logique d’enchainement des événements.



Et si la fin est plaisante à lire, son message me déçoit : « il faut faire confiance aux hommes plutôt qu’au Destin » ne fait que cacher le fait que, au final, Thya baisse les bras. Elle limite ses prétentions à sa famille et ses amis. Trop difficile de jouer à Dieu.

En fait créer un monde utopique d’où le malheur est absent est tout simplement impossible, car tout monde comporte sa part d’ombre et de lumière (je reviens souvent vers cette idée développée par Ursula le Guin).

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La Voie des Oracles, Tome 1 : Thya

Depuis que je l’avais vu au salon des Imaginales, j’avoue que cet ouvrage me faisait de l’œil, toutefois je n’avais jamais sauté le cap en l’achetant. C’est finalement grâce au concours de Lireàlafolie que j’ai pu le découvrir. Merci encore ! J’ai bien aimé cette lecture : il y a un beau mélange d’Histoire (Empire Romain), de mythologie avec des divinités qui veillent sur l’avancée de l’héroïne ainsi que des êtres fantastiques (Faune, dryade, harpie, sylvains, etc.). Ajoutons à cela une ambiance de voyage, de complot et de rituels de sang pour prédire l’avenir ainsi qu’un soupçon de romance et vous aurez le premier tome de « La voie des oracles » !



Depuis sa plus tendre enfance, Thya a des visions : elle sait de quoi l’avenir est fait. C’est une oracle. Ainsi, elle perçoit la mort de son père qui, par miracle, est évitée de justesse. Pour le sauver, la jeune fille quitte son foyer et entame un long périple semé d’embûches ou de rencontres en tous genres. Que les personnages sur sa route soient bons ou mauvais, j’ai apprécié le rythme qui ne laisse pas de place à l’ennui. Mes deux passages favoris sont celui avec les sorcières que le prêtre veut brûler ainsi que les jeux de pari dans la prison… Au gré de leur périple, les personnages évoluent, se rapprochent, s’ouvrent en contant leur passé et se battent lorsqu’il le faut. Enoch est un protagoniste qui m’a plu et, même si on se doute vers quel côté il fera pencher la balance dans son double jeu, on apprécie ses remises en question ou son dilemme intérieur. Son métier est également atypique et utile puisqu’il servira à plusieurs reprises… Thya est une demoiselle comme j’aime : courageuse, intelligente, impétueuse, ni belle ni affreuse, un peu masculine, la langue bien pendue et fidèle à ses convictions. Par contre, ce duo est très jeune et donc assez ingénu en matière de sentiments. Cela peut déranger les amateurs de fantasy n’aimant pas les récits young adult.



Les seuls défauts de cet ouvrage sont les événements qui sont assez attendus et, hormis le trio principal, les autres personnages sont très manichéens. Certes, cela reste fluide et agréable à lire, toutefois je n’ai pas été surprise par les retournements de situation ou par les difficultés qu’ont rencontré les héros. J’espère donc que la suite m’étonnera davantage. J’espère également en savoir plus sur le frère aîné de Thya : Aedon. Pourvu qu’il se révèle être un bon antagoniste crédible. Pour l’heure, je ne peux pas assez me faire un avis sur lui. Il en va de même pour Mettius et le Diseur des Monts que l’on cerne petit à petit… Bref, cet ouvrage est un bon tome introductif prometteur avec de l’action, une ambiance sympathique et des personnages intéressants qui seront sans doute développés par la suite. J’ai hâte de découvrir le second tome très prochainement.


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La Voie des Oracles, Tome 1 : Thya

C’est lors des dernières Imaginales en mai dernier que je me suis offert ce premier tome, finalement davantage convaincue par la magnifique couverture signée Aurélien Police et par les interventions d’Estelle Faye en conférences que par les chroniques positives dont j’avais pu avoir vent auparavant.

Heureuse de l’avoir dans ma bibliothèque, je ne savais malgré tout pas quand j’aurais le temps de l’en sortir ; mais vous avez décidé pour moi puisque vous avez choisi ce premier tome (entre autres) lors du deuxième épisode du challenge Wild PAL… et je ne peux que vous en remercier !

Thya a été une lecture extraordinaire et si addictive que j’en ai oublié mon quotidien… ce qui ne m’était pas arrivé depuis très très très longtemps. Alors un immense merci à Estelle Faye pour ces quelques heures de voyage dans le temps ! Il me tarde maintenant d’acheter et de lire la suite !



Ce voyage dans la Gaule du Ve siècle après Jésus Christ a été une parfaite réussite pour moi. Estelle Faye s’est documentée sur l’époque et ses us et coutumes ; résultat : on s’y croit. Décors urbains, tenues des personnages, l’auteure sait nous mettre dans l’ambiance, à commencer par l’utilisation d’un vocabulaire spécifique dans les descriptions.

N’ayez crainte, si le fond est riche d’images fortes, vous ne serez pas noyés sous un cours magistral d’archéologie antique. Et c’est là le talent d’Estelle Faye, nous apporter tout juste assez d’éléments pour constituer un récit documenté grâce auquel on apprend des choses, mais avec subtilité, sans qu’on s’en rende compte, sans utiliser un style pompeux ou ennuyeux. Les jeunes lecteurs pourront ainsi se plonger dans cette histoire sans difficultés majeures (même s’ils ne comprendront peut-être pas tous les mots) et les adultes friands d’antiquité ne seront pas lésés.

