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Critiques de Sylvain Tesson (3112)
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Sur les chemins noirs

Je remarque que l'on voit de plus en plus souvent Sylvain Tesson à la télévision. Je me suis dit qu'il serait peut-être temps que je m'intéresse à cet auteur qui me paraissait bien sympathique mais également mystérieux avec son visage en biais. En lisant ce livre, j'ai appris que cette « gueule cassée » était due à une chute de dix mètres d'un toit, chute certainement provoquée par l'alcool. Ce livre est le résultat d'une promesse : dans son lit d'hôpital, l'écrivain s'est juré d'aller parcourir les chemins de France dès qu'il le pourrait. Et c'est donc avec la colonne vertébrale cloutée, comme il le dit lui-même, qu'il va se lancer dans cette aventure, un peu comme Stevenson avec sa mule. Quel plaisir de lire ce récit, de vivre ces pérégrinations ! On voyage dans son canapé.



Nul doute que je lirai Dans les forêts de Sibérie et Blanc. Mais vous me connaissez, ne faisant jamais rien comme tout le monde, j'ai préféré commencer par celui-ci.
Lien : https://promenadesculturelle..
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Sur les chemins noirs

Sylvain Tesson est un écrivain voyageur, écrivant des livres sur des impressions, des découvertes de ces voyages. Certes, il n'est pas possible de le comparer aux grands voyageurs tel Nicolas Bouvier dans son merveilleux : L'usage du monde. Néanmoins, il touche par moments le rêve que nous carresons tous un jour, au moins une fois.

Comme s'isoler dans une cabane en bois au bord du Baikal et laisser dériver nôtre monde intérieur au milieu de la nature, des livres, de l'alcool et de l'amitié.

Cette fois-ci, ce roman nous entraîne vers une rédemption, un sauvetage de la vie qu'il a bien failli perdre en tombant d'un toit.

Notre homme éprouvé, découvre une nouvelle dimension à la vie : Elle est inestimable.

Il décide de suivre les chemins noirs, comme l'a fait avant lui René Frégni fuyant l'autorité militaire parti à la traque d'un conscrit réfractaire.

Que sont ces chemins noirs ?

Si j'ai bien compris, des chemins hors des sentiers battus, des chemins de campagne insolites qui nous permettent de renouer avec un monde rural, tantôt envié, tantôt rejeté.

J'avoue avoir eu un peu de mal à croire que Sylvain Tesson gagne dans ce voyage son défi. Il n'est pas si seul, beaucoup d'amis le rejoignent pour faire un bout de chemin, il ne renonce pas vraiment à la " civilisation", un certain côté très artificiel.

Néanmoins, l'homme même s'il ne m'est pas apparu comme très sincère par moments m'a touché par cette force qu'il déploie pour continuer à vivre avec un corps qui reste en souffrance. Il n'a qu'un peu plus que 50 ans.
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Aphorismes sous la lune et autres pensées sau..

ne cultivent l’aphorisme que ceux qui ont connu la peur au milieu des mots (Cioran) . En vieillissant la forêt sent le sapin. Chaque soir, en voyage, Odin redressa bien des Thor. La fabrique de l’aphorisme. Comment écrire la folie du monde.

Le spectacle du marché aux bestiaux d’oulan c’est le 10eme livre que je lis de Sylvain Tesson. L’aphoriste flâne en entomologiste. Le voyageur vaque en chemin avec son filet. Cette fiente de l’esprit qui vole ( Hugo) et des œufs mollets sur un lit de cresson (Zola).

Il faut de la légèreté. Le livre-brouillard. Miroir de l’âme. que tout homme qui possède deux pantalons en vende un et achète mon livre. La mer : un cœur qui bat entre 2 côtes. L’aiguille de granit recoud le manteau des neiges au fil de l’arête. Rhabillez-vous ordonne le printemps aux arbres. La houle mord la terre : elle lui pardonne pas de briser sa course.Une ancolie chiffonnée qu’un myosotis l’ait oubliée .y a t’il des mers ? on fait couler tant d’encre sur Venise qu’elle se noie. Venise digère la foule par l’intestin de ses ruelles et la recrache par ses foules. Crachin : avarice des nuages britanniques. Nuage :pâtisserie du ciel entre fondant et moelleux.Regarder un singe en cage c’est mettre des barreaux à un miroir. Sur l’étal : les poissons son les tripes de l’océan qu’on vide. Vin : le fruit est dans le verre. J’ai observé un bousier Sisyphe est un jean-foutre. Une uitrevavec une coquille. Cioran
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Dans les forêts de Sibérie

"Je m'étais promis avant mes quarante ans de vivre en ermite au fond des bois.

Je me suis installé pendant six mois dans une cabane sibérienne sur les rives du lac Baïkal. [...] Un village à cent vingt kilomètres, pas de voisins, pas de routes d'accès, parfois, une visite. L'hiver, des températures de −30° C, l'été, des ours sur les berges. Bref, le paradis.

J'y ai emporté des livres, des cigares et de la vodka. le reste − l'espace, le silence et la solitude − était déjà là."



J'en ai rêvé, Sylvain Tesson l'a fait.

Prise dans le tourbillon du travail, de la maison, des enfants, il m'est souvent arrivé de dire que j'aimerais partir quelque temps seule sur une île déserte avec une bonne provision de livres et de thé.

Ce souhait, qui est resté un voeu pieux pour moi, l'auteur l'a réalisé.

Pour notre plus grand bonheur, puisqu'il en a rapporté ce livre, qui n'est pas un roman mais un journal qu'il appelle son "journal d'ermitage".



Une demi-année, ce n'est tout de même pas rien ! Et c'est une formidable opportunité.

Perdu au milieu de la nature, on ne peut pas tricher.

Seul, on ne peut pas se mentir.

Si l'on se couvre de vêtements chauds pour affronter les températures sibériennes, on se dépouille humainement. Débarrassé du superflu, on est vraiment soi.

Sylvain Tesson s'est comme soustrait du monde pendant six mois. Absenté de la vie ordinaire.

Il s'est enfermé et a tiré la porte.

Cette pause hors de la vie, hors du temps, va être l'occasion d'une introspection poussée : n'avoir que soi comme compagnie humaine doit permettre de se découvrir avec un degré d'intimité jamais atteint ; d'acquérir une conscience aiguë de qui l'on est vraiment.

Vertigineux ! À la fois terriblement séduisant et angoissant.

Après avoir terminé ses préparatifs, à la veille de son premier jour solitaire, notre aventurier est parfaitement conscient de ce qui va se jouer et l'exprime ainsi : "Je vais enfin savoir si j'ai une vie intérieure."

