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Critiques de Sylvain Tesson (3118)
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Sur les chemins noirs

"Dans les années 1980, René Frégni, écrivain de Provence, avait publié un roman où il décrivait la traque d'un conscrit réfractaire que l'autorité militaire poursuivait sur les routes d'Europe. Un livre électrique, frappé de ce titre :-Les Chemins noirs- (...)

Un rêve m'obsédait. J'imaginais la naissance d'un mouvement baptisé -confrérie des chemins noirs- Non contents de tracer un réseau de traverse, les cheminements mentaux que nous emprunterions pour nous soustraire à l'époque." (p.34-35)



Une lecture touchante et toute différente, d'un aventurier "casse-cou"..qui nous a abreuvés de ses grands périples aux quatre coins du monde, en passant par une équipée inoubliable en Sibérie;cette fois, rescapé, nous revenant après une très grave chute de huit mètres...Dans ce nouveau récit , en guise de "rééducation" et de Renaissance , le grand voyageur , Sylvain Tesson, a dû se contenter d'arpenter en profondeur la France profonde...en faisant comme un bilan de vie !.



Assisté tout récemment à deux interviews de cet auteur "avant et après" cet accident: écouté un face à face entre Philippe et Sylvain Tesson, le père et fils , dans l'émission de Ruquier ( très significatif...de la difficulté

d'être "le fils de" ... ou le "Père de " !!!) et tout dernièrement, l'émission matinale présentée par Catherine Ceylac, "Thé ou café"...où l'une de ses soeurs , interrogée, remarquait que depuis cet accident, Sylvain Tesson avait gagné en humanité et accessibilité...Ce que l'on trouve en effet , comme nouveau ton, dans "ses chemins noirs" !



Nous retrouvons, l'éloge de la nature, des chemins buissonniers, différents et la Marche, comme outil de reconquête de soi....



"(...) Une cartographie mentale de l'esquive. Il ne s'agirait pas de mépriser le monde, ni de manifester l'outrecuidance de le changer. Non ! Il suffirait de ne rien avoir de commun avec lui. L'évitement me paraissait le mariage de la force avec l'élégance. Orchestrer le repli me semblait une urgence. (p. 35)"
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Sur les chemins noirs

Un voyage en solitaire né d’une chute.

Plus de 900 km à pied en France, en empruntant la diagonale, des environs de Nice au nord du Cotentin, là où le dernier sentier se jette dans la mer.

Oublions le Sylvain Tesson qui parcourt, l’air bravache, les plaines immenses de l’Oural ou du Kamtchatka. Oublions l’homme de la vastitude. Celui qui marche sur les sentiers de France a le corps brisé, la gueule cassée, et prend le long chemin de la rédemption. Ses pas sont incertains. Son exploit désespéré est à hauteur d’homme. Il n’en sera que plus grand et plus sublime.

Une marche silencieuse et poussive à travers les chemins oubliés : ces lignes noires, fragiles, tortueuses, que l’on remarque sur les cartes IGN. Elles s’enroulent autour des villes et des monts herbeux, se faufilent à travers les montagnes.

Notre héros cherche éperdument ces chemins noirs qui savent se faire mériter. Ils se cachent derrière des murs de broussailles et de ronces ; ils se devinent au détour d’une route. Parfois, ils rejoignent les sentiers des animaux, parfois ils se perdent aux pieds d’une montagne, parfois ils s’effilochent au milieu d’une zone péri-urbaine…

Une longue marche comme une demande de pardon. Placer le salut de son âme et de son corps dans le mouvement. Rechercher une vie réduite à sa plus simple expression. Fuir le clignotement et le grand tumulte des villes pour vadrouiller dans le silence et retrouver un ciel étoilé.

Un héros de tragédie aux mille vies, aux mille excès qui cherche à se soustraire à l’époque, à se tenir à la marge des courants, à demeurer sur les traces d’un pays presque effacé.

Sylvain Tesson en profite pour regarder l’homme moderne, ce consommateur compulsif, ce ventre à roulettes. Il le regarde sans haine, sans mépris, et préfère lui tourner le dos. Le fuir autant que faire se peut en se glissant à travers les interstices, en vagabondant sur les chemins noirs.

Un roman salutaire.

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La panthère des neiges

Telle la panthère des neiges Sylvain Tesson marie dans ce texte la puissance et la grâce. Il rend compte d'une nature tour à tour enveloppante, foisonnante et effrayante. La faune a un rôle, un rang, une place. Elle le sait et s'adonne à « des gestes délicats adaptés à la violence des altitudes ». Cette nature brute, vertigineuse se démarque en tous points des allures bien rodées de nos vies citadines.



Les chapitres courts invitent le lecteur à suivre sans s'essouffler. Nous sommes « dans un jardin très froid, un jardin très dur », sur le plateau tibétain, à cinq mille cinq cents mètres d'altitude. « le soleil blanchit la terre, les ombres noires courent sur les roches, le paysage dispose ses strates comme dans les toiles tibétaines tendues au mur des monastères. ». « Des milliers d'yeux nous surveillent et nous ne soupçonnons rien ». Il fait froid. Froid au-delà du raisonnable. Sylvain Tesson, Vincent Munier, sa compagne Marie et Léo sont à l'affût….

« le Tibet tendait ses paumes sèches sous un ciel bleu comme la mort ».



L'auteur est rentré en France et a accordé quelques entretiens aux médias. La valse frénétique de la promotion incontournable le fait entrer dans une danse endiablée, ici, maintenant. Il atterrit. Il confie ses rêves. Il mûrit sa réflexion et la livre en pâture à quelques journalistes affamés. Plus rien ne semble lui appartenir. Il vient de monter sur le plateau le plus élevé de la planète. Il est descendu au plus profond de lui-même et le voilà confronté « à un vacarme effroyable » qu'il dénonce régulièrement. De puissants projecteurs formalisent ce spectacle, chauffent les plateaux de télévision là où les éléments naturels réchauffaient les âmes leurs promettant de jolies surprises.



