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Critiques de Michel Ragon (135)
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La Ferme d'en haut

Un beau texte sur la nature (comme les romans de Giono ?) à la langue poétique, imagée et rythmée de quelques refrains.

Sur une année, avec un chapitre par mois qui marque les saisons à la ferme, l'auteur raconte le retour des colonies d'un fils parti il y a 20 ans et que son père et son frère qui a repris la ferme avec sa femme n'attendaient pas...

Non seulement le militaire revient d'Afrique pour vivre à la ferme sans l'intention d'y travailler mais en plus il y amène sa femme, Aïcha, qui est "bien trop nouère".

La ferme d'en haut est isolée alors on reste sur les interactions entre le vieil homme et ses fils avec les deux belles-filles. Aïcha porte un regard ébloui d'enfant qui découvre la richesse d'un pays tempéré... et s'attire le respect par sa force de travail et son éternelle bonne humeur... tout en titillant les hommes de la maison par son innocente sensualité.

Le deuxième thème est finalement la nostalgie et l'impossible retour au pays de celui qui a goûté à l'Afrique. Un roman curieux et beau.
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La mémoire des vaincus

La lecture de "la Mémoire des vaincus" clôture ma période mémoire de la commune de Paris.

Ce très bon roman ,car cela reste un roman qui mêle personnages fictifs aux vrais personnages qui ont fait l'histoire politique internationale du XX eme siècle.La traduction de Michel Ragon sur cette période qui a été le théâtre de révolutions,de guerres, de compromis,de combines ,reste très pertinente.
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Les mouchoirs rouges de Cholet

Belle manière de raconter l'histoire de la Vendée de 1793 à 1815, avec des pointes de patois vendéen, les croyances, les traditions, le refus de la pomme de terre, l'admiration de Napoléon pour ces vendéens qui ne le lui ont pas rendu. (Si les vendéens avaient suivi Napoléon lors des 100 jours il aurait gagner Waterloo)....lecture agréable et intéressante.
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L'accent de ma mère

Fils d'un militaire de la Coloniale, Michel Ragon passa son enfance en Vendée à Fontenay le Comte et sa jeunesse à Nantes auprès de sa mère, humble femme du peuple paysan de l'ouest avant de partir tenter sa chance à Paris. Partant du personnel et de l'anecdotique, il en vient assez vite aux drames de la Vendée, souvent cantonnés à un des épisode des révoltes chouannes alors que le pays dut subir guerres de religion, implantation huguenote, révocation de l'Edit de Nantes, dragonnades, émigration en Acadie, déportation en Louisiane (« le grand Chambardement ») et bien sûr le monstrueux génocide qui débuta en 1793.

Ragon propose une explication des causes bien différente des versions habituelles, renvoyant dos à dos les habituelles thèses royalistes ou républicaines. La révolte vendéenne ne fut au départ qu'une jacquerie de plus, totalement paysanne et prolétarienne donc ni religieuse, ni royaliste. Les bourgeois n'y prirent pas part et y furent même complètement hostiles. Les nobliaux se firent tirer l'oreille pour en prendre la tête. De plus, elle ne concerna qu'une partie du territoire vendéen, celui qui fut le plus ardemment protestant et qui était quasiment déchristianisé à l'époque. Aucune ville, aucun hiérarque catholique, excepté les prêtres réfractaires, aucun noble de haute lignée n'y adhéra. (Ils étaient même plus nombreux à encadrer l'armée bleue) Quant aux émigrés, jamais ils n'aidèrent le mouvement, bien au contraire. Le futur Louis XVIII ne leva pas le petit doigt alors qu'il aurait suffi que l'armée royale fasse sa jonction à Granville où l'attendaient pas moins de 80 000 hommes pour balayer Robespierre et son régime. « Si profitant de leurs étonnants succès, Charrette et Cathelineau eussent réuni leurs forces pour marcher sur la Capitale, c'en était fait de la République ; rien n'eût arrêté la marche triomphale des armées royales. Le drapeau blanc eût flotté sur Notre-Dame... » écrira Napoléon Ier. En réalité, royalistes et révolutionnaires se méfiaient terriblement de ce peuple insurgé contre toute forme d'oppression.

Se révoltèrent-ils pour échapper à la conscription ? Ragon rejette également cette thèse car la Vendée fournira toujours un des plus gros contingent de soldats à la République et s'illustrera pendant les deux guerres mondiales (Tranchée des baïonnettes, Résistance). Alors pourquoi ces va-nu-pieds prirent-ils les armes et se lancèrent-ils dans cette aventure désespérée, dans cette révolution dans la révolution ? Pour Ragon, ils furent vite déçus par la tournure que prit le nouveau régime qui se mit à augmenter les impôts, à réduire les libertés et en particulier celle de culte et surtout à favoriser leurs ennemis de toujours : les bourgeois qui profitèrent de la vente des biens de l'Eglise pour accaparer les terres et pressurer un peu plus les paysans. Le résultat en fut les longues années de massacre et de politique de terre brulée (Colonnes infernales de Tureau, Noyades de Carrier à Nantes, massacre avec tortures de femmes et d'enfants aux Lucs et sur tout le territoire). Au total autant de victimes et de dégâts que pendant la Guerre de Sécession ou pendant la guerre civile en Espagne. Excusez du peu. Et un silence aussi honteux qu'étourdissant de tous ceux qui ont voix au chapitre à travers les siècles. Une révolution qui étrangle, brûle, étripe, liquide plus révolutionnaire qu'elle, c'est impossible, impensable, inimaginable !

