Madame Peyrat, propriétaire de gîtes dans la région de Sarlat, dans le Périgord noir, vient déclarer la disparition de Julia Lorenz, une jeune touriste allemande...Disparition à rapprocher d'autres cas similaires de disparitions de touristes allemandes signalées les semaines précédentes. Fugues? Eloignements volontaires pour recommencer sa vie ailleurs, "phénomène de plus en plus répandu dans nos sociétés en quête de sens"?
24 heures plus tard. Le corps est retrouvé dans un coin inaccessible de la montagne. Nul doute n'est plus permis. Il s'agit bien d'un meurtre mais l'assassin n'a rien laissé derrière lui: pas d'objets compromettants, pas de vêtements, pas d'empreintes, pas de traces biologiques d'aucune sorte. Seul un corps complètement nu. La seule certitude dont dispose la police pour commencer ses investigations: la jeune femme a été torturée...Et la découverte d'un charnier de corps présentant tous les mêmes caractéristiques: scalp, doigts coupés, crevasses étranges sur l'abdomen...
Quel lien entre ces trois femmes, mis à part leur nationalité et leur profil d'aventurières écolo? Un rapport avec les quatre autres corps à l'état de squelettes bien plus anciens, probablement aux alentours des années 1940? Didier, qui dirige l'enquête, est bien conscient que l'établir leur permettrait de trouver une explication à ce charnier.
Dans le même temps, Luna, sa compagne, désespérée de voir leur fille de cinq ans dépérir à vue d'oeil, et refusant l'inéluctable, est prête à tout pour sauver l'enfant, y compris avoir recours à Aïna Saita, célèbre guérisseuse reiki japonaise, malgré son scepticisme. Didier ne se doute pas que cette terrible affaire le mènera sur des chemins périlleux, le poussant dans ses plus extrêmes retranchements.
Le sens du détail sans en faire trop donne aux décors un réalisme discret très appréciable.
Scène de crime: descriptions sobres, vocabulaire précis et imagé: "Une clairière à flanc de colline, isolée et inaccessible par voie carrossable. Le relief s'apparentait à celui de Domme: des falaises, des forêts, des champs, des prairies...Avec en prime une densité de grottes, de sites troglodytiques et de vestiges préhistoriques inégalée." (Page 72) =>Terrain qui complexifie les investigations de la police.
Le Satyre Rieur: lieu dans lequel se déroule une grande partie du roman, abritant les artistes tous liés à Virginie, non par leur fonction, mais par leur passé douloureux et leur implication dans la pratique du reiki mise au point par Virginie. Le cabaret, installé dans une ancienne ferme périgourdine habilement restaurée, bénéficie d'un décor soigné, luxueux sans ostentation: "Toute son architecture intérieure avait été revue. Elle s'étalait sur deux niveaux reliés par un large escalier aux marches arrondies et balustrades à volutes en fer forgé. La décoration avait été étudiée dans ses moindres détails pour suggérer la féerie et mettre en valeur la scène: des moquettes ocre, un plafond sombre, des chandeliers muraux, de grands miroirs dorés, plusieurs statues d'un satyre rieur." (Page 21) =>Un lieu qui invite à la magie et à la rêverie occultant l'envers du décor, tissé des jalousies et des violentes disputes entre ses membres.
Périgord Noir: le choix de cette région n'est pas seulement motivé par sa parfaite connaissance de l'auteur qui y est né et y a grandi. C'est également sans doute parce que l'environnement se prête admirablement à l'intrigue: "En hiver, la fureur de sa faune, les craquements, les glapissements, les hurlements sauvages s'exacerbaient en un souffle pestilentiel prêt à déferler au milieu de ses bois denses et enténébrés...Le mur de roche était criblé d'alvéoles profondes et de niches creusées par la main de l'homme. Autant de cachettes pour une ombre moisie guettant sa future victime." (Page 38).
Avec Reikiller, Laurent Philipparie propose un roman riche et original dont l'intrigue, construite sur la pratique du reiki, méthode de soins japonaise fondée sur des soins par imposition des mains, dont la philosophie dérivée du bouddhisme était sensée guérir toutes sortes d'affections, y compris les maladies les plus graves. L'auteur ne porte aucun jugement sur cette technique, sans négliger pour autant son impact psychologique et énergétique. Il se contente de l'utiliser pour étayer son intrigue. Libre au lecteur d'approfondir ou pas les bribes évoquées dans le roman.
Le +: une des données majeures d'un bon roman policier est de restituer avec soin le contexte de l'enquête avec le plus de réalisme possible, de sorte que le lecteur s'immerge totalement au point de s'imaginer dans la peau des enquêteurs et ressentent les difficultés rencontrées: "Le cadavre d'une vacancière retrouvé sur l'un des pôles touristiques les plus attractifs de la région donnait une nouvelle ampleur à l'affaire. Les répercussions médiatiques et les pressions politiques réclamant une résolution rapide ne tarderaient pas." (Page 73).
Laurent Philipparie évoque, toujours avec le ton juste, sans porter de jugement, les différents aspects d'une enquête sur un ou plusieurs meurtres, avec lesquels le lecteur est rarement familiarisé. Ajoutant la vraisemblance des procédures de police scientifique, ce qui signifie que les résultats n'arrivent jamais dans l'heure qui suit, ni le jour même, mais des jours, voire des semaines plus tard: "-Et les quatre ogives récupérées dans le sol? interrogea doctement le major. -Elles sont à l'INPS de Toulouse. D'ici une semaine, on saura le calibre, de quel canon elles ont été tirées. Et s'il est répertorié dans nos fichiers.=>Immersion totale dans une véritable enquête même si l'histoire est fictive. Les techniciens ne sont pas des magiciens et la science a ses limites.
Le +: l'histoire de Reikiller prend ses racines dans le passé trouble de l'Occupation pendant la seconde guerre mondiale jumelée à la pratique du reiki, débouchant sur une intrigue riche et originale, s'appuyant sur des scènes d'action rythmées, bien ficelées. Donnant une ampleur inaccoutumée et profonde au roman. Un véritable coup de coeur...
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