Qui a déjà lu Sylvain Tesson connaît la réponse, et ce journal envoutant nous en donne la confirmation.



Son art de la formule m'a régalée, comme lorsqu'il note à la date du 18 juin : "La nature est tout à sa joie d'avoir obtenu l'usufruit d'un nouvel été." Pour lui, l'appel du 18 juin est celui de la nature.

Six mois passés à l'observer finement et à en noter les changements les plus imperceptibles. Le lecteur voit lui aussi à travers la fenêtre de la cabane et se fait observateur à son tour : c'est magique ! C'est la magie du livre qui permet de voyager sans bouger.



J'ai déjà lu et apprécié de nombreux ouvrages de Sylvain Tesson, et celui-ci m'a conquise. J'en ai aimé chaque page, chaque phrase.

J'ai ralenti ma lecture pour faire durer le plaisir de partager cette aventure et de suivre les pensées de l'auteur.

Pour ceux qui ne l'ont pas encore fait, je ne peux que vous recommander chaleureusement de venir à votre tour dans ces forêts de Sibérie. Venez découvrir des paysages magnifiques, des animaux surprenants, mais avant tout, saisissez l'occasion qui vous est donnée de rentrer dans le monde intérieur d'un écrivain à part.



Sylvain Tesson a troqué le thé contre de la vodka, sûrement plus adaptée au lieu... et à ses goûts.

Cette vodka omniprésente dans le récit.

Boisson emblématique de la Russie, elle permet de trinquer lors des rares rencontres.

Mais elle a aussi une fonction thérapeutique (certainement peu recommandée par le corps médical !) : elle permet à l'écrivain d'y noyer son dégoût du monde et de notre société.



Victor Hugo a écrit dans "Choses vues" : "La solitude est bonne aux grands esprits et mauvaise aux petits."

À vous de juger de quel côté se trouve Sylvain Tesson si vous vous aventurez dans ces forêts. Moi, j'ai été totalement éblouie.

Avec Sur les chemins noirs il donne envie de pratiquer la marche. Avec La panthère des neiges, l'affût. Avec Dans les forêts de Sibérie, l'érémitisme.

Je ne sais pas vers quoi il m'entraînera dans ma prochaine lecture, mais j'attends avec confiance et impatience de me faire à nouveau transporter.
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Sur les chemins noirs

Sur son lit d'hôpital, il s'est fait ce serment : « Si je m'en sors, je traverse la France à pied. »

Sylvain Tesson est un original, un non-conformiste assumé.

Après son accident il refuse de suivre la voie toute tracée par le corps médical :

"Un médecin m'avait dit : « L'été prochain, vous pourrez séjourner dans un centre de rééducation. » Je préférais demander aux chemins ce que les tapis roulants étaient censés me rendre : des forces.

[...]

Il y avait encore une géographie de traverse pour peu qu'on lise les cartes, que l'on accepte le détour et force les passages. Loin des routes, il existait une France ombreuse protégée du vacarme, épargnée par l'aménagement qui est la pollution du mystère. Une campagne du silence, du sorbier et de la chouette effraie. Les médecins, dans leur vocabulaire d'agents du Politburo, recommandaient de se « rééduquer ». Se rééduquer ? Cela commençait par ficher le camp."



Et voilà Sylvain Tesson parti sur les chemins de France pour une traversée en diagonale du pays, de la frontière italienne jusqu'au cap de la Hague. Mais pas n'importe quels chemins.

Notre convalescent fuit naturellement les routes goudronnées ; il fuit aussi les GR trop fréquentés et les chemins de campagne trop connus. Il cherche sur les cartes IGN, avec obstination et minutie, les plus petits sentiers, les plus sauvages, ceux qui existent à peine : les chemins noirs.

"Ces tracés en étoile et ces lignes piquetées étaient des sentiers ruraux, des pistes pastorales fixées par le cadastre, des accès pour les services forestiers, des appuis de lisière, des viae antiques à peine entretenues, parfois privées, souvent laissées à la circulation des bêtes. La carte entière se veinait de ces artères. C'étaient mes chemins noirs. Ils ouvraient sur l'échappée, ils étaient oubliés, le silence y régnait, on n'y croisait personne et parfois la broussaille se refermait aussitôt après le passage. Certains hommes espéraient entrer dans l'Histoire. Nous étions quelques-uns à préférer disparaître dans la géographie."



J'aime Sylvain Tesson, je l'ai déjà dit à plusieurs reprises.

Plus je le lis, plus je l'apprécie.

J'aime son intelligence, son humour, sa façon de mettre de la poésie là où l'on ne s'y attend pas.

Dans ce livre, j'ai particulièrement apprécié l'autodérision dont il fait preuve lorsqu'il évoque son séjour à l'hôpital ("Je m'étais vu sur les chemins de pierre ! J'avais rêvé aux bivouacs, je m'étais imaginé fendre les herbes d'un pas de chemineau. Le rêve s'évanouissait toujours quand la porte s'ouvrait : c'était l'heure de la compote") ou l'amoindrissement de ses capacités physiques ("Vingt ans à jouer sur les crêtes pour aller désormais à un rythme de vieille dame").

J'ai aimé le suivre sur ses chemins. J'ai aimé m'émerveiller avec lui de la beauté des paysages et du caractère insolite ou amusant de certaines rencontres : l'écrivain-voyageur est un fin observateur du monde et des hommes, qu'il sait merveilleusement décrire.

J'ai aimé suivre ses pensées vagabondes qui peuvent en deux petites pages passer de la constatation de son état physique à l'observation d'un couple de chamois, d'un livre de Hermann Hesse à la visite d'une petite église comme il en existe tant dans nos campagnes, du souvenir d'Hervé Gourdel ("ce guide de montagne que des musulmans fanatiques avaient égorgé en Kabylie") à une vache qui "meuglait ses propres requiem dans la nuit de l'alpage".

Lire Sylvain Tesson, c'est voyager. Physiquement, spirituellement, émotionnellement.

J'ai aimé dans ce texte sa façon intelligente de dénoncer avec humour le côté absurde d'une course effrénée vers toujours plus de technologie, qui nous coupe de la nature et nous emmène collectivement vers un désastre prévisible.

Tout simplement : j'ai aimé suivre l'écrivain sur ces chemins noirs qu'il nous décrit si bien.

J'ai aimé marcher en silence à ses côtés, parce que je partage beaucoup de ses points de vue et de ses idées. Je me reconnais en grande partie dans ce qu'il écrit.

Sylvain Tesson aime la France, ses habitants, ses paysages, ses traditions et sa culture. Et il ose l'affirmer haut et fort.

