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Critiques de Peter Handke (204)
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Lent retour

J’ai dû lire Le lent retour deux fois. La première, j’en avais fait une lecture trop rapide. Mes yeux avaient glissé sur les mots, les phrases, des pages entières. Avant que je ne m’en rende compte, j’étais rendu à la fin mais je n’avais rien retenu. Ou presque. Que les vagues divagations d’un homme égaré. Pourtant, plusieurs phrases ici et là m’avaient interpelé, la plume de Peter Handke, me laissait une impression de trésor (bien) caché. Donc, j’ai pris sur moi de recommencer le bouquin du début.



Qu’est-ce que j’en ai tiré? Un homme, trois moments, trois lieux et beaucoup de réflexion. Solger est un type solitaire. On le rencontre d’abord dans le Grand Nord (l’Alaska), où il s’est retiré pour procéder à de vagues travaux sur les « espaces ». Géographiques? Intérieurs? Éventuellement, une lettre mise de côté puis ressortie le hante, le rappelle en Europe. Mais avant, un long arrêt sur la Côte Ouest, dans une de ces grandes villes, puis enfin ce retour longuement repoussé.



Pendant ces trois étapes, Solger regarde autour de lui. Je veux dire, il regarde vraiment. Il porte attention à tous les détails qui l’entourent. Les grands espaces nus (qui, en fait, ne le sont pas et cachent une multitude de choses), la nature. « Parfois embrassant le paysage du regard il lui semblait être un explorateur de la paix. » (p. 97). Une journée, dans le soleil de l’après-midi, il s’assoit en un endroit surélevé « pour dessiner un profil du paysage. » (p. 98). C’est joli, comme expression. D’autres fois, il admire le paysage à en oublier de le prendre en photo. Cela, jusqu’à ce qu’une lettre ramène au présent (et, par le fait même, à son passé), au monde des humains.



En effet, le monde qui entoure Solger, c’est aussi le bourdonnement et la luminosité des villes, le flot du va-et-vient des gens qui vaquent à leurs occupations comme des fourmis (mes mots, pas ceux de l’auteur), etc. C’est ce qu’on peut percevoir quand on est sensible à tout ce qui touche les sens. Quand on est disposé à percevoir, à s’acclimater puis, surtout, à prendre des chances. Tout porte Solger à se rappeler (parfois, des souvenirs enfouis au plus profond de lui-même), à réfléchir, à (re)trouver son identité, sa paix intérieure. Il est partagé entre la contemplation de son environnement et l’introspection et cela l’amène à philosopher sur la vie et sa place dans ce monde. « Il se trouvait qu’il était en lui et le miroir, le néant et la gravité se frôlèrent. » (p. 167). Chose que, peut-être, nous devrions faire davantage.
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L'angoisse du gardien de but au moment du p..

Un livre court mais d’une grande densité. Le personnage principal, Joseph Bloch est un ancien footballer, gardien de but, qui a visiblement joué à un haut niveau et qui garde toujours de l’intérêt pour ce sport et des liens dans ce milieu. Il travaille actuellement en tant que monteur. Persuadé qu’on vient de le licencier, à partir d’un indice tenu, il erre ici ou là, sans but apparent. Il finit, sans l’avoir décidé, par commettre un meurtre : il étrangle une jeune femme avec qui il a passé la nuit. Il décide de fuir dans un village près de la frontière, où une de ses relation est gérante d’auberge. Là aussi il se ballade sans but, entre perceptions exacerbées, surinterprétations du moindre événement, impulsions incontrôlables, et une sorte d’inquiétude inexprimable. Un match de football termine le livre.



Le personnage principal du roman, Bloch ne renvoie que peu de choses au lecteur, il semble être une sorte de regard qui observe avec une espèce d’acuité pathologique les objets, les décors, en donnant la sensation d’être extérieur à ce qu’il voit, et qui n’a pas de véritable signification, où alors cette dernière s’est perdue en route pour le personnage, qui essaie désespéramment de la retrouver, par exemple en nommant les choses. Mais les noms peuvent devenir interchangeables et trompeurs. Il reste à la surface, comme si les choses et les êtres étaient sur des planètes différentes et inaccessibles, sans véritable réalité. Où alors, c’est la réalité de Bloch qui s’est dissoute en chemin, et le monde qu’il essaie de pénétrer lui renvoie cette défaillance. On pense à un moment à une entrée possible du personnage dans une forme de schizophrénie, on peut aussi évoquer l’idée d’un auteur qui essaie de pénétrer un monde à jamais hors d’atteinte, dans une tentative vouée d’avance à l’échec de l’enfermer dans des mots. Les deux peuvent coexister, comme d’ailleurs d’autres interprétations sans doute.



