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Critiques de Jón Kalman Stefánsson (1133)
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D'ailleurs, les poissons n'ont pas de pieds

Je suis totalement séduite par la plume de j.k.stefanson que je découvre. Non seulement la poésie y est reine mais plus encore, Stefanson parvient à traduire avec une justesse percutante les sentiments,le ressenti de tout ce qui constitue notre vie d'humain. Parfois, j'ai relu lentement, intérieurement certaines phrases, troublée par l'écho qu'elles procuraient en moi. La vie,l'Amour,la mort, virevoltent ensemble,dans un tourbillon qui procure,bonheur, nostalgie,tristesse sans transition. Ce tourbillon semble n'obeir à aucune logique . C'est d'ailleurs ce tourbillon intemporel qui m'a perdue. Car si je suis indéniablement amoureuse de cette plume, j'avoue ne pas avoir été capable de m'adapter à la construction singulière de ce roman. J'ai été désorientée et n'ai pas pu trouver mon fil conducteur. Trois générations sont convoquées à travers un personnage principal qui est le trait d'union entre tous les autres et "aujourd'hui" et " jadis". C'est Ari. Après avoir brisé en une fraction de seconde son bonheur en quittant la femme de sa vie, il quitte également le Danemark pour retrouver son Islande natale et à travers elle les souvenirs qui le constituent. Un peu comme avec un kaléidoscope,j'ai repéré les mosaïques les plus importantes,je me suis émerveillée, mais je n'ai pas réussi à remettre de l'ordre, à relier clairement tous les morceaux ! C'est donc ma seule incompétence qui explique les 3 étoile et demie et non pas 5 belles étoiles. Je retrouverai cet auteur dans d'autres romans car je ne peux pas m'avouer vaincue face à une écriture d'une telle beauté !
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La tristesse des anges

Le gamin a trouvé refuge chez Gierbrudur, il se devait de rapporter à Kolbeinn le livre emprunté par Baldur c'est chose faite. Trois petites semaines se sont écoulées , Jens le postier accepte de remplacer son collègue malade et d'effectuer sa tournée vers le Nord. Il ne connait pas la tournée et la tempête fait rage... Helga demande au gamin de l'accompagner et de veiller sur lui...

Commence alors un long cheminement. Neige, vent, tempête, froid. Arriveront ils sains et saufs? Neige, vent, tempête froid et la mort qui rode. Jens et le gamin , le gamin et Jens, un duo improbable se forme...

Les anges pleurent, les flocons tourbillonnent et les morts parlent et guident les vivants. Les mots s'envolent, les poèmes emportent les hommes et les rêves leur permettent de survivre.

J'ai pris mon temps, tout mon temps. Je me suis arrêtée, asphyxiée par les intempéries, émerveillée par la prose de Jon Kalman Stefansson si bien mise en lumière par Eric Boury. Je suis restée en pause après avoir lu et relu certaines pages . Me voilà arrivée au bout de ce voyage mais le coeur de l'homme m'attend fort heureusement.



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Ásta

Le nouveau livre de Jón Kalman Stefánsson est absolument magnifique !



Il nous raconte la vie d'Ásta et de ses parents dans l'Islande des années 50. Alors qu'il pourrait se contenter de nous raconter ces vies dans un style naturaliste qu'il maîtrise parfaitement, il prend le parti d'exploser la narration en mélangeant au sein d'un même chapitre, parfois d'une même phrase, les temps et les époques, les personnages, les espoirs et les désillusions. Le tour de force de Stefánsson est que cela ne rend pas le livre difficile à lire. Au contraire, la lecture reste d'une fluidité stupéfiante, alors que l'écriture de Stefánsson gagne en profondeur et en subtilité. "Il est impossible de raconter une histoire sans s'égarer, sans emprunter des chemins incertains, sans avancer et reculer, car nous vivons en même temps à toutes les époques. (P463) "Il n'est désormais plus possible de raconter l'histoire d'une personne de manière linéaire, ou comme on dit, du berceau à la tombe. Personne ne vit comme ça." (P35)



Le livre de Stefánsson est un hommage à la vie, à l'amour, à ses désillusions, aux regrets, à la folie et à la douleur de vivre. Ses personnages aimeraient aimer comme il faut, mais ils n'y arrivent pas. Ils sont à contretemps, n'arrivent pas à dominer leurs instincts. Ils sont sans méchanceté ni malice, mais il est difficile d'affronter la vie et il est parfois plus simple de fuir face à elle (à l'étranger, dans l'alcool, dans l'écriture...). Et tout cela se transmet et se reproduit de générations en générations, sur fond d'Islande qui elle-même se transforme (modernité, tourisme de masse...). Car le plus grand tallent de Stefánsson, c'est évidement de nous faire vivre en Islande le temps d'un livre. On ressent la fragilité des hommes qui essaient de survivre dans cette nature hostile. On ressent le froid, la solitude, l'âpreté de la nature, avec cette langue poétique et admirablement rendue par la traduction d'Eric Boury.
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D'ailleurs, les poissons n'ont pas de pieds

Ari a quitté sur un coup de tête femme et enfants, une vie qui l’étouffe, un pays, l’Islande, une île où il se sent trop à l’étroit.

Deux ans plus tard son père va mourir, il revient de Copenhague sans avoir trouvé ce qu’il cherchait – mais que cherche-t-il vraiment ? – et regrettant ce qu’il a perdu.

Parviendra-t-il à parler enfin à son père, à retrouver la confiance de sa femme, le sourire de ses enfants devenus grands ?

