Ici l'Onde, ici l'Onde….
Personne ne peut vraiment répondre facilement à la question : fallait-il reprendre les personnages d'
Edgar P. Jacobs ou les laisser disparaître avec leur créateur ?
Ce n'est sans doute pas ce nouvel album qui permettra de trancher en faveur de la 1ère solution.
Pour ce qui me concerne, j'ai acheté régulièrement toutes les suites et j'y ai parfois pris du plaisir. Je suis prêt à faire taire cette petite voix dans ma tête qui évoque l'aspect mercantile de la manoeuvre, à condition toutefois, qu'il ne soit pas trop apparent.
Pour ceux qui veulent un avis rapide, j'ai trouvé cet album assez décevant, sans être honteux. Ce qui est sûr en tous cas, c'est que je n'ai rien compris au dénouement final (mais je veux bien admettre que ce sont mes capacités intellectuelles qui sont en cause) et le dessin n'est pas exempt de tout reproche.
En détails, de quoi s'agit-il ?
L'histoire de "L'Onde Septimus" est située dans le Londres des années 50 et il s'agit clairement d'une suite à "La Marque Jaune".
L'onde Mega découverte par le Pr Septimus attire toujours la curiosité scientifique et tandis que 4 conjurés mystérieux souhaitent récupérer le "télécéphaloscope" dans leur propre intérêt, le Pr Mortimer lui, l'étudie en secret pour soulager le monde des maladies, souffrances et traumatismes (à cette époque, les impôts ne figuraient pas dans la liste des maux).
Ce faisant, les uns et les autres, vont réveiller des forces inconnues.
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Tout repreneur de l'univers Jacobs doit surmonter un certain nombre de contraintes, mais se heurte à de rudes obstacles :
- il ne sera jamais Jacobs. Comment recréer le climat nostalgique, l'innocence, qui s'attachent aux albums originaux et magnifient les souvenirs et comment rivaliser avec une qualité de dessin peu commune ?
- le cahier des charges est lourd. Il faut rappeler Jacobs et sa précision de traits, son découpage serré, ses récitatifs nombreux, l'absence de gags, évoquer les thèmes de combat du bien contre le mal, des savants fous, ressusciter Olrik en permanence…
L'équipe Dufaux, Aubin et Schréder (+ Laurence Croix à la couleur) a essayé, mais elle est finalement passé souvent à côté.
Le scénario d'abord.
On débute sur des bases connues avec un défilé de gardes devant Buckingham Palace qui rappelle inévitablement la Tour de Londres, décor des 1ères cases de "La Marque Jaune".
Dufaux est d'ailleurs habile à manier les "marqueurs Jacobsiens". Peut être trop.
Les découpages sont pertinents, le récit développé sur 66 pages (comme l'original) est aéré. le climat est du coup, moins oppressant, mais ça passe encore.
Les dialogues sont plutôt fidèles à l'esprit.
Les récitatifs sont également assez bien répartis, mais ils présentent parfois des imperfections agaçantes (par exemple, quand on retrouve à quelques pages d'écart -12 et 18- la formule "comme possédé (mû) par une force supérieure" ou quand on lit p 65, un "…à l'intérieur, les enjeux se radicalisent" hors de propos.
Mais au fond, les récitatifs sont toujours un sujet de débat dès qu'on évoque l'oeuvre de Jacobs.
Les clins d'oeil abondent, au point de devenir gênants.
Il y a d'abord les références multiples à Magritte (tableau, déclinaison de Septimus). Dufaux en a l'air assez fier au point de l'évoquer en préface et de l'expliquer par un souci de belgitude (qui m'échappe).
On découvre aussi au hasard des pages, une apparition de
Churchill… en Oncle Paul (dans son cadre p 60), des évocations de Jacobs lui même à plusieurs reprises…Je trouve que parfois, la frontière entre hommage et parodie est un peu mince.
Mais le problème principal vient tout de même de l'intrigue.
La force de la ligne claire résidait dans la lisibilité du dessin bien sûr, mais aussi dans celle du récit. Et de ce point de vue, nous sommes loin du compte.
A force de vouloir accumuler des références, Dufaux en fait trop. L'histoire se situe visiblement peu de temps après "La marque Jaune" et on retrouve logiquement des allusions à cet album, au "(Le) Secret de l'Espadon" ou au "(Le) Mystère de la Grande Pyramide". Mais aussi au "Secret de l'Atlantide" et son vaisseau. Et là, ça coince.
L'intervention d'une entité extra terrestre vient inutilement complexifier une intrigue qui, comme le dessin, accélère et se délite dans les dernières pages et conclut l'album de manière incompréhensible.
C'est d'autant plus regrettable que l'idée d'une suite avec un Mortimer rattrapé par sa curiosité et pris les doigts dans le pot de confiture, était intéressante.
Que dire du dessin ?
Je l'ai trouvé vraiment réussi dans la majeure partie de l'album, en dépit d'une anomalie grossière (il faudrait que le bras gauche du personnage qui tient le carton à chapeau en bas de la page 6 fasse 2 mètres de long pour se présenter comme ça).
Par contre, à la fin, ça se gâte.
Certains visages sont incroyablement ratés (Lady Rowana p 54 !, Blake défiguré p 61, Olrik massacré p 69, 70 etc…). Problème de temps ?
Rien de rédhibitoire, mais quand même la désagréable impression que certaines pages ont été bâclées.
Voilà. Au final, on se trouve en présence d'un album quand même de très bonne facture mais qui, compte tenu de la référence à laquelle on le compare, souffre de beaucoup d'imperfections. Peut être que si tous les acteurs acceptaient de "perdre" un peu de temps avant de relancer la machine à sous, tout le monde finirait par y trouver son compte.