Si le voyage a si bien fonctionné pour moi c’est évidemment parce que j’ai, à la base, une certaine sensibilité pour le thème mais aussi et surtout parce que ma lecture a été accompagnée d’autres médias enrichissants. J’avais en tête les magnifiques tableaux de Lawrence Alma Tadema (j’avais justement emprunté une nouveauté le concernant à la bibliothèque où je travaille) et dans les oreilles, les albums du groupe Daemonia Nymphe (les membres – grecs – ont reconstitué quelques instruments antiques grâce aux textes et illustrations de l’époque et se sont inspirés de partitions pour recréer leur musique). C’est donc toute une ambiance, tout un cocon qui m’a entourée pendant ma découverte… elle ne pouvait qu’être réussie !



Outre l’aspect historique très bien mené (à mon goût, mais je ne suis pas archéologue/historienne et ne suis donc pas une spécialiste), c’est aussi et surtout l’aspect « fantastique » qui m’a séduite. Alors que le Christianisme montait en puissance dans l’empire romain et la Gaule du Ve siècle après Jésus Christ, les anciennes traditions et les dieux païens étaient interdits. Ceux qui honoraient les anciens dieux et qui possédaient ne serait-ce qu’une once de « pouvoir » étaient persécutés (la chasse aux oracles/devineresses/sorcières était lancée). Estelle Faye n’a pas oublié d’intégrer ces éléments à son histoire – bien au contraire, puisque l’héroïne est elle-même oracle – et elle a su les insérer avec brio. Le surnaturel apparaît soudainement sous la forme d’un faune, d’une ondine, d’un dieu… et le tout avec naturel.

La mythologie (et donc tout ce qui s’y rattache) faisait partie du quotidien de nos ancêtres, les visions prémonitoires et les visites de créatures non-humaines étaient normales et leur permettaient de faire des choix, d’avancer. L’auteure l’avait bien en tête au moment de la rédaction de son récit et le lecteur peut ainsi s’immerger totalement dans cette ambiance « antique » (ce que j’ai également vécu lors de ma lecture de Même pas mort de Jean-Philippe Jaworski, que je ne peux que vous conseiller !).



Vous allez me dire, le contexte et l’ambiance, c’est bien beau, mais ça ne fait pas tout. Pour ma part, je me rends compte que c’est ce qui fait qu’une lecture va me marquer ou non. Bien sûr, l’intrigue et les personnages doivent eux aussi me plaire, mais un livre s’élèvera plus facilement au rang de coup de coeur s’il parvient à m’emporter de A à Z… et ça passe beaucoup par l’atmosphère générale.

Bref, rassurez-vous à nouveau, intrigue et personnages sont eux aussi très réussis. La jeune Thya va partir sur les chemins de la Gaule pour rejoindre la ville de Brog qu’elle a vue dans une vision. Très vite elle va faire la connaissance de deux (trois) personnages qui vont la guider et l’épauler au fil des épreuves. C’est une quête bourrée de rencontres, de révélations, de secrets, de rebondissements et d’actions. Les dangers sont bel et bien présents et prennent plusieurs formes, à commencer par le visage du frère aîné de l’héroïne, Aedon. On ne s’ennuie pas une seule seconde au coeur de ces pages et les dernières lignes laissent présager que tout ne fait que commencer !



Quant aux personnages, que l’on découvre à travers un point de vue omniscient, eux aussi valent le détour. Thya est évidemment la principale, celle que l’on va côtoyer en priorité. C’est une jeune fille de 16 ans déterminée, forte et réfléchie… la plupart du temps. Malgré tout, elle n’est pas sur-humaine (si on ne prend pas en compte son statut d’oracle) et fait des erreurs, comme n’importe quelle jeune personne de son âge. J’ai trouvé qu’Estelle Faye a bien dosé sa personnalité, faisant d’elle une jeune fille crédible. Elle paraît peut-être un peu trop responsable pour ses 16 années, mais 16 ans au Ve siècle n’ont a priori rien à voir avec les 16 ans de 2015. J’ai aimé la suivre dans sa quête de réponses et j’ai eu beaucoup d’empathie pour elle. Elle m’a plu, tout simplement.

Enoch, le deuxième personnage principal, est un jeune homme de quelques années son aîné. Maquilleur professionnel, il gagne sa vie en conseillant les jeunes femmes riches sur les meilleurs produits à utiliser et les plus belles perruques à porter. Son art de la dissimulation et sa débrouillardise seront bien utiles sur le chemin. J’ai aimé les doutes et l’indécision qu’il porte en lui. A moitié barbare (par sa mère qui était une prêtresse), il ne rêve que d’accéder à la citoyenneté romaine et pour cela, il serait prêt à tout… C’est un peu le bad-boy séducteur de l’époque… mais là encore, Estelle Faye sait doser et ne tombe pas dans l’accès. De ce fait, il m’a plu également et l’association des deux personnalités (Thya-Enoch) fonctionne très bien à mon avis.



J’arrête là cet avis déjà bien longuet en vous conseillant absolument la lecture de ce premier tome. J’ai tellement peu de coups de coeur dans ma vie de lectrice que lorsque j’en ai un, cela devrait suffire à convaincre tout le monde ! Lisez La Voie des Oracles et moi, je vais sans tarder me procurer le tome 2 et les autres livres d’Estelle Faye…
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Widjigo

1793, Bretagne.



Jean Verdier, lieutenant de la République, a fait la route depuis Paris, avec son régiment, pour arrêter un vieux noble, Justinien de Salers.