En ces temps de repentance obligée et de flagellation collective imposée, je trouve que cela fait un bien fou !

Il est, de plus, animé d'un profond amour de la nature dont il a une intime connaissance, et pour cela, je le suivrais sur tous les chemins sur lesquels il voudra bien m'emmener.
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La panthère des neiges

Sylvain Tesson est avant tout un grand voyageur et se définit lui-même comme un « baladin du monde occidental ». En 2018 il est invité par Vincent Munier, photographe animalier de renom, à partir, aux confins du Tibet, observer la rare et farouche panthère des neiges, sur un gigantesque plateau qui culmine à 5000 mètres d’altitude. Sylvain Tesson relate son aventure dans ce territoire hostile mais majestueux, alors que la température tombe à -35° la nuit et que l’oxygène devient rare.



En dépit des séquelles de son récent accident, Sylvain Tesson n’a rien perdu de sa volonté, de son énergie et de son goût pour les voyages, mais grâce à Vincent Munier, il a appris la patience et à regarder autrement. « L’affût était un mode opératoire, il fallait en faire un style de vie », Pour Sylvain Tesson, « nous vivons dans le plus beau des musées et nous sommes en train de le détruire ».



Ce livre a eu un grand succès dès sa parution. Avec son énergie vagabonde, Sylvain Tesson sait répondre au grand désir d’évasion de ses lecteurs. Il explore des régions peu fréquentées, hors des chemins connus et nous fait voyager. Il nous invite à communier avec la nature, à la respecter, à prendre le temps de regarder l’invisible en attendant des heures qu’un animal passe sans être sûr de sa venue.



On met longtemps à voir ce qu’on regarde. A une époque où on préfère le réel au virtuel, l’immédiat aux promesses, un autre rapport au monde s’instaure ; « La panthère des neiges », récit d’initiation à l’observation du monde, délivre un séduisant voyage poétique qui nous questionne sur notre mode de vie.

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Dans les forêts de Sibérie

Bobo parisien, l’auteur souhaite rompre avec sa vie actuelle : trop de sollicitations, trop de personnes à voir, trop de superficialité, le pauvre...

Alors pour parvenir à ses fins il va rejoindre une cabane en bois sur les bords du lac Baïkal.



Il va la rejoindre avec tout un aréopage de livres, de réserves, de GPS, téléphone satellite, kayak de toile, patins à glace, vodka et autres accessoires réellement in-dis-pen-sables.



Et là, sans trop lâcher la civilisation, encadré des ors de sa bibliothèque, de la technologie, et de ses réflexions bien conventionnelles, croyant anoblir ses pensées sous le couvert d’une nature sauvage, de la rudesse d’un climat, de l’isolement d’une cabane, il va nous pondre ce bouquin.



Entre quelques descriptions agréables de la nature qui l’entoure, Il a la prétention d'écrire, de jolie manière, voire en joliesse maniérée, des vérités profondes qui n’en sont pas. Je le soupçonne même de prétendre à des aphorismes.



Attiré par la description de l’ouvrage, j'aurais aimé plus d'introspection, de spiritualité même. C'est ce qu'on attend de la vie de l'ermite qu'il prétend être. Une forme d'initiation.

Mais de cheminement il n'y a pas.



En quoi, dans ces conditions, une cabane dans les forêts de Sibérie apporte-t-elle plus d'épaisseur ?



Il admet qu'il connaît aussi bien chaque arbre qui l'entoure que chaque bistrot de son quartier de Paris, c’est tout dire. L'auteur est en Sibérie mais la Sibérie, elle, n'est pas en lui.

Une phrase, à mon sens, révèle l’inanité de cette expérience : « Heureux, j’avais peur de ne plus l’être »



La même expérience eu pu être vécue un peu isolé dans sa chambre parisienne, en hiver, en ouvrant la fenêtre de temps en temps.



Et puis il y a l'alcool toujours présent comme obligatoire, les visites des copains du Baïkal fugacement dérangeantes mais finalement bienvenues, le silence certes, mais le téléphone satellite sous la main. Que faire de profond avec ces entraves ?



Rien…



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Notre-Dame de Paris, ô reine de douleur

Dans un ouvrage précédent, Une très légère oscillation, Sylvain Tesson avait nommé Notre-Dame de Paris : Notre-Dame du bon secours. Il évoquait déjà ses folles escapades jusqu'au beffroi, jusqu'aux gargouilles, jusqu'à la flèche. C'était celle qui l'avait aidé plus tard en 2015 à se relever, lorsqu'il avait fait une chute terrible d'un toit, accident qui aurait pu lui être fatal, lui cabossé tel un Quasimodo bourlingueur, agité d'azur, assoiffé de vertige, ivre de toits et d'espace. C'est dans l'ascension de ses quatre cent-cinquante marches qu'il avait alors entrepris sa lente rééducation, Notre-Dame de Paris l'avait aidé à se reconstruire, à se redresser dans cette obsession de la verticalité, se donnant un rendez-vous rituel avec ses tours. C'est beau un homme qui se relève.

Par solidarité, la disgrâce des gargouilles semblait alors le consoler peu à peu.

Il a fallu qu'un certain 15 avril 2019, la belle dame brûle pour que des millions de gens soit tristes, sidérés, pour que Sylvain Tesson se rappelle à la gratitude du bel édifice et publie ce livre intitulé Notre-Dame de Paris Ô reine de douleur, composé de trois textes, dont un écrit le soir même du grand brasier.

Comme il le dit, avec toujours un brin de détachement et d'ironie, ce petit livre permettra peut-être d'« apporter sa pierre à la restauration de l'édifice ».

Sylvain Tesson dit son amour et sa douleur, comme évoquant presque une compagne meurtrie.

Chacun de nous se rappelle sans doute avec précision ce qu'il faisait, où il était ce soir-là, apprenant la nouvelle sidérante. Je n'étais pas très loin de Paris, à Bray-et-Lû, en vacances dans un vieux moulin restauré datant du dix-huitième siècle, sans le moindre poste de télévision, dans l'impossibilité de capter la moindre connexion internet dans cet endroit de campagne. Durant l'après-midi, nous avions admiré les très beaux jardins de Monet, à Giverny. Ce n'est que le lendemain que nous avons appris la nouvelle par la radio de la voiture. Les images sont venues après...

Le temps des cathédrales n'est pas le temps humain. Il n'est pas le temps présidentiel, ni le temps olympique. Encore moins le temps des réseaux sociaux, immédiat et futile. Cela, Sylvain Tesson nous le rappelle ici encore comme dans tant de ses livres, un peu comme une litanie et nous ramène, que l'on soit petit ou grand, à l'humilité.

