AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Jón Kalman Stefánsson (1123)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées


Ton absence n'est que ténèbres

Mon avis :



Alors que dire sur cette lecture... Je vais sans doute me perdre dans un labyrinthe des sentiments. Il aura des " j'ai aimé" et des " je n'ai pas aimé". Les histoires d'amours finissent-elles mal en général ?



Quand NetGalley a proposé cette lecture, j'ai foncé tête baissée, il me le fallait ! Oui oui, oh oui Jón Kalman Stefánsson c'est de la bonne came !



D'ailleurs, j'ai déjà lu trois de ces romans et j'ai adoré les trois. Bon oki, il y en a un que je n'ai pas chroniqué encore ici et d'ailleurs je n'en parlerais peut être pas car trop bon pour le déflorer. Il fait partie d'un coffret de 3 livres de poches dont deux titres me restent à lire.



Je me suis plongée dans cette lecture qui comme une histoire d'amour, ou l'histoire de la vie est passée par des hauts et des bas cette fois ci. Ce n'est pas ma première histoire d'amour avec cet auteur, ceci expliquant cela



Les hauts, c'est la philosophie de vie qui transpire dans ses lignes. J'ai noté tant de pages que si j'avais eu le livre en version papier il aurait ressemblé à un porc épic ! Beaucoup de phrases sont comme des citations puissantes sur la vie, l'amour, la mort.



Et Jón Kalman Stefánsson à même réussi à me faire pleurer et rire tout à la fois et c'est sacrément bien.



Des histoires d'amour il y en a plein dans ce livre. Elles constituent ce lien dans la vie des divers personnages de ces familles au cours des siècles.



Il y a aussi les paysages de cet univers des fjords et cette campagne reculée, si belle, que les habitants s'en servent d'exutoire, de refuge, ou de lieu de perdition.



Il y a aussi tout un côté où l'auteur pose une réflexion sur la création littéraire. En effet, l'homme que l'on trouve au début ressemble sacrément à un écrivain (Jon lui même ?) et il se trouve comme le créateur de toutes ces histoires, toutes ses vies.



Il a le pouvoir de les faire avancer comme bon lui semble. Enfin, pas tout a fait non plus, car la mort, cette grande faucheuse est là toujours tapie dans les ténèbres de silence.



Les morts et les vivants tissant une grande toile sur terre et au-delà.



L'auteur parle aussi pas directement de la place de la religion dans la vie.



Comme toujours chez l'auteur, on fait fi des chronologies et on progresse dans l'histoire, dans les histoires à travers les âges.



Alors, que dire sur ce que je n'ai pas aimé.



C'est quand l'auteur se répète, se répète, se répète… Il n'est pas rare de voir sur la même page plusieurs fois les mêmes phrases. Encore une fois, sans doute, c'est une manière pour lui de parler de la création littéraire. de celle qui nécessite de déposer tant de fois son ouvrage sur la table, mais en tant que lectrice ça m'a agacé, ça n'avançait pas…



Et puis la dernière partie m'a presque énervée, tant on se perdait en conjectures, tant on laissait de côté certains personnages que j'avais adorés pour creuser un peu sur d'autres mais sans non plus trop en dire. On n'avait pas tous les tenants et aboutissants et les multiples personnages étaient parfois laisser pour compte par l'auteur. Soupir.



Ah oui j'oubliais de vous dire ! Je finirais ma chronique par cette note musicale et positive. Dans ce livre la musique est en haute place et accompagne les personnages dans leur vie.



Je vous ai concocté une liste musicale avec la liste donnée par l'auteur en fin de livre .



Merci à lui car c'est une très belle liste ♥ avec des découvertes pour moi (surtout sur des chanteurs islandais et aussi un peu de rap) et des chansons et des interprètes que j'aime beaucoup (Bowie, Dylan, Nina Simone, Springsteen et j'en passe ).



Bonne lecture à vous chers amis d'ici ! Je vous invite à découvrir cet auteur que j'aime et qui m'attend encore au détour de ses lignes.



Merci à Netgalley et aux éditions Grasset pour ce partenariat !
Commenter  J’apprécie          4511
Ton absence n'est que ténèbres

C'est sur une ambiance trouble, onirique presque que s'ouvre ce roman dans une église. Un homme ne sait plus qui il est ni ce qu'il fait là, absent à lui-même et sa mémoire, un amnésique comme sorti des ténèbres, reconnu pourtant par ses pairs. Mais c'est bien avant que tout commence dans les faits, apprendra-t-on beaucoup plus tard : « Tout cela est arrivé parce qu'il y a 120 ans, le révérend Pétur et la fermière Gudridur sont allés à cheval jusqu'à la bourgade de Stykkkissholmur [...] ». Entre les deux, un enchevêtrement d'histoires comme sait si bien les conter Jon Kalman Stefansson, teintées de poésie et de lyrisme, sous tension de condition humaine, où il y sera essentiellement question d'amour, de sentiments et de sexe, et « de ceux qui osent tout quitter et laisser derrière eux pour un seul regard, et qui permettent à la vie de ne pas se figer ». De choix et de trahison aussi, « parce que l'amour a pour chaperon le malheur, et que la trahison est assise à ses côtés sur le même banc de nage ». Le tout sur fond d'univers déviés de leur course, de cosmos ou de comètes, de fjords.

Mais il y sera aussi question de lombric, « ce poète discret oeuvrant dans la nuit de la glèbe», dont la connaissance aiguë par l'ancêtre de la famille lui permettra d'entrevoir d'autres horizons.

Il y sera question de lettres écrites à Holderlin pourtant déjà mort, de Zola ou encore de musique et de chansons rock en rythmique contemporaine.

il y sera souvent question de vie et de mort, de la camarde familière de ces lieux où « les gens passent leur temps à mourir ».

De Gudridur la bisaïeule à Eirikur « né avec un trou noir dans l'âme », la mosaïque se constituera peu à peu, comme si elle s'extirpait du trouble des ténèbres pour se révéler à la lumière d'un univers foisonnant et créatif.



Mais tout cela ne surprendra peut-être pas le lecteur habitué à Jon Kalman Stefansson.



