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EAN : 9782378561918
128 pages
Verdier (18/01/2024)
4.1/5   24 notes
Résumé :
Le 15 avril 2010, à Pontorgueil, petite ville d’un triangle imaginaire dont les autres points sont Verrières et Valsaunier, la cathédrale brûle et s’effondre. S’agit-il d’un accident ou d’un acte délibéré ? On ne le saura pas mais, à l’occasion de cet événement, on découvrira que l’évêque entretient une liaison amoureuse avec une paroissienne. Pour le reste, on explore une vie sociale provinciale à souhait, dont chaque protagoniste cache ses turpitudes, ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
Il suffira d'une étincelle

L'incendie d'une cathédrale va provoquer un jeu de massacre au sein d'une petite ville de Bourgogne. Emmanuel Venet nous livre une savoureuse satire sociale où l'évêque est priapique, l'immigré bouc-émissaire et les édiles corrompus. On se régale!

Monseigneur Philippe Ligné a bien de la chance, car deux femmes s'intéressent de près à ses pulsions sexuelles. Il y a d'abord Sibylle Stoltz, sa gouvernante alsacienne qui considère qu'il faut bien que la nature exulte et s'offre à la levrette comme elle dit à l'homme d'Église. Mais il y a surtout Marie-Ange Mourron, une paroissienne dont la plastique provoque en lui des sensations inavouables. La jeune femme va jouer un jeu de séduction de plus en plus osé dans le confessionnal avant de tomber dans les bras de l'ecclésiastique. Sous couvert de formation, il va instaurer des rendez-vous clandestins pour assouvir cette passion brûlante qui va pousser Marie-Ange au divorce.
C'est d'ailleurs lors de l'un de ces rendez-vous qu'ils vont apprendre via une chaîne d'info que la cathédrale de Pontorgueil est en proie à un violent incendie.
Cet événement va ébranler bien des certitudes et remettre en cause la gestion de la sécurité de cet édifice patrimonial d'importance. Les historiens se penchent sur l'édification du bâtiment et ses modifications successives, sur l'architecture et sa stabilité. Les enquêteurs vont chercher à savoir si la société privée en charge de la sécurité et des alarmes incendie a tenu ses engagements, mais aussi si la municipalité n'a pas manqué à son devoir de vigilance en signant un peu vite ce contrat. Tous les édiles sont désormais aux abois.
Cependant, «au terme d'une inspection soigneuse des décombres de la cathédrale Saint-Fruscain menée entre le 19 avril et le 11 juin 2010 et d'entretiens avec les protagonistes de l'incendie à la même période, Valère Graunion, expert près la cour d'appel, conclut que, s'il était assez facile de reconstituer la chronologie du sinistre, il était impossible d'en déterminer avec certitude l'origine.» Des conclusions qui n'empêcheront nullement la population de désigner un coupable en la personne d'un immigré qui avait trouvé refuge dans le lieu de culte. À moins que ce ne soit un toxico. Après tout, il suffit de piocher dans les marges pour assurer sa bonne conscience.
La technique qui consiste à circonscrire un incendie en allumant un contrefeu peut s'avérer efficace. Ici, elle serait plutôt susceptible d'attiser les rancoeurs, raviver les préjugés, ramener au jour des affaires soigneusement étouffées.
On l'aura compris, Emmanuel Venet se régale et nous régale avec cette satire sociale explosive. Avec ironie et un humour noir mordant, l'auteur fait voler en éclat les conventions sociales. Sur ce bûcher des vanités, chacun va en prendre pour son grade, entre petits arrangements et grandes négligences, entre soif du pouvoir et envie de faire rapidement fortune. de l'homme d'Église au politique, de l'architecte au journaliste, de l'entrepreneur à l'avocat, tous en prennent pour le grade. Ils s'imaginaient avoir un tempérament de feu mais constatent combien il leur est difficile d'entretenir une petite flamme, toute petite.
Saluons aussi la parution de Marcher droit, tourner en rond dans la nouvelle collection de poche des éditions Verdier. Ce roman retrace la confession d'un homme atteint du syndrome d'Asperger qui rêve de retrouver sa camarade de lycée.