Et pourtant l'horreur vendéenne portait en germe tant de génocides, d'ethnocides ou d'épurations ethniques : des koulaks aux Ukrainiens et aux Polonais sous Staline, sans oublier les Irlandais, les Arméniens en 1915, les Juifs par les nazis de 33 à 45 et plus près de nous, les Cambodgiens sous Pol Pot, les Biafrais, les Rwandais et tant d'autres...

Bravo à Michel Ragon pour avoir si magistralement traité ce difficile sujet (ce livre est une véritable somme, avec documents, annexes, déjà un véritable classique sur la question) et à cette merveilleuse collection « Terre Humaine » qui permet au plus grand nombre d'appréhender l'ethnologie historique ou contemporaine et faire découvrir tant de figures étonnantes ou touchantes comme Anta, Toinou, Sylvère et comme cette maman vendéenne de Michel Ragon.
Lien : http://www.etpourquoidonc.fr/
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La mémoire des vaincus

C'est le type de roman qui se fait passer pour une biographie afin de dépeindre un milieu, ici l'anarchisme français du 20e siècle. De la bande à Bonnot de la Belle Epoque aux soubresauts de mai 68, on suit Fred dans son apprentissage de la vie et de la politique jusqu'à Moscou et Barcelone. S'il est toujours délicat de discerner le réel du fictif dans ce type d'ouvrage, j'ai l'impression qu'il transmet néanmoins l'ambiance qui animait une partie de la gauche française entre 1910 et 1960.

L'écriture est agréable à suivre, les portraits de personnalités sont bien brossés et les anonymes assez dynamiques pour faire le lien sans temps mort.
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La mémoire des vaincus

Alfred BARTHELEMY est un gamin des rues. Dans le Paris d'avant la Grande Guerre, la curiosité quide ses pas vers son premier amour – indélébile – et sa destinée : la Liberté. Des amours, il y en aura d'autres, mais de Liberté il n'y en a qu'une et Fred aura la chance dans son entourage de compter parmi les plus éminents penseurs et révolutionnaires de son temps.



A travers les époques et l'Europe, Fred sera tantôt sur le front, tantôt à l'usine. Tantôt en Russie, tantôt en Espagne; puis à nouveau, flirtera avec les pavés de la capitale pour y investir les quais de ses brochures et de ses livres, dernières traces d'une vie aussi inimaginable qu’insoupçonnée.



Michel RAGON signe avec ce roman un trésor de fresque historique sur fond populaire empreint d'Anarchisme. Magistralement structuré autour des évènements marquants du XXème siècle, Fred nous immerge depuis l'intérieur auprès des syndicats ouvriers, du Polit Buro, des révolutionnaires Espagnoles… On y croise un nombre impressionnant de penseurs et révolutionnaires comme Kropotkine, Lénine, Makhno ou encore Durruti qui permettent d'appréhender l'Histoire Sociale et les divers courants de pensée de l'époque avec une vision qui tient presque de la première main tant l’érudition de l’auteur donne vie à l’ouvrage, créant l’illusion que Fred BARTHELEMY a réellement foulé cette Terre.



Je ne peux m'étendre plus sur cet excellent ouvrage dont la lecture a été un plaisir que j'aimerai vous laisser intact. A mi-chemin entre Roman et leçon d'Histoire, lire La Mémoire Des Vaincus c'est inévitablement prendre une claque face aux dévouement de certains hommes pour la Liberté.

En revisitant les évènements à travers les yeux de Fred, c'est tout un pan caché de l'Histoire du XXème siècle qui dévoile sa complexité et offre ses lettres de noblesse à la Philosophie Anarchiste, par trop méconnue et dévoyée.



Une pépite.
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La mémoire des vaincus

Au début de l'autre siècle, un petit orphelin, Fred Barthélemy rencontre Flora, une jeune marchande de poisson dont il tombe amoureux. Les deux enfants sont assez vite recueillis par un couple d'anarchistes de Belleville, Victor et Rirette, amis très proches de la bande à Bonnot. Fred fera son éducation politique auprès de Delesalle, un libraire anarchiste et apprendra le russe avec des émigrés fuyant la répression tsariste. Cette connaissance lui épargnera la boucherie de 14 car il sera envoyé par l'armée comme observateur de la révolution russe. Au contact de Lénine, Zinoviev, Kamenev, Trotsky et Staline, il sera horrifié de la manière dont son idéal sera trahi, mais participera néanmoins à la propagation du communisme dans les autres pays d'Europe. Rentré en France au moment du Front populaire, il participera activement à la guerre d'Espagne dans les rangs des libertaires et des anarchistes qui finiront pour la plupart sous les balles des bolcheviques. Il passera la seconde guerre mondiale prisonnier en France dans le camp de concentration de Gurs et ne sera libéré qu'en 1945 sans avoir eu ni procès ni condamnation, ni réhabilitation d'aucune sorte. A la fin de sa vie, il exercera la profession de bouquiniste sur les quais de Paris.

Un destin exceptionnel, une vie qui en contient dix et qui permet à Michel Ragon de nous brosser une fresque magnifique sur le mouvement anarchiste et libertaire. En compagnie de Fred, dont on se demande s'il a vraiment existé (auquel cas ce livre est un document et non un roman historique), le lecteur croisera le prince Kropotkine (initiateur avec Bakounine du mouvement en Russie), le rebelle anarchiste ukrainien Mackhno, les espagnols Durruti et Pestana, tous ces « vaincus » qui aidèrent à l'avènement du communisme en Russie et ne furent récompensés de leur zèle que par une balle dans la nuque dans les caves de la sinistre Loubianka ou par la déportation dans les neiges du Goulag. Des idéalistes (souvent réalistes) qui jouèrent par naïveté les supplétifs sur tous les fronts et ne furent que des « idiots utiles » des bolchéviques, tout comme les intellectuels bourgeois de l'époque (Romain Rolland, Aragon, Malraux, Barbusse, etc, etc). Un livre utile, passionnant, indispensable sur un sujet rarement abordé (on apprend beaucoup de choses sur un mouvement trop souvent caricaturé pour ses excès de violence et sur certaines affaires peu ragoûtantes comme la fin de Louis Renault bastonné à mort dans la prison de Fresnes, ou celle de Drieu La Rochelle). Presque un siècle de la vie politique mondiale vu du côté des vaincus, des oubliés et des proscrits. Bravo à Michel Ragon pour cette oeuvre de mémoire si différente de la vulgate officielle si complaisante avec les vainqueurs.
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Les mouchoirs rouges de Cholet

Partie en stage à Cholet, ayant des origines du Pays de Retz on m'a offert ce livre et.... quelle histoire horrible que ces guerres de vendée!