Ce qui risque de le surprendre, c'est l'enchaînement débridé des faits tout au long du roman, transcendant les univers, d'un personnage l'autre, entrecoupant les histoires et les époques. JKS fait exploser les codes traditionnels de la saga, le plus souvent chronologique et à la narration omnisciente. Mais rappelez-vous l'entrée du roman dans cette église. Il y avait un homme, amnésique. « Je suis peut-être simplement mort » annonce-t-il dès la troisième page. À vrai dire il y en avait un autre dans le fond de l'église, pris pour le démon par notre amnésique dans un premier temps, à qui il demandera s'il est le pasteur. « Serais-je chauffeur de bus si j'étais à côté d'un autocar, médecin si cet endroit était un hôpital, malfrat ou banquier si nous nous croisions dans une banque ? ». On pourra déjà penser à un cousin éloigné (ou pas) de Woland dans Le Maitre et Marguerite, cité par ailleurs dans le roman. Avant d'en savoir peut-être un peu plus.



Jon Kalman Stefansson écrit encore un superbe roman, ample et ambitieux, parfois déroutant, mais aussi envoûtant et par moments jubilatoire. « Asta », son précédent (écrit), questionnait déjà la mémoire et sa reconstitution par l'entremise d'un homme victime d'un accident, aux prises avec ses souvenirs. Ici l'auteur islandais se renouvelle en explorant la mémoire transgénérationnelle de façon audacieuse, pour le plus grand plaisir du lecteur.


Lien : https://www.benzinemag.net/2..
Commenter  J’apprécie          4511
Ásta

#Asta #JonKalmanStefansson #MRL18 #Rakuten

Une très belle lecture pour cette participation aux Matchs de la Rentrée Littéraire Rakuten.

Un grand merci aux organisateurs et aux marraines toujours très inspirées dans leur choix de livres.



------------------





Un jour, Sigvaldi tombe de son échelle.



Allongé sur le sol, sa vie se déplie en flashs de souvenirs depuis son enfance jusqu'à cet âge mûr qui l'a peut-être fait perdre l'équilibre. Une vie, ça se remplit d'amour, d'amitié, de regrets, de rancoeur, même de haine. Elle peut aussi être source de culpabilité, pour lui, père incertain d'Ásta, à l'enfance cabossée par le désamour de ses parents.



Ásta aussi se raconte ou est racontée par d'autres voix. Car elle est la pierre angulaire de tous ces destins, ces êtres qu'on croise, dont on s'approprie si peu ou si vite l'intimité fragmentée, et que la mémoire collective perdra. Il y a tant de possibilités de rencontres, de choisir son chemin librement. Une existence de mortel passe si vite, déterminée par des choix judicieux ou malheureux.



Cet éphémère de destins multiples est-il le terreau de la création littéraire? Question essentielle de l'écrivain qui s'invite dans le récit, tel un biographe de tous ces anonymes qui vivent et seront oubliés irrémédiablement.



C'est un livre à tiroirs qui brouille l'espace-temps et les individus. Il faut tout remettre d'aplomb en établissant peu à peu une chronologie et des liens entre les personnages. On se prend aisement au jeu des indices placés au fil de la lecture, écoutant chacun apporter voix au chapitre par des lettres, des récits et des poèmes.



Un beau roman sur l'éphémère et le temps qui passe, singulier dans sa construction narrative, pétri d'humanité, illustré par l'identité islandaise, l'ambiance si particulière de ces paysages et de ce climat tourmenté.



(Mention spéciale pour la couverture qui se comprend au fil du récit et pour la qualité de la traduction).

Commenter  J’apprécie          450
D'ailleurs, les poissons n'ont pas de pieds

Trois époques, et plusieurs vies à Keflavik. « D’ailleurs, les poissons n’ont pas de pieds » nous raconte le XXe siècle et ses boule versements en Islande. L’Islande cette terre âpre où, dans son histoire, les habitants ont, par deux fois au moins, été rayés de la carte par les famines, les épidémies et les éruptions, Keflavik la petite ville se situe dans la région la plus hostile du pays.



Jadis, c’est l’histoire d’Oddur capitaine courageux, de Margret son épouse énergique autant que fragile et de Tryggvy garçon costaud et sensible, poète dans le monde rude de la pêche. C’est l’histoire de l’Islande avec ses joies, ses larmes et ce goût de sel qui emprisonne les cœurs. Oddur sera le premier capitaine à savoir nager et à exiger que ses matelots prennent des cours de natation. Mourir en mer ne doit plusêtre une fatalité pour un marin.



1976-1980, récit d’apprentissage pour Ari,le petit fils d’Oddur. Le jeune homme travaille dans une conserverie de poissons en se demandant ce que sera sa vie. Les quotas de pêche et le départ de la base américaine, véritable manne pour la ville, rendent l’avenir incertain, surtout pour un jeune adulte rêveur.



Aujourd’hui, Ari devenu éditeur à Copenhague prend de plein fouet la crise existentielle de la cinquantaine, le retour à Keflavik sera amer et douloureux.



Trois époques et tout un siècle se déroule, Jon Kalman Stefansson nous embarque dans l’histoire de son pays qu’il aime tant.



Il y a deux solutions : vous connaissez les précédents ouvrages du romancier, « Entre ciel et terre » « La tristesse des anges » et « Le cœur de l’homme » et vous êtes déjà en train de dévorer « D’ailleurs les poissons n’ont pas de pieds » et cette chronique ne sert à rien, ou alors vous n’avez rien lu de ce grand auteur islandais et si c’est le cas fermez votre ordinateur courrez chez votre libraire préféré et plongez-vous sans tarder dans la prose ample et poétique de ce formidable romancier.
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
Commenter  J’apprécie          453
Ton absence n'est que ténèbres

Il y a des pépites d'or disséminées dans les pages de ce bouquin. J'en ai récupéré quelques-unes pour les mettre sous mon oreiller, elles disperseront leurs poussières nébuleuses dans mes songes.