Il a dans la poche le diplôme d’honneur décerné en 1944 par les marins de Neskaupstadur à son grand-père Oddur pour son action en faveur de la pêche et des pêcheurs, toute une vie passée à améliorer leurs conditions. Oddur qui était marié à Margrét, sa grand-mère, femme rêveuse et angoissée, parfois dépassée par le poids de la vie, les soins aux vieillards, aux enfants, l’alcoolisme des hommes, la solitude des femmes…

Ari atterrit à Keflavik, ancienne base américaine, maintenant ville morte, anéantie par les quotas de pêche et le chômage qui en a découlé, où l’attend le narrateur, son ami de jeunesse. Il est assailli par les souvenirs et les regrets…

…la vie des hommes au temps de ses grands-parents, l’absence de sa mère disparue trop tôt, sa jeunesse entre un père taciturne et une belle-mère meurtrie, un premier amour déçu, sa passion pour les livres, la musique des années 70, le climat impitoyable de cette partie de l’Islande balayée en permanence par les vents, les relations avec les Américains.

Un livre rempli de nostalgie, sur la difficulté de vivre, ce qu’on oublie de dire, ce qu’on ne veut pas voir, la violence des hommes, la souffrance des femmes, la permanence de cette douleur à travers les générations, à travers les siècles. Et la mort contre laquelle il faut lutter, avec les histoires que l’on raconte, les mots que l’on écrit.

Un très beau texte, très poétique, dans lequel Jon Kalman Stefansson poursuit de sa magnifique écriture son exploration du cœur de l’homme et dont la résonnance est universelle.

Merci à Babelio, Masse Critique et aux éditions Gallimard de m’avoir permis de découvrir ce livre et de rencontrer son auteur.

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Mon sous-marin jaune

Mon sous-marin jaune

J’ai attendu plusieurs semaines avant d’ouvrir le dernier roman Mon sous-marin jaune parce que lire Jón Kalman Stefánsson est comme être témoin d’une aurore boréale pour moi. On a envie que ce moment ne finisse jamais, on s’y prépare pour mieux le savourer et puis on se dit qu’il faudra attendre peut-être longtemps avant d’en revoir une autre.



Mon sous-marin jaune n’est pas mon titre préféré de Jón Kalman Stefánsson. Si vous me demandiez à l’instant précis par quel livre de l’auteur et poète islandais commencer, j’hésiterais entre Asta et Ton absence n’est que ténèbres, mes deux préférés. Pourquoi ai-je moins aimé ce roman que les précédents alors que c’est visiblement le plus personnel, le plus autobiographique ? Je crois d’abord que j’ai un souci d’adhésion en règle générale avec les livres à hauteur d’enfant (je pense en particulier à La vie devant soi de Roman Gary que j’ai abandonné très vite car je n’arrivais pas du tout à rentrer dans le livre alors qu’il est si souvent cité comme grand classique). Mon sous-marin jaune invite aussi beaucoup le lecteur dans l’imagination de l’enfant, c’est probablement le roman le plus loufoque de Jón Kalman Stefánsson et cela m’a moins emporté qu’habituellement.J’ai par contre été beaucoup touchée par le récit de la mort de sa mère alors qu’il a 6 ans et toutes les conséquences que cela va avoir sur sa vie. La perte ne cessera de le hanter (écrire ce livre est-ce une façon de la laisser enfin partir ?) et j’ai noté à ce sujet quelques phrases que j’ai trouvées trop belles pour les garder pour moi :



Le passé ne passe jamais, il nous colle à la peau et refuse de nous lâcher. Il est dans tout ce que nous faisons, pensons, ressentons, pourtant il ne revient pas.



Lorsque toutes les issues sont condamnées, lorsque le coeur est lacéré, quand tous les ponts sont brûlés ou effondrés, les routes disparues ou devenues impraticables, les larmes et les caresses sont sans doute les seules choses qui puissent aider ceux qui sont incapables de parler.



La perte est aussi celles de Sesselja et Gudmundur, ce couple de voisins âgés chez qui il se réfugie d’un père taiseux et parfois violent. Tous les passages les concernant sont magnifiques.Il me semble que grâce aux superbes traductions d’Eric Boury, j’ai lu aujourd’hui tous les romans de Jón Kalman Stefánsson. Cela me donne le privilège de pouvoir dessiner des ponts entre eux, de trouver des échos et d’en dégager une liste de petits plaisirs de lecture :



la découverte de ses sous-titres à l’intérieur de chaque chapitre si « Stefánssoniens »

ce savoureux mélange de mélancolie, de nostalgie et d’humour

la place des livres et l’importance des mots dans le destin de ses personnages

l’importance des lettres manuscrites (à chaque fois je regrette de ne plus en envoyer ni recevoir)

l’impression d’être transportée dans ces paysages hostiles de froid et de neige

brancher son casque et chanter à tue tête Da ya think I’m sexy ? (j’avoue je préfère cette chanson et la fabuleuse I’m sailing qui me colle des frissons à chaque fois à celles des Beatles ).

Si vous voulez savoir quelle est l’importance de cette Trabant, voiture présente sur la photo, si vous voulez savoir pourquoi l’écrivain aime autant les Beatles, si vous vous demandez comment la vie personnelle de l’auteur a influencé son oeuvre, il ne vous reste plus qu’à entrer à votre tour dans Mon sous-marin jaune.
Lien : https://www.chocoladdict.fr/..
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Ton absence n'est que ténèbres

"Certaines vies semblent si dénuées d'événements notables qu'il est difficile de les décrire. Tout autant que les poteaux d'une clôture. Et pourtant ce sont ces poteaux qui soutiennent tout."