Entre le ciel et la terre, se dresse ce roman de pierre et de bois, de huit cent cinquante-six ans d'âge. Tout comme Sylvain Tesson, je ne crois pas en Dieu, mais j'aime entrer dans les chapelles, les églises et les cathédrales. Tout juste agnostique, je suis épris d'un doute à la fois joyeux et terrible, croyant peut-être encore à des forces invisibles, mystérieuses. Et c'est follement grisant !

D'où me vient alors ce goût qui me pousse à franchir les portes de ces édifices religieux ? Le même sans doute qui me pousse à entrer dans une forêt, ou à regarder l'océan durant des heures. Rien d'autre que cela, loin du bruit dérisoire du monde.

Les cathédrales sont des îles perdues au milieu des jungles urbaines.

A l'instar du peuple de Paris, éphémère et grouillant que nous faisait découvrir Victor Hugo, - la fameuse Cour des Miracles au pied de ce royaume gothique -, ici Sylvain Tesson évoque sa passion de toujours qu'il a longtemps partagée avec des amis ou des inconnus, ces grimpeurs de la nuit, escaladeurs de toits, de corniches et de gargouilles, funambule des gouttières et des faîtages, princes des chats... J'ai découvert un mot que je ne connaissais pas : la stégophilie, l'amour des toitures.

C'est une ode liturgique au vertige, ce sont des instants magiques au bord de l'équilibre précaire, que nous livre ici l'auteur.

Tiens, comme c'est étrange, Sylvain Tesson m'apprend aussi qu'on nomme forêt la charpente de Notre-Dame de Paris.

Une cathédrale brûle, des forêts brûlent... Est-ce que cela produit le même chagrin ?

Sylvain Tesson nous dit l'humilité qu'il y a derrière la construction de cet ouvrage. Qui saurait dire un nom qui se dresse derrière cette œuvre d'art ? Ou même dix noms d'artisans... Bien sûr il y a la fameuse flèche dessinée par Viollet-le-Duc. Non, c'est une communauté grouillante de compagnons comme une fourmilière qui a œuvré ensemble, d'une seule et même voix harmonieuse, à la construction de l'édifice.

Dans le bruit dérisoire du monde, Sylvain Tesson nous rappelle que les cathédrales sont plus grandes que nous, elles nous permettent peut-être de faire ce pas de côté, que ce soit sur les parvis, sous les ogives, sur l'arête des coursives, en équilibre, que l'on soit croyants ou non-croyants.

Brusquement, au détour d'une page, le tourbillon d'un vol de pigeons autour du beffroi sud saisit notre regard. Ici un buisson pousse au pied de la flèche, la vie faite de lichen, de lierres, d'herbes folles et de mousse, s'incruste dans les interstices de la pierre, comme la préfiguration d'un règne végétal prêt à reconquérir le monde et la cité en premier.

C'est un sentiment éperdu de liberté.

Comme c'est beau sous la plume de Sylvain Tesson ! Nous sommes presque aux confins de la terre, au bord d'une autre terre, aux confins de nos rêves, à quelques battements d'ailes de ce que nous sommes peut-être réellement et que nous avons perdu quelque part en chemin...

J'aime les auteurs qui me rappellent cela, qu'ils soient anciens ou contemporains.
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S'abandonner à vivre

S'abandonner à vivre, déjà le titre à lui seul est beau. C'est une invitation à un voyage et j'y suis venu. Je me suis abandonné dans ces dix-neuf récits où l'essentiel est dit, pas un mot de trop, tout est là, rien de plus ne s'impose, chaque texte se suffit aux mots qu'il rassemble, un texte réduit à l'os. Je découvre tardivement ce recueil de nouvelles paru en 2014. Déjà six ans...

Je connais Sylvain Tesson davantage pour ses récits autobiographiques, mais son talent de conteur ici me fait dire, - et lui dire par la même occasion si par bonheur il venait à lire cette chronique -, qu'il devrait s'essayer davantage à ce style.

J'aime cet auteur avec son à propos, ses aspérités et les vertiges qu'il nous donne à voir. Ici il fut dit par d'autres lecteurs avant moi son art de la formule qui fait mouche, son art aussi de la chute, essentiel dans la nouvelle. L'art de la chute c'est aussi pouvoir se raccrocher aux branches, aux gouttières, aux gargouilles des cathédrales, aux phrases qui tiennent lieu de chemin. L'art de la chute dans une nouvelle nous renvoie aussi à la cruauté de nos existences, à l'envers du miroir, nous n'avons pas toujours la chance de retomber sur nos pieds. Au fond, nous voudrions être des funambules merveilleux et rester toujours en équilibre sur ce fil improbable qui relie deux mondes : celui où on ne sait pas trop bien d'où l'on vient et l'autre en face où on ne sait pas trop bien encore où l'on va...

L'art de la chute, Sylvain Tesson ne l'a pas toujours eu dans sa vraie vie. Il faillit même y perdre la vie, un beau soir ou peut-être une nuit... Cela s'est passé la même année qu'était publié S'abandonner à vivre. Je me suis d'ailleurs demandé, notamment à la lecture de la nouvelle succulente intitulée « La Gouttière », si celle-ci avait été écrite avant ou après cette terrible chute qui faillit lui être fatale... Si quelqu'un peut m'éclairer, je lui en saurais reconnaissant...

Son écriture est à la verticale de nos vies.

Sylvain Tesson aime les sommets, les parois rocheuses qui jettent un défi pour celui qui les regarde d'en bas, autant attiré par la manière d'offrir des interstices à ses doigts ivres d'émotion que pour le ciel saturé d'azur qui sera là-haut comme une délivrance. Les murs des villes ressemblent aussi pour lui à d'immenses parois vertigineuses, courir sur les faitières des toits, cheminer sur les zincs auréolés du ciel de Paris, parfois l'art de l'équilibre sur les toits se conjugue avec l'amour de la vodka. Tiens ! Comme c'est drôle, j'y pense tout d'un coup, le zinc c'est aussi un autre endroit pour s'auréoler d'ivresse et d'étoiles...

Sylvain Tesson, à travers ses dix-neuf récits, parfois tendres, parfois cyniques, parfois tragiques, parfois tout cela à la fois, s'essayeraient-ils ici à illustrer une description de ce que peut être le stoïcisme ?