L'homme ne sort plus beaucoup et vit reclu dans sa forteresse. Tout le monde le connaît, il ne se cache pas, on sait où le trouver.



Lorsque Jean arrive, il est autorisé à entrer, mais seul. Car Justinien n'opposera aucune résistance à son arrestation mais, à une seule condition : que le jeune lieutenant écoute son histoire. Celle d'un naufrage, quarante ans plus tôt, sur l'île de Terre-Neuve. Une histoire mystérieuse et monstrueuse.



Les deux hommes s'installent. Et dans ces lieux lugubres, Jean écoute l'histoire, attentivement, sans poser de questions.



Justinien commence son récit en 1754. A cette période, il est jeune et refuse d'entrer dans l'armée comme le souhaite son père. En conflit avec lui, il décide de partir de l'autre côté de l'océan, sur une île, objet de convoitise entre la France et l'Angleterre. Sa mission une fois sur place sera de retrouver une expédition de cartographes mystérieusement disparus, avec pour compagnons un botaniste, une femme et un jeune garçon, unique survivant de ce groupe.



Terre-Neuve se situe au large des côtes canadiennes, dans l'océan atlantique. Le voyage depuis la Bretagne et long et dangereux. Mais, il n'est pas seul. Le navire contient plusieurs voyageurs. Mais une tempête et un naufrage, ne laisse que quelques personnes qui débarquent sur l'île, au milieu de rien, dans la nature hostile et mystérieuse. Les rescapés doivent rejoindre un village. Ils n'ont pas de carte, aucun élément et devront longer la côté pour y arriver.



Mais, des événements tragiques se produisent la nuit. Il y a des morts. Pourtant, on n'entend rien, on ne voit rien. Quelque chose, ou quelqu'un rôde, les traque. C'est dans la nuit noire que ça se produit. La peur et la méfiance s'installent entre les membres du groupe.



"Widjigo" est un thriller fantastique dans lequel le suspense se pose très vite, la tension monte. L'ambiance est glauque. Les arbres, les pierres, le froid, toute la nature est omniprésente. Terre-Neuve est une prison au milieu de l'océan. Entre mythe et horreur, le lecteur est entraîné dans une lutte pour la survie au cœur d'un huis-clos terrifiant. Une lecture prenante, à lire pour frissonner à souhait !


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Widjigo

Estelle Faye, nous promène, avec Widjigo dans un Terre-Neuve historique où se mêlent habillement, aventure, horreur et fantastique.



1793, la terreur en France permet la chasse aux aristocrates, symboles de l'ancien monde, celui de la monarchie. Jean Verdier, jeune officier doit donc arrêter Justinien de Salers, un marquis vieillissant retranché dans une tour. Seulement, c'est gonflé de compassion pour ce vieil homme réputé pour le bien qu'il a fait autour de lui que le lieutenant se voit contraint d'accepter cette mission. C'est pourquoi, quand le vieux noble lui demande en échange de sa reddition d'accepter de l'écouter lui conter une histoire, son histoire, il ne peut refuser.



Dans une ambiance angoissante, connaissent les côtes bretonnes, battues par la pluie et le vent, l'aristocrate se lance dans un récit de l'autre côté de l'Atlantique, dans le nouveau monde. En effet, il y a près de 40 ans, alors jeune homme, le marquis se trouvait en Acadie et a vécu une aventure marquante sur l'île de Terre-Neuve sur laquelle lui et ses compagnons se sont échoués. Les survivants feront face, alors qu'ils cherchent à retrouver la civilisation, à de nombreux dangers inexpliqués teintés de surnaturel, de la mythologie des indiens algonquiens.



Dans ce roman, récit dans le récit, l'angoisse ressentie est accentuée par ces deux lieux parallèles, où se déroule l'histoire, le logis du marquis et l'île encore sauvage. Vient se greffer une galerie de personnages portants chacun leur part d'ombre et de mystère.



Estelle Faye fait preuve d'une habilité maîtrisée pour mélanger les genres, casser les codes tout en les respectant, pour inscrire dans un contexte historique plausible, une aventure aux notes fantastiques subtiles afin de rendre ce roman accessible à tous. Amateurs de littérature de l'imaginaire ou non. Passé le prologue un tantinet longuet, il devient difficile de ne pas être absorbé totalement par le récit. Au long de cette lecture, sans cesse dans votre tête résonne cette question : le Widjigo n'est-il pas en chacun d'entre nous ?



J'ai lu ce roman qui traînait dans ma PAL depuis trop longtemps à l'occasion du Prix Imaginales des Bibliothécaires 2022 dont il fait partie de la sélection. Félicitations à Estelle Faye qui a su séduire le jury avec ce roman dont la magnifique couverture est signée Aurélien Police.
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Widjigo

Découverte avec La voie des oracles puis confirmée avec les romans de l'univers de Bohen, j'ai aimé tout ce que j'ai lu d'Estelle Faye, alors en la voyant au catalogue d'Albin Michel Imaginaire chez qui j'ai fait plein de belles découvertes, j'ai de suite eu envie de lire son nouveau titre.



Avec sa couverture glaçante signée Aurélien Police, encore lui, Widjigo ne peut qu'interpeler le lecteur, en tout cas ce fut mon cas. Avec cet espèce d'épouvantail rappelant aussi les figures de proue de navire et les créatures peuplant les forêts primitives telles qu'on en voit dans le manga L'enfant et le maudit de Nagabe par exemple, notre sang se glace d'effroi, un sentiment qui ne nous quittera pas de toute la lecture.