Et dans ce livre ce sont d'infimes choses qui soutiennent le récit, font palpiter le ventre, trembler le cœur et chavirer l'esprit. C'est un puzzle gigantesque que construit l'auteur à l'aide de pièces minuscules qui dessinent plus d'un siècle du destin d'une famille islandaise. C'est la bonne image, il me semble. Aucune chronologie, aucun ordonnancement, le puzzle prend forme au gré des associations que l'esprit et la main effectuent à l'instinct. Entrer dans ce livre c'est accepter de se perdre au fond du fjord où tout a commencé au milieu des moutons, d'affronter les congères selon les moyens de chaque époque, suivre un guide qui ignore parfois où il va et surtout qui il est. Pourtant. Pourtant tout est là. L'essentiel. La vie, l'amour, la mort. C'est un immense poème qui se déploie à travers les âges, embrasse les vivants et les morts dans une même étreinte, explore la toute-puissance de la nature depuis les sous-sols abritant tombes et lombrics jusqu'aux vastes étendues glacées entre deux bourgades. Le résumer est impossible, il ne raconte pas une histoire il est toutes les histoires et toutes les dimensions de la vie. Il est la démonstration du pouvoir de l'écrivain démiurge, capable de réveiller les morts pour mieux célébrer les vivants. Les mots y sont rois, ceux des livres qui portent la connaissance et changent les destins, ceux des chansons qui consolent et relient même les plus désunis ou éloignés. Il y en a un parmi tous qui résonne et traverse les pages, marque de son empreinte le lecteur de plus en plus ému, c'est "amour" ; il arrive sans prévenir, déploie toute sa force tendre et sa douceur brute puis s'éclipse le temps de se faire oublier pour mieux revenir. Il unit pour un instant ou pour la vie. Comme la sève qui irrigue le vivant. L'auteur se joue de la temporalité, des distances et des mondes parallèles. Après avoir lu ce livre on ne verra plus jamais un cimetière de la même façon. Car c'est avant tout une célébration de la vie dans tous ses émois, ses douleurs, ses désirs, ses erreurs, ses trahisons et ses brefs instants de plénitude qui justifient tout le reste. C'est grandiose, virtuose, magique, éblouissant.



"Le bonheur n'a-t-il donc aucune endurance, pourquoi supporte-t-il si mal la vie, et encore moins la mort ?"
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Ton absence n'est que ténèbres

Je viens de refermer le dernier Stefànsson. « Ton absence n’est que ténèbres. »



Ce livre est un OLNI (Objet Livresque Non Identifié). 680 pages quand même.



Il faut parfois s’accrocher car tout n’est pas simple dans ce roman. La remontée du temps, les liens familiaux peuvent être déconcertants. Le style est aussi particulier avec des répétitions, des moments de philosophie sur la vie, la mort, l’amour. Des moments très poétiques comme toujours avec cet auteur. Mais ces noms islandais… ils ne sont pas toujours simples à retenir.



Ce n’est pas un livre à mettre entre toutes les mains, ni qui plaira à tous… Mais ce sera un délice pour certains.



Pour finir, un abécédaire incomplet…



A comme Abandon, il y en a beaucoup dans ce roman.



B comme Beauté des mots, des descriptions.



C comme Chansons, plusieurs sont citées.



D comme Diable… Est-ce lui ou un autre…



E comme Ecriture : rédemption, remède contre l’oubli



F comme Fjord



G comme Gudridur, malheureusement mon clavier n’a pas les lettres islandaises.



H comme Honte, Homosexualité.



I comme Immigration



J comme Jument



K comme



L comme Lombric… Qui eut cru que de tels insectes puissent jouer un tel rôle.



M comme Mort



N comme Neige



O comme Oxyure



P comme Poétique



Q comme Quatrains



R comme Retours, il y en a plusieurs



S comme Suicide, ultime abandon



T comme Trahison



U comme Uppsalir



V comme Voyage



W comme



X comme



Y comme



Z comme





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Lumière d'été, puis vient la nuit

Un livre merveilleux, profond, tendre, poétique, anachronique. La beauté des mots étonne au détour du quotidien d'un petit village tranquille ou presque. Les jours cent, on écoute la pluie en regardant le fjord, ou on cherche l'apaisement en contemplant la mer éternelle, une chose plus vaste que nous. Jón Kalman Stefánsson égratigne allégrement le mode de vie actuel, certes plus confortable que jadis, mais si insatisfaisant à courir après tout et n' importe quoi. L'auteur s'amuse aussi à émailler les émois amoureux de traits coquins, ce qui agrémente d'un sourire intérieur la lecture d'une chronique gorgée d'humanité.
Lien : http://cinemoitheque.eklablo..
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Lumière d'été, puis vient la nuit

Jón Kalman Stefánsson saisit pour nous des instants de vies dans un petit village islandais qui n'abrite ni cimetière ni église et dans lequel il ne s'y passe, en apparence, pas grand chose. Le temps s'y écoule comme il doit s'écouler, il impose sa marque sur ses paysages, sur son économie, il trace sa route. L'auteur s'interroge sur le sens de la vie et en se faisant le chroniqueur de ce petit village islandais, en nous racontant les histoires de ses habitants, il nous offre un semblant de réponses. Pourquoi vivons-nous ?