Dans ce recueil, nous voyageons sur une immense carte géographique qui nous amène depuis la pointe du Finistère en Bretagne jusqu'au fin fond de la Sibérie en passant par le Sahara, l'Afghanistan ou encore la province chinoise de Hunan, soit plus de douze mille kilomètres. Dix-neuf manières de voyager dans des vies intérieures où parfois le vertige qui nous éprend est aussi grand qu'un des sommets de la chaîne de l'Everest... Dix-neuf manières d'accueillir les aléas, ces « oscillations du destin », où nous avons peut-être ici encore moins prise pour poser nos doigts éperdus que sur la paroi vertigineuse d'une falaise ?

Dix-neuf récits façonnés de rêves, de partances, ou d'envie de partir, de solitudes, d'ennui, d'inertie, de refus de partir aussi...

Dix-neuf nouvelles où le sens de l'esthétique prévaut, où l'érudition est une jubilation, où chaque occasion est saisie avec justesse pour décrier le grotesque de la bêtise humaine. À ce titre, j'ai adoré la nouvelle évoquant la reproduction de la bataille de Borodino... Un délice !

M'est avis que ces histoires sont furieusement empreintes des pérégrinations de l'auteur.

Pour être funambule, faut-il trouver l'élégance infinie dans ce geste d'équilibre qui cherche à s'agripper entre le vide et le plein, entre l'absurde et le sens ?

J'ai aimé les personnages féminins d'Anastasia, Tatiana, Svetlana... entendre leurs voix, ce sont des prénoms qui me sont chers, dont l'un est le prénom de la fille de mon épouse que nous appelons plus communément Nastia... Je redécouvre ainsi un goût prononcé de l'auteur pour l'âme slave...

J'ai adoré le regard cruel et lucide de l'auteur sur le téléphone portable. Et de surcroît son apologie de la correspondance, des échanges épistolaires.

J'ai aimé venir à la rencontre improbable des fées sur une dune que je connais bien (je parle bien entendu de la dune), en presqu'île de Crozon.

J'ai aimé la nouvelle de la Gouttière, j'y ai ainsi appris qu'une fracture du calcanéum est désignée sous le nom poétique de « fracture des amoureux » : elle survient quand l'amant saute trop vite du balcon pour échapper au mari.

Et puis, comment ne pas fondre devant neige des steppes au soleil devant quelques aphorismes qui font désormais un peu partie de l'empreinte artistique de l'auteur :

« Quand elle a joui, elle a fermé les yeux et j'ai cru que le vent avait soufflé mille bougies. »

« Il est rare en voyage de vivre des jours conformes aux idées que l'on s'étaient forgées avant les grands départs. D'habitude, voyager c'est faire voir du pays à sa déception. »

« Une histoire d'amour, ce n'est lorsqu'aucun des deux n'a mieux ailleurs. »

Un seul point m'oppose à Sylvain Tesson lorsqu'il écrit dans une de ses nouvelles : « Je n'ai jamais aimé faire l'amour dans la nature ». Mais tout cela n'est qu'affaire d'expérience et de géologie... Ma pudeur m'empêche ici de donner quelques détails bucoliques qui seraient par ailleurs hors sujet...

Je retiens de ce recueil une ode à la fraternité.

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La panthère des neiges



Pétard mouillé!

Que le style pompeux et moralisateur de ce récit le rend donc indigeste!

La splendeur des paysages émaillés d'animaux insaisissables… je suis passée à côté ; elle a été étouffée par les considérations philosophiques de "haut vol" de l'auteur.

Et quel chagrin que ce ton désabusé qui bride l'imagination et tue toute magie!

Bref, je ne retiens de ce livre que l'énorme décalage entre une aventure exceptionnelle et son exposé aussi superficiel qu'artificiel. Un grand dommage!

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Bérézina

La relation entre signifiant et signifié fait naître des locutions cocasses. Par exemple ce « motocyclette à panier adjacent » a un côté pratique et descriptif, à la limite du mignon. Je vois déjà une vieille mémé au guidon de sa mopette, fichu sur la tête, se rendant au marché; le « panier adjacent » ne serait pas autre chose que son panier de courses accroché à l'épaule. La définition réelle de cette locution est bien différente puisqu'il s'agit d'un rutilant side-car prêt à avaler les kilomètres de bitume pour le plaisir de deux personnes, l'une étant aux commandes tandis que l'autre à la place du mort – dans le panier.



C'est ainsi que Sylvain Tesson a relié Moscou à Paris en motocyclette à panier adjacent en empruntant le même chemin que pris Napoléon lors de sa Retraite de Russie en 1812. Cela donne le livre Berezina. Analyse.



Le titre du livre est bien évidemment celui de la bataille épique qui opposa l'empire français au russe sur les rives de la rivière Berezina. La débâcle qui suivi est entrée dans le jargon populaire. C'est la Berezina! Qui d'autre que Sylvain Tesson pour nous conter cette histoire à cheval sur la culture russe et française. Ce dandy franchouillard. Cet amoureux de l'âme slave. Ce casse-cou un brin réactionnaire jamais à court d'aphorismes:



« En Russie, l'art du toast a permis de s'épargner la psychanalyse. Quand on peut vider son sac en public, on n'a pas besoin de consulter un freudien mutique, allongé sur un divan. »



Au niveau purement historique, l'auteur français nous apprend qu'une des raisons clés, qui a transformé cette Retraite de Russie en débandade, est le mépris avec lequel Napoléon traitait la météorologie, croyant plus en sa destinée qu'aux lois rugueuses de l'hiver. Il avait beau être un fin stratège, c'est finalement une trop haute estime de lui-même qui entraînera sa chute.



Sylvain Tesson, en coupant le moteur de son side-car Oural dans des endroits stratégiques de l'ancien bloc de l'Est rend non seulement hommage à Napoléon et Koutouzof, ainsi qu'aux centaines de milliers d'hommes morts sur les champs de bataille mais aussi au nombre incalculable de chevaux morts, dépecés, mangés, dont la peau a été utilisée comme vêtements de secours. Ainsi la peinture de Bernard-Edouard Swebach, sobrement intitulée Retraite de Russie, donne une représentation de l'atmosphère générale même si elle ne va pas aussi loin que Tesson dans la description de cette boucherie équine:



« Ils furent les grands martyrs de la Retraite. On les creva sous les charges, on les écorcha vifs, on les bouffa tout crus, à même la carcasse ou bien en quartiers, braisés au bout d'un sabre. Pour les bâfrer, on ne prenait pas l'égard de se détourner des bêtes encore vivantes. »



Au delà de nous conter certaines facettes de l'Histoire, Sylvain Tesson nous livre le récit de son voyage sur les routes de l'Europe de l'Est où il se gèle les miches toute la journée sur son side-car en compagnie d'une poignée d'acolytes eux aussi motorisés. Cela se termine chaque soir, dans un bistro paumé où la joyeuse bande d'adolescents se verse des rasades de vodka jusqu'à plus soif comme dans un film d'Andreï Zviaguintsev. Cela refait le monde à chaque toast, cela se chamaille comme une bande de bons potes et ça décuve, le lendemain, sur les routes de l'Europe de l'Est en espérant que les motocyclettes à panier adjacent ne tombent pas en panne jusqu'à la prochaine étape.