Une expérience étrange et dérangeante, pas forcément gratifiante de prime abord pour le lecteur, mais ce n’est probablement pas le but de l’auteur. A tenter pour les téméraires et curieux.
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L'angoisse du gardien de but au moment du p..

Il s’agit du récit des faits et gestes (dans une sorte de voix off) et du monologue intérieur d’un homme qui ne va pas bien dans sa tête. Bloch commence par tout quitter sans vrai raison (il croit avoir été licencié) puis, comme il a tué une caissière de cinéma, prend la fuite à l’autre bout du pays. Bloch se révèle plus qu’un peu dérangé, il a de sérieuses difficultés de communication avec tous ceux qu’il rencontre, il est obsédé par le moindre bruit, interprète et surinterprète tout, s’interroge pour pas grand-chose sur les convenances linguistiques, pour finalement réagir de façon inadaptée. Le style est plutôt aride, la lecture laborieuse, à la fin, en dehors des 5 dernières pages (qui justifient le titre), je dois avouer que je n’ai lu qu’en diagonale tant je trouvais fastidieuse la description clinique des menus faits et gestes de Bloch, à la fois minimaliste et détaillée. Les pérégrinations et les pensées de Bloch sont passablement décousues ce qui enlève toute fluidité au texte. C’est pénible dès les premières lignes, et ça ne s’arrange pas au fil de la lecture car la paranoïa de Bloch ne fait qu’empirer. Si le but de l’auteur était d’écrire comme aurait pu le faire Bloch, c’est très réussi, mais c’est assez désagréable à lire. La chute donne son sens au texte, mais tellement tard que c’est difficile de l’apprécier, ce que j’aurais certainement fait s’il y avait eu une centaine de pages de moins !
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Kali, une histoire d'avant-hiver

Avec "Kali", dans un style d'une très grande beauté et d'une très grande poésie, Peter Handke met en scène la confrontation entre l'individu et l'absurdité du monde. Et c'est passionnant, plein d'émotions. Le rythme de la phrase, le vocabulaire riche de Peter Handke, la puissance d'évocation, qu'il déploie, tout ce qu'il y a d'original dans ce texte, les personnages-dont ce narrateur, tellement étonnant : tout concoure, à faire de cette oeuvre du célèbre littérateur autrichien, une oeuvre d'art, puissante, qui ne laisse et qui ne peut laisser, tout à fait indifférent.

C'est une oeuvre étrange, étonnante, un récit bizarre, expérimental. Peter Handke, mêle ainsi un chant de toute beauté, presque lyrique par moments, à la peinture la plus crue de l'absurdité et du non-sens, du monde.

Son style est beau, riche, travaillé, et sa phrase a un rythme, unique et magnifique.

Peintre juste de l'absurdité du monde, de l'absence de sens de la vie, Peter Handke, oscille sans cesse dans "Kali", entre espoir et désespoir, et laisse poindre, dans les beaux, dans les magnifiques, dans les sublimes, passages finaux, un espoir, peut-être chimérique.

Dès le début de ce texte, j'ai été envoûté par la beauté de la phrase de cet écrivain majeur, et j'ai été enchanté, par sa peinture des sentiments, de l'homme, par cette peinture si juste des sentiments de l'homme, devant ce monde absurde, et pas si irréel, à peine exagéré.

Peter Handke se place ici dans la glorieuse lignée de Franz Kafka et d'Eugène Ionesco, et parvient à renouveler l'absurde.

Pour moi, ce texte, a tout de la grande oeuvre : de l'originalité, une réflexion intéressante, exprimée puissamment, un style de toute beauté, et des émotions, par dizaines.

Une réussite !
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Les ailes du désir

Handke à la plume, Wenders à la caméra: résultat, un chef d’œuvre inoubliable.



J'aime relire ce texte: les images du film, immanquablement, naissent sous mes paupières et mes pensées ...sont peut-être entendues par un ange à l’œil triste, au loden éculé, qui aurait la belle gueule marquée de Bruno Ganz...
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L'angoisse du gardien de but au moment du p..