Ce titre est probablement le plus court que j'ai lu chez Estelle et pourtant c'est peut-être celui que j'ai mis le plus de temps à lire toute proportion gardée. Pourquoi ? Parce que l'autrice y a gagné une plume belle et profonde, envoûtante et dérangeante qui impose son rythme de lecture au lecteur, un rythme lent et profond, angoissant et étouffant, tout comme le récit qu'il nous apporte.



Estelle nous embarque dans un récit d'aventure fantastique à l'ancienne, qui mélange des styles très différents tels que le récit philosophique, le récit fantastico-horrifique à la Lovecraft, ou le récit d'aventure picaresque pour ce long voyage en milieu hostile avec des marginaux. C'était à la fois étrange et envoûtant.



Dès les premières lignes du prologue, et par la suite aussi, l'autrice impose son rythme et son univers angoissant et étouffant. Elle nous plonge dans les méandres de l'âme humaine mais dans ce qu'elle a de plus sombre, le temps d'une aventure au décor historique particulièrement soigné et réaliste, un décor que j'ai adoré puisqu'il se déroule pendant mon siècle préféré : le XVIIIe. J'ai été agréablement surprise par la profondeur d'écriture de l'autrice qui soigne l'ensemble des détails de son héros, noble déchu, à son décor, entre préparation et premier temps de la Révolution, entre France d'Ancien Régime et Nouveau Monde encore sauvage, entre personnages civilisés et peuples et créatures primitifs. C'était fascinant et réaliste.



L'aventure que l'on va vivre, elle, est tout sauf réaliste. Elle nous embarque plutôt dans les contrées sauvages et mystiques de la Terre Neuve d'autrefois aux côtés d'une troupe de marginaux embauchés pour une quête que bien vite ils vont oublier face à la menace qui va rapidement peser sur eux. Leur survie devient leur priorité et en mode Ils étaient Dix d'Agatha Christie, nous allons suivre ce compte-à-rebours macabre.



J'ai été fascinée par l'ambiance stressante et poisseuse de l'aventure vécue par Justinien et ses camarades dans cette nature hostile. Cela nous prend à la gorge et ne nous quitte plus. L'autrice décrit par le menu leur avancée dans ce milieu sauvage, les épreuves qu'ils rencontrent entre confrontation réaliste avec leur passé et confrontation fantastique face aux créatures qui peuplent cette nature. Tout est sombre, tout est dans la pénombre, tout est immersif.



L'autrice a parfaitement bâti son histoire avec un rythme entêtant, des personnages mystérieux et une nature non moins étrange. Elle joue avec les pensées de l'époque sur la religion, les mystères et l'ésotérisme. Elle joue à fond la carte du siècle des Lumières et de sa lutte contre l'obscurantisme, ainsi que de sa dénonciation des ordres régissant arbitrairement la société. Chaque personnage représente un pan de ceci et joue un rôle en rapport. C'est très intelligemment fait. Le mélange avec le fantastique est ce qui saisit pendant longtemps avant que tout ne nous éclate au visage dans les derniers instants. Quel joli coup du sort ! J'ai adoré !



D'habitude, j'ai peur quand les textes sont aussi courts, mais ici ce fut au contraire parfaitement maîtrisé. De bout en bout, l'autrice savait où elle allait, le rythme qu'elle voulait imposer et la morale qu'elle souhait proposer. Ainsi ça ne m'a pas du tout gênait que ce soit court. Cela ne m'a pas empêchée de m'attacher aux personnages et à leur destinée tragique, ainsi qu'à leur sombre passé. J'ai aimé chacun d'eux dans le quintet final avec leurs qualités et leurs failles, du jeune homme qui regrette la perte de ses amis, au baroudeur protecteur d'un enfant singulier, à la Calamity Jane version Terre Neuve, en passant par la jeune fille blessée par une histoire familiale compliquée, tout comme le petit garçon survivant ayant vu bien des horreurs. Et encore, je ne leur rends pas justice ici tant l'autrice a préparé de belles surprises sur eux.



Elle nous offre ainsi dans ce récit singulier, plus qu'une aventure, une vraie diatribe révolutionnaire où elle dénonce les injustices des puissants contre les faibles : enfant, femme, prétendue sorcière, homme ne rentrant pas dans le moule... Un thème qui lui est cher depuis longtemps. Elle appelle ainsi non à la vengeance mais plutôt à la lutte et à la liberté, ce qu'elle réussit à faire dans un texte terriblement bien tourné où le dernier quart a de quoi surprendre.