« Il y a tellement de choses que nous ne comprenons pas, et nous redoutons parfois de poser les questions qui nous dévoilent et nous exposent, entièrement nus, aux yeux du monde. »



À travers les portraits des habitants de ce village, c'est une description universelle de l'humain que nous lisons, avec ses mystères, ses chimères, ses fantômes, ses joies, ses peines, ses doutes, ses angoisses, ses rêves, ses pertes, ses jalousies, ses vengeances … parfois à la limite de la raison. Parmi ces habitants, il y en a un « qui porte la voûte céleste dans sa tête », un hurluberlu Astronome qui rêve en latin, il y a Ágústa, une postière bien fouineuse, Elísabet, une jeune femme séduisante qui suscite jalousie dans bien des chaumières, il y a Davíð, un jeune homme doux et rêveur qui se prend dans les filets d'un premier amour, Jonas, capable de transformer le monde grâce à ses pinceaux … et tant d'autres qui ont su m'émouvoir, me bouleverser. Connaît-on vraiment quelqu'un ? Nous « ne percevons la plupart du temps que la surface sous laquelle se déploient des mondes dont nous ne soupçonnons même pas l'existence. »



Jón Kalman Stefánsson raconte la vie, la mort, l'amour, la passion, il raconte aussi notre monde d'aujourd'hui, celui où tout va plus vite, où l'on ne prend pas ou plus le temps de prendre le temps, où nous devenons impatients, un monde qui se dérobe sous nos pieds.



« Le temps passe, nous vivons, puis nous mourons. Mais qu'est-ce que la vie ? La vie, c'est quand Jónas pense à la courbe de l'aile d'un oiseau, c'est quand il s'endort, bercé par la respiration profonde de Pórgrimur, oui, c'est tout à fait ça, mais pas uniquement. Et quelle est la largeur de l'espace qui sépare cette vie de la mort, d'ailleurs cette espace existe-t-il, et si oui, quel nom lui donner ? Doit-on le mesurer en kilomètres ou en pensées, certains peuvent-ils se glisser dans cet interstice - où ils avanceraient et reculeraient à leur guise ? »



Il y a de la lumière dans les écrits de Jón Kalman Stefánsson, une lumière intérieure douce et tamisée, scintillant de poésie.
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D'ailleurs, les poissons n'ont pas de pieds

Cette fois c'est décidé : quand je serai grand je serai Jon Kalman Stefansson.

Je prendrai un stylo, une grande inspiration, et j'écrirai des poèmes.

Des poèmes géants, déguisés en roman, avec des titres farfelus genre "D'ailleurs, les poissons n'ont pas de pieds".



Car ne nous y trompons pas : quoi qu'en dise la mention "roman" inscrite par un plaisantin sur la couverture, ce livre c'est tout autre chose.

Plutôt un poème en prose, polyphonique, qui court sur 500 pages et s'éparpille sur trois générations, un poème comme un océan d'images puissantes qui secouent l'âme et où surnagent quelques mots barbares en islandais, un poème qui ne dit pas son nom mais un poème quand même.

Un beau poème, qui plus est !



Le genre de livre inclassable, qu'on ne peut s'empêcher d'annoter à chaque page mais qu'on serait bien en peine de résumer.

On pourrait dire qu'il y est question d'un homme et de ses souvenirs, de sa famille et de ses amours déçus, de l'Islande avant tout et de ses trois points cardinaux (le vent, la mer et l'éternité !) mais ce serait tellement réducteur que je préfère écourter le pitch.

Attardons-nous plutôt sur la plume envoûtante de Jon Kalman Stefansson. Penchons-nous sur ses phrases à rallonge et pourtant si légères, sur ces virgules à foison, des virgules comme s'il en pleuvait, qui marquent la cadence, irrégulières et saccadées comme l'électrocardiogramme d'un coeur fatigué, ou ému, ou exalté. Et l'on est tout ça à la fois (et bien d'autres choses encore !), quand on lit Stefansson.

Ses histoires enchevêtrées nous font voyager entre les lieux et les époques, le long des côtes déchiquetées et jusqu'au coeur glacé de cette île hors du monde qu'il décrit comme personne, une terre âpre, "à peine habitable les mauvaises années", une terre de solitude ("c'est à croire que la solitude est fabriquée ici même, qu'elle sort de la terre avec toutes vos satanées éruptions et qu'ensuite elle va se déverser sur le monde").



Alors c'est vrai, en refermant l'ouvrage, on ne sait plus trop quelle(s) histoire(s) l'auteur a voulu conter. Son héros Ari, expatrié à Copenhague mais récemment de retour en son Islande natale, ne peut pas faire un geste sans réveiller mille souvenirs enfouis, et les allers-retours temporels entre Keflavík et Norðurfjörður (à vos souhaits !), entrecoupés de digressions nombreuses et parfois surprenantes, finiront peut-être par fatiguer certains lecteurs... Un pas en avant, trois pas en arrière : l'action progresse lentement (mes pauses régulières pour relire et savourer tel passage, pour recopier telle phrase dans mon petit carnet de citations, y sont sans doute pour quelque chose...) Mais où est-il écrit que le rythme d'une bonne intrigue est nécessairement frénétique ?

Chez Stefansson on prend son temps, on rêve, on se transporte ailleurs sans pouvoir s'empêcher de chercher des parrallèles entre nos propres expériences et les vies qui nous sont racontées. N'est-ce pas le propre de la littérature ?



Après l'inoubliable Ásta, il s'agit là de ma deuxième incursion dans l'univers incroyablement poétique de Jon Kalman Stefansson.