Bizarrement, c'est un des titres les plus connus de Peter Handke avec La Femme gauchère, mais, après lecture, ce n'est pas du tout mon préféré et, même plus, je ne le trouve pas emblématique de ce que l'on peut trouver chez cet auteur, véritablement hors du commun.

La traduction m'a déjà semblé moins léchée que d'habitude.

Mais c'est sans doute une impression d'absence de finitude de ce récit qui me l'a fait noter avec un bémol. Le quatrième de couverture ajoute même à l'histoire me semble-t-il.

La situation est à la limite de l'absurde : un ancien gardien de but reconverti en employé d'une entreprise, perd son boulot et va commencer une errance avant tout névrotique. Il ressent tout de manière exponentielle, étranglera au passage une caissière de cinéma et, je ne dévoile rien puisque le quatrième de couverture le révèle avant moi, ses déambulations chaotiques iront jusqu'à assister à l'arrêt par un autre gardien de but d'un pénalty concédé à l'équipe adverse. Comment détricoter les fils du quotidien qui nous paraissent emmêlés sans raison. La réponse est étonnante.
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Un voyage hivernal vers le Danube, la Save,..

Cheminer hors des préjugés 



Que connaissons-nous, au vrai, de la Serbie et des guerres balkaniques qui ont longtemps endeuillé l’ex-Yougoslavie ? Comment démêler cet inextricable écheveau ? Et est-il si facile de désigner un seul et unique coupable ? Certains intellectuels occidentaux, du haut de leurs miradors moralistes, se permirent de vouer aux gémonies le peuple serbe dans son entier, au mépris de toute tentative de compréhension des tenants et aboutissants d’un conflit aussi complexe et ancien que celui-ci.



Peter Handke, lui, ne se pose jamais en juge, mais en écrivain : c’est-à-dire en observateur du manège des vies humaines. Et il ne risque pas de prêter sa voix au chœur des loups.

Dans ce voyage hivernal, où la neige tombe à gros flocons, il part à la rencontre d’un pays qu’il ne connaît pas et qu’il veut découvrir avec un regard vierge, loin de tous les anathèmes qui furent prononcés ad nauseam contre ce dernier, à savoir la Serbie.



Handke rappelle lui-même, dans sa préface, quelle est sa position en tant qu'écrivain : « J'ai écrit sur mon voyage à travers la Serbie exactement comme j'ai depuis toujours écrit mes livres, ma littérature, une façon de raconter lente et qui pose des questions ; chaque paragraphe traite et parle d'un problème de la représentation, de la forme, de la grammaire, de la véracité esthétique et cela comme depuis toujours, dans mes livres du début jusqu'au point final. Cher lecteur : cela et cela seul, je te le donne à lire ici. P.-S. Dans l'édition allemande, ce récit de voyage avait comme sous-titre “Justice pour la Serbie”. Il ne figure plus dans cette édition — rendre justice en écrivant, c'est trop évident ; ça se comprend de soi-même. »



Ce qui déchire le cœur de Peter Handke, fils d’une mère slovène (donc anciennement yougoslave), c’est d’avoir assisté à la fin d’un monde, au morcellement d’un grand pays dans lequel cohabitaient diverses communautés, chacune avec son dialecte, sa foi, ses coutumes, sa culture propre. Et cette brutale division n’apporta pas la concorde, c’est le moins qu’on puisse dire.



Les prises de position de l’écrivain autrichien lui valurent bien des déboires, et d’aucuns — qui n’ont pas le quart de son talent — se sont plu à le traîner dans la boue, car ses propos venaient déranger leur bonne conscience tranquillement assise sur un monceau de préjugés.

L’attribution du prix Nobel de littérature fut un prétexte idéal pour ranimer les vautours du politiquement correct, qui ne s’embarrassent pas de questions, mais sont au contraire friands d’accusations à l’emporte-pièce. La haine et la jalousie aiment à se draper dans des habits faussement vertueux.



Mais foin de ces tempêtes dans un verre d’eau : l’œuvre de Peter Handke est un remède aux différents vacarmes idéologiques de notre temps, car elle invite à la contemplation et au recueillement ; toutes choses dont notre époque a grand besoin. Bien des pages lumineuses de ce livre en témoignent.