Avec Berezina, Sylvain Tesson nous plonge avec brio dans les détails de cette désastreuse Retraite de Russie où s'est joué le début de la fin pour Napoléon. Grâce à ses digressions personnelles sur le paysage et la géographie de ces mille-quatre-cents kilomètres, l'auteur français (géographe de formation si je ne m'abuse) a réussi à me donner envie d'en savoir plus, non seulement sur ce pan de l'Histoire napoléonienne mais aussi sur ces pays que sont la Biélorussie et la Pologne.
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Un été avec Homère

Entre deux romans, un bref arrêt sur Homère. Cet été, l'auteur mythique de l'Iliade et l'Odyssée est à l'honneur dans deux ouvrages. J'ai lu Un été avec Homère de Sylvain Tesson, puis Une odyssée de Daniel Mendelsohn. J'en publie mes critiques en même temps.



Après Montaigne, Proust et d'autres, Un été avec Homère s'inscrit dans une série annuelle d'émissions de radio, publiées ensuite en librairie. le livre est la transcription d'émissions préparées et présentées pendant l'été 2017 par Sylvain Tesson. Pour relire et commenter l'Iliade et l'Odyssée, cet homme de défis, arpenteur de la planète, chantre impénitent de la nature et intellectuel inclassable, s'était cloîtré pendant plusieurs semaines dans une minuscule île grecque, afin, explique-t-il, de capter les couleurs, la musique et les vibrations de l'univers d'Homère – un nom qui recouvre lui-même un mystère.



L'Iliade et l'Odyssée s'intègrent parfaitement dans l'ordinaire de l'amateur de romans que je suis. L'histoire de la guerre de Troie, tout comme celle du retour d'Ulysse en ses terres, constituent de longues sagas littéraires on ne peut plus romanesques. Une difficulté, toutefois : ces oeuvres se présentent sous la forme de poèmes totalisant à elles deux, près de trente mille vers ! En lire l'intégralité, même en français, reste inaccessible au lecteur moyen, même si des traductions en vers reproduisent fidèlement la poésie de l'original, même si je me suis délecté des nombreux vers insérés par Tesson pour émailler son propos. Je lui sais surtout infiniment gré de m'avoir rappelé clairement les péripéties de l'Iliade et de l'Odyssée



Je ne m'y étais plus vraiment intéressé depuis la classe de 6ème, mais j'avais gardé en mémoire les tenants et aboutissants de la guerre de Troie. J'avoue toutefois avoir oublié que l'Iliade ne portait que sur un court épisode de ce long et sanglant conflit ; un épisode consacré essentiellement à Achille, depuis la bouderie où il s'était enfermé, offensé par Agamemnon, jusqu'aux funérailles d'Hector, après le combat suprême dont il était sorti vainqueur... Ah, Achille !... Son brio, ses combats, ses victoires avaient ébloui mes dix ans, comme ceux de mes fils l'ont été par les exploits de Musclor et autres héros d'animation super-vitaminés de la télé du dimanche matin... J'avais moins accroché avec l'Odyssée. J'étais un trop grand garçon pour croire aux enchanteresses, aux monstres et aux déguisements. J'étais un trop petit garçon pour être émoustillé par les aventures féminines du héros. J'avais même été choqué par une illustration où Ulysse apparaissait nu devant Nausicaa. En fait, la seule partie de l'Odyssée qui m'avait plu était la scène finale de la révélation et de la vengeance.



Sylvain Tesson m'a fait découvrir l'Iliade et l'Odyssée dans toute leur profondeur, un monde manipulé par des dieux trop humains pour être respectables, un monde qui évolue entre réalisme et merveilleux. J'ai compris que le brio d'Achille n'est que folie meurtrière incontrôlée et suicidaire, alors que le problème d'Ulysse, cet homme tout en ruse et en maîtrise de soi, est qu'au fond de lui, il a bien du mal à choisir entre le frisson de l'aventure et la douceur du foyer familial…



Achille et Ulysse, deux hommes d'aujourd'hui, donc ! Et l'on en arrive à la thèse dont Tesson martèle l'argumentation. L'oeuvre d'Homère serait prémonitoire de notre actualité. L'homme contemporain serait habité de la même violence et de la même médiocrité que son ancêtre grec. Son aspiration à la tranquillité n'aurait d'égal que sa soif inextinguible de conquêtes, à commencer par la guerre qu'il mène contre la planète au nom d'un progrès illusoire. Des idées éminemment respectables à défaut d'être nouvelles. Mais l'obstination du discours m'a donné l'impression de tourner en rond dans la seconde partie du livre, un peu comme un Ulysse qui voguerait éternellement d'île en île, sans jamais parvenir à son port de destination.



La preuve, une fois de plus, que les thèses développées trop longuement et de façon trop insistante dans le souci fébrile d'emporter une conviction, finissent par donner une impression comminatoire lassante. Pour une argumentation persuasive, quelques pages suffisent souvent.



N'empêche que les larges extraits traduits des poèmes d'origine sont magnifiques – je l'ai déjà dit, mais ça ne fait rien ! – et que l'écriture lyrique et flamboyante de Sylvain Tesson est la marque d'un talent poétique accompli.


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Sur les chemins noirs

Avec Les chemins noirs je pensais retrouver l'esprit d'Immortelle randonnée, Compostelle malgré moi de Jean-Christophe Rufin. Mais, ce fut loin d'être le cas.



Après une chute grave, Sylvain Tesson décide d'entreprendre une marche "rééducatrice", sur les sentiers de France, les "chemins noirs".

Les chemins noirs, ce sont ces chemins isolés, exempts de toute empreinte de la civilisation moderne. On y retrouve l'esprit de Jean-Jacques Rousseau et de Giono.

J'avais vraiment envie de parcourir ces chemins avec Sylvain Tesson mais je n'y suis pas parvenue. La voie qu'il a choisi de suivre s'est révélée bien trop obscure pour moi.

Ce roman, qui s'apparente d'ailleurs plus à un essai selon moi, m'a fait l'effet d'un long bavardage soporifique...