Le livre est très très bien écrit, il est à la fois émouvant, dérangeant, atroce et plein d'espoir.

C'est une partie sombre de notre Histoire qui m'a ému, touché et que j'ai découvert! Ce livre est très bien documenté et l'auteur a construit son roman autour de faits on ne peut plus réel renforçant par la même l'atmosphère prenante du livre.
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La mémoire des vaincus

Résumé.

Au début du XXe siècle, un petit orphelin, Fred Barthélemy rencontre Flora, une jeune marchande de poisson dont il tombe amoureux. Les deux enfants sont assez vite recueillis par un couple d'anarchistes de Belleville, Victor et Rirette, amis très proches de la bande à Bonnot. Fred fait son éducation politique auprès de Delesalle, un libraire anarchiste et apprendra le russe avec des émigrés fuyant la répression tsariste. Cette connaissance lui épargne la boucherie de 14 car il est envoyé par l'armée comme observateur de la révolution russe. Au contact de Lénine, Zinoviev, Kamenev, Trotsky et Staline, il est horrifié de la manière dont son idéal est trahi. Rentré en France au moment du Front populaire, il participe activement à la guerre d'Espagne dans les rangs des libertaires et des anarchistes qui finiront pour la plupart sous les balles des bolcheviques. Il passe la seconde guerre mondiale prisonnier en France dans le camp de concentration de Gurs et est libéré en 1945 sans avoir eu ni procès ni condamnation, ni réhabilitation d'aucune sorte. A la fin de sa vie, il exerce la profession de bouquiniste sur les quais de Paris.



Mon avis.

Michel RAGON aurait pu intituler son livre "Les perdants magnifiques", si ce titre n'avait pas déjà été utilisé par Leonard COHEN ; il aurait été plus proche de la vérité. Car ces hommes ne furent pas réellement vaincus, mais bel et bien trahis !

J'ai adoré ce roman qui tend parfois vers l'essai politique !

Un destin exceptionnel, une vie qui en contient dix et qui permet à Michel Ragon de brosser une fresque magnifique sur le mouvement anarchiste et libertaire. En compagnie de Fred, le lecteur croise le prince Kropotkine (initiateur avec Bakounine du mouvement en Russie), le rebelle anarchiste ukrainien Mackhno, les espagnols Durruti et Pestana, etc. Beaucoup, notamment les libertaires, mais aussi les socialistes révolutionnaires, contribuèrent fortement à l'avènement aux pouvoirs des Bolchéviques, contraints et forcés par les événements, puis furent trahis et exterminés. Frédéric BARTHELEMY, personnage central du roman, n'a pas existé, Michel RAGON s'est servi des anecdotes de deux anarchistes qu'il a eu la chance de rencontrer, de nombreux témoignages d'acteurs de ces événements historiques, et d'une solide documentation. Même s'il a romancé, et parfois interprété, RAGON ne rapporte que des faits avérés, toujours judicieusement commentés.



Quelques morceaux choisis :

"L'histoire a été accaparée par des imposteurs et elle est écrite pas d'autres imposteurs."

"Il ne peut y avoir de communisme viable que dans le partage de l'abondance. Or la Russie ne partageait que la pénurie."

"L'armée rouge et la Tchéka*, voilà les deux réussites de la révolution d'Octobre."

"La France, l'Angleterre, l'Autriche, tous les pays qui échappaient encore à la dictature, s'endormaient dans leur déclin. Leurs dirigeants ne remarquaient rien, ne comprenaient rien. Ou bien alors, comme le lapin fasciné par le serpent qui le dévorera, ils se laissaient ensorceler par les sirènes."

"Les politiciens deviennent amnésiques dès que l'Histoire ne fonctionne pas selon leurs vœux."

"Que longtemps encore règne sur le monde ta bienfaisante lumière" titrait l'Humanité du 26 novembre 1949**."

"On le*** condamna donc finalement à mort, seulement pour avoir mal pensé. Mais pour Staline, comme pour Hitler, ne s'agissait-il pas là du mal suprême ?".



* L'ancêtre du KGB.

** Pour l'anniversaire de Staline (18 décembre).

*** Nicolaï Boukharine.

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La mémoire des vaincus

Quel livre... quelle fresque historique ! Il m'a fallu du temps pour en venir à bout, du fait de sa densité et de sa richesse. Parce qu'il m'a donné envie de faire des recherches sur les personnages exposés et sur l'histoire politique du XXe siècle (surtout la première moitié), l'anarchisme et les élans de liberté qui déboucheront entre autres sur un communisme dévoyé... tout un monde ce XXe siècle !