La panthère, « métaphore de l'invisibilité, de l'évanescence, de la fugacité, de la délivrance » laisse sa place. Elle ne lutte pas face à « l'impératrice modernité » Elle est en voie de disparition et s'efface devant presque huit milliards d'hommes dont un grand nombre en marche cadencée vers ce qu'ils appellent le progrès. Leur progrès.



Sylvain Tesson nous dit son plaisir de voyager, de « pousser ses portes » et de s'envelopper dans la dévotion, prenant conscience du miracle du vivant. Nous sommes dans le plus beau musée nous dit-il et nous en sommes les pires conservateurs. Ce livre est en même temps un hymne à l'amour de la nature et de ses contraintes. C'est l'éloge du silence, de la patience, de l'attention décuplée, de la discrétion, de l'humilité. C'est aussi un plaidoyer pour ces bêtes si robustes, si combatives, si fortes et en même temps si fragiles parce que justement elles sont menacées et leurs jours sont comptés.



Une expédition de cette trempe même sur papier « ça vous réveille, ça fait jaillir des choses qui vous embellissent ». Moi ça m'a fait rêver. Rêver que j'étais dans le plus beau musée du monde gardé par les conservateurs les plus talentueux.



Je rends hommage au travail de Vincent Munier dont le livre: Tibet minéral animal est un formidable complément visuel à cette lecture et nous aide à illustrer nos rêves

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Bérézina

Il y a ceux qui reconstituent les batailles de l'Empereur avec des soldats de plomb. Et puis il y a Sylvain Tesson qui à bord d'une Oural, aux mêmes dates, nous fait suivre la route empruntée par la grande armée.

L'auteur nous emmène sur son side-car et nous fait découvrir à l'aide de nombreux documents, le trajet suivi pour revenir en France, la description des lieux et les réflexions qu'imposent le retour sur ces hauts lieux chargés d'histoire sont émouvants, tant de détresse, de souffrances humaines et animales. Sylvain Tesson cherche d'une certaine façon des raisons pour cette guerre, ces hommes qui suivaient l'Empereur de campagnes en campagnes. A la page 203, il nous dit : " L'Empereur avait réussi une entreprise de propagande exceptionnelle. Il avait imposé son rêve par le verbe. Sa vision s'était incarnée. La France,l'Empire et lui-même étaient devenus l'objet d'un désir, d'un fantasme. Il avait réussi à étourdir les hommes, à les enthousiasmer, puis à les associer tous à son projet : du plus modeste des conscrits au mieux né des aristocrates." Les français avaient fait un rêve qui s'achevait avec la Bérézina.

C'est un livre que j'ai énormément apprécié pour les connaissances qu'il m'a apporté et puis qui n'aurait pas envie de faire la route sur une Oural cheveux aux vents sur les traces de l'auteur. Je me dois aussi de remercier Nadiouchka, une e amie, sans ses critiques de Sylvain Tesson, je n'aurais peut-être pas rencontré cet auteur auquel je laisse le mot de la fin :

"Qui était Napoléon ? Un rêveur éveillé qui avait cru que la vie ne suffisait pas. Qu'était l'histoire ? Un rêve effacé, d'aucune utilité pour notre présent trop petit."
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S'abandonner à vivre

« S’abandonner à vivre » est une manière, pour Sylvain Tesson, de résumer le « pofigisme », un mot venu de Russie désignant un état d’esprit, une philosophie. Cela consiste à accepter « l’absurdité du monde » et « l’imprévisibilité des évènements », à se laisser porter par la vie sans chercher à lutter car le combat est perdu d’avance. Pour autant, il n’y a rien de déprimant dans cette résignation, au contraire ! Dès lors qu’elle est acceptée, la vie peut être vécue pleinement et avec une réelle jouissance.





C’est ce que s’efforce de mettre en pratique les personnages de ce recueil composé de dix-neuf nouvelles qui nous font voyager à travers le monde. Dix-neuf histoires pour un ouvrage de 221 pages, c’est beaucoup, néanmoins Sylvain Tesson réussi, grâce à la justesse de son ton et à la finesse de sa plume, à créer juste ce qu’il faut d’intérêt et de plaisir pour que le lecteur ne se sente jamais frustré par la brièveté des différents récits. On y croise des amoureux transis, des amants intrépides, des immigrés plein d’illusions, des guerriers célèbres, des aventuriers, des amateurs de sensations fortes, des solitaires et tant d’autres qui partagent, le temps d’un instant, un bout de leur vie.





L’écriture est riche, travaillée, exigeante et offre un excellent moment de lecture. Plus d’une fois j’ai été saisie par cette narration captivante et soigneusement élaborée. Bien sûr, comme dans tout recueil de nouvelles, c’est toujours un peu inégal et certaines histoires sont parfois en dessous des autres, mais le charme de l’ensemble reste intact et offre une très jolie découverte !
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Avec les fées

Embarquant sur un voilier de quinze mètres, en début d’été 2022 de Gijon, cap au nord vers les iles britanniques, Sylvain Tesson, Benoit et Humann, font escale dans le Finistère, le Pays de Galles, l’Irlande, l’Ecosse et se trouvent le 8 septembre dans un royaume pleurant sa souveraine, sans avoir croisé la moindre fée.

Des mois de navigation entre la bibliothèque de bord et les promontoires occidentaux de l’Europe sur l’arc celtique d’où les explorateurs sont partis à la conquête de l’Amérique après avoir hissé les menhirs et dessiné les paysages.

Des escales de quelques heures ou quelques jours où l’écrivain progresse le long du littoral, à pied ou en bicyclette, puis retrouve ses coéquipiers restés à bord du voilier, sans avoir beaucoup échangé avec les personnes croisées, ce qui me semble regrettable et contribue à créer un récit en « pointillé » qui manque, à mes yeux de fluidité.

Une lecture malgré tout féerique mais, à mes yeux, un titre inférieur à Blanc, en compagnie d’un auteur cultivé, ironique et souvent caustique,.



