Citations de Marek Halter (621)
Homme et femme.
Seulement homme et femme. Suspendus dans le crépuscule, se tenant la main comme des enfants sur le seuil de la nuit gorgée de sortilèges et de passion.
Comment peut-on se sentir coupable quand on ne l'est pas ?
"Ne juge pas de ce qui n'est pas accompli"... Et ce qui l'est, ajoutai-je, l'est finalement en beauté.
Elle observait, sur le grand corps d'insecte de la Singer, les arabesques argentées et dorées à la lueur de la bougie.
"Sais-tu que mon père me fait rire ?
Jusqu'à récemment, jamais je ne m'étais rendu compte que c'était un homme drôle."
Les questions sont venues. Juste ce qu'il fallait. Elles ont demandé où j'allais et pourquoi. Je n'ai pas dit :"Je vais me cacher au Birobidjan." J'ai juste dit : "A l'Est, loin de Moscou." Elles ont hoché la tête. "Tu ne vas pas à Gorki, alors ? - Non, plus loin. - Tu vas à Perm ? - Plus loin encore." Cette fois, elles savaient. Au-delà, il n'y a que la Sibérie. "Tu as de la famille, là-bas ?" Pourquoi n'ai-je pas dit la vérité ? Peut-être parce que je devinais qu'au mot "juif" elles changeraient d'attitude. J'ai fait un petit mensonge en hochant la tête. C'était presque vrai. Je ne le savais pas encore, mais la grande famille des Juifs m'attendait. Les femmes n'ont pas insisté. Elles croyaient comprendre. Elles imaginaient que j'allais rejoindre un mari, un amant dans l'un des milliers de camps de rééducation. Les camps du Goulag. Tout le monde les connaissait. Quand elles n'avaient pas d'enfants, plus de famille, certaines femmes allaient vivre près du camp où leur homme était prisonnier. Elles s'emprisonnaient elles-mêmes pour vivre encore une forme d'amour.
Zimba avançait prudemment. Marcher dans la nuit sur le chaos de pierres avec leurs simples sandales n'était pas aisé. Ils devaient prendre garde à ne pas se blesser les orteils contre les arêtes de la lave millénaire.
Puis d'un coup ils virent. A leurs pieds le désert offrait la merveille de ses entrailles. Un grand feu jetait des flammèches.
Tu ne peux pas plus planter tes crocs en moi qu'une hyène au jour de sa naissance
Mais de Tsippora, la Noire, la Kouchite, qui s'en souviendra? Qui se souviendra de ce qu'elle a accompli et qui prononcera son nom?
Que ce livre soit pour elle un modeste tombeau
Un jour, un homme dont on ne connait pas le nom partit à la recherche de son destin. Il parcouru le monde, et bien des années plus tard, très vieux, il retourna chez lui, bredouille. Sur le seuil de sa maison, il vit, surpris le destin qui l'attendait. Et il mourut... Je suis trop vieux pour ignorer qu'on ne court pas après son destin! C'est lui qui nous rattrape. Quand ça lui chante.
-Si ta faute ne nous avait pas chasse du jardin,Cain et Abel seraient ici,vivants,comme Seth.Le bonheur serait tout entier.
-De quel bonheur parles-tu Adam?L'Eden ne contenait aucun bonheur.La vie n'y etait pas vivante.C'est moi,Eve,qui a engendre le veritable vivant.YVHV ne m'a-t-il pas appelee"Eve,mere des vivants?".Et toi,le desir de la vie,tu ne l'as pas connu avant que nous arrivions ici,hors de l'Eden.Avant,tu n'etais que du parfait dans le parfait.Mais un jour,grace à moi,dans le jardin,tu as dit à YVHV:"je suis nu,quelle honte.La femme m'a mis à nu".Et voila,pour la premiere fois,en meme temps que la nudite,le gout de la vie...
La parole de Dieu que tu aimes,c'est celle que tu etudies dans le Livre.Elle te rend savant,mais elle ne sert pas a nous unir
Elle lutta contre les larmes qui lui encombraient soudain la gorge. Une émotion brute, animale, qui lui contractait le ventre. La folie du dehors ne cessait pas. La mort pilonnait tout ce qui était debout. La vie s'étouffait dans l'épaisse poussière de la guerre. Les hommes n'étaient plus qu'une volonté de destruction.
Nous échappâmes au ghetto nazi et à la mort grâce à deux amis catholiques de mon père. Ils proposèrent de nous accompagner jusqu’à la frontière soviétique. La nuit suivante, nous avons croisé une patrouille allemande:
« Jude ? Juif ? »
Ma mère m’avait répété des centaines de fois: « Si des soldats allemands nous arrêtent et de demandent si tu es juif, tu dis non ». Dans mon inconscient d’enfant, la reconnaissance de ma judaïté était évidente, essentielle. Bref, je ne voyais pas plus grand danger pour moi que de n’être rien. Négligeant la menace mortelle que portait la question du soldat, j’ai répondu:
« Juif ? Oui, bien sûr ! »
Nos amis catholiques éclatèrent de rire. Les nazis les imitèrent.
« Laissez-les passer, dit le plus haut gradé d’entre eux. L’enfant blague. Un Juif n’aurait jamais battu sa coulpe »
Ma mère en conclut que le meilleur des mensonges était la vérité. (p. 25)
Nos anciens ont toujours fait ainsi, et nous devons suivre leur exemple. Réunir les anciens, écouter leurs conseils et les appliquer, voilà ce qui a toujours été fait. C'est notre loi. Rien n'est plus grand que la mission qui nous attend, et il nous faut l'accomplir selon la coutume. Les anciens décideront.
Elle se cloîtrait dans son coin. Rouvrait pour la centième fois l'un des livres qu'elle avait emportés avec elle mais qu'elle ne pouvait pas lire par manque de lumière. Ou fermait les yeux, murmurant telle une prière ces vers qu'elle avait découverts comme si Pasternak* les avaient écrits pour elle :
Tout se tait. Je suis monté sur scène
Et j'écoute, adossé au montant
De la porte, la rumeur lointaine
Qui annonce ce qui m'attend ...
Maintenant, il ne devait plus être loin de minuit. Deux fois déjà la garde avait été relevée. Le frappement des bottes des soldats sur la neige gelée du quai de la gare de Yekaterinaslavka devenait obsédant. Le halètement de la locomotive n'avait pas cessé, il paraissait seulement plus lent, plus faible...
* Le Docteur Jivago.
Malgré son apparence,Adam est si vieux qu'il s'echauffe des qu'on lui parle du jardin d'Eden et de la faute qui l'en a chasse.Il se croit tout-à-fait innocent.Jusqu'a ce qu'il plie le genou devant YHVH;jamais il n'admettra en avoir accompli sa part.Pour lui,Eve est la seule fautive.
Comme tous les hommes présents, il s’aveuglait à sa beauté, mais redoutait ses paroles, comme si elles pouvaient briser son plaisir ainsi qu’un coup de pied fracasse une jarre fragile.
Tu es la saïda Khadija bint Kwowaylid, maitresse de ta maisonnée et de ta richesse, certes mais tu es une femme. Tes oreilles ne sont pas plus faites pour les rouleaux de mémoire que ta bouche pour les décisions de la mâla. C’est ainsi.
Sa voix mélodieuse qui rappelait celle des poètes du désert possédait un pouvoir étrange qui donnait une chair de vérité à ce qui aurait pu n'être qu'imagination.