L'occasion pour moi de relier des morceaux d'histoire mal appris dans ma jeunesse, de voir comment ces morceaux forment un seul récit, riche de grands progrès et d'horreurs, de grands hommes et de tyrans... Pour nous accompagner dans ce siècle, Michel Ragon nous offre le personnage de Fred Barthélemy comme guide, qui sera aux premières loges et même acteur de l'histoire de ce siècle. Un personnage fictif au destin improbable, mais maintenant que j'ai découvert l'histoire de Makhno, plus aucun destin ne me semble improbable !
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La Ferme d'en haut

En Vendée, au début de l’autre siècle, trois personnes vivent ou plutôt survivent dans une modeste ferme isolée : le vieux Gustave, 80 ans, Alfred, son fils qui assure la majorité des travaux et son épouse Emilie, malade de la poitrine. La première femme d’Alfred et celle de Gustave sont mortes de la tuberculose. Les enfants d’Alfred ont très tôt été placés dans des fermes alentour. Quant à Ernest le fils cadet, il est parti très tôt puis s’est engagé dans la Coloniale. Un jour, le voilà qui débarque à la ferme avec des galons de sergent, une petite pension et une compagne du plus bel ébène prénommée Aïcha… Quel accueil recevront-ils ?

« La ferme d’en haut » est un roman de terroir comme savait si bien en écrire le très regretté Michel Ragon. L’intrigue est intéressante et fait bien écho aux problématiques actuelles. Cette cohabitation tout à fait étrange pour l’époque est parfaitement et subtilement décrite. Elle pose le problème du racisme, de l’incompréhension d’une petite communauté surprise dans ses habitudes. Sans révéler la montée des tensions ni la réalité du drame final, le lecteur remarquera la légèreté et le doigté de l’auteur qui, de manière intelligente, se contente de décrire situations et sentiments sans prendre parti ni délivrer le moindre prêchi-prêcha politiquement correct. À chacun de tirer ses conclusions. Lecture agréable. Style minimaliste comme on les aime. Un bon Ragon, sans doute pas le meilleur.
Lien : http://www.bernardviallet.fr
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Georges et Louise





N°234

Février 2001





GEORGES et LOUISE - Michel RAGON Éditions Albin Michel.





On s’étonnera peut-être que Michel Ragon, dont le parcours dans la vie et dans la littérature est des plus exemplaires qu’il choisisse de parler de deux personnages aussi apparemment différents que la révolutionnaire Louise Michel, fille naturelle, institutrice, pauvre et délicate poétesse et l’homme politique mondain et ambitieux, le médecin et riche bourgeois qu’était Georges Clemenceau.



A priori tout les oppose mais ces deux êtres portaient en eux la révolte, la volonté de faire changer le monde, même si leurs chemins divergèrent parfois, ils restèrent rebelles à cette société dans laquelle ils vivaient. Louise avait épousé la cause des pauvres, des déshérités et Georges, quand il la rencontra à Montmartre dont il était la maire, fut frappé par son immense charité, bien qu’elle ne fût pas chrétienne, au contraire ! Il choisit donc de l’aider financièrement comme l’aideront plus tard le Marquis de Rochefort et la Duchesse d’Uzès ! C’est que Louise ne laissait pas indifférents ceux qui la rencontraient !



Pendant tout son chemin, Louise a opté pour l’action politique, parfois violente mais Georges lui préféra toujours l’action parlementaire, plus feutrée mais pas moins efficace. Pendant la Commune, l’action de Louise sera modeste mais pendant son procès elle prendra sur elle toute la responsabilité des émeutes, bravant ses juges et la condamnation à mort. Finalement ce sera la déportation en Nouvelle-Calédonie où elle n’oubliera pas son engagement humanitaire définitif. Il se fera en faveur des Canaques !



On sent qu’il s’apprécient ces deux personnages que tout sépare. Ne compare-t-on pas à Jeanne d’Arc celle qui fut, un peu après coup, la Pasionaria de la « Commune », ne porte-t-elle pas le deuil de cette révolte avortée, de tous ces fusillés, de tous ces morts pour la Liberté ?



On sent bien que cet autodidacte authentique qu’est Michel Ragon, qui porte aussi en lui la révolte, aime peut-être

davantage Louise Michel pour la droiture de son action. L’histoire l’a fait croiser la route de Clemenceau, vendéen comme lui, révolté aussi et de cette rencontre est née plus qu’une amitié, une sorte d’admiration réciproque dont leur correspondance témoigne.



Ce qui passionne sans doute Michel Ragon c’est sans doute aussi le souci qu’il a de livrer à son lecteur l’histoire authentique comme il le fit à de nombreuses reprises, notamment à propos des « Guerres de Vendée », même si ce qu’il écrit dérange, est en marge de l’histoire officielle dont on sait qu’elle est toujours écrite par les vainqueurs !

Il aime la révolte même si elle est utopique car nous savons bien que cela aussi et peut-être même surtout fait avancer le monde, le fait évoluer et non s’engoncer dans des idées reçues. On sent qu’il les aiment ces oubliés de l’histoire qui ont su, eux-aussi et à leur manière œuvrer pour le triomphe des valeurs de notre république. Il ne quitte jamais des yeux son modèle, sa « Vendée » !



Il tient à nous dire qu’il apprécie les êtres humains pour ce qu’ils sont mais surtout quand ils sont fidèles à leur idéal. Ennemis peut-être mais qui forcent le respect par leur droiture et le refus de la compromission, la fidélité à leur engagement personnel, oubliant les clivages sociaux, les opinions divergentes.



L’auteur, véritable humaniste, n’oublie pas de rappeler des évidences, que le pouvoir corrompt, rend oublieux parfois des engagement pris qui ne sont jamais tenus et il conclut (sans doute) avec Louise « C’est que le pouvoir est maudit et c’est pour cela que je suis anarchiste. ». Il n’oublie pas non plus de se situer dans son siècle, l’histoire étant, nous le savons un éternel recommencement et c’est pleinement conscient de ce qu’il écrit qu’il note pour son lecteur attentif ( et ce sont ses propres termes) « La gauche au pouvoir n’est plus la gauche ». Cette remarque me paraît à moi, avoir été dans un passé récent ( et peut-être aussi dans le présent ?) marqué au point du bon sens !