Que se taise enfin tout ce bruit qui abîme l’or du silence. Et place à la singulière beauté de cette écriture fille de l’épopée, laquelle possède une petite musique envoûtante pour qui veut bien lui prêter l’oreille.



© Thibault Marconnet

le 12 janvier 2021
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Histoire d'enfant

Livre pioché au hasard de mes pérégrinations, pour un écrivain que je ne connaissais pas malgré un prix Nobel de littérature, fortement controversé et un prix Heintze décliné, en raison des positions politiques pro-serbes de l'auteur.



L'homme, la femme, l'enfant. C'est ainsi qu'il se raconte. L'homme jeune idéalise la femme qui sera faite pour lui et l'enfant à venir. Lorsque l'enfant naît, la relation du couple s'étiole rapidement jusqu'à la séparation et l'enfant, que l'on apprendra plus tard être une fille, restera avec l'homme.

Que sait-on d'eux ? Ils sont allemands, vivent à Paris, puis en banlieue, ou encore pas très loin de l'océan pour revenir ensuite dans leur pays d'origine. Rien de transcendant jusque là et ça ne changera pas. L'auteur obstrue volontairement (pourquoi ?) leur nom, ceux des villes, ainsi que leur profession bien qu'elle soit importante : le métier de l'épouse ayant semble-t-il contribué à leur éloignement et celui de l'homme lui permettant de rester avec l'enfant presque à plein temps.

Le narrateur laisser couler une plume fine et érudite pour décrire ses pensées, ses peurs, ses regrets, ses sentiments profonds. J'ai souvent eu le coeur serré pour l'enfant mal dans sa peau, isolé des autres écoliers qui sentaient immédiatement sa différence. Celle d'être allemande. Et peut-être le fait d'être élevée par son père seul.



La narration somme toute originale m'a déroutée au début, puis je m'y suis faite. C'est un livre intimiste dont chaque page est emplie de douceur, de gravité, des observations du père et d'une recherche constante de tenter de comprendre son enfant.



Malgré l'indéniable belle prose, j'en ressors déçue. Il n'y a pas d'histoire à proprement parler et ne parler de soi, que de soi, a fini par m'exaspérer. Si au moins il y avait eu de belles descriptions des lieux, même pas.

En fait ce livre ne m'a rien apporté.
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La courte lettre pour un long adieu

Véritable "road movie" à travers les Etats-Unis que nous offre là Peter Handke, auteur autrichien, nous racontant le parcours à partir de New-York ... d'un écrivain autrichien à la recherche de sa femme qui lui a laissé une lettre se résumant à une phrase en guise d'adieu. Il la cherche et peut-être est-ce l'inverse. Comme d'habitude chez cet auteur, rien n'est fait pour faciliter la route du lecteur. C'est lent, il y a beaucoup d'indicible, comme pourrait l'être une ballade de JJ Cale. Cela ressemble parfois aux errances des personnages de Vila-Matas. Il est question de cinéma aussi et de musique. Il y a la présence, troublante et quelque peu répulsive, de l'enfant de sa maîtresse. Et surtout, le héros est un anti-héros, loin d'être sympathique, faraud et autocentré.



Ce n'est donc pas la porte idéale à laquelle venir frapper si l'on veut découvrir l'univers si riche de cet auteur, car cela pourrait rebuter. Pour ceux qui connaissent déjà, c'est un jalon sûr à découvrir.
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Par une nuit obscure je sortis de ma maison..

Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais quel titre, non ?

Personnellement, j'adore.



Ceci dit, je ne pense pas que ce roman soit une porte d'entrée idéale pour aborder l'univers sortant tellement de l'ordinaire de Peter Handke.



Il nous livre ici le récit que lui aurait fait un pharmacien d'un village voisin de Salzbourg qui est parti un soir de printemps ou d'été de sa maison tranquille pour vivre une histoire qui nous plonge en plein onirisme. Et si je vous dit que ledit pharmacien est mycologue et ambitionne d'écrire un livre sur les champignons, vous penserez que plus que les manger, il les fument allègrement ces champignons pour nous conter une histoire tellement irréelle.



Mais pour les adeptes de l'auteur, dont je suis, c'est une très agréable découverte.