PS : ma critique de Blanc
Lien : https://www.babelio.com/livr..
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Avec les fées

« Partout bruit, raison, calcul, fureur. » Aimant à fuir « le vacarme des hommes, la bêtise des chiffres » pour renouer avec le merveilleux et la beauté, là où la nature conserve son caractère, l’écrivain-voyageur Sylvain Tesson s’est élancé pour trois mois de cabotage, à la voile, à pied et à bicyclette, sur le fil de côte qui, entre falaises et récifs du cap Finisterre en Espagne aux îles Shetland en Ecosse, relie les vestiges de la civilisation celte.





C’était à l’été 2022. Partageant avec deux amis la barre d’un voilier de 15 mètres et sautant à terre de loin en loin pour parcourir à pied ou en vélo les tronçons de côte les plus spectaculaires, il part à la rencontre des « fées », non pas de ces « filles-libellules » qui « volettent en tutu au-dessus des fontaines », mais en quête de ces instants fugaces et imprévisibles où surgit le merveilleux : une émotion « difficile à capter, encore plus à définir », comme une « vibration » que le pinceau de certains peintres parvient à saisir et qui, se refusant quand on la cherche et disparaissant quand on veut la saisir, nous étreint parfois lorsqu’on ressent intensément un lieu ou un paysage. « Le mot fée signifie (...) une qualité du réel révélée par une disposition du regard. Il y a une façon d’attraper le monde et d’y déceler le miracle. Le reflet revenu du soleil sur la mer, le froissement du vent dans les feuilles d’un hêtre, le sang sur la neige et la rosée perlant sur une fourrure de bête : là sont les fées. »





Là, sur ces côtes déchiquetées où, sous des cieux « fermés comme des huîtres », mer et terre opposent leurs forces en d’austères champs de bataille, « eaux noires bousillées de rafales » contre pointes, caps et rochers intimant la fuite aux promeneurs ; face à la mer qui bave, le ciel qui roule et le vent qui mêle ses lamentos aux « agonies de cornemuse » des phoques ; en ces lieux taillés par les éléments à grands coups de boutoir, où le soleil s’en va mourir en des eaux tantôt « pavées de nacre », tantôt roussies, par la lune, la magie noire et puissante des paysages appelle le souvenir des hommes qui, des rites celtiques aux ex-voto marins, en passant par les légendes et les grands textes qui ont chanté ces décors et leurs habitants, ajoute à l’aura de ces parages.





Aussi, l’auteur qui n’abandonne jamais ses livres n’illustre pas seulement ses carnets de voyage des croquis et des cartes retraçant son parcours. A sa recherche d’absolu en ces confins à conquérir entre caprices du ciel et paquets de mer, de brouillards en trouées de lumière, se marie son interprétation de la quête d’un autre Graal, celle de la légende arthurienne fondée par Geoffroy de Monmouth et Chrétien de Troyes. Et puisque ce long pointillé de falaises et de stacks séparant la lande de l’infini a abondamment nourri la littérature, les bivouacs sont autant d’occasions de convoquer, parmi d’autres, Hugo, Chateaubriand ou Renan, Shakespeare, Yeats ou Byron.





N’en déplaise aux polémistes empressés de faire feu ici de l’anti-modernisme sous-jacent et des sympathies royalistes affichées par l’auteur à l’occasion du décès de la reine d’Angleterre, l’on prend grand plaisir à ce voyage qui s’attache aux portions les plus sauvages du trait de côte atlantique, dans une quête d’expériences autant spirituelles que physiques, une démarche à la fois littéraire et sportive. Avec son sens génial de la formule, la beauté fulgurante de ses images et ses irrésistibles traits d’humour, ce livre est lui-même plein de magie. Très grand coup de coeur.


Lien : https://leslecturesdecanneti..
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Noir

Quand on aime Sylvain Tesson, on le lit, même si l'on pressent que tel livre ne sera pas à la hauteur de nos attentes, même si quelquefois il peut lasser avec ses aphorismes trop souvent faciles ou douteux.



Donc, un livre sur la mort et plutôt le suicide, pourquoi pas? Pour la mort, Sylvain enfonce une porte béante en évoquant son caractère inéluctable. Il est plus discernant et analyste lorsqu'il constate la fuite en avant de l'humain qui souhaite oublier la faucheuse ou peut-être la réserver aux autres, tous ces braves types, comme disait Brassens.



Dans ce livre, j'ai apprécié ses belles références évangéliques, récurrentes dans ses écrits d'agnostique prétendu. J'aime également sa lucidité exprimée devant les douleurs de la vie, les deuils, pour lui la perte de sa mère par exemple. Lucidité également sur sa survie après un accident survenu par excès de confiance, manque de précautions, ou peut-être laisser-faire du destin.



Pour les dessins, c'est très inégal. Il annonce la couleur en disant qu'il n'est pas dessinateur. Alors, il a un peu trop abusé des pendus et des suicidés au pistolet. Humour très noir, cynisme, chacun y verra ce qu'il ressent. J'ai bien aimé la femme fatale et sa tresse à usage suicidaire.



Après Noir, je pense lire Blanc, sur un thème bien différent, mais avec peut-être une proximité puisque le blanc des neiges efface tout.
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Dans les forêts de Sibérie

Aucun train, aucun bus pour me déposer au milieu de nulle part. Juste un camion et son chauffeur russe qui accepte de m’abandonner au pied de cette cabane. L’arrière remplie de provisions, tenir six mois, avec des centaines de bouquins – de tous genres, des soupes lyophilisées – de tous goûts chimiquement aromatisés, des pâtes - de toutes formes et des litres de vodka – de toutes contenances. Une passion justement pour la vodka et ce besoin vital de se retrouver seul avec son verre à la main, de parler avec son soi-intérieur et découvrir la vérité profonde, celle de l’intérieur du cœur. Le sang bat, deux tons en-dessous, comme si lui aussi est gelé par cet apport soudain de glace dans l’atmosphère. D’où la vodka, anesthésiant antigel nécessaire à la survie de cette solitude choisie.



« Sur la neige, avec un bâton, je trace le premier poème d’une série de « haïkus des neiges » :

Pointillé des pas sur la neige : la marche

Couture le tissu blanc.