On sent bien sous la plume de notre auteur le vendéen frondeur qu’il continue d’être et lui de citer Clemenceau encore une fois «  Ce peuple vendéen a quelque chose de sauvage et de buté qui me plaît ! »



Dans sa haine du pouvoir Louise, à son retour en France, va désirer ardemment tuer Gambetta comme elle avait pensé exécuter Thiers pendant la Commune. Pour elle ce qui importait c’était « que ça pète »



Elle n’est pas exempte de contradictions non plus, elle qui désira faire sortir les femmes de leur condition inférieure mais refusa de militer pour leur droit de vote. Elle resta célibataire pour ne pas être assujettie à une homme mais défendit quand même la cause des femmes que la Commune oublia un peu vite. Elle refusa même un mandat parlementaire qui lui aurait sûrement permis de faire bouger les choses, certes plus lentement, mais dans la légalité. Elle restait pour Clemenceau « l’incarnation de l’éternelle révolte des gueux, l’image de la Révolution ».

Pourtant c’est Clemenceau qui fait évoluer les choses en instituant de nouvelles libertés politiques et syndicales, s’élevant contre la répression et la peine de mort, militant pour l’institution de retraites ouvrières, pour l’école laïque et gratuite.



Mais la «  veuve rouge », celle qui porte si haut le deuil des communards morts, va finir par être manipulée, huée même. Elle devient impopulaire, un comble pour elle tandis que Clemenceau prend la première place dans le monde politique. A elle le combat au quotidien contre la misère, la pauvreté et les injustices, à lui les mondanités et les honneurs. Lui si élégant et raffiné si soucieux de sa personne, elle négligée jusqu’à l ‘outrance car ce qui les sépare malgré tout c’est bien le milieu social.



Nous la découvrons aussi « femme de plume » non seulement auteur de romans poèmes et pièces de théâtre mais aussi ardente lectrice de science fiction, amie d’un « lointain » Hugo, admiratrice de Zola et célébrée par les poètes symbolistes, moins, il est vrai, pour son talent que pour son engagement politique.



C’est que la voilà désormais, après un long séjour hors de France, conférencière, mais son image ne fait plus recette. Elle est de plus en plus contestée, elle essuie des quolibets. Ses atermoiements, ses silences coupables lui ont peut-être valu cet attentat où elle échappa à la mort, pardonnant cependant à son agresseur. A ce moment peut-être plus qu’à tout autre elle mérite son surnom de « Vierge rouge ».



Georges et Louise se sont toujours suivis malgré les divergences de parcours. L’homme politique a toujours été aux côtés de l’anarchiste un peu comme son double, l’autre face d’un Janus, l’un dans la lumière et l’autre dans l’ombre, un peu comme si l’un osait faire ce que l’autre n’osait pas !



Michel Ragon, on le sent bien, domine son sujet, plus, celui-ci le passionne. Il sait quand même pointer du doigts, même s’il est sous le charme de cette Louise, les insuffisances de ce personnage complexe. D’elle et de Georges je crois bien que c’est elle qu’il préfère sans doute parce qu’elle est restée fidèle jusqu’au bout à elle-même alors que Clemenceau, malgré ses idées libertaires affichées sera constamment tenté par le pouvoir et finira pas succomber. Si elle avait fait sienne la devise de Blanqui « Ni Dieu ni Maître » qui, si je me souviens bien avait aussi été celle de Cathelineau, voiturier vendéen qui commanda les Blancs au début des Guerres de Vendée, Clemenceau aimait le pouvoir pour ce qu’il était.



Puis, lui qui était surtout capable de faire et de défaire les gouvernements, porté par le Bloc des Gauche , devint député puis, comme il aimait à le rappeler, « le premier flic de France » et enfin Président du Conseil, reniant beaucoup de ceux qui avaient été ses amis et l’avaient soutenu et, pire encore faisant réprimer par la troupe les émeutes ouvrières du nord et les révoltes paysannes du sud de la France. Louise était déjà morte, un peu comme si la griserie du pouvoir prenait le dessus, comme si son mentor de l’ombre, son contrepoids n’existant plus. II était en quelque sorte libéré !



C’est vrai qu’il s’en moqua un peu de ce pouvoir mais pour mieux s’en emparer et oublier que dix ans plus tôt il souhaitait  réduire l’action du gouvernants «  à son minimum de malfaisance ». Pourtant, dans la mémoire collective, c’est sous le nom de « père la Victoire », jusqu’au-boutiste, revanchard, cocardier, patriote qu’il restera, le comble pour un anarchiste et un antimilitariste. Lui aussi essuya un attentat et comme Louise protesta contre la peine de mort pour son agresseur .



Pour s’excuser peut-être Clemenceau disait de lui qu’il était un mélange d’anarchiste et de conservateur mais refusait d’indiquer dans quelle proportion ! Il rappelait qu’il avait eu ses heures d’idéologie et qu’il n’était pas disposé à les regretter.



A travers ces pages écrites simplement comme à son habitude, c’est à dire pour être lues et comprises, Miche Ragon se fait (et avec quel brio) un peu l’historien de l’anarchisme et on ne peut que souligner l’important travail de recherche qu’il a mené pour écrire cet ouvrage, pour montrer la part d’anarchisme qu’il y avait chez l’homme de pouvoir et la part de rêve qu’il pouvait y avoir dans cette petite silhouette frêle qui incarna l’insoumission sans renoncer à l’amitié et à l’argent des riches, même si elle n’en profitait pas elle-même. Ces portraits croisés ont quelque chose d’émouvant .