Ainsi, j'ai trouvé qu'avec ce texte, Estelle Faye nous offrait peut-être le texte le plus abouti que j'ai pu lire d'elle. Tout y est d'une plume forte et poétique, à des personnages fouillés, une ambiance saisissante et envoûtante et un décor solide et référencé, ainsi qu'une aventure prenante et une morale tout sauf manichéenne parfaitement inscrite dans son siècle. Un beau coup de coeur !
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Trolls et légendes : Anthologie officielle

Le festival « Trolls et Légendes » célébré à Mons (en Belgique) fêtait cette année son dixième anniversaire, et à cette occasion c'est à la créature qui donna son nom à cette manifestation qu'a été consacrée l'anthologie officielle de 2015. Au sommaire, dix nouvelles de neuf auteurs français ainsi que d'une des invitées d'honneur : Robin Hobb/Megan Lindholm. Si je n'ai jamais jusqu'à présent eu l'occasion de découvrir les précédentes anthologies parues dans le cadre de ce festival, je fus bien inspirée de me laisser tenter par celle-ci, car la qualité est sans conteste au rendez-vous. La majorité des textes se lit avec un plaisir d'autant plus accru qu'aucun auteur n'a opté pour la même approche. Adrien Tomas privilégie par exemple l'humour dans « Le troll de sa vie » et nous entraîne dans une enquête au cœur de Paris afin de sauver de l'exploitation des nains de jardin. Estelle Faye fait quant à elle le choix inverse et nous propose avec « La montagne aux trolls » une histoire sombre et oppressante dans laquelle une jeune conservatrice se voit irrésistiblement attirée par un étrange retable exposé dans le musée dont elle est responsable. Certains choisissent le registre de l'émotion, à l'instar de Magali Ségura qui nous conte dans « Une créature extraordinaire » la touchante amitié unissant une petite fille et un troll solitaire. D'autres, enfin, décident de situer l'action dans l'un de leurs précédents univers, comme Cassandra O’Donnell ou encore Patrick Mc Spare, avec ce que cela implique de gêne (voire d'ennui) pour le lecteur qui n'aurait pas lu les précédents romans...



La nouvelle qui m'aura le plus enthousiasmée est sans conteste « Le mythe de la caverne » de Gabriel Katz, un auteur que je n'avais jusqu'à présent pas eu l'occasion de lire mais qui signe ici un texte remarquable. Le lecteur y chemine en compagnie d'un groupe hétéroclite composé en majorité de vétérans des croisades en route pour le repère d'un terrible troll qu'ils espèrent bien vaincre afin d'empocher la prime offerte par les autorités. La nouvelle a beau être très brève, on s'attache immédiatement à chacun des personnages avec lesquels on a l'impression de chevaucher depuis bien plus que quelques pages, ce qui ne fait qu'accentuer le caractère (très) épique du texte. Grande amatrice de Pierre Pevel, j'ai également été sensible à son « Sous les ponts de Paris », nouvelle dans laquelle l'auteur nous replonge dans l'univers des « Enchantements d'Ambremer » (dont les trois volumes feront d'ailleurs l'objet d'une réédition chez Bragelonne à la fin du mois). On retrouve donc le Paris des merveilles du début du XXe siècle et on apprend que les trolls occupent un rôle essentiel au bon fonctionnement de la capitale : la gestion des ponts, dont ils en sont venus à adopter le nom et les caractéristiques. Saluons également les nouvelles d'Adrien Tomas et Estelle Faye dont il a déjà été fait mention plus haut, ainsi que celle de Jean-Luc Marcastel (« Seulement les méchants »). J'ai également comme chaque fois été sensible au texte de Megan Lindholm (« Vieux tacot »), même si le lien avec le thème de cette année s'avère assez ténu...



L'anthologie « Trolls et Légendes » de 2015 est incontestablement un très bon cru et permet de se faire une bonne idée de la qualité de la plume des auteurs français de SFFF. Notons que le troll semble en ce moment être un personnage à la mode puisqu'il a également été choisi en tant que thème de l'anthologie à paraître dans le cadre d'un autre festival, celui des Imaginales d'Epinal (« Trolls et licornes »).
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Widjigo

Après de nombreux romans chez Les Moutons électriques, Scrinéo et Critic, Estelle Faye entre cette fois dans le label Albin Michel Imaginaire avec Widjigo, sorti lors de la rentrée littéraire 2021. Voyons ce que ce roman du genre fantastique apporte à ce label.



Récit de survie

Un lieutenant républicain aborde un vieux château breton baigné par les embruns de l’Atlantique lors de l’année 1793 pour aller y saisir un noble, Justinien de Salers. Celui-ci héberge sa troupe pendant le déluge et en profite pour retenir le jeune Jean Verdier avec un récit de sa jeunesse. Une fois raconté, il sera prêt à le suivre, puisque celui-ci l’a traqué jusqu’ici. C’est ainsi que d’un contexte révolutionnaire, nous remontons de quarante années pour aller voyager en Amérique du Nord quand le jeune Justinien traînait son mal-être de noble déshérité là où ses relations de passage pouvaient l’emmener. Embringué un peu malgré lui dans une expédition pour enquêter sur une disparition, le protagoniste connaît à son tour un naufrage. Avec une dizaine d’autres survivants divers sur un équipage bien plus conséquent, il doit poursuivre sa mission mais surtout survivre. Dès la sortie de l’épave, les cadavres s’accumulent, d’autres surviennent, c’est la panique et l’évidence est là : il y a un tueur au sein du groupe et ça ne semble pas Justinien !



Horreur fantastique du Nouveau Monde

Même si les premiers paragraphes se tiennent en 1793 et en Bretagne, la quasi-totalité de ce roman se déroule quarante ans plus tôt sur l’île de Terre-Neuve et c’est l’occasion d’utiliser à bon escient les paysages de l’Amérique septentrionale. De grands espaces qui vous avalent et vous épuisent, une culture algonquine sur l’esprit des bois, bref il y a de quoi faire pour s’immerger dans ce « Nouveau Monde » vu par quelqu’un qui ne le connaît pas. Après quelques romans en fantasy ou en science-fiction, Estelle Faye mise ici sur un fond historique mais dans une forte ambiance de thriller horrifique, un peu à l’image du très bon Notre-Dame des Loups d’Adrien Tomas (chez Mnémos). Le côté survie à la suite d’un naufrage met un compte-à-rebours à la tentative de ce petit groupe pour atteindre leur destination, mais au bout du compte il y a plus dangereux que le grand froid et les tempêtes à répétition. Bien sûr, le lecteur ne sait pas toujours ce qu’il voit, mais le mystère n’en est que plus malaisant, jusqu’aux ultimes chapitres.