NB. Tout d'abord, un grand merci pour m'avoir lu jusqu'ici! Sur mon blog vous pourrez, outre cette chronique, découvrir les premières pages du livre. Vous découvrirez aussi mon «Grand Guide de la rentrée littéraire 2024». Enfin, en vous y abonnant, vous serez informé de la parution de toutes mes chroniques.


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Derrière un bandeau présentant une toile de James Ensor, sur laquelle les figures colorées et burlesques d'un carnaval encadrent un squelette au visage grimaçant, Emmanuel Venet propose une comédie de moeurs provinciales, joyeusement grinçante, un roman comme une sotie dénonçant les turpitudes et les hypocrisies des habitants de cette France étriquée des petites villes. Dans ce texte comme dans ses précédents récits, il laisse la plus allègre liberté à son imagination, passant d'une page à l'autre de la farce d'un vaudeville à l'histoire tragique du voyage d'un migrant africain, ajoutant toujours à cet art du conte sa gourmandise pour les mots, comme lorsqu'il décrit au long de plusieurs paragraphes l'architecture d'une cathédrale, usant avec délectation de la palette complète d'un vocabulaire technique, précieux et pittoresque. Et puis, si la dimension oulipienne de son écriture est là moins évidente que dans d'autres de ses oeuvres, son goût des images et des symboles, sa manière légère et élégante de filer ici la métaphore du feu, d'un incendie bien réel à la chaleur érotique des corps et aux braises de la passion, emporte définitivement l'adhésion du lecteur… On se laisse volontiers brûler aux étincelles de cette écriture !
À Pontorgueil, une ville moyenne située non loin de Verrières (cette autre cité d'une Bourgogne à moitié imaginaire, qui apparaissait déjà dans Virgile s'en fout), la cathédrale, un beau soir, s'embrase, jusqu'à être bientôt réduite en cendres. Catastrophe pour l'évêque, que l'annonce de l'événement surprend en pleins ébats amoureux avec l'une de ses ouailles, obligé de rentrer dare-dare constater les dégâts ! Dès le lendemain, une enquête commence, révélant cette aventure cachée mais aussi de multiples autres secrets, les mesquineries et les ridicules de différentes figures de la vie locale, gérants incompétents, escrocs à la petite semaine, responsables véreux ou marginaux miséreux. le fait-divers n'est pas sans rappeler l'incendie réel de la Cathédrale de Nantes, le 18 juillet 2020, d'autant plus que dans la réalité comme dans la fiction, un migrant, employé au nettoyage et à la fermeture vespérale de l'édifice, est rapidement mis en cause (mais si sa culpabilité est avérée à Nantes, le Blaise Muki de l'histoire d'Emmanuel Venet sortira blanchi de l'affaire). D'autres pistes aussi sont évoquées, comme celle de la vengeance d'un fils de la bourgeoisie locale contre un évêque qui lui a volé sa mère ou celle de l'incompétence d'un jeune paumé, employé ce soir-là à la surveillance de la cathédrale… Rien n'y fait pourtant, on ne connaîtra pas la cause de l'incendie. Et qu'importe, d'ailleurs, puisque cette destruction est peut-être, finalement, pour les notables du coin, une aubaine ? Et qu'importe aussi pour le lecteur, puisque ce récit, dans lequel Emmanuel Venet aura rebattu les cartes de quelques destins avec cette souriante perfidie qu'on lui connaît et qu'on adore, révèle une fois encore toute la subtilité d'analyse de son auteur, la finesse de son regard sur les êtres et les choses, la réjouissante puissance de son talent de satiriste ? Allons, ne boudez pas votre plaisir, vous reprendrez bien un peu de Venet, non ?