Le choix qu’a fait Michel Ragon d’en être l’auteur vient sans doute du fait que Louise et Georges se sont beaucoup écrit pendant leur vie mais, à mon avis, c’est un peu la condition humaine qu’il a évoquée à travers ces deux personnages, sa complexité ses nuances, ses renoncements…



© Hervé GAUTIER.
Lien : http://hervegautier.e-monsit..
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Georges et Louise

Documenté et nuancé.



Michel Ragon nous offre une page d'histoire faite de personnages riches et complexes, bien loin de l'hagiographie que l'on voit si souvent de certains d'entre eux. Prenant pour prétexte la longue amitié de Georges Clemenceau et de Louise Michel, d'ailleurs peut-être plus proche du respect mutuel que de l'amitié, il nous conte d'une belle plume leurs destins respectifs, mais aussi ceux de bien d'autres les ayant côtoyés, soutenus ou combattus. Des derniers jours de la Commune à l'accession au pouvoir de Clemenceau, de leur première rencontre à la mort de Louise Michel, fin de siècle et fins de régimes sont au rendez-vous de cette période troublée. Bien documenté, agrémenté de notes bien utiles sur certains personnages moins connus et d'une bibliographie succincte, voilà un petit livre dont je ne regrette ni l'achat (20 centimes d'euros d'occasion !), ni la lecture.

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La mémoire des vaincus

Dans cette vaste fresque libertaire et prolétarienne, Michel Ragon balaye un siècle d'histoire marginale, mettant en scène Fred Barthélemy, dont la destinée a tenu à un enchaînement de circonstances qui l'ont entraîné partout où l'histoire s'est écrite au XXème siècle, partout où le sang d'hommes et de femmes sacrifiés par le système, a coulé abondamment : première guerre mondiale, révolution russe, front populaire, guerre d'Espagne, jusqu'à mai 68, dernier combat en date.





Que d'événements incroyables analysés par un homme ordinaire, anonyme, isolé, pauvre, démuni, qui a rêvé d'arracher aux maîtres du monde leurs privilèges ! Michel Ragon rend hommage à tous ceux qui un jour, alors que leurs origines sociales ne les prédisposaient guère à l'accès à la culture, à la connaissance, ont lu par hasard, dans une obscure officine de bouquiniste, quelques pages de Victor Hugo et de ses Misérables, et qui à la suite de cette découverte fortuite et lumineuse, avec un appétit de crevard, ont volé ce qui leur était interdit : la beauté, la poésie, la vérité. L'utopie peut-être.





Cette première incursion dans l'histoire libertaire qui prône l'anti-militarisme, l'anti-stalinisme, la critique moderne du marxisme, l'avortement légal, l'amour libre, le naturisme, le nudisme, l'écologie, m'incite à approfondir cette découverte.





Un homme qui dit : «Je ne fais pas de politique, mais quand je vois un pauvre type dans la rue, je lui tends la main » (p. 307) éveille d'emblée ma curiosité et me donne envie de faire un bout de chemin en sa compagnie.
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La voie libertaire

Michel RAGON, l'illustre, nous a quitté l'année passée, le 14 Février. le présent livre, paru en 1991, fait office de biographie, ou, plus littéralement, de curriculum vitae libertaire. S'il y manque à fortiori les trente dernières années de sa vie, le parcours présenté est déjà impressionnant.



Après un cours prologue, l'érudit Ragon nous présente en première partie «Les Phares » : ceux qui ont accompagné ses premiers pas vers la voie libertaire. Enfant unique, éduqué par sa mère et sa grand-mère, il grandit, selon ses propres mots dans un « monde douillet de la féminité et de la lecture ». A l'adolescence, il quittera sa ruralité vendéenne avec sa mère pour la ville, Nantes, dans laquelle il sera confronté de plein fouet aux différences entre classes sociales. C'est la lecture de Michelet, durant ses années nantaises, qui le conduira à lire Guéhenno, ce qui l'amènera ensuite à s'intéresser à la littérature prolétarienne. Sans le savoir, il se destinait à rencontrer Henry POULAILLE.

C'est en arrivant à Paris, vers la vingtaine que le jeune homme fit la connaissance de celui qui deviendra son père de substitution. Poulaille, qui travaillait dans l'édition, non seulement lui présenta tous ses amis des milieux littéraires et militants, mais de surcroit, lui offrit sa confiance et l'accompagna dans son émancipation intellectuelle.

Au fil du chapitre, on croise nombre de figures emblématiques de la Philosophie Politique : Rousseau, Toqueville, puis Proudhon, Marx, Bakounine ; Kropotkine ou les frères Reclus encore… tandis que Michel RAGON discute succinctement leurs idées, mettant en exergue les dangers inhérents d'un socialisme autoritaire.



Le second chapitre aborde « Une Voie Sans Issue ». Sur la période 1886-1912, l'Anarchisme est parcouru de soubresauts qui saliront son image jusqu'aujourd'hui encore. Peu représentatif, la « propagande par le fait » puis l'Illégalisme et son terrorisme à la dynamite ont émaillé la lutte anarchiste, lassée et désespérée par les conditions de la classe ouvrière et l'injustice profonde qui régnait alors dans une société particulièrement inique.

Ragon y raconte sa rencontre avec Rirette MAITREJEAN, présentée par Poulaille (là-encore, sans surprise). Au début du XXème siècle, Rirette avec son compagnon plus connu sous le nom de Victor SERGE, fréquentait la bande à Bonnot ; même si tous deux ont toujours manifesté leur désapprobation envers les actes des « bandits tragiques », qui ne trouvent d'ailleurs aucune grâce aux yeux de l'auteur. Ravachol, Caserio et quelques autres y sont évoqués également, ce qui permet à Ragon d'exposer sa propre critique des stratégies usant de la violence.