Je sais déjà qu'il y en aura d'autres, et il me tarde de reprendre la mer avec lui, de poser à nouveau le pied sur ce monde "à l'arrière de toute chose", "cette étendue de terre créée en dernier par Dieu, à la toute dernière heure". Quel bonheur de parcourir ce monde où "les nuits sont parfois si tranquilles que les fjords se peuplent d'anges et que l'air s'emplit du bruissement de leurs ailes", quel bonheur d'arpenter ce monde où les chutes de reins des plus jolies filles "abolissent tous les axiomes et mettent en péril l'ensemble de théorèmes mathématiques", ce monde où les marins se jettent à l'eau pour rejoindre la lune à la nage et où les points cardinaux sont au nombre de trois !
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D'ailleurs, les poissons n'ont pas de pieds

C’est à la réception d’un colis envoyé par son père, qu’Ari décide de rentrer au pays. Il quitte le Danemark pour s’envoler vers Keflavik, petit port qui a bercé son enfance, mais aussi celle de ses ancêtres. Il est temps pour lui de retrouver la mémoire et de comprendre ce qui a motivé son exil pour fuir son passé familial.

Grâce à ce retour en Islande s’enclenche la saga d’une famille sur trois générations.

Comme toujours chez Jon Kalman Stefansson, on retrouve un univers empli de poésie, de personnages merveilleux, tels le grand-père d’Ari, le fameux capitaine Oddur et sa grand-mère, l’ensorcelante Margret.

J’ai aimé cette écriture si particulière qui décrit parfaitement l’ambiance glaciale, la fureur des éléments qui font comme toujours chez l’auteur partie intégrante de l’histoire.

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Ásta

C'est un beau roman, c'est une belle histoire, c'est... Non.

Ásta, c'est la biographie morcelée d'une jeune islandaise qui... Non plus.



Rhâââ, je savais bien j'aurais dû m'atteler à cette critique la semaine dernière, à peine le livre refermé ! Dans la foulée, dans l'élan, peut-être aurais-je réussi à trouver quelque chose de potable pour ouvrir ce billet ? Jón Kalman Stefánsson - que je découvre ici en me demandant comment j'ai pu passer à côté si longtemps ! - aurait peut-être pu me souffler les mots justes pour dire combien j'ai aimé ce superbe roman.

Mais c'est trop tard.

J'ai bêtement attendu, j'ai laissé le train-train quotidien me distraire, j'ai lu du moins bon, du plus anecdotique, et je me retrouve incapable de pondre quinze lignes dignes d'Ásta.

J'espère qu'elle ne m'en voudra pas, ni vous non plus d'ailleurs.



Mais au fait, qui est Ásta ?

Voilà la question centrale de ce récit kaléidoscopique et diablement poétique (voire poétiquement diabolique !), une question plus complexe qu'il n'y parait... Stefánsson, qui se met lui-même en scène dans son propre roman, y répond par fragments, par ricochets et par éllipses, en suivant sa propre logique qui brise les linéarités et se joue volontiers des contraintes chronologiques, puisque de toutes façons, "il est impossible de raconter une histoire sans s'égarer, sans emprunter des chemins incertains, sans avancer et reculer"...

Sigvaldi, le père d'Ásta, nous offre lui aussi des éléments de réponse en égrenant dans le désordre quelques souvenirs brumeux, les yeux tournés vers le ciel (le vieil homme est au sol, après être tombé d'une échelle). Jolies circonvolutions narratives, qui tourbillonnent et décuplent les émotions.



Outre cette construction atypique et magistralement élaborée, le lecteur appréciera forcément la plume envoûtante de Jón Kalman Stefánsson.

Faut dire que le bonhomme maîtrise à la perfection l'art de la formule juste, celle qui désarme, celle qui éclate comme une évidence, celle qui surgit à la manière d'une étoile filante et qui porte en elle quelques précieux éclats de Vérité. Combien de fois ai-je interrompu ma lecture, un bref instant, juste le temps de laisser infuser les mots ?

Ajoutez à tout ça les merveilleuses descriptions des paysages islandais, rocailleux et grandioses à souhait, des personnages aux caractères bien trempés, des couples qui déraillent et d'autres qui éclosent dans les fjords de l'Ouest, et une palette de thématiques aussi variées qu'universelles, comme la quête du bonheur, les affres du deuil, l'omnipotence de la fatalité, et bien sûr les sempiternels mystères du coeur ("qu'est-ce que l'amour, et comment l'évaluer autrement que par la douleur de l'absence ?") : vous obtenez un texte fort, un portrait singulier fait d'ombre et de lumière, à la fois beau dans sa richesse et dans sa bouleversante simplicité.



Mon seul regret ? Avoir emprunté ce livre à la bibliothèque, et par conséquent n'avoir pas pu l'annoter, le surligner, et le prêter autour de moi.

Il ne me reste plus, je crois, qu'à l'acheter pour le relire et y trouver peut-être de nouvelles réponses à cette délicate question, ô combien pertinente : "n'est-il aucun chemin qui nous mène hors du monde ?"
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D'ailleurs, les poissons n'ont pas de pieds

Je suis fort partagée. D'un côté, l'auteur a le talent de nous faire aimer son pays, l'Islande, et ponctue son récit d'images fort poétiques et d'aphorismes. De l'autre, il nous malmène sans cesse, mélangeant les périodes de temps, les histoires, si bien que le lecteur que je suis s'est totalement perdue et a erré pour trouver un fil conducteur, qui peut-être réside dans le titre, dans sa signification. Mais arrivée au terme de l'histoire, la boucle a-t-elle été bouclée ? J'ai davantage l'impression que le vent a soufflé sur les terres arides d'Islande et que j'ai été prise par le ressac de la mer, ne sachant comment retrouver mon souffle entre deux vagues. Reste une impression de grand conteur, mais dont on ne comprend pas bien où il a voulu nous emmener.