L’avantage de la poésie inscrite sur la neige est qu’elle ne tient pas. Les vers seront emportés par le vent. »



-33°C et je compose déjà des haïkus. Si je fais le plein de vodka, je devrais tenir le choc. Éloge de l’inactivité et de l’oisiveté. Quelle merveilleuse vie. J’aurais pu crapahuter à travers toute la Sibérie à la rencontre des bêtes sauvages ou des autochtones bourrés. Non à la place, j’ai choisi, le temps d’un bouquin, de me poser. Et me reposer. Là-bas, au bord du lac Baïkal, il n’y a pas grand-chose à faire, et pourtant tant d’envie et de besoin. Se lever et aller couper du bois. Boire un thé brûlant, et puis une bouteille de vodka. Essayer d’aller pêcher pour changer de soupes lyophilisées au dîner. Ne jamais oublier sa bouteille de vodka au cas où une rencontre impromptue avec quelques russes se présente. C’est la base de l’hospitalité dans cette région. Écouter les oiseaux venir frapper au carreau de ma fenêtre après y avoir jeté quelques miettes de pain en dégustant une bouteille de vodka. Pisser contre un arbre en surveillant l’ours à l’horizon. Bref, la nature telle que je l’aime, à l’abri de la civilisation néfaste à mon développement personnel.



Voilà donc que j'ai découvert – enfin - la plume de Sylvain Tesson… Une plume de mésange ou d’ours ? Un récit de voyage comme je les aime, même si ce dernier reste dans l’immobilité absolue d’une cabane remplie de bouteilles de Tabasco et de vodka. Il y a de l’émotion, des vérités profondes, une introspection sur la condition humaine, un besoin de se justifier, une ode à la nature, à l’âme russe et humaine, à la vodka. Qu’est-ce que je n’aurais pas donné pour m’asseoir sur cette souche d’arbre, les pieds dans la neige, à côté de lui. L’envie de partager ses silences. Y aurait-il eu assez de bouteilles de vodka ? Et je reviens sur ce bonheur qu’il y a à pisser contre un arbre, de reproduire un dessin de Picasso de son jet d’urine fumant sur la neige immaculée. Un moment à kiffer dans une vie.



Et plus j’avançais dans les banalités de ses journées, et plus je me sentais moi aussi à l’aise dans cet espace couvert d'un manteau blanc, neigeux et ouaté. Le lac Baïkal, toujours aussi majestueux, les frissons de glisser sur sa couche de glace hivernal, son silence, ses oiseaux migrateurs et les rencontres improvisées avec des russes, ermites comme moi, par nécessité ou par opportunité. Là-bas, si tu y viens par hasard, tu n’y restes que par besoin.



Lorsque j'ai fini ce bouquin - nul doute que je le relirai même encore - j'ai réfléchi à mes envies, mes besoins, et les 10 raisons pour lesquelles j'aimerais m'isoler dans une cabane au bord d'un lac en hiver :

- Pour écouter le silence.

- Pour pouvoir vivre nu.

- Pour boire de la vodka. Tous les jours. Plusieurs fois par jour.

- Pour chasser l’ours, nu et à mains nues.

- Pour donner à manger aux oiseaux.

- Pour pisser contre un arbre, qui est plus jouissif que de viser le trou d'un chiotte blanc.

- Pour être seul avec moi-même, l’ours, les oiseaux et le phoque encore plus sauvage que moi.

- Pour regarder l’immobilité d’un lac gelé.

- Pour lire. Pour lire et boire. Pour boire et lire.

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Un été avec Rimbaud

Tesson et Rimbaud, le poète fulgurant et l'écrivain talentueux, cela donne un petit livre excellent, même si par moments Sylvain s'égare un peu, pour ma part j'aime son écriture et son style, j'apprends toujours quelque chose en le lisant, et, je suis toujours saisi par ses formules, ses pensées à contre-courant (je ne saurais me passer d'Internet et pourtant j'apprécie sa citation sur le bonheur d'avant la toile).



Il débute par un avant-propos, synthétisant en quelques pages, le génial Rimbaud, en allant marcher le long de la Meuse, vers l'Ardenne qui vit naître le poète, concluant cette introduction par une formule ad hoc : "Rimbaud, azimut brutal vers l'éternité".



Ensuite, le choix de Sylvain est de suivre la courte vie et l'oeuvre encore plus courte du poète en proposant trois chants, celui de l'aurore, celui du verbe et celui des pistes.



Ce choix génère quelques allers-retours qui pourraient perdre le lecteur, ce n'est plus l'azimut brutal mais les méandres de la vie de Rimbaud, semblables à ceux de la Meuse.



Pas de doute pour Sylvain Tesson, Rimbaud est un génie, depuis son excellence scolaire jusqu'à celle exprimée dans ses poèmes. Sylvain rappelle à plusieurs reprises la projection si rapide de l'oeuvre de Rimbaud, en moins de quatre années, entre seize et dix-neuf ans. Mais quand un jeune homme a produit "Le bateau ivre", "Le dormeur du val" ou "L'éternité" pouvait-il pressentir aussi jeune le potentiel qui l'aurait fait rejoindre Hugo et Baudelaire sur le volume de leur oeuvre?



Sylvain n'omet aucune référence à ces deux autres poètes immenses et s'applique à croiser leurs vers avec ceux de Rimbaud. Cela donne de très beaux passages et quelques citations de ses prédécesseurs très bien choisies.



La musique, la peinture, la marche et le voyage sont également présents dans les propos de Tesson qui évoque ce besoin de soleil et de Provence de tous ces génies du XIXe siècle, peintres ou écrivains. Le pauvre Arthur ne connaîtra guère Marseille que pour y mourir.