En 1947, Ragon rencontre pour la première fois Maurice JOYEUX, fervent militant ayant largement contribué à la Fédération Anarchiste (FA) et tenant une librairie du doux nom de Château Des Brouillards. Ragon vient lui présenter son livre « Ecrivains du peuple ». « En poussant la porte de la librairie, j'entrais dans le mouvement libertaire » décrit-il. Ce troisième chapitre intitulé « Les Chemins de l'Amitié » nous présente le milieu anarchiste parisien de l'après-guerre aux années cinquante. On y croise Léo FÉRRÉ et Georges BRASSENS, l'un comme l'autre ouvertement anarchistes et apportant leur soutien à la FA. La période est propice aux velléités d'émancipation. L'entre-deux-guerres a fait beaucoup de mal à l'Anarchisme qui a été purgé en URSS par les Bolcheviks et écrasé par le fascisme en Espagne malgré une forte imprégnation des idéaux libertaires auprès de la classe ouvrière espagnole.

Tout en continuant d'écrire – livres et articles dans des revues libertaires – Ragon poursuit les rencontres. Daniel GUERIN, qui écrira beaucoup sur l'Anarchisme, notamment dans les années 60-70' et dont l'opus magnum « Ni Dieu, Ni Maître » n'est plus à présenter, conseillera alors à Ragon, en tant que Vendéen, d'analyser la révolution de 1789 sous un prisme marxiste . Ce que Ragon finira par faire via sa série « Vendéenne ». Tout aussi inspirante, sa rencontre avec Gaston LEVAL lui a beaucoup apporté dans l'analyse de la tristement célèbre Révolution Russe de 1917. Il s'en servira, ainsi que de la vie de Marcel BODY, dans la création du personnage de Fred BARTHELEMY pour sa magnifique fresque historique « La Mémoire Des Vaincus ».



Sur quelques pages à peine, dans le quatrième chapitre, Ragon prend le temps d'évoquer « La Voie Individualiste ». Il serait en effet étrange et injuste d'aborder un parcours anarchiste aussi érudit et impliqué en passant sous silence ce courant de l'Anarchisme relativement minoritaire, mais toutefois fécond dans sa critique acérée de la tyrannie de la société sur l'individu, lorsque ce dernier est subordonné à la première, mettant ainsi en exergue les dangers de tout socialisme autoritaire. Il évoque les causeries parisiennes d'E. Armand et remonte dans le passé en évoquant Stirner, qui aura eu beaucoup d'influence sur le courant Individualiste, ainsi que de Thoreau ou encore Palante, parmi quelques autres. Ce faisant, il amène une distinction entre « Révolte » et « Révolution » bien servie par une définition attribuée à Stirner : « La révolution avait pour but une nouvelle organisation, la révolte nous amène à ne plus nous laisser organiser, et ne place pas ses espérances dans les institutions », qui souligne une certaine pertinence de la critique individualiste.



En cinquième partie, « La Voie Pacifiste », Ragon fait la part-belle à Louis LECOIN – « irréductible pacifiste » qu'il a bien connu (et qu'on retrouve également dans « La Mémoire des Vaincus », signe de l'attachement de l'auteur à cet homme). Louis LECOIN qui a fait de la prison pour son manifeste « Paix Immédiate » en 1939 et qui plus tard, en 1962, obtiendra, par une grève de la fin, un statut pour les « objecteurs de conscience ». Ce chapitre permet à Ragon de défendre un peu plus son point de vue contre l'Illégalisme et il cite notamment l'extrait d'un article qu'il rédigea pour le journal « Liberté » de Lecoin, dans lequel il fustige à la fois l'illégaliste et le révolutionnaire, en définitive toujours oppresseur, tout en idéalisant « l'affranchi parfait » qu'est le révolutionnaire anarchiste, « adversaire irréductible de l'Etat ». Historiquement, le développement de ce chapitre tourne autour des « évènements » en cours en Algérie et offre à voir comment ils ont été perçus, commentés et combattus par les anarchistes.



Les chapitres six et sept, respectivement « La Voie Esthétique » et « Compagnons de voyage sur une route de dérivation » dépeignent sur une douzaine de pages l'affinité de Ragon avec l'art en général, notamment l'architecture, ainsi qu'entre Art et Anarchisme. On y parle de Dubuffet, de Fénéon et de bien d'autres (dont je ne connais à vrai

dire pas grand-chose). L'intérêt d'aborder ces thématiques, outre la place qu'elles tinrent dans la vie de Ragon, éminent critique d'Art, est de questionner à la fois le rôle de l'art et notamment de l'architecture dans l'émancipation de l'Homme. On y parle succinctement « d'espaces », d'urbanisme et des liens que tisse la société avec les lieux qu'elle habite.



L'année 1968 marque « le Retour Des Libertaires », qui sera le titre de ce huitième chapitre. Période d'effervescence, de renouveau culturel et d'émancipation, les idées libertaires auront tout à fait leur place dans la pensée bouillonnante d'alors. Cohn-Bendit – à l'époque ouvertement Libertaire, à mille-lieux du social-traître qu'il est devenu sans doute par cupidité – est une figure de proue du mouvement étudiant qu'il anime avec d'autres.