Widjigo est donc un roman tout à fait maîtrisé et efficace qui colore d’une belle façon le côté fantastique du label Imaginaire d’Albin Michel.



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L'arpenteuse de rêves

Ce roman me fait du pied depuis un long moment.

D'abord, c'est lors de la préparation du salon du livres du Barcarès où j'ai vu passer ce roman parmi tous les romans des différents auteurs sur la page FB du salon.

Ensuite, c'est lors du salon, que mon fils a craqué, lui aussi sur cette belle couverture et Estelle Faye qui nous en a brossé les grandes lignes.



Puis, c'est sur le challenge Mauvais Genres 2022, que je l'ai revu passer avec un bon commentaire, un 5 étoiles et comme je fais confiance aux membres qui m'ont fait découvrir de belles pépites, j'ai emprunté ce roman à mon fils.



Dès les premières lignes, j'ai été aspiré dans le royaume de Claren où vit l'arpenteuse de rêves : Myri.

Elle a un don qui lui semble plus une malédiction, elle peut entrer dans les rêves des autres mais c'est un secret qu'elle essaye de garder pour elle car ce don ne lui a apporté que du malheur jusqu'à présent.

Mais un jour, elle doit redevenir une arpenteuse pour sauver l'un des siens.

Elle vit dans la partie basse de Claren, où la pollution augmente et où d'étranges fantômes commencent à prendre forme.



La fin est surprenante aussi car je m'attendais à quelque chose de résolument positif après la grisaille et finalement, celle choisie correspond au reste du texte.

Y aura t-il un tome 2 ? C'est ce que je me demande. La porte ne semble pas fermée pour moi.



L'écriture d'Estelle Faye est incroyablement fluide. Les chapitres sont assez courts et on s'immerge complètement et sans mal dans l'histoire. Le plus difficile est de s'arrêter de le lire.



Au delà du roman jeunesse qui nous transporte dans un monde totalement nouveau, ce roman met en avant l'importance de la protection de la nature. De l'environnement comme des animaux qui y vivent, nous y compris.



Un livre jeunesse dans lequel les adultes vont aimer se plonger.
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Hollywood Monsters

Dans les studios d’Hollywood, encore tout fraîchement marqués de la crise de 1929, se tourne un film d’horreur : Le Nécromant. Le jeune Malachi, accessoiriste à l’essai, travaille d’arrache-pied à se faire une place dans son domaine grâce à ce tournage. C’est aussi l’occasion pour lui d’approcher une de ses idoles, l’acteur principal du film, le ténébreux Feodor Varazslo.

Comme si les difficultés financières ne suffisaient pas à compliquer le travail de tous, un étrange malheur vient frapper un à un des membres de l’équipe du film : ils sont retrouvés tout à tour comme plongés dans un état cataleptique, zombifiés.

La jeune star du film, âgée de douze ans, Doris Chamberlain, veut comprendre ce mystère qui a frappé sa maquilleuse et d’autres membres de l’équipe. Elle joint alors ses efforts à ceux de Mal pour résoudre cette troublante énigme, et découvrir l’envers du décor…



Très agréable roman jeunesse écrit à quatre mains, Hollywood Monsters est une plongée dans l’univers du cinéma de genre, le film de monstres. Une découverte peut-être pour le jeune public, mais également un très bel hommage pour ceux sans doute plus âgés qui, comme moi, goûtent à ces films « d’horreur » des années 30 devenus cultes.

Grâce à une écriture fluide et enlevée, les auteurs nous entraînent très vite dans un tourbillon d’actions, teinté de quelques scènes d’effroi savamment dosées. Un très bon moment à passer en compagnie de deux jeunes héros intrépides au cœur d’un monde d’artifices mais enchanteur !
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L'arpenteuse de rêves

J'ai choisi ce libre essentiellement à cause de sa couverture. Le contenu était lui aussi d'une grande richesse, et c'est tant mieux.

Il est difficile de classer ce livre. Roman d'aventures, fantasy, conte écologique ? Un peu des trois sans doute. L'héroïne, Myri, a de grands pouvoirs. Comme elle n'est pas née du bon côté des choses, son don - elle est une Arpenteuse, elle peut entrer dans les rêves d'autrui - son don a été exploité, et sa soeur a été tuée. Fin ? Non, commencement. Myri a appris à faire taire son don. Jusqu'au jour où l'un des siens, un de ceux qui font partie de sa famille recomposée, disparaît. Elle se lance alors à sa recherche, non pas pour elle, mais pour les siens.