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La courte lettre pour un long adieu

Un homme fait un voyage aux USA. Nous ne saurons que très peu de choses de lui, il est Autrichien, en train de se séparer de sa femme. Une histoire visiblement passionnelle, entre amour et haine. Vient-il la rejoindre ? Veux-t-elle ou non le voir ? Ils s'évitent et se recherchent, de ville en ville, d'hôtel en hôtel, de souvenir en souvenir. Parviendront-ils à se rejoindre ? Quelle sera l'issue de cette rencontre ? Voilà comment est construit ce livre. Les souvenirs ou impressions de voyage du narrateur sont tous suspendus à ces interrogations, à cette historie de couple.



L'écriture de Handke, précise, au scalpel, au millimètre près, fait de ce récit un texte magnifique, d'un lyrisme qui vient paradoxalement d'une écriture qui semble descriptive et peu émotive au premier abord. Le ressenti du narrateur se déroule devant nous comme les paysages américains à travers la vitre d'un bus, aride parfois, répétitif, ne prenant pas forcement sens à première vue. Un beau voyage que j'aurais envie de prolonger par la lecture d'autres textes de l'auteur.
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Lent retour

Peter Handke signe ici une oeuvre inclassable, d'une grande originalité. Roman sans histoire où nous suivons le protagoniste qui découvre peu à peu la relation qu'il entretient avec le monde et avec lui-même à travers une perception aiguë de l'espace. Dans le première partie intitulée Les formes des temps premiers, Sorger, dont on comprend en terme vague qu'il s'occupe de géologie, est affecté en Alaska où il fait l'expérience des grands espaces naturels au sein desquels il se perd et se retrouve, se projette et s'harmonise.

Son travail une fois terminé, il amorce le lent retour vers la civilisation. La seconde partie, Interdiction d'espace, raconte cette acclimatation, ce profond désarroi auquel il devra faire face. Son insertion est graduelle; il passe par la côte ouest américaine pour transiter ensuite par New York avant de rejoindre sa patrie en Europe. Il vivra un rétrécissement spatial où il se fracassera jusqu'à en perdre la possibilité de communiquer avec les autres, voire avec lui-même, le langage étant étouffé sous les multiples cloisons de la ville et de la civilité. Il redécouvre peu à peu les interstices par lesquels la vie s'infiltre, s'élargit et respire d'un autre souffle, là où précisément l'air semble manquer.

Dans la dernière partie du roman, La loi, Sorger reconstitue son identité par l'expérience particulière qu'il entretient avec l'histoire, l'architecture, la vie urbaine, les traits d'un visage qui l'interpelle, la paix du présent qui l'englobe. Et l'ouverture qu'offre la possibilité de raconter.

Roman de la présence, présence à soi-même, toujours changeante, présence à l'autre, inaccessible dans son irréductibilité, présence au monde et au vertige qu'il provoque. Un livre vaste, profond et ouvert. Du grand Peter Handke.

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Histoire d'enfant

Publié en 1981 au moment où Peter Handke vivait seul, à Salzbourg avec sa fille aînée, « Histoire d’enfant », retrace les errements initiatiques d’un homme qui peu à peu devient père…

On découvre trois personnages principaux : « l’homme », « la femme » et « l’enfant » -dénommés ainsi tout au long du texte –mais surtout, on découvre un homme qui vit seul avec sa fille en Allemagne ou à Paris, et les petits riens du quotidien qui font de l’homme un père. Tout ça porté par un style qui personnellement m’émeut toujours…



Et puis : « On ne naît pas père, on le devient… », n’est-ce pas ?



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L'angoisse du gardien de but au moment du p..

Une nouvelle étape dans le labyrinthe de Peter Handke.

Cette fois-ci, Bloch, le protagoniste, ancien gardien de but de football, part à la dérive. Il quitte son boulot, ou est viré (ce n'est pas clair), erre dans la ville, recherche une femme, la tue, et part pour la campagne, le long de la frontière, où il connaît la gérante d'un hôtel. On dirait qu'il fuit, mais il n'a pas le comportement cohérent du fugitif. Au contraire, il se fait remarquer, se bagarre. Il commence à se sentir traqué, probablement à tort. Les pensées de Bloch commencent à se déliter, à déformer les faits, à devenir incohérentes. Bloch débloque, si j'ose dire.