L'air est poétique du côté des fjords islandais, le narrateur, amnésique, se réveille sur les bancs d'une église. Derrière lui, se trouve un étrange personnage, pasteur barbu, où chauffeur d'autocar, cet homme changera constamment de tee-shirt au gré des histoires racontées. Si au départ, on avance à tâtons dans le brouillard de cette narration, la brume va peu à peu se dissiper pour nous faire rentrer entièrement dans le récit.



À la manière des Parques qui s'amusent à emmêler, couper les fils du destin des hommes, Stefánsson nous décrit, nous imprègne de l'histoire d'une famille sur plusieurs générations. C'est un charivari de poésie, de musique, de désir, d'amour, et de lombrics, ce fameux poète aveugle de la glèbe.



Ce roman est de ceux qui donnent envie de recommencer sa vie des dizaines de fois pour ne rien avoir à regretter.
Commenter  J’apprécie          446
Ton absence n'est que ténèbres

Chère mélancolie,



Je te (tu permets qu'on se tutoie ?) dois bien une lettre après avoir lu « Ton absence n'est que ténèbres » de Jón Kalman Stefánsson dont tu imprègnes chaque page. Cette sensation que tu procures facilement aux êtres humains qui aiment trop, quand ils perdent l'objet de leur amour ou qu'ils se perdent, tout simplement ; cette impression que l'amour est en fait l'autre versant de la mort, que tout y conduit. La mort est-elle synonyme d'oubli systématique ? Ou seule lui résiste l'amour ?



« Ton absence n'est que ténèbres » est ainsi hanté obsessionnellement par ces questions : son narrateur reprend conscience dans une église, et ne sait plus qui il est ni quelle est son histoire. Par chance, il se trouve près d'un endroit où il a dû vivre auparavant et rencontre des personnes qu'il connaît et qui s'épanchent auprès de lui, heureux de le voir après une longue absence. Ce que les personnages ne disent pas, les trous dans leur histoire, le narrateur va les combler en tissant sur ce vide un canevas serré d'histoires, toutes centrées autour de personnages appartenant à la même famille ou étant proches, et donnant l'occasion au narrateur de disserter sur différents thèmes : l'oubli, la création littéraire, la puissance des sentiments, l'amour de la musique, qui offre une bande-son idéale (le roman se termine d'ailleurs par une liste des références données) influencée d'ailleurs largement par toi… Ces récits s'entrecroisent, se coupent parfois, se répondent, nous perdent. le narrateur démêle pour nous les fils de ces histoires comme un passeur, et se décrit d'ailleurs comme un messager des nornes, ces divinités nordiques fileuses de destins, aidé en cela par un drôle de personnage omniscient, et dont ne sait pas s'il est dieu ou diable.



Ainsi, on te ressent partout, chère mélancolie, dans ce paysage magnifique au ciel bas, dans ces gens traversés par la rudesse de la vie sur cette terre aride, et par les regrets qui les étreignent. Tu donnes une couleur particulière et un arrière-goût un peu aigre-doux à ces destins ; on aimera ou pas ce roman sans intrigue, cette longue dissertation sur un même thème, avec parfois quelques répétitions ; mais moi j'y ai été particulièrement sensible, et pour ce moment de lecture, je te dirai une nouvelle fois merci.
Commenter  J’apprécie          441
Ton absence n'est que ténèbres

Islande les fjords de l'ouest. le temps ralentit . et Jon Kalman Stefansson nous enlace dans une prose à nulle autre pareille.

Un homme dans une église, qui est il, comment est il arrivé là? Il n'en sait rien il n'a plus aucun souvenir, sa mémoire est vierge de tous souvenirs . Alors qu'il est en arrêt devant l'inscription "Ton absence n'est que ténèbres " sur une tombe dans le petit cimetière accolé à l'église il est rejoint par une femme qui semble être très heureuse de le revoir, surprise mais heureuse... Ainsi commence un roman surprenant, foisonnant où l'on remonte le fil du temps, où l'histoire de l'arrière-arrière-grand-mère prend corps, où une décision change la face du monde, où l'amour intervient toujours et encore, où ....

Ton roman n'est que ténèbres est un roman inclassable mais à mes yeux incontournable , un roman que j'ai lu en prenant mon temps, en m'accordant le droit de faire une pause, de relire certaines pages , en trainant des pieds pour ne pas tourner la dernière page , en allant écouter encore et encore les titres de la play-list de la Camarde .

Jon Kalman Stefansson est un grand, un très grand auteur . Sa plume est ici une fois encore illuminée par la traduction de son complice Eric Boury.

Un roman à lire et à relire.

Merci aux éditions Grasset pour ce partage via netgalley

#Tonabsencenestqueténèbres #NetGalleyFrance !
Commenter  J’apprécie          445
Ton absence n'est que ténèbres

"Ton souvenir est lumière , et ton absence ténèbres "



telle est l'inscription que lit sur la tombe d'une femme dans un cimetière islandais le narrateur lorsque débute le roman et qu'il s'imagine être dans un rêve se transformant peu à peu en balade nostalgique sur les airs de Dylan et de Cohen lorsqu'il rencontre la fille de la défunte qui semble bien le connaitre .Pour lui, surgit alors une évidence, il est amnésique . Se déroulent , à partir de ce moment là , des pans de la vie de ceux qu'il va croiser et de leur famille comme des tableaux formant lorsque on les remet dans l'ordre chronologique et qu'on les assemble une vaste saga familiale dans cette Islande qui peut paraitre si hostile, les hivers sont longs et froids et la vie est rude mais un pays si riche de ses habitants , vaillants et accueillants , férus de littérature et de musique, de la plus petite masure aux confortables maisons de Reykjavík .



" Raconte mon histoire pour m'aider à retrouver mon nom ou bien , en d'autres termes: le premier écueil ",



A travers l'histoire de ses parents , se forge notre personnalité , et le lecteur est transporté dans ce fjord perdu à l'Ouest du XIX eme siècle à nos jours , c'est lui ,qui en même temps que le narrateur , emboite les pièces de cette mosaïque humaine.



Au départ , c'est comme si on avait de nombreuses branches d'arbres généalogiques , flottant dans une grande nébuleuse , puis tout se remet en place et au fur et à mesure , on s'attache à ces hommes et ces femmes .