Il faut s'attendre à être surpris - oui, c'est un paradoxe - parce que le récit ne nous entraînera pas là où nous pensions aller. Myri a si bien caché son talent que, finalement, il n'est pas le sujet central du livre - ni le sien, ni celui de Lélio, un des personnages que j'ai préféré dans ce roman. Il est capable d'aller très loin pour aider Myri alors que tant d'autres, ceux de là-haut, ne prêtent surtout pas attention... A qui, au juste ? Si, à Claren, certains vivent en bas, c'est bien pour ne surtout pas être vus. En lisant les discours qui étaient tenus sur eux, notamment par les gentilles dames patronnesses venus les aider, j'ai pensé aux discours que ces mêmes dames patronnesses, bien réelles, tenaient sur les personnes pauvres, en France ou ailleurs, il n'y a pas si longtemps. Si l'on est pauvre, misérable, c'est de sa faute, pas la peine de remettre en cause un système qui assure aux puissants d'être toujours plus puissants, sauf si, par un coup du sort, il se trouvait quelqu'un, quelque chose pour bouleverser l'existence de tous à Claren.

A lire si vous aimez les romans de fantasy différents.
Lien : https://deslivresetsharon.wo..
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Widjigo

Depuis « Until Down », un jeu vidéo d’horreur, je voue une certaine fascination pour les œuvres mettant en scène le Wendigo. Plus que la créature en elle-même, je recherche surtout une ambiance angoissante au fil des pages. Alors, lorsque j’ai vu qu’Estelle Faye avait écrit un nouveau titre sur le sujet, je n’ai pas attendu longtemps pour le découvrir ! J’ai retrouvé avec plaisir sa plume travaillée, complexe, mature, poétique et envoûtante. En quelques pages, elle m’a transportée aux côtés d’un groupe de naufragés qui vont devoir s’entraider, observer et déterminer ce qu’il se passe sur l’île où ils ont atterri. Dès lors, je ne voulais plus quitter ces lieux maudits ! En effet, au fil des jours, les survivants sont de moins en moins nombreux… Les victimes sont retrouvées dans des situations inexplicables avec, parfois, des blessures aussi animales que monstrueuses… Les esprits s’échauffent. La folie s’empare de certains individus. Que se passe-t-il ? À qui faire confiance ? Comment stopper ce fléau ?



Le texte est finement construit. On est sur de la mise en abîme avec un récit dans un récit, qui fait lui-même écho à plusieurs petits secrets ou histoires que chaque personnage conserve au plus profond d’eux-mêmes… Tout commence avec Jean Verdier, lieutenant de la République française, qui va arrêter le marquis Justinien de Salers. Celui-ci va narrer son vécu ainsi que toutes les choses insolites auxquelles il a dû faire face. Sa confession durera une nuit. Les deux époques s’entrelacent avec brio, ne laissant apparaître aucun temps mort. Bien que ma préférence se porte surtout aux événements de 1754, j’ai pris plaisir à suivre l’évolution des deux intrigues. J’ai également été séduite par la foule de personnages qui vont entourer Justinien. Certes, ils étaient un peu trop nombreux au début (de quoi me perdre, d’autant que je lis la nuit, avec une bonne dose de fatigue dans le sang) cependant, le nombre finit par vite se réduire, ce qui permet finalement de mieux s’y retrouver. Parmi les membres de l’expédition, on notera surtout Gabriel (qui a étrangement survécu à une autre expédition), l’impétueuse Marie, Veneur (un botaniste rejeté de tous), le Révérant Ephraïm (dont la démence s’accroît peu à peu), Penny / Pénitence (une jeune fille accompagnant le Pasteur), etc. Tous ces individus sèment le trouble. Estelle Faye joue la carte du mystère, proposant alors au lecteur d’avoir des réponses au compte-goutte.



La brièveté du texte n’enlève rien à son intensité. En effet, derrière cette histoire de monstre se dissimulent des sujets plus tendus comme la guerre, la culpabilité, la justice, la vengeance, la confiance, la religion, la mort et l’horreur. On n’est pas sur une simple histoire de « slasher » laissant des boyaux et de l’hémoglobine sous ses pas ! C’est bien plus subtil que ça… Comme dans « L’archipel du chien » de Philippe Claudel, on va surtout s’attarder sur les péchés des survivants. Des péchés terriblement Humains, mais condamnables de bien des façons…



C’était très intéressant ! Néanmoins, j’avoue que je m’attendais à une atmosphère plus terrifiante que celle-ci. Certes, il y a de la tension ainsi que des éléments effroyables toutefois, j’en attendais bien plus de ce côté-là. Il n’empêche que j’ai dévoré ce conte psychologique, fantastique et horrifique en deux soirées et que je l’ai noté dans ma liste des 80 sélectionnés ! Je suis certaine que « Widjigo » saura séduire un grand nombre de lecteurs, même ceux qui ne sont pas des adeptes de l’imaginaire…
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Un reflet de lune