Quand je vois les cotes dithyrambiques reçues par l'auteur, peut-être a-t-il mieux réussi à faire surgir la magie dans d'autres livres ? Je ne suis pas sûre toutefois d'avoir l'envie ni le courage de me lancer à leur découverte. Trop mitigée après cette lecture-ci. Et pourtant, non je ne peux pas dire que c'est mauvais, mais cela ne m'a pas transportée, loin de là.
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D'ailleurs, les poissons n'ont pas de pieds

Je tiens à remercier Babelio, les éditions Gallimard pour m'avoir permis de lire pour la première fois Stefansson cet auteur Islandais.

Ce roman est très interessant et riche car il relate l'histoire d'une famille ... Ce qui est banale ... Lui il le fera sur trois génération ...

Il ne faut pas se perdre dans le récit .. Et resté concentré sinon on s'y perd vite .

Nous voyageons entre les différentes epoques ce qui donne un caractère assez atypique et original ....

Le roman est très bien écrit et vraiment qu'est ce que c'est agréable .

Ari revient au Danemark apres etre parti de l'Islande ... Tout ceci vous vous en douté pour des discordes familiales .

Je ne vous en dit pas plus mais si vous avez le temps de vous posez ... Je vous recommande ce livre ... Vous l'apprécierez à sa juste valeur .
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Ásta

Depuis "D'Ailleurs les poissons n'ont pas de pieds", j'attendais le bon moment pour me replonger dans l'oeuvre de l'islandais Jon Kalman Stefansson.

Le bon moment parce que j'ai beau avoir adoré ce "D'ailleurs les poissons n'ont pas de pieds", je n'étais pas sûre de me sentir prête, parce qu'après ce premier voyage, coup de coeur qui finit par le briser, j'ai été percutée de plein fouet par la conviction que se plonger dans les histoires de cet auteur-là, c'était prendre un bain de beauté autant que de tristesse, de grâce autant que de désespoir, que c'était accepter d'avoir le coeur égratigné jusqu'à l'écorchure. Que c'était accepter de se noyer.

Et comment dire? Pour se noyer en littérature, il faut avoir bien pied par ailleurs.

Et puis, il est aussi de ces auteurs et de ces plumes pour lesquels on éprouve un tel coup de foudre qu'on ne peut pas se permettre de les gouter trop vite. Au contraire, les romans de ceux-là, il faut se les garder au chaud, un peu comme un cadeau qu'on offre à soi-même.



Février, et cet hiver qui n'en finit pas. Février et sa mélancolie. C'était le moment pour "Asta" qui, littéralement, m'a envoutée.

"Asta", l'amour fou, la puissance des paysages islandais, le déchirement, la lumière des jours d'été, le désir, les nuits d'hiver.

Construit comme un puzzle, par fragments et par éclats, le roman nous raconte la vie d'Asta de sa conception au début des années cinquante à sa maturité. C'est un texte exigeant qui alterne entre les époques et les points de vue, qui nous prend par la main pour mieux nous perdre et nous laisser -seuls- renouer les fils, replacer les pièces.

Un texte qui dit la difficulté de raconter une vie de manière linéaire et sans s'accrocher à toutes les autres, qui dit l'irréconciliable différence entre la vérité du coeur et celle des faits, qui dit le bonheur et la douleur d'aimer, les pesanteurs tragiques des existences blessées et des rêves déçus, la violence sourde du temps qui passe et qui ne revient pas, les silences et les non-dits qui étouffent et tuent, le désir de liberté et celui des corps de ceux qu'on aime à en crever ou à en avoir peur.



Il y a la voix de Sigvaldi, le père d'Asta, qui tombé d'une échelle raconte son enfance cabossé et son amour pour la trop belle Helga; il y a les lettres d'Asta à son amant perdu; il y les fjords de l'ouest et le regard noir de Josef, il y a Reykjavik et Vienne -comme dans la chanson de Barbara-, il y a la beauté grave de Sigrid, l'ombre légère de Sesselja et celle de la nourrice. Il y a l'auteur qui aimerait raconter et écrire encore.

De ces pans de narrations épars, intenses et magnifiques renaît une fresque familiale poignante jusqu'à la douleur et la silhouette d'une femme forte et fragile à la fois, triste et lumineuse.

"Asta" est aussi dévastateur et intense que son héroïne, aussi lyrique et charnel, aussi vivant, aussi violent et d'une poésie presque trop belle, comme la voix de Nina Simone.









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Ásta

J'achève l'année 2018 par une lecture déconcertante. C'est difficile de décrire ce ressenti, cette frustration. Tel un diamant qui se cache derrière un épais brouillard. On sait, on ressent toute la beauté, mais cette brume opaque nous fait barrage. Parfois, une dissipation, et un éclat de lumière vient nous redonner espoir, nous guider vers le bon chemin. Finalement on arrive au bout du voyage, car l'épilogue heureusement nous éclaire sur tout ce qui a précédé, n'aurait -il pas été plus judicieux de commencer par la fin ? On se le demande !

Une construction en fouillis, des prénoms islandais qui n'ont pas aidé à mettre des balises sur l'itinéraire en labyrinthe, mais une saga familiale avec des hauts et des bas. Asta, est un personnage intéressant malgré tout.