Chaque histoire est touchante car elle raconte l'amour , les bonheurs, les douleurs ,les renoncements et les pardons , elle parle de la vie d'un lombric qui va changer le cours de la vie d'une femme . Elles nous font pleurer quand la pauvreté oblige une mère à envoyer ses enfants dans d'autres foyers pour les sauver ...



Le narrateur est suivi comme un double, une ombre dont on ne sait si elle est maléfique ou ange gardien par un individu étrange qu'il appelle chauffeur de bus sanctifié , peut-être même l'écrivain lui-même .

Entre nostalgie et oubli, on entrevoit le processus de la mémoire , la sienne et celle dont on hérite de ses parents.



"je suppose que vous avez compris que vous ralentissez la course du temps lorsque vous écrivez "



Accompagné tout au long de ce grand périple par la musique , en particulier cette compilation de la Camarde dont on trouve avec plaisir les titres à la fin de l'ouvrage et par ce rapport étroit qu'ont les Islandais avec les écrivains et les poètes .



Il y est beaucoup question de ténèbres mais c'est bien la lumière qui émerge de ce magnifique roman : Puissant, poétique, bouleversant , il me réconcilie avec J.K Stefanson , grand écrivain islandais dont il faut accepter les rouages de la construction de ces histoires, et se laisser emporter dans les tumultes islandais .

J'y ai retrouvé toute la magie de la tristesse des anges qui m'avait fait découvrir cet auteur .



Un grand merci à NetGalley et aux Editions Grasset pour cette lecture qui sort vraiment de l'ordinaire .



#Tonabsencenestqueténèbres #NetGalleyFrance
Commenter  J’apprécie          449
Ásta

Deuxième livre de cet auteur islandais ( après les poissons n'ont pas de pied )

Et à nouveau ce même sentiment de construction complexe , avec beaucoup d'aller retour et l'impression d'avoir le tournis temporel mais aussi de perdre le fil parfois des personnages.

Pourtant, cet exercice de style manipule à merveille le lecteur et nous ballade entre les époques de la vie d'Asta . Il le fait à travers les souvenirs du père qui vient de tomber d'une échelle en Norvège où il vit désormais , un narrateur...

Asta est la fille d'Helga , pulpeuse version nordique d'Elizabeth Taylor, et de Sigvaldi, pêcheur et peintre, sans doute moins pulpeux. Très vite , On comprend que le couple se déchire , se sépare et confie Asta à une nourrice. Il est difficile d'en dire plus , les aller retours dans ce puzzle géant laissant planer beaucoup d’énigmes.

On s'attache forcément à Asta, à son exil dans les fjords de l'Ouest, à la construction de sa personnalité, à ses relations compliquées avec ses parents. Très vite , sa fille apparait mais pas le père.Toujours ce jeu avec le lecteur.

Jeu qui malgré quelques longueurs vaut la lecture.

On regrettera cependant que l'auteur nous balance de gros poncifs , du style "La vie c'est bien" (ce n'est qu'une image). Il doit être coutumier du fait , il l'avait déjà fait dans les poissons.

On se ballade en Islande où il semblerait que le dernier des habitants est féru de poésie et où les touristes passent pour des gros nazes en payant le prix fort pour vivre des expériences de vie que l'on ne souhaite pas à son pire ennemi.Islande, où l'eau, la pêche , la nature ...et le manque de clarté semblent poser les fondements de la vie avec la gnôle.
Commenter  J’apprécie          442
Lumière d'été, puis vient la nuit

Lumière d'été, puis vient la nuit Jon Kalman Stefansson chez Grasset.

Un petit village, sans église ni cimetière, au nord, à l'est, au Sud, la campagne à l'ouest l'océan , 400 âmes c'est peu et c'est beaucoup. Bien sûr pas question de nous raconter la vie de ces 400 âmes mais quelques unes suffiront. L'auteur nous propose 8 portraits et à travers eux c'est le portrait de tous qu'il brosse.

Une fois encore je suis tombée sous le charme de l'écriture de Jon Kalman Stefansson, une fois de plus je me suis laissée portée, emportée par les mots et la très belle traduction d'Eric Boury. La Mélancolie est, bien sur, au rendez-vous mais aussi le temps qui passe, le pourquoi , le but de nos vies, l'espace infime qui sépare la vie de la mort, l'amour , la tendresse, l'amitié, thèmes récurrents chez Jon Kalman Stefansson. Un minuscule espace sur la planète terre confié à une très grande plume. Magique.

Un grand merci aux éditions Grasset

#Lumièredétépuisvientlanuit #NetGalleyFrance
Commenter  J’apprécie          444
Ásta

Encore une fois j’ai été bercée par la magie du texte, ces récits croisés d’êtres au destin difficile, dans un pays au climat rude mais aux paysages grandioses, où certains en perdent la tête, comme ailleurs, alors que la vie continue…



Ásta si belle mais abandonnée par sa mère puis délaissée par son père, laisse elle-même son enfant grandir loin d’elle. Perdue dans la nostalgie d’un amour de jeunesse, elle laisse partir celui qu’elle aurait pu aimer, puis fuit à travers l’Europe, Vienne, Prague, Oslo, sa destinée, la folie alcoolique de sa mère, le souvenir de son amant disparu trop tôt, l’ambivalence de son petit pays envahi par les touristes, qui ne sauront jamais ce qu’étaient leur vie.



Un très beau texte qui déroule les derniers instants d’un homme, Sigvaldi, le père d’Ásta, qui en mourant revoit sa vie et peut-être ce qu’il a manqué… Et toujours cette poésie magnifique, qui même traduite arrive à nous toucher car les mots et les sentiments qu’elle véhicule sont universels.