Sylvain Tesson n'abuse pas des extraits de l'oeuvre de Rimbaud, il les distille au compte-gouttes, suscitant le désir du lecteur d'aller se plonger à nouveau dans les Illuminations et de relire cette poésie de fulgurance avec peut-être un autre oeil, ébloui par les propos de Sylvain Tesson.
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Tibet : minéral animal

L'ouvrage Tibet, minéral animal que le photographe Vincent Munier et l'écrivain voyageur Sylvain Tesson ont produit ensemble aurait pu s'apparenter à un livre de photographie animalière. En effet, Vincent Munier nous entraîne sur les hauts plateaux tibétains, sur les traces de la panthère des neiges, cette fascinante, énigmatique et légendaire panthère des neiges ! Et, dans l'attente et l'espoir de peut-être pouvoir l'apercevoir, il va rencontrer d'autres habitants de ce majestueux plateau tels que le gypaète barbu, le cerf à museau blanc, le loup gris, le pika à lèvres noirs, le chat de Pallas, le Klang (âne sauvage), le yack sauvage, le renard du Tibet...



Ce sont en effet les plus belles photos, soit 160 photos, de six voyages qu'il a faits au Tibet qui sont réunies dans cet ouvrage. le résultat est plus que cela, c'est un authentique ouvrage d'art. Ouvrage d'art magnifié par la poésie des textes de Sylvain Tesson qui l'a accompagné lors de son dernier périple en février 2018 et lui a donc prêté sa plume. Leur talent respectif mis en commun nous offre une oeuvre magnifique.



Certaines photos se présentent comme des tableaux, la photographie de la nature rejoint le tableau du peintre (Noces du ciel et de la terre, le ciel voit rouge, Voile pudique, Aphrodite en blanc...). Quant aux nuances toutes en variation entre le blanc et le gris jusqu'au noir profond, et du beige au roux, elles sont le symbole du mimétisme entre le minéral et l'animal, titre de ce prestigieux album. Difficile, la plupart du temps de différencier l'animal du minéral, de repérer l'animal sur les rochers, dans la nature tout simplement. Certaines photos, notamment de yacks sauvages dans la brume m'ont également fait penser à des peintures rupestres.



Pour ce qui est des textes qui accompagnent de façon très sobre ces sublimes photos, Sylvain Tesson a su se faire tour à tour philosophe et poète et réussit, comme il a dû le faire lorsqu'il était à l'affût, à "se fondre dans le paysage".



Comme il le dit si bien dans « L'oeil ne sait pas ce qu'il voit » :

« Elle se tient là, couchée au pied de la falaise,

présente et invisible, discrètement dominatrice.

Sa robe est mouchetée d'ivoire et de poussière.

Taches de nacre, ombres d'obsidiennes, larmes d'or.

Le ciel et la terre, le jour et la nuit sont fondus dans son pelage.

...

Ce n'est plus la panthère qui est camouflée dans le paysage,

mais le monde qui s'est incorporé à elle. »



À la fin de l'ouvrage, une page est consacrée à des " Aphorismes dans le froid et autres pensées de l'affût " pour chacun des animaux photographiés. Pour exemple et en conclusion, concernant la gazelle :

« Elle fuse comme une pensée dans l'esprit du lieu. »



Un magnifique cadeau de Noël à offrir ou à s'offrir !
Lien : http://notre-jardin-des-livr..
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Un été avec Homère

♫Nos vies sont une guerre

où il ne tient qu'à nous

De nous soucier de nos sorts,

de trouver le bon choix,

De nous méfier de nos pas,

et de toute cette eau qui dort,

Qui pollue nos chemins,

soit disant pavés d'or.

Mais quand reverrai-je,

de mon petit village,

fumer la cheminée

et en quelle saison,

mais quand

reverrai-je ?♫

Ulysse- Ridan - 2007

Cette chanson reprend le célèbre poème Heureux qui comme Ulysse de Joachim du Bellay, extrait du recueil Les Regrets de 1558.





Il y a de la musique dans les haut- parleurs

tu me fais planer,

Je prends l'avion dans deux heures

"Iliade" la rumba dans l'air, pépère

Je t'ai suivi dans tes galères avec mes mers

Vas y Francky c'est bon

"Oh dis say" bon bonbonbon

Iliade , Odyssée époque début secondaire

J'pouvais pas dire "j'adore", plutôt Es père

des pensées d'Arcs, va dors ...

Stop ou ANCKOR

Face à Homère

derrière t'as la terre

l'Eternel ou l'effet Mer

"Poème de la force" selon Simone Weil

Sylvain, Tesson père !

Homere que la ville est belle

sans ces putains de camions

de gazoil et de goudrons...

Je ne puis rien vous dire

DIVIN, Objectivation d'une Présence

Devant tant de beautés j'en suis réduit au silence

Grand yeux de chouette, ceux de ton Athéna

Puis-je avouer un amour pour tes dieux

quand devant l'Homère t'as ?



En somme, vivre reviendrait à aller, en chantant, vers un sort promis.

p 180



L'adjectif est un nimbe autour de l'être

Il désigne l'Aura du héros

Dieu que c'est beau

Décidé, je t'emmène sur mon ile déserte.

























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Dans les forêts de Sibérie (BD)

Comment savoir si nous sommes riches d’une vie intérieure ? Partir au fin fond de la Sibérie, seul, affronter le froid, le silence, la solitude, la faim, se poser dans la vraie vie dénuée d’argent, de superficialité, d’objets de pacotilles et puiser dans le ressac de son être. Observer le vaste monde blanc et ressentir les trémulations de la nature sur les sillons de l’âme.



Sylvain Tesson est parti six mois dans les forêts de Sibérie. Avec des cigares, des livres et de la vodka. Il veut savoir s’il survivra à cette expérience. N’importe qui se suiciderait dans ce linceul polaire. Sauf celui qui se découvre une vie intérieure. C’est beau je trouve. Se sentir suffisamment plein pour survivre à n’importe quelle situation, n’importe quel chemin de vie.



Je n’ai pas lu le roman de Sylvain Tesson, juste cette BD que j’ai trouvée très belle, épurée de toute futilité. Les passages en solitaire m’ont beaucoup touchée, c’est certainement les planches que j’ai préférées. Elles débordent d’une poésie brute en parfaite osmose avec l’environnement. Les différents encarts sociaux m’ont moins intéressée, souvent trop politiques.