Il m'a manqué tellement de choses ! La beauté des paysages, la poésie, la chaleur des rencontres hasardeuses, le chant des oiseaux, la fatigue musculaire, la joie, la peur, la vie quoi !



Au lieu de cela, Sylvain Tesson se perd dans les méandres d'une réflexion sur une France qui s'encrasse de modernité et qui s'oublie. le ton est didactique, maussade et peu enchanteur. En tout cas, il m'a vraiment ennuyée et j'ai eu tellement de mal à me concentrer sur son discours que me voilà bien en peine d'en faire une quelconque analyse.

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Un été avec Rimbaud

« La jambe de Rimbaud

De retour à Marseille

Comme un affreux cargo

Chargé d'étrons vermeils

Dérive en immondices

À travers les égouts

La beauté fut assise

Un soir sur ce genou»



C'est en écoutant en boucle le premier couplet de l'« Affaire Rimbaud » que chantait Hubert-Félix Thiéfaine à la fin des années 80 que j'ai découvert le triste sort qui s'abattit sur Arthur Rimbaud à l'automne de sa courte existence.



« Un été avec Rimbaud » revient sur la trajectoire d'une étoile filante née en 1854 à Charleville. Avec sa faconde habituelle, Sylvain Tesson nous narre le parcours d'un génie incompris, un fort en thème qui prit la clé des champs dès l'âge de seize ans pour battre le bitume entre les Ardennes, Paris, Londres et Bruxelles. Il revient avec une forme d'empathie touchante sur le parcours stupéfiant d'un jeune homme surdoué, qui fut poète entre seize et dix-neuf ans, le temps de vivre « Une saison en enfer » et de subir les foudres des « Illuminations », puis s'en alla sans se retourner en direction de l'Abyssinie pour y devenir trafiquant d'armes.



Dans ce court essai consacré à la vie de Rimbaud, Sylvain Tesson tente de percer le mystère de cette vie morcelée. L'auteur essaie de sonder l'âme et le coeur du bel Arthur, revient longuement sur son enfance à Charleville, sa réputation d'élève hors normes, son goût pour la fugue à travers les vallées ardennaises, sa rencontre avec Verlaine, ses déboires d'homme d'affaires, et enfin sa fuite ininterrompue qui le mènera jusqu'aux confins de l'Abyssinie. L'ouvrage a l'immense mérite de s'attarder sur quelques vers sublimes de celui qui incarnera plus tard la figure archétypale du poète maudit, et de faire découvrir au lecteur quelques unes des pépites nichées au creux de l'oeuvre fulgurante d'un adolescent sans cesse en mouvement.



« Horreur Harar Arthur

Et tu l'as injuriée

Horreur Harar Arthur

Tu l'as trouvée amère

… la beauté ? »



La principale réussite « d'un été avec Rimbaud » est de jamais parvenir à ses fins, de ne pas percer le halo mystérieux qui continue d'entourer la destinée maudite d'Arthur. La vie de Rimbaud se révèle aussi obscure et incompréhensible que certains de ses plus beaux vers. Il faut sans doute l'appréhender comme un poème, et ne pas chercher à tout prix à lever le voile, à saisir l'insaisissable.



Arthur restera à jamais un ange touché par la grâce, sans doute né trop tôt, au coeur d'un dix-neuvième siècle trop classique pour un jeune homme insolent qui n'aura de cesse de dynamiter les codes de la poésie. Arthur restera à jamais ce beau jeune homme aux yeux clairs dont le regard semble nous transpercer et percevoir une réalité qui se situe au delà de notre perception de simple mortel. Arthur s'est brûlé les ailes, et a tourné le dos à son génie, pour partir, toujours plus loin, dans des contrées suffocantes et lointaines, et restera poétique jusque dans son insondable désinvolture.



« Une saison en enfer

Foudroie l'Abyssinie

Ô sorcière ô misère

Ô haine ô guerre, voici

Le temps des assassins

Que tu sponsorisas

En livrant tous ces flingues

Au royaume de Choa »



(Hubert-Felix Thiéfaine)
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La panthère des neiges

A moi les grands espaces et le temps suspendu !



Pour mon initiation à l’œuvre de Sylvain Tesson, j’ai bourlingué aux confins du Tibet sur les traces de la panthère des neiges, « le fantôme des montagnes », spécimen mythique et insaisissable d’une espèce classée vulnérable, convoité ici par la « bande des quatre ».



Quatre… braconniers ? Point du tout, qu’on se rassure : un aventurier-photographe, deux de ses comparses, et notre auteur, convié à les accompagner. Rien que des contemplatifs du vivant, des chasseurs de beau, des guetteurs de rare.



« L'affut est un pari : on part vers les bêtes, on risque l'échec. Certaines personnes ne s'en formalisent pas et trouvent plaisir dans l'attente. Pour cela il faut posséder un esprit philosophique porté à l'espérance ».



Ainsi se déroule ce texte à la fois méditatif et concret, reliant la sagesse de Munier, photographe impassible, aux observations de Tesson, néophyte impatient.



C'est un lent récit d'aventures mais plus encore un roman d'émerveillement, tissé d'obstination, de patience et de poésie, prélude à une réflexion on ne peut plus d'actualité quant au rôle de l'humain dans l'époustouflant spectacle de la nature.



Pas toujours très glorieux hein, l'humain, est-il besoin de le préciser ?...




Lien : http://minimalyks.tumblr.com/
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Sur les chemins noirs

Sylvain Tesson sur les chemins de France...

On retrouve sa plume, pas forcément descriptive, plutôt une plume qui ressent, qui partage et qui fait ressentir.

Il partage son sentiment à travers sa marche partant de la Provence à la pointe du Cotentin. Ce n'est pas une description de parcours, on ne reconnaît pas toujours les environnements, mais on se retrouve face aux sentiments de l'auteur, parfois assez critique face à la situation actuelle, parfois nostalgique, mais sans langue de bois !

On se laisse emmener par ces chemins noirs, ses chemins de traverse, on se laisse bercer par la plume de Sylvain Tesson, et on voudrait qu'il continue sa route après La Hague.

Continuez à bien vous rétablir M. Tesson...
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La panthère des neiges

J'ai aimé les "chemins noirs" et le séjour de Tesson "dans les forêts de Sibérie". Et pourtant je n'étais pas trop tentée par cette "panthère des neiges". Pourquoi ? je ne sais pas..... Je suis incapable d'expliquer pourquoi, alors que j'avais apprécié déjà deux textes de cet auteur, son dernier opus ne m'intéressait pas. Je ne l'avais pas approché à la librairie, pas mis dans mon "panier" de ma bibliothèque préférée. Tout simplement ignoré. Et puis samedi dernier, passage à la bibliothèque. Sur la table des nouveautés, il est là, disponible, me tendant les bras (pas facile pour un livre non ?). J'ai cédé, je l'ai pris.... et dévoré à peine ouvert !!! Magnifique, riche, cultivé, critique voire acerbe, documenté.... Beau en un mot. Si vous avez aimé les précédents textes de l'auteur, ne vous privez pas, il est au-dessus, encore meilleur.