Commenter  J’apprécie          440
Le cœur de l'homme

Miraculeusement rescapés d'une terrible tempête de neige, le Gamin et Jens le postier ont trouvé refuge à Sléttueyri, chez le médecin du village. Remis sur pieds, ils se séparent, Jens pour retrouver son père, sa sœur et, peut-être, la femme qu'il aime, le Gamin pour rentrer chez Geirþrúður où l'attend l'enseignement de Gislí , le directeur de l'école. L'hiver a enfin laissé la place aux printemps et le Village reprend vie sous un maigre soleil. Les hommes sortent de leur léthargie, pour le meilleur et pour le pire. Le mode de vie de Geirþrúður , riche et indépendante, ne plaît pas aux maîtres du Village qui cherchent, et trouvent, le moyen de la faire plier. Pour protéger sa petite communauté, le Gamin n'a que les mots...Les mots font rêver, libèrent, apportent l'espoir d'une vie meilleure mais ils sont inefficaces face aux bas instincts de l'homme. Pourtant, le Gamin continue de les envoyer, pour sauver une femme, pour réunir des amoureux, et il en reçoit aussi, qui viennent de Sléttueyri, et d'une rousse aux yeux verts qui l'a sorti de l'hiver d'un baiser et a colonisé son cœur.



C'en est fini des voyages pour le Gamin. L'aventure cède la place à l'introspection et Jon Kalman Stefansson sonde le cœur des hommes qui sans cesse oscille entre bonheur et désespoir. C'est au premier que les hommes aspirent, malgré la boue, les tempêtes, les deuils, l'alcool, la violence mais parfois ils sombrent dans le second. Parce que les riches seront toujours plus forts que les pauvres, parce souvent le sexe prend le pas sur l'amour, parce que le courage parfois manque pour vaincre la peur. Le Gamin amoureux des livres, étranger au monde viril qui l'entoure, cherche son chemin vers le bonheur. Pauvre, peu habile des ses mains, il est en marge, mais reste riche de tous les poèmes appris par cœur, fort de sa dignité, fier de ses mots qui peuvent sauver, consoler, dire l'amour.

Avec Le cœur de l'homme, Stefansson clôt une trilogie rude, poétique et profondément humaine. Être soi pour ne pas se trahir, ne pas abandonner ses rêves, ne jamais renoncer à ses aspirations, voilà les leçons que la vie a inculqué à ce gamin dont le nom nous demeure à jamais inconnu et que l'on quitte avec tristesse. Il restera, de ces trois livres, la glace islandaise, les montagnes, la neige, la mer à la fois hostile et nourricière et une pléiade de personnages attachants, des hommes et des femmes rugueux qui ont affronté des drames, goûté des instants de plénitude, qui ont combattu la mort ou l'ont accueilli comme une délivrance. Un grand écrivain et un pur bonheur de lecture.
Commenter  J’apprécie          440
La tristesse des anges

« …il neige, la couleur blanche nous vient du ciel, la tristesse des anges, mais les anges, qu’est-ce donc qui les afflige ? »

Et nous, qu’est-ce qui nous afflige ?



Le gamin, qui vient d’entrer dans un univers chaleureux de lettres et de poésies, encore peu habitué à ce confort, va devoir partir en voyage. Il accompagne le postier Jens, un géant bourru et avare de mots. Un périple qui les emmène là où l’Islande prend fin pour laisser place à l’éternel hiver .



Dans ce désert glacé, les hommes s’accrochent à la vie depuis mille ans. Où mieux que dans cet endroit peut-on trouver les raisons que l’homme a de continuer à vivre, malgré les tempêtes de neige, de vent, le froid, la mer glaciale avaleuse d’hommes, un hiver sans fin, entrecoupé d’un bref été ?



Et pourtant, ce pays est si beau quand l’herbe verdit.



Le gamin et le postier semblent n’avoir rien en commun. Le gamin a besoin de mots et de poésies pour le réconforter ; le postier trouve son refuge dans le silence ; il lui procure la paix.

Errant dans ce blanc immense, ballotés par les vents, seuls au monde, ils vont affronter leurs démons intérieurs, lutter pour leur survie, lutter pour trouver une raison de rester en vie.



Ils trouvent refuge dans des fermes isolées, chez de pauvres gens. La vie est pourtant là, tapie au fond de ces cœurs, malgré le froid, la faim et la solitude. Personne ou presque ne vient troubler leur tranquillité dans ce bout du monde. Ils sont libres et apprécient pleinement les instants de joie qui s’offrent à eux. Une idée simple de la vie.



Sur ce chemin, où la mort rôde, prête à engloutir toute vie qui s’égare, qui cède au réconfort du sommeil, pour ne plus souffrir, ne plus se tourmenter, les deux hommes avancent et cherchent des réponses. Est-on sur terre seulement pour mourir ? Ont-ils droit au bonheur ? Sont-ils capables d’être heureux et de rendre heureux ?



Pour le gamin, les réponses sont dans les livres, les poésies sont des trésors. Celui qui possède tant de livres, ne peut être qu’heureux. Il doute et il continue d’avancer : « celui qui doute va quelque part ». Pourtant certains hommes se perdent parmi tous ces mots et ces lectures ne comblent pas leurs solitudes, au contraire, elles rendent les mots inutiles, car personne n’est là pour les entendre, pour leur donner vie.



Le postier qui se tait, rend le silence dangereux, ses pensées le tourmentent. Les mots pourraient l’apaiser et rendre son monde meilleur.



Ils vont cheminer l’un vers l’autre, sur cette route glissante et glaciale, faite de peurs, de doutes, de tristesse, de regrets, d’espoirs. Mettre des mots sur les tourments, trouver un sens à la vie, s’autoriser à vivre, laisser une chance au bonheur, ouvrir son cœur, ne plus avoir peur, se faire confiance et faire confiance à l’autre, voici aussi ce que représente leur voyage dans ce désert glacé. Il ne s’agit pas seulement de faire parvenir le courrier au bout du monde, mais aussi de trouver une issue par laquelle la vie pourra se faufiler, les atteindre, les sortir de leurs ténèbres. Comme s’il fallait pénétrer les ténèbres pour trouver enfin la lumière.



Quand on referme ce livre, on a qu’une idée en tête, poursuivre la lecture en se jetant sur le 3è tome : « Le cœur de l’homme ». Jon Kalman Stefansson est un magicien des mots, il sait les faire vibrer, au son de la musique de la vie. Ils résonnent en nous, font écho à nos propres tourments, nos émotions, nous entrainent vers des contrées belles et sinistres à la fois, vers cette terre de glace, ces fjords, empreints de magie, où la nature dicte sa loi.