Non, ce que j’ai aimé le plus dans cet album graphique c’est ressentir l’ambiance générale qui se dégage de ces forêts de Sibérie. Un lever du soleil rouge sang, les mésanges à la fenêtre, les sillons sur la glace qui font penser au fil des pensées, les réflexions d’un homme libre et libéré de toute contrainte, sur le temps, la vie, le dehors.

Il y a comme une symbiose entre le dedans et le dehors, une attraction essentielle à se mettre en diapason avec l’environnement. De ne faire qu’un.



Cet album dégage beaucoup de ces petites choses qui font du bien quand on aime l’oxygène, les grandes étendues blanche, les croquis pastels, grisés, blancs mâtinent l’histoire de Sylvain avec grâce et sérénité. C’est une BD dans laquelle on se sent bien, qui nous donne envie d’être un ours polaire plus libre que jamais.
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Blanc

- Blanc ? Non, Rouge ! Blanc ??? Non, Rouge !

- Bichette, qu’est-ce que vous marmonnez dans votre absence de barbe ? Au tableau ! Faites-moi un résumé du livre de Sylvain Tesson que vous deviez lire pendant les vacances de Noël !

-… (gros blanc)

- Je vous écoute Bichette !

- … (énorme blanc, je crois même qu’un ange passe)

- Pas de réponse ? Comme dans votre copie ? Une copie Blanche ! Je suis très déçue de votre absence de travail et de votre comportement ! Je ne comprends pas, vous êtes plutôt une élève sérieuse d’habitude !

-C’est que …, Madame, je ne sais pas trop quoi dire, je n’ai pas du tout aimé ni compris ce livre. Pourtant, je l’ai lu jusqu’au bout, je vous assure, je me suis même forcée, mais je n’y ai trouvé ni intérêt ni plaisir.

- Ah ! ??! Eh bien, expliquez-moi ça !

- Sylvain Tesson ne fait que raconter ses vacances dans les Alpes, où il était, combien il a fait de dénivelé et de kilomètres par jour. Mais, bon moi je m’en fiche de ses vacances, je n’ai pas l’intention de faire la casse-cou sur les sommets enneigés ! Pourtant, je l’aime bien la montagne, c’est joli la neige, mais franchement les frissons de bobo de Sylvain Tesson qui se prend pour un rebelle ça m’a fait un peu rigoler.

Enfin, rigoler, c’est une façon de parler, parce qu’on ne peut pas dire que M. Tesson fasse preuve d’un grand humour. Il nous raconte sa préparation tous les matins, l’effort et le courage que ça lui demande de se lancer dans le froid à moins 25 degrés. M’enfin ? M. Tesson fait le malin et voudrait qu’on le plaigne ? Il est là uniquement par sa propre volonté et visiblement aussi par ce qu’il a suffisamment d’argent pour se payer tous les ans plusieurs semaines de vacances à la montagne (j’en suis ravie pour lui). De plus, il se permet de nous narguer parce que pendant que Môôôoosieur Tesson traçait dans la poudreuse, les péquenauds citadins moyens comme moi se confinaient en tremblant sur ordre du gouvernement en 2020 !

La cerise sur la forêt noire étant que si M. Tesson se moque bien du gouvernement et skie pendant le confinement en se dépeignant comme un rebelle intermittent (sic), il est en revanche ravi de pouvoir compter sur les hélicoptères de la gendarmerie nationale pour venir le récupérer en cas de bobo … Donc, plutôt que Blanc, moi j’ai plutôt vu Rouge lors de cette lecture !



Il est vrai cependant que M. Tesson ne manque pas d’érudition et peut se faire poète, il sait manier la plume et son livre est émaillé de belles trouvailles.

« Le visage masqué, la tête enfouie dans les laines, on avait tout intérêt à se replier en soi. La pensée descendait dans les dédales, en quête d'un fanal. On attrapait le tableau d'un moment béni - une soirée de mai dans les forêts atlantiques - et on flottait autour de cette flammèche, comme un papillon de nuit cherchant l'angle de vol autour de la lampe. (p.81) »

Malheureusement cela manque d’humilité, l’auteur se regarde écrire, utilise des mots savants pour étaler sa science et cela m’a semblé par moments complètement ridicule, rompant le charme… un petit exemple ci-dessous, tout allait bien jusqu’à intussusception, qui ne me paraît pas indispensable à la compréhension.

« Où va le blanc quand la neige a fondu ? demandait Shakespeare. Quel était le pouvoir de cette substantivation éphémère de l'eau ? Pourquoi cette métamorphose de l'ordre même ? La nature aime à se cacher, avait murmuré Héraclite. Donnait-il là une définition de la neige ? Pourquoi ce sentiment d'une purification de la structure par le dépôt d'un voile ? C'était dans ce mystère que nous avancions. Le Blanc unifiait le monde, désagrégeait le moi, anesthésiait l'angoisse, augmentait l'espace, évanouissait les heures. L'élément s'agrégeait à lui-même et dissolvait toute forme dans l'éclat implacable. L’intussusception désigne en biologie le principe d'élargissement d'un ensemble par absorption de corps extérieurs. Ainsi, le Blanc : sac et matrice. Totalité et grand oubli. » (p.39)

M. Tesson a beaucoup de qualités et de talent, c’est indéniable, et c’est avant tout la forme de ce texte qui m’a dérangée, comme si pris d’une énorme crise de fainéantise l’auteur avait écrit à peine mieux qu’une carte postale à sa vieille tante éloignée alors qu’il avait tous les ingrédients pour faire beaucoup plus, beaucoup mieux et m’emporter dans son rêve et paradis Blanc.

Carton Rouge M. Tesson en ce qui me concerne ! Pour me convaincre de vous suivre dans une prochaine lecture, ce ne sont pas les skis et les peaux de phoque qu’il va falloir dégainer, mais les rames…

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Dans les forêts de Sibérie

Ces expériences extrêmes que l’on vit par procuration sont attractives. Même si accablés par la chaleur de l’été , il est difficile d’imaginer les sensations éprouvées par -30°, on apprécie par auteur interposé la douce chaleur de la cabane de rondins, seul rempart contre la morsure du froid intense. Ouvrage parfaitement adapté à une lecture estivale dans une ambiance caniculaire.