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Si vous n'avez pas encore lu Marcher droit tourner en rond, d'Emmanuel Venet, alors vous êtes chanceux : lire Venet, c'est goûter un style élégant et plein d'intelligence, agrémenté d'un humour tout desprogien. Et il se trouve que ce nouveau roman - Contrefeu - s'inscrit dans la parfaite veine de cette fresque (de bras cassés) miniature qu'était Marcher droit… , succès modeste à sa sortie, mais dont chaque lecteur devint un fidèle. Et de fidèles, il en est aussi question dans cette chronique perfide du charme discret de la bourgeoisie de province — si l'on peut dire. Avec son évêque habité par le feu de la passion, sa fervente consumée par l'ardeur du désir, son migrant africain brûlé d'un destin dramatique (mais qui fait un coupable idéal), ses quelques affairistes bouillonnants d'idées pour faire de bons placements, ou encore son jeune alterno' qui refuse d' « entrer dans les schémas de la consommation de masse » tout en reprochant à sa mère de pas installer la climatisation, Venet multiplie les points de vue, brouille les pistes et révèle les failles de chaque protagoniste avec autant de minutie que de désinvolture. C'est fin, c'est drôle, on serait même tenté de dire que c'est malheureusement si vrai que cela en devient cruel. Et le pire : c'est qu'on aime ça (on en redemande d'ailleurs).
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Quelle plaisir de lire Emmanuel Venet ! Dans un roman court, efficace, il se permet de dézinguer à tout va, en dénonçant la bêtise humaine, ainsi que sa cupidité. C'est tour à tour un homme d'église, un maire, un clandestin, un fils vengeur, un maire stupide, un praticien du même acabit, un entrepreneur véreux, et j'en passe, qui vont défiler sous nos yeux, confronté à l'incendie de la cathédrale de Pontorgueil. Une farce humaine absolument délicieuse, tout juste distraite d'une description incroyable de la cathédrale. Emmanuel Venet fait preuve d'un style sans pareil, direct, corrosif et donc jouissif ! On en redemande !

Livre lu dans le cadre d'un mass critique - Grand merci à Babélio et aux éditions Verdier pour le plaisir !
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Un court commentaire pour dire tout le bien de ce court roman drôle, cynique, dans l'air du temps ! on y rencontre beaucoup des affres de notre société, du petit monde que peut constitué cette ville de Pontorgueil. Pas grand chose à ajouter à mes amis lecteurs et critiques. Emmanuel Venet nous surprend toujours autant, c'est un régal !
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critiques presse (2)
LaLibreBelgique
19 mars 2024
Une étincelle dans la nuit et la cathédrale de Pontorgueil brûle. L'écrivain et psychiatre Emmanuel Venet se livre à un exercice de style qui vire rapidement au portrait de mœurs acéré.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
Actualitte
02 janvier 2024
Emmanuel Venet aligne une galerie de splendides portraits, comme autant de criminels ayant apporté leur fagot de bois sec à l’incendie. C’est la Comédie humaine condensée, balayant une centaine d’années de petitesses, et d’insignifiance.
Lire la critique sur le site : Actualitte
Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
(Les premières pages du livre)
Le premier incendie auquel fut confronté le père Philippe Ligné s’alluma dans sa culotte le dimanche 26 juin 1988, à l’occasion du baptême de Grégoire Mourron : Marie-Ange, la mère du nouveau-né, portait ce jour-là une robe d’été vert pomme au décolleté plongeant, et resplendissait comme une madone. Son petit ventre de jeune accouchée et son opulente poitrine affichaient son bonheur de présenter en public, au bras de son mari, le fruit de leurs ardeurs sexuelles. Subjugué, Ligné sentit naître un début d’érection qui lui valut des associations d’idées salaces au moment de faire renoncer l’assemblée à Satan, à sa pompe et à ses œuvres. À cette époque, il officiait comme simple curé à Sainte-Guénulphe, où il avait trouvé un équilibre de vie acceptable: Sibylle Stoltz, sa gouvernante, l’épaulait au quotidien et assurait tant bien que mal un rôle de trop-plein lorsque sa libido menaçait de déborder. Leur pacte s’était noué en douceur, un après-midi de printemps, alors qu’elle nettoyait les vitres dans le bureau où il tentait de rédiger son sermon de Pentecôte. Comme la bretelle de son soutien-gorge ne cessait de tomber sur son bras, il l’avait appelée pour lui murmurer à l’oreille que le diable lui envoyait de mauvaises pensées, à quoi elle avait répondu avec bon sens qu’il attribuait fallacieusement au diable de simples signes de bonne santé. Vite dénudée, elle lui avait demandé avec son fort accent alsacien de la prendre «à la levrette», à partir de quoi il avait suffi à Ligné de proclamer, de loin en loin, qu’il se sentait en excellente santé pour qu’elle lui donne le meilleur de son être, comme dit la chanson.