Commenter  J’apprécie          444
La tristesse des anges

Lors de la lecture d’« Entre ciel et terre », le premier volume de cette trilogie, j’ai éprouvé une telle quiétude, au cœur de la terre hostile d’Islande, habillée d’un manteau de neige et de glace une grande partie de l’année, que j’ai eu envie d’y retourner.

Dans le premier opus, nous quittions le gamin en quête d’une raison de vivre après la mort de son seul ami, Barbour.

« La tristesse des anges » nous plonge à nouveau dans un univers glacé.

On retrouve « Le gamin », héros sans nom, échoué dans un hôtel sur la côte nord-ouest de l’île. Il continue à lire éperdument, amoureux des mots lorsqu’ils deviennent poèmes, comme son ami Barbour qui le paya de sa vie.



La relative sérénité que le gamin est parvenu tant bien que mal à atteindre va être rompue par l’arrivée de Jens, le postier.

A demi mort de froid, collé à son cheval par une couche de glace, le pauvre homme après avoir repris vie, doit poursuivre sa tournée, dont une partie se fait par voie maritime. C’est au gamin, marin aguerri que reviendra le privilège (ou le malheur) de l’accompagner.

Pour l’amateur de poésie qu’il est, le taciturne Jens n’est pas franchement le compagnon de route idéal.

Pendant de longues pages, La Tristesse des anges suit deux hommes qui marchent en tentant de résister à une nature déchaînée. Faire quelques mètres demande des heures. Le vent transit, la neige aveugle, le froid assassine, mais ils doivent continuer coûte que coûte, résister à la fatigue, à l’envie de dormir qui pourrait être fatale.



Il ne se passe pas grand-chose dans ce livre, l’action est lente, la parole se fait rare, les confidences ne sont pas dans les habitudes des deux compagnons.

Elles n’en ont que plus de valeur, lorsque quelque chose de personnel échappe malgré tout à l’un d’eux.



Avec Jon Kalman Stefansson, le mot contemplatif prend tout son sens.

Que serait ce texte, pour nous français, sans le talent du traducteur que l’on a trop souvent tendance à oublier.

Ici, tout le mérite en revient à Eric Boury.





Commenter  J’apprécie          431
Ásta

Explorer et découvrir de nouveau horizons, c'est ce que m'a permis la lecture de ce nouveau roman de l'écrivain islandais, Jón Kalman Stefánsson : Ásta, et son sous-titre qui laisse rêveur (Où se réfugier quand aucun chemin ne mène hors du monde).



Je me suis donc laissé emporter en Islande, balloté parfois entre les fréquents changements d'époque et de point de vue, l'écrivain revenant régulièrement dans le jeu ce qui lui permet de mettre en exergue l'invasion touristique de son île.

L'histoire d'Ásta m'a fait frémir, souffrir et j'ai regretté que tant de possibilités soient gâchées au cours de cette vie si intense, marquée d'abord et avant tout du sceau de l'amour. L'amour sans tabou, sans retenue apporte tant de joies, tant de bonheur mais lorsqu'il est avant tout prioritaire, il peut mener à la catastrophe et causer d'irréversibles dégâts comme cela est bien démontré tout au long des péripéties de la vie de la seconde fille d'Helga et Sigvaldi.

Sigvaldi, justement, est fort mal en point après sa chute d'une échelle, en Norvège cette fois, sur ce trottoir où une femme recueille ses derniers mots. La mort menace toujours : « Certains collectionnent des timbres, d'autres des livres, d'autres encore de l'argent, la mort collectionne les vies et elle n'en a jamais assez, il lui reste toujours de la place. »

Ce sont des vies qui commencent bien, ont tout pour réussir mais tournent mal : « Il est impossible de vivre sans faire de bêtises », affirme l'auteur qui le prouve et nous emmène loin de Reykjavik, dans les fjords de l'ouest où, dans une ferme, on se charge de remettre dans le droit chemin les ados récalcitrants. Ásta est de ceux-là et ce séjour constitue une des périodes les plus intrigantes du roman car elle y rencontre Jósef, du même âge. Ils travaillent pour Árni et Kristín, sa mère. Que j'ai aimé ce passage sur le foin dans cette partie intitulée : « Condensé de l'Histoire de l'Islande. » ! Quand la vie ou la mort des paysans dépendait de la quantité de foin engrangée durant l'été… C'était pareil dans bien des campagnes françaises.

Ces passages sont révélateurs de l'esprit profond des gens de ce pays comme les références fréquentes aux auteurs et poètes auxquels Stefánsson se réfère. de plus, je l'ai déjà laissé entendre, la structure de ce roman n'est pas ordinaire et l'originalité se retrouve dans la présentation des différents chapitres qui n'en sont pas exactement. Un début de phrase commence au milieu d'une page blanche… et se poursuit deux pages plus loin. Cela m'a étonné mais j'ai complètement adhéré, ce qui a contribué à faire de la lecture d'Ásta un bon et long moment de plaisir.

Ásta, cette héroïne que j'ai suivie, abandonnée pour connaître de façon plus détaillée la vie d'Helga, sa mère, ou d'autres personnages secondaires, se confie même au cours d'une série de six lettres auxquelles il faut ajouter un autre courrier venu de l'abîme mais dont je ne peux citer l'auteur.



Je me suis régalé. J'ai été patient. Je me suis laissé emporter par le style de Jón Kalman Stefánsson qui sait être poétique, direct, éloquent, précis, trivial, énigmatique parfois et fournit enfin un épilogue qui ne résout pas tout mais qu'importe, le régal était complet.




Lien : http://notre-jardin-des-livr..
Commenter  J’apprécie          431
La tristesse des anges

Depuis le temps que j’attendais d’attaquer ce nouveau volume de Jon Kalman Stefansson, auteur de Entre Ciel et Terre, un véritable coup de cœur l’année dernière. Ce roman se terminait d’une façon où l’on n’attendait pas forcément une suite, il se suffisait à lui seul. J’ai donc été surprise quand La Tristesse des anges a été publiée et que je me suis aperçue que c’était la suite ! Et pour le coup, celui-ci se termine d’une manière qui ne laisse aucun doute : l’Islandais nous écrit une trilogie.