Plus que l’épreuve physique, et c’en est vraiment une, c’est l’isolement que recherchait Sylvain Tesson lorsqu’il entreprit cette parenthèse sibérienne. En finir pour un temps avec les échanges artificiels induits par son statut social, se convaincre de survivre dans un environnement minimaliste (livres, vodka) et à la façon des ermites , contempler ce qui est devant ses yeux.



L’aventure est appréciée, la balance penche en faveur d’une valeur ajoutée, que ce soit sur le corps (si l’on ne s’attarde pas sur un éventuel bilan hépatique) , ou sur l’esprit. L’expérience se réclame aussi du respect de la planète, en ou plaint l’énergie grise qui coute si cher et accentue notre oeuvre de destruction systématique de nos ressources. Certes les puristes y trouveront de limites (le matériel informatique n’est pas sorti des très percé dans la glace…).



L’isolement n’est pas total, les beuveries ne sont pas toujours solitaires, mas beaucoup de te=ps est consacré à la contemplation de l’environnement , dont la beauté fait oublier l’hostilité et force le respect (jusqu’à ne pas lui faire l’insulte de l’immortaliser dans le cimetière des souvenirs photographiques



L’écriture est travaillée, et le style fluide. Elle n’a pas l’authenticité d’un journal de bord écrit dans l’instant, mais n’en est pas moins extrêmement agréable à parcourir.
Lien : http://kittylamouette.blogsp..
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Sur les chemins noirs

Déjà un titre, révélateur du périple intérieur de Sylvain Tesson, lorsqu'il marche de par le monde, qu'il s'agisse des pistes asiatiques, des forêts sibériennes ou des bords du lac Baïkal. Mais ici, c'est la France, à travers laquelle Sylvain va tracer une diagonale depuis les Alpes Maritimes jusqu'à la pointe du Cotentin.



Pour cette traversée, pas de grandes pistes, mais des chemins discrets qui traversent de temps à autres les grands GR, des chemins noirs, quelquefois autant que l'âme de celui qui les parcourt et livre avec son talent habituel tout un ensemble de faits, de rencontres, accompagné vers la fin par ses amis de toujours.



Et bien sûr, le miracle s'accomplit... Pour le lecteur en tout cas, c'est certain, qui se trouve emporté par le vocabulaire si riche de Sylvain et par l'enchaînement de ses phrases qui avancent tout aussi sereinement que ses pas.



Je retiens bien sûr sa traversée de l'Aubrac, sans dévier vers les éventuelles tentations du chemin de Compostelle, filant toujours au nord-ouest, tout en prenant le temps de célébrer les bosquets faméliques de hêtres de l'immense plateau duquel les vaches sont déjà descendues.



Lecture magique si on aime Sylvain Tesson, qui donnera envie de revenir à ses côtés pour ceux qui le découvriraient le long de ses chemins noirs.

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Dans les forêts de Sibérie

« Rien ne me manque de ma vie d’avant. Ni mes biens, ni les miens ».

Me voilà arrivée aux trois quarts du journal intime de Sylvain Tesson qui relate son retrait en Sibérie, au bord du lac Baïkal, pendant plusieurs mois.

Alors je le quitte sans vergogne, lui qui ne parlait plus que de solitude bénie. Solitude bénie…oui, mais pas sans vodka dont il se gave du matin au soir ! La supporterait-il, cette solitude, sans la boisson ?





Lorsque j’ai abordé ce livre, c’est avec enthousiasme, après avoir lu les différents avis sur Babelio. Et puis la solitude m’attire, je déteste le fracas des villes, les bavardages et tutti quanti. J’adore la nature, j’aime regarder les animaux, particulièrement les oiseaux.

Donc Tesson, au début, m’a éblouie, surtout par son style très poétique (quoique à certains moments un peu surfait, alambiqué par plaisir). Par les paysages somptueux de la Sibérie dont il est entouré. Par ses réflexions sur la vie.

Et puis petit à petit, les récits de ses pêches, de ses contemplations par la fenêtre, de ses échappées dans la taïga ou sur le lac gelé, de ses soûleries avec les Russes de passage ou avec ses « voisins » éloignés d’une journée de voyage, tout ceci m’ennuie un peu. Magnifique au début, lancinant par la suite.

Je me dis que c’est bien beau, tout ça, la solitude, la méditation, la débrouillardise, le confinement dans la cabane-utérus, la communion avec le Tout, l’adéquation totale avec la vie sauvage…mais ce n’est pas à la portée de tout le monde. Il fait envie, Tesson, mais il ne se rend pas compte que pour le commun des mortels, tout quitter pendant quelques mois, ce n’est pas « faisable ».





Donc oui, j’adhère absolument à ses phrases qui font rêver, à la Nature si chère à mon cœur, au silence, à la philosophie sous-jacente. Mais je ne ferai pas partie de la Tessonmania.

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Notre-Dame de Paris, ô reine de douleur

« A l'esprit dans l'ordre : l'effroi, les analyses, les souvenirs. »



Lorsque Sylvain Tesson s'exprime, que ce soit par écrit ou oralement, je me transforme en statue. Je n'ai strictement rien à dire. Je l'écoute béatement. Je le lis attentivement, religieusement .C'est la raison qui m'a poussée à le citer abondamment .Je ne sais pas mieux faire.



Cet homme aux connaissances nombreuses précises et variées, ce voyageur infatigable, ce funambule, cet amateur de situations extrêmes et parfois extrêmement risquées semble aller chercher tellement loin ses ressentis, ses émotions qu'il me semble superflu d'ajouter ma patte.



Sylvain Tesson et Notre-Dame de Paris ont vécu des heures et des heures dans la plus stricte intimité. Ils se connaissent. Ils s'apprécient. Mieux ils s'aiment. Cet ouvrage donne vie à la cathédrale. Elle semble le confirmer.