Et de très beaux passages sur les amours à l'image du roman, chaotiques, forts, qui finissent pas toujours heureux.

J'ai aimé par contre le climat islandais, les champs de lave, le vent, le froid; le séjour d'Asta à la ferme. Ses lettres qui jalonnent ce roman comme des bouteilles à la mer.

Ce livre est certes difficile à suivre, mais il y a de l'originalité. La difficulté à me repérer à ôter le plaisir de lire.

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Ásta

Vos livres se savourent. J’attends toujours avec impatience le prochain. Je me l’approprie, le pose. Il me suit partout dans la maison - Il me faut un certain temps avant d’ouvrir vos romans - Il est là, il m’attend, il se fait désirer, je m’en lèche les babines et le moment venu, Je me pose à mon tour et me délecte à vous lire. C’est le pouvoir de votre écriture sur moi, lectrice. C’est exquis.



J’ai eu l’occasion de vous le dire, lorsque nous nous sommes rencontrés à Metz le 15 septembre 2018.



Je confirme mon plaisir de vous lire avec Asta que je viens de terminer. Si je l’avais lu avant que nous nous rencontrions, que de questions j’aurai pu vous poser sur ce livre. Quelle est la part venant de vous et la part d’invention ? D’où tirez-vous le portrait des femmes que l’on découvre dans vos romans ?



Des fils sont tirés, ils se croisent, se perdent, se retrouvent, le lien est toujours là. Tout se tient. Et ce lien est HELGA et sa fille, ASTA, Asta, si belle, si sensuelle, si… Etes-vous sûr de vouloir la rencontrer ? Le malheur n’est jamais loin.



Voici ce qu’écrit Jon Kalman STEFANSSON dans son roman et qui mieux que lui peut-il le résumer ? (très importante la table de cuisine) « Il est impossible de raconter une histoire sans s’égarer, sans emprunter des chemins incertains, sans avancer et reculer, non seulement une fois, mais au moins trois – car nous vivons en même temps à toutes les époques. J’ai commencé par vous raconter l’histoire de Helga et de Sigvaldi quand ils étaient jeunes, heureux et qu’ils avaient une table massive et solide dans leur cuisine. Puis des choses sont arrivées. Les extraterrestres ont oublié de débrancher Helga.



Et maintenant, la fin approche. Parce que tout ce qui a un jour commencé doit un jour finir – voilà pourquoi une des cordes de la vie est tissée dans la mélancolie. Adieu, joli malheur ! »

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À la mesure de l'univers





A baz'art on aime beaucoup l'univers de Jón Kalman Stefánsson aussi intime que lyrique et dense.

« A la mesure de l’univers » poursuit la chronique familiale débutée avec le sublime et flamboyant « D’ailleurs les poissons n’ont pas de pieds qu'on avait découvert en 2015.



ON y retrouve Ari où l'on avait quitté précédemment ,à la recherche de son passé entre Keflavik et le Norđfjörđur,et l'on

revoit Đorđur, Oddur,Margret,Gunnarson et les autres avec des alternances entre passé et présent que Jón Kalman Stefánsson maitrise avec un brio assumé.



En fait il n'y a que deux solutions : vous connaissez les précédents ouvrages du romancier, « Entre ciel et terre » « La tristesse des anges » et « Le cœur de l’homme » et bien évidemment ce « D’ailleurs les poissons n’ont pas de pieds » et vous êtes déjà en train de dévorer « A la mesure de l’univers" et cette chronique ne sert à rien, ou alors vous n’avez rien lu de ce grand auteur islandais et si c’est le cas fermez votre ordinateur courrez chez votre libraire préféré et plongez-vous sans tarder dans la prose ample et poétique de ce formidable romancier.



Ici sans doute l’écriture y est plus apre que d'habitude et l'amplitude plus contenue, mais on y retrouve cependant la même ambiance et les mêmes personnages qui nous avaient tant séduit .



Jon Kalman Stefansson nous embarque toujours avec la même maitrise dans l’histoire de son pays qu’il aime tant et qu'il nous fait tant aimer.
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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D'ailleurs, les poissons n'ont pas de pieds

Je remercie Babelio de m'avoir fait découvrir cet auteur islandais et ce livre "D'ailleurs les poissons n'ont pas de pied" dont la traduction est très proche du titre initial "Fiskarnir hafa enga faetur".

L'auteur, Jón Kalman Stefánsson, s'inspire de son expérience personnelle pour nous tracer un tableau captivant de l'Islande sur trois générations, tout au long du XX ème siècle et début du XXIème siècle.

L'auteur a en effet étudié pour devenir astronome et il a travaillé dans des conserveries de poisson pendant trois ans.

De même le héros de l'histoire, Ari, va travailler dans ce secteur dans sa jeunesse des années 80, avant de partir au Danemark pour y exercer le métier d'éditeur.

Il avait déjà quitté femme et enfants et le voici revenir en Islande, à l'aube de la cinquantaine, suite au décès de son père qui lui fait parvenir peu de temps auparavant un colis contenant des souvenirs de la famille et de la terre natale.

Ari ne s'est jamais trop senti proche de son père mais le retour au pays va le plonger dans le souvenir de trois générations: le grand-père, Oddur, capitaine et armateur du début du XXème siècle, et son épouse Margrét, une femme de tête, haute en couleur, et ensuite la vie du père et celle d'Ari et son cousin narrateur.

