Sur ces neuf mois passés en Allemagne, le témoignage de Lucette Destouches, qui avait jour après jour vécu cette odyssée aux cotés de Céline, était irremplaçable.
D'autre part, elle ne pouvait oublier non plus les récits que Céline en avait tirés et que chaque soir après sa journée d'écriture, il lui avait lus page à page à haute voix, pour déchiffrer sur son visage l'effet qu'ils produisaient.
Je fus frappé, entre autres témoignages, par un texte de J.M.G. Le Clézio qui écrivait : "On ne peut pas ne pas lire Céline. Un jour ou l'autre on y vient, parce que c'est ainsi, parce qu'il est là et qu'on ne peut l'ignorer. La littérature française contemporaine passe par lui, comme elle passe par Rimbaud, par Kafka et par Joyce." Il faisait, lui aussi, un sort particulier à "l'extraordinaire Mort à Crédit" et allait jusqu'à conclure - c'est la formule, étonnante de sa part, qui avait été retenue pour titre de l'article dans le journal : "Comment peut-on écrire autrement ?"
Tandis que je me mettais à explorer comme étudiant l’univers de la littérature, une planète dont j’avais à peine entendu parler jusqu’alors s’y inscrivait avec tout l’éclat de sa nouveauté. Elle était non seulement en rupture avec mes lectures antérieures, mais à l’opposé des études universitaires de littérature (…) dans lesquelles je m’engageais alors. D’un château l’autre m’avait donné un incomparable sentiment de présent : présent permanent de la prose, présent d’un auteur toujours vivant qui devait continuer à écrire à ce moment même où je le lisais, présent des réactions qu’il provoquait, dont je prenais peu à peu conscience chaque fois que je prononçais son nom. Ce présent faisait reculer les objets de mes études encore plus loin dans le passé.
Chez Céline, cet autre français était devenu la langue même du narrateur, dès la première phrase du roman et jusqu'à la dernière. La révolte se disait ainsi dans la langue que subissent cette injustice. Ce seul choix avait valeur d'une prise de parti. Céline allait m^me plus loin dans sa revalorisation d'un français à tonalité populaire. A tout moment, dans Voyage, la révolte dépasse sa première cible sociale pour viser d'autres formes d'écrasement, métaphysiques celles-là, à commencer par la mort. A être formulée dans la langue des opprimés de la société et chargée ainsi de tout un poids de vécu, cette protestation aussi vieille que le monde prenait une force nouvelle, et, en retour, cette langue prenait une autre portée. C'est sans nul doute d'abord à cette dimension sociale de la langue que le roman dut de faire, lors de sa publication, l'effet d'une bombe dans la littérature.p.158
Sartre et
CélineBernard PIVOT reçoit
Annie COHEN SOLAL,
Anna BOSCHETTI,
François GIBAULT et
Henri GODARD qui viennent de publier des ouvrages consacrés à
Sartre et
Céline, et en grand témoin de l'émission
Maurice NADEAU qui connut
Sartre. - "
Sartre" :
Annie COHEN SOLAL a écrit cette
biographie sur commande d'un éditeur
américain. "
Sartre est un bien culturel très important du
xxème siècle"....