Sans le savoir à l’avance, je me suis plongée innocemment dans ce nouveau volume, un peu inquiète qu’il n’atteigne pas la puissance du premier. Dès la deuxième page, j’ai été rassurée : l’ambiance était là, le froid aussi, dont le printemps tardif n’arrive pas à débarrasser cette terre gelée qu’est l’Islande. Autant vous dire que j’ai eu froid à cette lecture. Dans le premier tome, c’était le froid de la mer et du blizzard, ici les personnages évoluent pratiquement tout le temps en plein cœur d’une tempête de neige.



La tristesse des anges, dans les légendes populaires, désigne la neige. Et ce symbole inonde le roman, accompagnant le travail de deuil du héros.



En effet, on retrouve le “gamin”, qui après la mort de son ami Barour, s’est réfugié dans un bar où il rend de menu services tout en s’instruisant. “La distance entre Barour et la vie augmente impitoyablement avec chaque journée qui s’écoule, chaque nuit, car le temps est parfois cet infâme salaud qui ne nous donne toute chose qu’afin de mieux venir nous la reprendre. “



La poésie et la littérature sont encore très présentes ici, à mon plus grand plaisir. “La lutte pour la vie fait mauvais ménage avec la rêverie, la poésie et la morue salée sont irréconciliables et nul ne saurait se nourrir de ses rêves.”



Et sa dangerosité est encore soulignée, comme si l’exemple de la mort de Barour, à cause d’un poème, ne suffisait pas comme leçon. “Il n’est pas toujours aisé de supporter la poésie, elle peut entraîner l’être humain dans des directions inattendues.”



J’ai aimé cet hommage à la littérature, j’ai aimé la manière dont l’auteur souligne sa force, y revenant sans cesse, comme dans cette citation magnifique : “Les mots semblent être la seule chose que le temps n’ait pas le pouvoir de piétiner. Il traverse la vie et la change en mort, il traverse les maisons et les réduit en poussière, même les montagnes, ces majestueux amas rocheux finissent pas céder face à lui. Pourtant, il semble que certains mots parviennent à affronter son pouvoir destructeur, la chose est très étrange, certes, ils s’usent un peu, leur surface se patine mais ils résistent et conservent en eux des vies englouties, ils conservent le battement des coeurs disparus, l’écho de la voix d’un enfant, ils sont les gardiens des antiques baisers.”



Dans ce roman du froid, roman des mots, la traversée que vont faire le gamin et le postier, est extraordinaire. Car le courrier doit bien être distribué, même dans les coins les plus reculés. L’occasion d’un voyage qui permettra au gamin de compléter son deuil, et de chercher le sens de sa vie – ce qu’il fait souvent quelques minutes avant de mourir de froid et d’être sauvé in extremis par son compagnon …



Pas trace d’humour ici, mais juste la puissance d’une grande littérature, de mots qui nous balaie et qui, parce que l’auteur vit dans ce pays, disent avec justesse ce qu’était le quotidien (j’imagine qu’il prend place au début du XXe siècle) de ces hommes de l’extrême, au cœur de l’hiver. Un pays de pêcheurs où ces derniers ne savent pas nager et meurent parfois ridiculement; un pays où l’hiver interdit les enterrements et force à vivre avec le cadavre de l’être aimé pendant des mois; un pays où les communications sont coupées durant des semaines et où les nouvelles ne parviennent pas ; un pays où l’alcool est parfois le seul moyen de surmonter ou d’oublier un instant le froid ; un pays qui semble hors du temps.



C’est ce qu’a su traduire Jon Kalman Stefansson en quelques 400 pages. Et c’est ce qui me fait désirer plus que jamais de lire rapidement le dernier volet, publié en 2011 en Islande.



*



“Je ne peux pas travailler aujourd’hui pour cause de tristesse.” On n’ose jamais écrire ce genre de chose, on ne décrit pas les décharges électriques qui se produisent entre deux personnes, au lieu de cela on parle des prix, on s’attache à l’apparence, et non au souffle du sang, on ne se lance pas en quête de la vérité, des vers de poésie qui surprennent, des rouges baisers.”



Parfois les mots sont vains …
Lien : http://missbouquinaix.wordpr..
Commenter  J’apprécie          430
Ásta

Traduit de l'islandais par Eric Boury



J'ai rencontré Jon Kalman Steffanson en lisant « Ton absence n'est que ténèbres ». J'avais beaucoup aimé.

Mais lire cet auteur n'est pas de tout repos. Il passe du coq à l'âne, nous ballote d'une époque à une autre, saute d'un personnage à l'autre, le tout sans transition. Les mots déferlent comme un torrent et je me laisse emporter, car comment faire autrement pour rentrer dans les histoires qu'il veut nous conter.

Un roman foisonnant, poétique, sensuel, philosophique.

A ne pas rater.
Commenter  J’apprécie          420
Entre ciel et terre

Stefansson ne connaît sans doute pas Valéry Larbaud qui parlait de la lecture comme d’un « vice impuni ». Ici, en Islande, lire est puni car lire tue: survivre est une lutte qui ne permet aucune distraction. Une vareuse oubliée, c’est la mort. Encore plus extraordinaire que du Hugo, le combat que mènent les pêcheurs pour arracher leur nourriture à la mer coupe le souffle et glace le coeur.

La mer prend les hommes et les nourrit: cette ambivalence est aussi celle des livres, qui font vivre autant qu’ils tuent et qui, s’ils n’enseignent rien, rendent le monde plus humain. Bardur est mort d’avoir voulu relire les vers du « Paradis perdu ». À quoi bon les retenir, puisque l’épopée de Milton lui a fait oublier ses réflexes de pêcheur? À quoi bon puisque ce poète veut nous apprendre à respecter un Dieu qui, selon Stefansson, n’existe pas? (« abandonné de tous, sauf de Dieu et Dieu n’existe pas »). Mais les livres transforment la vie en destin et les histoires en mythes: le gamin, désespéré par la mort de son ami va connaître les affres de l’émancipation. Fuyant les lois des pêcheurs et précipité dans le monde, le gamin, nouvel Adam, vit la Genèse à l’envers: tenté de délaisser le fruit de la connaissance au profit de la mort, il sera sauvé de cette tentation par les femmes.