Des drapeaux noirs flottent dans les manifestations et sont accrochés jusqu'aux grilles de la Société Des Gens de Lettres. Anecdote intéressante, Ragon relate qu'on leur a demandé – à lui et Daniel GUERIN, alors présents sur place – de retirer les drapeaux noirs à l'hôtel Massa (alors même qu'ils n'en avaient pas posé, Ragon exprimant que « même un drapeau noir est un drapeau de trop »), sous le prétexte que « Les drapeaux rouges, nous pouvons à la rigueur les accepter, mais les drapeaux noirs, jamais ! » ; ceci témoignant, comme le fait remarquer Ragon, qu' « en ce mois insurrectionnel, le parti communiste paraissait rassurant ».

L'ensemble du chapitre donne un bon aperçu de la propagation des idées libertaires dans la culture populaire d'alors ainsi que de leur évolution dans les années qui suivent, jusqu'à l'aube des années 1990.



Le neuvième et dernier chapitre aborde « La Décommunisation » qui prend place autour de la chute du Mur de Berlin. L'explosion de la dictature communiste voit renaître chez les peuples qui y ont été soumis les idéaux libertaires – qui primaient d'ailleurs dans les Soviets libres de la révolution de 1917, comme ce fut le cas à Crondstadt par exemple. A l'Est aussi bien qu'en Amérique du Sud, des fédérations anarchistes naissent un peu partout. Ce ne sera toutefois pas suffisant pour arrêter le bulldozer Capitaliste qui, encore aujourd'hui, asphyxie toute pensée alternative, comme les années à venir le montreront.



Ce livre fut publié il y'a trente ans maintenant. le curriculum-vitae de Michel RAGON s'arrête donc au début de la dernière décennie du siècle (du millénaire même). le livre dévoile un parcours objectivement exceptionnel, une passion inconditionnelle pour la Liberté en résonance avec un amour de l'Art.

A l'instar de « La Mémoire Des Vaincus » (roman historique que je vous recommande très vigoureusement), ce livre offre un regard original et inspirant sur le XXème siècle.

S'il peut manquer d'intérêt pour qui ne connait pas déjà un peu Michel RAGON et son oeuvre, en revanche connaitre Michel RAGON et son oeuvre ne manque pas d'intérêt pour quiconque et bien au contraire.

On appréciera également que l'ouvrage soit abondamment illustré de photos d'époques, de gravures, etc… dont beaucoup sont issues des documents personnels de l'auteur. Cela apporte énormément à la contextualisation et nous permet de partager encore un peu plus avec ce cher Michel.
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La mémoire des vaincus

Michel Ragon n'est pas ce qu'on peut appeler un écrivain médiatique c'est avant tout un chantre de la littérature ouvrière et de l'anarchisme et en ce sens" La Mémoire de vaincus " est son oeuvre majeure.

Il ne s'agit ni d'un roman ni d'un essai historique mais plutôt une vaste fresque historique romancé dans lequel Ragon ne rapporte que des faits avérés.

L'histoire débute à Paris vers 1910 . On fait connaissance avec Fred et Flore deux enfants du trottoir que l'amour réuni.

Recueillis par un couple d'anarchistes de Belleville, Victor et Rirette (Viktor Kibaltchich et Rirette Maîtrejean ) amis très proches de la bande à Bonnot. Débute alors une aventure et une lecture passionnante qui est celle de la vie d'un militant anarchiste dans un siècle et une société en pleine mutation . On passe ainsi de la bande à Bonnot à la boucherie des tranchées de 14/18 et de l'URSS naissante à l'Espagne de 36 et la France du Front populaire pour terminer sur mai 68 et l'avènement de l'écologie..

C'est l'histoire d'un siècle vu par les yeux d'un anarchiste ou plutôt d'un libertaire. Ses espoirs et ses désillusions . On y croise ainsi au fil des pages des gens comme Delesalle, Kropotkine , Mackhno , Pestana ,Aragon, Malraux, Barbusse, Rolland , Blum etc .

Un livre utile, passionnant, indispensable même sur un sujet rarement pour ne pas dire jamais abordé . On découvre également la réalité d'un mouvement trop souvent caricaturé pour ses excès de violence et qui finalement est très peu connu. C'est surtout l'histoire d' un siècle de la vie politique mondiale vue du côté des vaincus, des oubliés et des proscrits.
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La mémoire des vaincus

Une fresque sur l'histoire de l'anarchisme au XX° siècle absolument passionnante ! Fred Barthélémy est un personnage absolument incroyable. Une vie palpitante à travers laquelle l'auteur dresse un portrait de l'histoire européenne récente. Ce livre m'a donné envie de m'intéresser de plus près à d'autres auteurs dont Victor Serge ou Gorki. Une très belle découverte qui m'a ouvert d'autres horizons.
Lien : http://madimado.com/2012/03/..
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Les mouchoirs rouges de Cholet

La Vendée de 1796 à 1820, après les guerres de Vendée, les massacres des colonnes infernales de Turreau. Quelques survivants font renaître leur village. Il s'agit surtout d'une peinture de la société rurale, villageoise de l'Ouest de la France. Un village replié sur lui-même, la vie quotidienne, ses traditions immuables, ses croyances, ses superstitions, la mort survie au quotidien, la mort qui fauche tant d'enfants. La modernité tente pourtant de percer par le remembrement, la pomme de terre refusée par les paysans qui pourrait pourtant les sauver de la famine.
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Le marin des sables

Milieu du XVI° siécle: Fuyant la misére et rêvant de voir l'autre côté de l'océan, un jeune garçon s'engage à La Rochelle. Curieux de tout, avide d'apprendre, au fil des opportunités et des rencontres il va mener sa vie tambour battant.

Sous la plume magistrale de Michel RAGON , nous suivons cet homme parfois détestable et pourtant attachant.

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L'architecture des gares (1984)

Un livre passionnant, largement illustré, sur des lieux passionnants et chargés de départs, de retours et de drames....du stricte point de vue architectural, cela va de soit.

Un beau travail.
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