D'ailleurs je sais désormais ce que sera le cadeau de Noël pour mon père....

Reste ma question sans réponse à cet instant : pourquoi n'avais-je pas été tentée ??? Je me sens surtout stupide........
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Un été avec Homère

Lire L'Iliade et l'Odyssée en classe fut une énorme claque et le début d'une passion pour la mythologie, la Grèce, les îles, la mer, les dieux et les héros. Homère m'apporta un texte magnifique, une histoire dont on ne se lasse pas et là, commenté par Sylvain Tesson avec son humour et ses pensées pertinentes, ce ne pouvait être qu'un énorme coup de cœur.

Lire l'ILiade, assister au combats, j'avais oublié à quel point Homère ne lésinait pas sur les coups, les blessures, les têtes coupées qui roulent par terre , certains auteurs de nos jours n'ont rien à lui envier, cette violence dont nous nous plaignons parfois est déjà là.

Puis se balader d'île en île, avec L'Odyssée et suivre les aventures d' Ulysse et réaliser que les monstres qu'il affronte sont à l'image de nos peurs.

Finalement, rien de nouveau sous le soleil et deux mille cinq cents ans plus tôt,les héros se prennent pour des dieux et refusent d'être oubliés, la course à la célébrité existait déjà. Les dieux trop humains se laissaient aller à leur passion, à leurs amours et à leurs désamours. Et les hommes doivent faire avec. Il faut choisir entre renoncer à sa petite vie tranquille, ne plus s'appartenir et être l'esclave de l'histoire pour avoir droit à la postérité;

Le sens et le but de la vie se posait déjà .

Homère nous offre une réflexion sur la guerre, le pouvoir, la mort (peur de l'oubli) plus un conte initiatique avec Ulysse, ce héros dont tout le monde parle mais qui n'a qu'une idée rentrer chez lui quelles que soient les épreuves qui l'attendent.

En fait, Un été avec Homère commenté par Sylvain tesson c'est transposer notre mode de vie, notre vision du monde pour comprendre Homère et découvrir son génie et son intemporalité : on se battait pour l'honneur, nous nous battons pour l'argent. Moins de transcendance plus de matérialisme. Rien de nouveau, juste certaines idées qui sont passées de mode. De ce livre que je relirai certainement, j'ai beaucoup aimé aussi cette phrase parmi tant d'autres :

La paix paraît un trésor étrange. Celui que nous négligeons quand nous en disposons et que nous regretterons une fois perdu. Phrase qui de nos jours avec la canicule pourrait être remplacée par : la Terre, un trésor étrange que nous négligeons quand nous en disposons et que nous regretterons une fois perdue.
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Bérézina

Ayant fait connaissance avec Sylvain Tesson et son Petit Traité sur l'Immensité du Monde, sur le chemin de St jacques, grâce à mon ami Raphaël, je m'étais depuis intéressé à l'homme. Comme lu sur Babelio, certains petits travers m'agaçaient : côtés donneur de leçons et bobo se retirant du monde -sous l'oeil des medias- au bord du Baïkal.

Mais finalement l'homme reste terriblement attachant ! Derrière l'avis sur tout se cache effectivement une grande culture et une pensée vive, pleine d'humour et d'énergie brute... ainsi je retrouve chez Tesson les écrivains voyageurs du siècle précédent que j'affectionne.

Berezina est un beau récit de voyage, et l'idée de croiser la lecture des mémoires de Caulaincourt protégeant l'Empereur dans la retraite de Russie avec le raod trip en Oural sur les routes modernes de Moscou à Paris était excellente ! Sylvain Tesson analyse avec finesse les événements historiques relatés et les lie avec maestria à sa folle équipée de motards russo-français programmée avec le bon vieux Goisque et sa boîte à images.

Sylvain Tesson nous emporte dans son side avec la gouaille des plus grands. il réveille et dépoussière le wanderer romantique on y mêlant du Godard. La lecture est facile et la réflexion philosophique a la saveur des cafés. En bon grognard, l'homme se préoccupe d'abord d'isoler ses mitaines ; mais le plan d'attaque est juste et le trait est vif. Dans ses plus belles chevauchées, il se mue en maréchal Ney, ressuscitant le mythe de l'Empereur tout en en dévoilant maints faits histiriques du quotidien. Une défaite certes, et une virée mi vodka mi gasoil, mais quelle campagne et quel voyage !
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Dans les forêts de Sibérie

Sylvain Tesson génère des avis très contreversés et tranchés, du genre on déteste ou on adore.



Avant de commencer ce livre, j'avais des a priori sur la personne, m'interrogeant sur la manière dont j'allais percevoir cette lecture. Que retenir du personnage Tesson, prompt à escalader des toits lorsqu'il ne court pas le monde ? Mais surtout pourquoi a-t-il décidé de vivre en exilé volontaire près du lac Baïkal, en prenant en compte que l'on est au-dessus des contingences matérielles pour vivre cette expérience. Même si Tesson a de bonnes raisons personnelles pour décider d'aller y passer six mois, n'existe -t-il pas des lieux plus proches en Europe qui permettent de se retrouver seul avec soi-même ? Est-ce que la vie d'ermite signifie obligatoirement partir avec un camion rempli de matériel, de panneaux solaires, de pâtes lyophilisées et de vodka pour survivre ?



Se présentant comme un journal tenu du 9 février au 28 juillet 2010, Dans les Forêts de Sibérie se range définitivement dans la catégorie Essais. Tesson nous fait part de ses réflexions sur le monde tout en décrivant sa vie quotidienne dans une cabane à des heures de marche du prochain voisin. Cette vie d'ermite n'exclut pas de recevoir comme il se doit le visiteur en partageant avec lui nourriture et quantité de vodka.



Tesson nous offre un regard plein de lucidité sur le monde actuel mêlé d'impuissance. J'ai néanmoins eu le sentiment qu'il ‘jouait' à l'ermite dans ce décor de paradis blanc en coupant son bois mais surtout en s'enivrant de littérature. Un jeu qui lui revient en pleine face d'ailleurs lorsque la femme qu'il aime lui signifie son congé via un téléphone satellite.

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