Stefansson nous restitue la beauté sauvage d'un pays âpre et dur, où "la vie y est souvent proche de la mort" à cause des éléments naturels.

L'évocation de l'Islande confrontée à la mondialisation y est poignante, comme ces conserveries de poisson qui ont disparu. Les tensions liées à la présence de la base américaine de Keflavik sont bien rendues.

Tout cela pourrait donner un très beau tableau digne d'une grande saga ayant pour cadre justement le pays où sont nées les sagas.

Oui mais.. j'ai trouvé l'écriture "rebutante" et cela m'a empêchée de rentrer vraiment dans l'histoire et d'éprouver de l'empathie pour les personnages.

On se fatigue dans le dédale des questions existentielles que se pose le héros, on se fatigue de la présentation "compacte" qui fait que les dialogues ne sont pas séparés du corps du texte.

Certaines scènes semblent longues ou incongrues comme la scène de la fouille poussée du héros à l'aéroport à l'arrivée en Islande.

D'autres points auraient gagné à être plus développés, comme les raisons poussant le héros à quitter sa famille aussi brutalement.

Bref une grande déception à la lecture de ce livre, malgré la beauté du pays, dont l'auteur arrive quand même à nous faire partager cet amour pour son pays natal.
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Le cœur de l'homme

Miracle ! Je viens enfin de terminer la trilogie de Jon Kalman Stefansson, deux ans après avoir découvert Entre ciel et terre, qui fut mon coup de cœur de l’année et mon choix pour Le Prix des Lectrices 2013. En 2012, j’ai lu le deuxième tome, La tristesse des anges. Et c’est donc Le cœur de l’homme, paru fin 2013, qui clôt ce triptyque magnifique, en beauté !



Pour l’occasion, j’ai relu mes deux articles précédents, que je trouve très complets, et je ne vais pas prendre le risque de me répéter.



J’ai retrouvé le même style impeccable, d’une poésie rare, qui m’a emportée encore sur plus de 400 pages. Néanmoins, ce dernier volume a ouvert de nouvelles pistes de réflexion. Nous retrouvons donc le gamin au début du printemps, à la fin de sa livraison de courrier bien loin de son pauvre village de pêcheurs. Il est recueilli par de généreux villageois qui l’aident à se remettre sur pied, puis peut enfin rentrer chez lui. Mais il est accompagné par de plus en plus de fantômes, et il n’a toujours pas trouvé de nouvelles raisons de vivre … jusqu’à ce que l’amour se pointe sous une forme inattendue.



"En résumé : elle a des cheveux si roux qu’on les voit distinctement même à travers les montagnes. Et pourtant ces montagnes n’ont rien d’une plaisanterie, elles sont épaisses et impitoyables, mais la couleur de ses cheveux les traverse sans peine pour lui parvenir et elle change tout. Elle transforme le ciel et la terre, tout se teinte de roux."



Nous assistons ici avec plaisir au dégel : l’été est là, et les Islandais se réchauffent enfin au pâle soleil arctique ("Les étés d’Islande sont si brefs et capricieux qu’on dirait parfois qu’ils n’existent pas"). C’est le temps des salaisons, de la morue. Cela laisse peu de temps pour lire et rêver, et pourtant le gamin s’y accroche, grappillant chaque minute pour apprendre encore et encore auprès du directeur d’école alcoolique. Apprendre pour oublier l’hiver meurtrier. Apprendre pour ne pas connaître le même destin que son ami Barour et tant d’autres, dans un monde où "le poisson compte plus que la vie." Apprendre pour faire autre chose que remonter du poisson. Il lui faut donc maintenant vivre pour ne passe trahir soi-même, tout oser pour ne rien regretter.



"Il est à ce point dangereux de s’autoriser à rêver de passions, de tâches de rousseur et d’yeux profonds, à rêver au lieu de penser à lutter pour préserver la vie. C’est ainsi. On a l’esprit plongé dans un poème, on oublie sa vareuse et on meurt de froid. [...] Voilà qui devrait nous enseigner quelque chose. Quelque chose à propos des dangers de l’amour, des dangers du poème. Et pourtant. Qui se souvient de ceux qui n’ont que rarement et peut-être jamais été distraits, qui ne se sont jamais perdus dans le rêve, qui au lieu de trouver l’étincelle sont devenus gris, pâles, et se sont peu à peu fondus à la monotonie, transformés en monotonie, disparaissant longtemps avant leur propre mort. [...] Même si cela doit nous en coûter la vie, prématurément – prenons plutôt le risque, et vivons."



J. K. Stefansson nous offre encore un splendide roman, qui complète parfaitement ses deux premiers, accomplissant un travail impressionnant de peintre de la nature humaine, autour du travail de deuil. Mais aussi et surtout, un sublime hommage à la littérature et à la poésie, présentes à chaque page.



Un roman qui aide à vivre.



J’ai eu du mal à dire au revoir à ce gamin que j’ai suivi sur plus de 1000 pages. Ce petit gamin qui a grandit tout au long de ces pages. Qui a du mal à vivre mais a tenu le coup, par la poésie et la littérature (sa recommandation : pour quitter le monde des rêves, chaque matin : lire un poème !). Il faut donc lui dire au revoir, à lui et à tous les autres personnages – comme la forte Andréa qui a le courage de changer de vie, dans un monde si codifié – en me promettant que ce n’est pas un adieu … Il y a des livres comme ça, qui m’accompagneront toute ma vie. Celui-là en fait partie, avec ses deux frères.
Lien : http://missbouquinaix.wordpr..
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