Sept ans après le remarqué « Un éclat de givre » édité par Les Moutons Électriques, Estelle Faye revient à son Paris post-apocalypse avec un nouveau roman, publié cette fois par ActuSF dans un superbe écrin. L’occasion de retrouver Chet, chanteur de jazz se produisant dans les différents bars de cette cité à la fois familière et méconnaissable mais incontestablement plus dangereuse et polluée que notre capitale actuelle. L’autrice se montre avare de détails concernant les raisons de cette évolution, mais le lecteur se passe finalement très bien d’explications dont l’absence ne fait que renforcer l’aura de mystère qui entoure ce Paris futuriste à la fois fascinant et inquiétant. Après avoir mené l’enquête à propos d’une drogue aux effets étranges dans « Un éclat de givre », Chet se retrouve à nouveau entraîné dans un tourbillon d’événements qui le touchent cette fois de plus près. En effet, des rumeurs se répandent dans la ville et mettent en cause le musicien qui aurait été vu ici en train de fomenter des troubles, là en train de participer à un incendie, et même en train de commettre un assassinat… Bien décidé à découvrir qui sont ces sosies qui usurpent son nom et son visage pour commettre ces exactions, Chet va se retrouver confronté à toute une galerie de personnages extravagants et plus ou moins puissants qui vont lui permettre de mieux cerner les enjeux dont il est question ici. Car il n’y a pas que la vie de Chet qui se trouve bouleversée : la ville elle-même semble dans un piteux état, la crue de plus en plus inquiétante de la Seine et la pluie tombant continuellement sur la capitale participant à instaurer un climat délétère propice aux débordements. Opéra Garnier, Louvre, couloirs du métro, Arènes des Rhéteurs… : l’enquête de Chet va l’entraîner dans différents endroits de la cité qui se dévoile toujours un peu plus tout en restant difficile à cerner. En dépit de ce que l’intrigue peut laisser sous-entendre, ne vous attendez pas à un roman d’enquête et d’action puisqu’« Un reflet de Lune » tient davantage du récit intimiste que du polar. Un pari risqué mais très réussi dans « Un éclat de givre », où l’autrice était parvenue à trouver un bel équilibre entre les passages visant à faire avancer l’intrigue et les scènes d’introspection, mais qui, ici, ne m’a malheureusement pas convaincue.



Malgré mon impatience à retrouver Chet et son univers, je suis ainsi totalement passée à côté de ce roman qui semble pourtant, d’après les premiers échos que j’ai pu entendre, avoir réussi à charmer à nouveau les lecteurs qui avaient déjà apprécié le voyage la première fois. Peut-être ne l’ai-je pas lu au bon moment. Peut-être n’étais-je pas dans le bon état d’esprit. Toujours est-il que je n’ai pas du tout accroché à cette suite. D’abord parce que l’intrigue est quand même sacrément limitée et ressemble plutôt à un prétexte pour relater les états d’âme du personnage. Tout tourne autour de Chet qui ne s’intéresse qu’à Chet, si bien que notre héros passe plus de temps à repenser avec nostalgie à ses anciens amant(e)s et aux blessures qu’ils ont pu lui infliger qu’à s’intéresser à ce qui se passe dans la ville. Les révélations ou scènes d’action qui font avancer l’histoire sont expédiées en quelques lignes seulement, quand les tourments du musicien s’étalent sur des pages et des pages, finissant immanquablement par tourner en rond. Difficile dans ces circonstances de ne pas s’agacer du nombrilisme dont fait preuve le personnage, impression renforcée par un usage effréné des pronom « mon » et « ma », que ce soit pour désigner d’autres personnages qui se retrouvent définis uniquement par le rôle que Chet a choisi de leur attribuer dans sa vie (« mon chevalier blanc », « mon sorbon », « mon pianiste ») ou même la ville elle-même dont l’artiste parle avec un orgueil un peu déplacé. J’ai également peu apprécié l’hyper-sexualisation permanente du héros : qu’il soit Chet ou Thaïs (la femme qu’il devient lorsqu’il monte sur scène pour chanter), le moindre geste, la moindre posture sembler exciter le désir de ses différents interlocuteurs. Le héros passe d’ailleurs un nombre assez impressionnant de pages à se remémorer ses anciennes coucheries, ou à se faire nouveaux/nouvelles amant(e)s (dont la plupart après seulement cinq minutes de conversation, voire seulement de regards langoureux…). Dans le même registre, j’ai eu beaucoup de mal avec la manie de l’autrice de détailler systématiquement les tenues vestimentaires et le maquillage du personnage qui n’en paraît qu’encore plus superficiel, surtout lorsque ces considérations esthétiques prennent le pas sur l’urgence de la situation.



A mon grand étonnement je suis donc complètement passée à côté de ce roman qui met pourtant en scène un décor et un personnage qui m’avaient enthousiasmée il y a quelques années. Peut-être mes attentes ont-elles changées, ou bien le moment choisi n’était pas propice à ce type de roman, toujours est-il que j’ai trouvé le héros trop égocentrique, l’intrigue trop mince, et certains choix narratifs trop exagérés. N’hésitez pas à aller lire les chroniques bien plus positives rédigées par les autres blogueurs, pour ma part j’ai l’impression d’avoir été à côté de la plaque tout au long de ma lecture.
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Porcelaine : La légende du tigre et de la tis..

Je sors de ce bouquin avec une impression beaucoup plus mitigée que pour "Un éclat de Givre" que j'adoré du début à la fin.



Ici, si les deux premières parties sont passionnantes, les personnages y étant cohérents et assez attachants, la troisième m'a laissé perplexe, parce que je me suis totalement détachée de tout ce petit monde. Ce qui est relativement dingue quand on y pense. J'ai trouvé que ça n'avait pas de cohérence avec les deux premières parties, en fait.



Je m'explique (mais ce sera en spoiler, désolée).





Bref, ce dernier "chapitre" dans la vie des trois protagonistes principaux, pour moi, il ne passe pas du tout. Il m'a gâché ma lecture que j'avais tant appréciée jusque là. Snif. Je suis assez déçue, je ne vous le cache pas. Je pense que je suis trop terre à terre en ce moment et ce bouquin trop onirique pour que je l'apprécie vraiment. J'm'en vais ressortir "Un éclat de givre" je crois...
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