Comme beaucoup, j’ai eu du mal avec la deuxième partie de ce livre qui rompt avec l’épopée et l’envoûtement qu’elle procure. Mais c’est aussi tout l’art de la littérature de savoir conter la désillusion, le deuil et le manque.
Commenter  J’apprécie          423
Ásta

Que sais- tu des plus simples choses? Les

Jours sont des soleils grimés

De quoi la nuit rêvent les roses? Tous les

Feux s'en vont en fumée

Que sais- tu du malheur d'aimer?.....



Cette chanson de J.Ferrat semble avoir été écrite pour ce roman. Elle s'est imposée à moi au cours de ma lecture et son refrain n'a cessé de m'accompagner.

La plume de Jòn Kalman Stefànson d'une poésie douloureuse parle directement au cœur et me touche profondément. Asta, c'est l'universalité et l'intemporalité des tourments de l'amour,de l'absence et de l'attente. Mais c'est aussi une réflexion philosophique sur la vie.

C'est le deuxième roman que je lis de cet auteur et j'y ai trouvé la même difficulté initiale à me familiariser avec sa " structure", son désordre. J'ai ressenti la même crainte de me perdre. Mais ensuite l'évidence s'impose! Comment rendre mieux compte de la vie et de ses passions que dans un chaos apparent ? Car,qui oserait prétendre que la vie et les sentiments qui la constituent sont linéaires,logiques,raisonnables!?

C'est ainsi donc que je me suis laissée emportée dans cette valse à mille temps avec les trois merveilleux danseurs qui m'ont enlacée, Asta et ses deux parents Helga et Sigvaldi,mais aussi , pour des pas inoubliables Josef et d'autres encores. Et quelle piste de danse plus merveilleuse à rêver que l'Islande ?
Commenter  J’apprécie          422
D'ailleurs, les poissons n'ont pas de pieds

De tous les romans que j’ai pu lire, celui-ci doit sûrement être celui qui possède le titre le plus étrange (je me suis pour l’instant, et peut-être à tort, tenue à l’écart des romans ayant succombé à la mode des titres loufoques) ! Si vous avez tendance à être comme moi, je vous conseille de ne pas passer à côté de la plume de Jón Kalman Stefánsson, qui est somptueuse.



L’auteur entremêle avec brio le récit et les pensées de plusieurs générations d’une même famille, à partir de celles d’Ari, qui, parti au Danemark après la rupture d’avec sa femme, se réinstalle en Islande après avoir reçu de son père mourant un colis avec des affaires chargées de souvenirs. Ari y retrouve son ami d’enfance, qui, en tant que narrateur omniscient, raconte leurs souvenirs de jeunesse communs mais aussi ceux des parents d’Ari, et surtout des grands-parents de celui-ci, Oddur et Margrét, à la relation enflammée mais qui n’a pas toujours été à l’abri des coups durs et des malentendus.



Si Ari pensait seulement revenir sur sa terre natale, c’est en fait vers ses souvenirs qu’il retourne… Souvenirs emplis de regrets : envers les femmes de sa vie, envers la vie et ses douleurs envenimées par le non-dit (« une plaie qu'on passe sous silence et qu'on ne soigne pas devient avec le temps un mal intime et incurable »), envers un temps qui passe inexorablement et qui réduit des vies à une simple trace, au mieux un souvenir.



Car c’est cette lutte contre la fuite du temps, qui peut mener à l’oubli si on n’y prend pas garde, qui m’a touchée dans ce roman, comme l’écrit si bien l’auteur : « Car il en va ainsi, tous les événements passés, qu’ils soient petits ou grands, laideur ou beauté, les rires et les caresses, tout est cela est tôt ou tard mis sur la touche, condamné à l’oubli, condamné à la mort et à l’effacement, uniquement parce que plus personne ne se le rappelle, parce que plus personne n’y pense ou ne l’honore, c’est ainsi que tout ce que nous avons vécu se voit peu à peu réduit à néant, à une chose qui n’est même pas de l’air, et c’est si douloureux, c’est un tel gâchis qu’on en perd le sens de la vie […] Est-ce donc la raison pour laquelle nous vous apostrophons en vous racontant l’histoire de ces générations et en balayant cette centaine d’années afin que vous sachiez et que, de préférence, vous n’oubliiez jamais que tout le monde a un jour été jeune, afin que compreniez que tous autant que nous sommes, un jour viendra où nous brûlerons, consumés de passion, de bonheur, de joie, de justice, de désir, parce que c’est ce feu-là qui illumine la nuit, qui maintient à distance les loups de l’oubli, afin que vous n’oubliiez pas qu’il faut vivre et ressentir, que vous ne soyez pas transformés en un cadre sur un mur, un fauteuil dans un salon, un meuble devant une télévision, un objet qui regarde l’écran de l’ordinateur, inerte […]



« D’ailleurs, les poissons n’ont pas de pieds » n’est pas un roman léger, ni gai. Au contraire, c’est un roman grave, intense, gris charbon comme cette terre d’Islande, aux sentiments intenses qui couvent sous la couche des apparences, aux réflexions d’une psychologie folle, servi par une langue riche et magnifique. L’entrelacement des histoires, qui fait fi le plus souvent d’une chronologie précisément affichée, m’a souvent perdue, et je n’ai pas toujours vu où voulait en venir l’auteur dans l'écriture de certaines anecdotes. Mais c’est tellement bien écrit, tellement profond que je me suis laissé complètement guider par l’auteur dans cette ballade des sentiments et des regrets.



Si vous n’avez jamais lu Jón Kalman Stefánsson, courez-y les yeux fermés. En ce qui me concerne, c’est ce que je vais continuer à faire pour découvrir ses autres œuvres.
Commenter  J’apprécie          424




Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Jón Kalman Stefánsson Voir plus

Quiz Voir plus

Roméo et Juliette

"Roméo et Juliette" est une comédie.

Vrai
Faux

10 questions
1995 lecteurs ont répondu
Thème : Roméo et Juliette de William ShakespeareCréer un quiz sur cet auteur

{* *}