Tout cela nous est raconté par une voix off, qui décrit aussi bien les actes de Bloch que ses pensées. C'est ce qui est étrange et fascinant chez Handke. Il décrit les événements de façon apparemment réaliste, voire froide, et il en ressort une sorte d'indétermination, voire de mystère. C'est probablement très juste. Serions-nous capables de dire de façon certaine la vérité sur tous nos actes? Nos actions ne nous échappent-elles pas dans une certaine mesure? Voilà semble-t-il ce que Handke tente de saisir et de nous montrer.
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L'heure de la sensation vraie

Voilà assurément un livre qui n'est pas facile d'accès. Un attaché de l'ambassade d'Autriche à Paris rêve une nuit qu'il est devenu un assassin. Au réveil, une impression bizarre s'empare de lui, il voit tout différemment, les choses, les gens qui lui paraissent trop présents ou pas assez. Il vit en total décalage. Cela, vous allez me dire, c'est quand même fréquent chez Handke, tout comme l'errance dans laquelle part le protagoniste de son roman. Donc du pur Handke, c'est certain, mais sans doute pas la meilleure porte d'entrée, enfin, pas la plus accessible !
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Le malheur indifférent

Pris à son propre piège… On pourrait croire qu’à force de côtoyer la littérature et de pratiquer l’écriture, l’expression devient sans cesse plus aisée. Peter Handke nous démontre que ce n’est pas forcément le cas et que les mots, assimilés en phrases toutes faites, en expressions proverbiales et en autres tournures stéréotypées, constituent souvent un obstacle à l’expression sincère et véridique.





Après la mort de sa mère par suicide, Peter Handke fait l’expérience de cette impossibilité de dire les sentiments. Le besoin de raconter est intense, mais la peur de ne pas réussir à être juste pousse finalement l’écrivain à repousser sans cesse l’échéance, à remettre pour le lendemain le début de l’écriture de son expérience. Lorsque Peter Handke trouve enfin le courage de se mettre au travail, plusieurs semaines après l’enterrement se sont déjà écoulées… Ses doutes transparaissent encore nettement. Ressentis à la fois à travers le style d’écriture en lui-même –beaucoup de tergiversations qui donnent l’impression de tourner autour du pot- et à travers les aveux de l’écrivain –qui n’hésite pas à faire figure basse pour dire à quel point il lui est difficile d’écrire à propos de sa mère sans céder aux tournures de style conventionnelles et donc impersonnelles-, il en résulte un récit difficile à intégrer.





Peter Handke n’aborde pas frontalement la mort de sa mère en exprimant ses émotions. D’ailleurs, les seuls sentiments qu’il osera véritablement transposer ne seront jamais liés à son deuil mais plus indirectement aux difficultés qu’il trouve à les transcrire par le biais de l’écriture. Cette lutte, qu’on pourrait juger ridicule parce qu’elle s’apparente à une forme de snobisme culturel, traduit en réalité la douleur de Peter Handke : non seulement il souffre de la disparition de sa mère, mais en plus il se rend compte que cette expérience est indicible et qu’il ne pourra jamais la partager avec quiconque. Il le pourrait, évidement, en utilisant les expressions toutes faites dont se sert la majorité dans de tels cas, mais il ne le souhaite pas pour une question éthique : selon lui, se serait bafouer la singularité de sa mère et renier ce qu’il y a d’unique dans l’expérience en quoi consiste le deuil d’une personne chère.





On peut saluer le courage de la démarche de Peter Handke, et également sa lucidité quant à la qualité du récit qui découle de son expérience. En effet, il ne se trompe pas lorsqu’il reconnaît devoir lutter pour écrire l’hommage qu’il souhaite rendre à sa mère. Tout à la fois, l’écrivain s’envole dans des descriptions de scènes simples mais teintées d’une grande mélancolie, avant de se mettre à ricaner en soulignant les failles de sa transcription des évènements.





A force de se concentrer sur sa volonté de transcender le média de l’écriture, Peter Handke finirait presque par oublier ce qui l’a poussé à vouloir raconter le suicide de sa mère. Cette dernière s’efface derrière la personnalité de l’écrivain et passe au second plan des difficultés littéraires qu’il rencontre. Le malheur indifférent est tout à fait pertinent : en effet, Peter Handke a failli dans sa volonté de transcrire une expérience personnelle, et il se montre tout à fait brillant dans sa lucidité à se rendre compte de cet échec.
Lien : http://colimasson.over-blog...
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Mon année dans la baie de personne

Je suis en train de découvrir cet auteur et ce livre, conte, poeme, c'est un récit d'aventure intérieure très sensible, qui semble écrit comme dans un rêve suivant la pensée de l'auteur et ses divagations. On peurt passer dans une page d'un souvenir de jeunesse à un souvenir actuel.

je savoure ce livre lentement, doucement avec délectation : comme un bon vin



Je complète mon commentaire après en avoir achevé la lecture.