L'auteur qui de sa fenêtre plongeait directement sur la cathédrale se souvient de « ses pitreries » lorsqu'étudiant il s'amusait à escalader cette fameuse flèche. En 2014 il est tombé d'un toit et ce grave accident a nécessité patience courage, espoir et volonté.

C'est en montant tous les jours l'escalier étroit en colimaçon qui permet d'acceder aux tours de Notre Dame que Sylvain Tesson a choisi d'effectuer sa rééducation. Il disait alors qu'il ressemblait à une gargouille. Il dit aussi devoir sa vie à Notre-Dame.



Très attaché à ce monument, à ce « vaisseau de pierre », il lui semblait sans doute évident de publier un livre (7euros) dont les bénéfices seront reversés à la Fondation du Patrimoine. La cathédrale lui a sauvé la vie, il fait ce qu'il sait si bien faire. Il écrit, il l'évoque, il l'a met à l'honneur. Il lui rend hommage. Il aide à sa reconstruction en vendant ses livres comme elle l'a aidé à la sienne en lui offrant son escalier.



La cathédrale sera sauvée. Aussi. Sa remise en état demandera beaucoup de temps de patience, de courage, d'espoir et de volonté (s). Aussi. L'histoire d'un homme intimement mêlée à l'histoire d'un édifice. Notre Dame de Paris Ô reine de douleur. C'est cette histoire que Sylvain Tesson est venu nous raconter.

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Dans les forêts de Sibérie (BD)

La lecture du livre de Sylvain Tesson il y a quelques années m'avait un peu moins séduit que ses autres textes, comme L'axe du loup, par exemple où le lac Baïkal est déjà présent, sans doute à cause des trop nombreuses références à la vodka et à l'habitude russe de jumeler convivialité avec ébriété.



Curieusement, dans cette transposition en bande dessinée, ce sont les aphorismes de Sylvain qui m'ont quelque peu saoulé, trop nombreux dans cette transposition et donnant souvent dans la facilité ce qui entache me semble-t-il le côté poétique de cet exil volontaire.



Pour le reste, j'ai retrouvé avec plaisir les réflexions de Sylvain, même celle à propos de Jésus et la femme adultère, et surtout toutes celles liées à la nature, aux tâches quotidiennes, aux animaux, à la forêt.



Le dessin m'a paru très esthétique, pouvant ainsi donner une idée assez proche de l'environnement de Sylvain Tesson durant les six mois qu'il a passés dans la taïga. La variété des bleus et des gris restitue parfaitement l'image de la nature en hiver. Aux pages 10 et 11, une grande planche met vraiment en valeur la cabane de Sylvain et la carte de sa main donne une bonne idée des distances que l'on ne mesurait pas autant dans le livre.



En principe, je ne lis pas les romans graphiques tirés d'un livre. J'ai fait une exception car il s'agit de Sylvain Tesson, figurant au top des mes écrivains préférés, et j'en ferai sans doute une autre pour Bérézina.
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La panthère des neiges

Magnifique et magique



Sur les plateaux du Tibet, s'ouvre le monde de la panthère des neiges.

L'hommage de Sylvain Tesson à la nature est sublimé par une langue à l'affût de ses méditations.

Un sage taoïste nous parle avec les mots retranchés dans les anfractuosités des roches hivernales, chaque pouce de terrain de l'ample Himalaya pique sa curiosité.

Rien ne ressemble à son univers, à ce qu'il a connu, du passé il fait table rase.





L'aventure est totale, sans mesures, sans repères, à la découverte de la panthère des neiges.

Sylvain Tesson aime se dépouiller. Tous les vêtements sont trop lourds, trop serrés pour celui qui cherche à s'élever, et à se délaver de ses idées, de ses à priori, de son passé.

La grande découverte de l'affût, devient un langage, comme une lecture nouvelle du taoïsme, une façon de renaître au monde, faire surgir le doute sur la notion de temps.

"L'affût, tel ce luxe de passer une journée entière à attendre l'improbable ! Page 110."





Le rapport au temps à 5600 m d'altitude s'ébauche dans la nature, c'est l'étalon primaire, le guide inaltérable de notre présence. le déroulement de la vie de chaque espèce emprunte le rythme qui lui convient, le pas lent des saisons ou bien le balancement de la Lune, ainsi naîtront les nouvelles pousses.





Sylvain tesson va même plus loin dans sa réflexion, " l'affût était une prière, page 57". On faisait comme les mystiques on saluait le souvenir primal. L'art aussi servait à cela, recoller les débris de l'absolu.





Quelle étrange méditation que de se tenir aux aguets. "L'espace ne défile plus. le temps impose ses nuances, par touches. Une bête vient. C'est l'apparition. Il était utile d'espérer". Mon camarade avait attendu la venue des musqués de Laponie. "Il s'était gelé des orteils dans la neige, posté jour et nuit, fidèle aux directives des snipers ; mépriser la douleur, ignorer le temps, ne pas céder aux fatigues, ni décrocher avant d'avoir obtenu ce que l'on désirait".





Le 22 novembre dernier,passait sur Arte un document unique sur la panthère des neiges. C'était Munier calfeutré derrière les pans de son abri. Une apparition comme un rêve, celle d'une mère et de son petit. Magique et émouvant de s'imprégner de ce couple qui se livre à une série de gestes de tendresse et de complicité. Puis on revoyait la mère repousser son enfant pour le libérer et qu'il puisse conduire son propre destin.

Chaque animal réalise sa part de vie et de beauté, écrivait Aristote.





Cette plongée dans l'ultime présence de l'animal, est une inaltérable découverte du monde animal débarrassé d'une morale humaine, trop humaine ajoute Sylvain Tesson. La bête est un joyau serti dans la couronne. Dût le diadème se laver de sang.

La patience est une vertu suprême, la plus élégante et la plus oubliée. Elle invitait à s'asseoir devant la scène, à jouir du spectacle. La patience était la révérence de l'homme à ce qui était donné.

Dans le frémissement des feuilles le silence est un élixir de beauté.



Une rencontre inoubliable, des hôtes mystérieux de la glace, et du vide, les panthères des neiges.

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