Il y a dans ce livre parfois des longueurs mais chaque fois elles nous conduisent vers des mots sublimes et profonds.

le style est d'un abord facile mais il ne faut pas s'y fier, il est riche et complexe. certaines lignes sont d'une grande beauté .



Comme le dit la 4ème de couverture il y a di Pessoa et du Rilke dans ce livre.



C'est le premier livre de Peter handke que je lis mais ce ne sera pas le dernier!
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Par les villages

Les livres sont tellement plus qu'un objet de papier.



Ainsi cette pièce de Peter Handke est arrivée entre mes mains de façon très improbable.



Il y a quelques années, je me promenais dans le triangle du vide quand je me suis trouvée dans un village avec une belle église. Je me suis arrêtée et en faisant le tour de ce modeste village, j'ai vu des affiches annonçant une représentation théâtrale, prévue le soir même, quelques kilomètres plus loin.



Je me suis rendue au lieu dit. Et oh surprise, j'ai découvert un champ qui faisait office de parking. J'ai ensuite pris mon billet pour cette représentation. Avant que cela ne commence, j'ai eu le temps de me substanter en discutant avec quelques habitants. Ils m'ont raconté la genèse de cette troupe de théâtre créée par des professionnels.



La représentation était itinérante. Il faisait beau, c'était l'été. Notre chemin dans la nuit, pour suivre cette pièce, était magique.



En repartant, j'ai fait l'emplette du livre de la pièce. Dont le sens, je l'avoue m'avait un peu échappé car la prestation des acteurs et des actrices était assez inégale. Mais peu importe car ce qui compte, c'était la magie de cet instant.



En lisant ce texte, dans le cadre du Challenge Nobel, c'est ce souvenir qui est remonté à ma mémoire. Depuis quelques jours, j'essaie de retrouver le nom de cet endroit... mais sans succès.



Bref ce livre a été comme une madeleine de Proust pour moi....



Quant à ses qualité littéraire, il tenait d'avantage du quatre quart bourratif que de la pâtisserie fine, d'où les 2 étoiles.



A l'exception du monologue de la fin, philosophique, à défaut de vouloir mener les foules à se révolter des injustices qu'elles rencontrent, qui est intéressant, tout le reste est obscur.







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La deuxième épée

Peter Handke nous narre le récit d'une vengeance. Qu'il place à la première personne du singulier. J'aime bien les histoires lorsqu'elles sont racontées par de grands illusionnistes des mots. Car nous sommes à mi-chemin entre réalité et rêve, entre vécu et fiction, et peu importe la frontière. La magie des mots opère. Et quand on connaît le foisonnement de vocabulaire sous la plume de cet auteur, même traduit, que dire, évidemment, on en redemanderait. Maintenant, je ne cache rien, j'ai lu encore mieux chez cet auteur. Assurément.
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L'angoisse du gardien de but au moment du p..

Le titre, curieux, et l auteur, controversé et prix Nobel, m ont donnés l envie d ouvrir ce livre. 150 pages, c est bien évidemment très court. Mais c est touffu, dérangeant et assez nébuleux.

Bon, les 50 premières pages, c est là où je me suis dis, je fais quoi, je lâche, je continue...(?!)

Suite incompréhensible de faits, monologue du personnage qui semble atteint d un dérèglement mental, c est plutôt incompréhensible.

Et, sans savoir vraiment comment ni pourquoi, j ai suivi avec avidité les pensées décousues et les pérégrinations de Bloch jusqu au bout, sans me poser de questions cette fois.

Lecture dérangeante, on y retrouve le climat de l oeuvre de Beckett, la déconstruction du langage, la déprime, l inutilité.

Je le dis, je n ai pas tout compris.

C est une expérience, un lâché prise obligé (ou alors on referme et on passe très vite à autres choses).

L ambiance est particulière, tout comme le reste. Peut-être faut il laisser décanter, j écris ce billet peut-être trop tôt, et pourtant je le conseillerais, tout en louchant sur "la femme gauchère" que je pense lire également.

Ce n est que mon ressenti bien entendu...

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