Après le baptême de Grégoire Mourron, Sibylle Stoltz eut fort à faire pour remplir sa mission d’exutoire à la vitalité de son curé. Ce brusque accès de fièvre surprit celui-ci, dans la mesure où il avait tranquillement accompagné Marie-Ange et son fiancé Guillaume au mariage, et les avait unis sous cette même nef en 1986. Certes, il l’avait d’emblée trouvée jolie et s’était dit in petto que Guillaume avait bien de la chance, mais sa vie pulsionnelle n’en avait pas été chamboulée. Aussi bizarre que cela puisse paraître, il avait fallu qu’elle devienne mère pour éveiller chez lui une passion charnelle qu’il calmait par des expédients. En 1990, il avait baptisé Garance Mourron, et en 1993 Géraud, qui se révélerait épileptique en raison d’une maladie génétique rare. Au fil des années, les Mourron formeraient une famille catholique de plus en plus typique. Sorti d’une école de commerce prestigieuse, Guillaume vendait avec profit du conseil optimisationnel en management délégatif, grâce à quoi Marie-Ange avait pu abandonner son emploi de professeure pour se consacrer à sa maisonnée. On les voyait souvent marcher bras dessus bras dessous dans Pontorgueil, encombrés de poussettes et de tricycles, indulgents et attentionnés envers leur progéniture – et ils ne rataient pas une messe dominicale à Sainte-Guénulphe. Tous les mois, Marie-Ange venait se confesser auprès du père Ligné, qui la repérait dès son arrivée dans le narthex et s’émoustillait au seul son de son pas. Elle avait péché, disait-elle, par colère contre Grégoire qui refusait de ranger ses jouets; par gourmandise lors de l’anniversaire de Géraud (elle avait repris deux fois du bavarois, qui certes venait de chez Bernichon mais était-ce une raison?); par paresse lorsqu’elle avait refusé d’accompagner sa mère chez le podologue, alors qu’il lui aurait suffi d’annuler son cours de gymnastique; par orgueil lorsqu’elle s’était surprise à mépriser le mendiant qui tendait sa sébile au portail de l’église. En revanche, si elle péchait par luxure, c’était surtout par omission. Dans un premier temps, Ligné en inféra que Guillaume était peu porté sur le sexe et nota que Marie-Ange s’en désolait : elle estimait avec bon sens que si Dieu lui avait rempli le bustier et ouvert des voies profondes, ce n’était pas à des fins purement décoratives. Elle aurait voulu s’en servir davantage pour croître et se multiplier, comme l’ordonnent les Écritures, et sans bouder son plaisir au passage, mais Guillaume ne voyait pas la sexualité du même œil. Curieusement, alors qu’il manifestait moins de piété qu’elle, il semblait craindre les voluptés de la chair et le démon de la lubricité. Elle en avait déduit qu’il était un homme continent, mais le considérait tout de même comme un bon mari. Sur quoi Ligné absolvait sa pénitente de ses peccadilles et la condamnait à dire trois ou quatre prières.
Puis il entrouvrait le rideau du confessionnal et la regardait prier, agenouillée, les fesses rondes, le corsage tendu: une madone.
Le coup de tonnerre arriva en l’an deux mille, quand Marie-Ange découvrit que Guillaume n’était pas aussi chaste qu’il voulait bien le faire croire. Il avait même une vie sexuelle débridée, mais avec des hommes. Cette révélation la peina d’autant plus que, durant leurs quatorze premières années de mariage, elle s’était interdit toute infidélité alors que le désir l’avait régulièrement taraudée et que les occasions d’y
céder ne lui avaient pas manqué. Pas étonnant, avait songé Ligné : malgré la quarantaine elle restait un tel monstre de sensualité qu’elle ne pouvait laisser personne indifférent – hormis les homosexuels de stricte obédience, bien entendu.
C’était l’époque où lui-même s’activait pour devenir évêque et succéder à monseigneur Chaivre, diminué par la maladie de Parkinson, et lorsqu’il annonça à Marie-Ange qu’il serait nommé à la tête du diocèse au printemps 2001, elle lui fit promettre de rester son confesseur et son directeur de conscience.
Une fois qu’il fut installé à la cathédrale Saint-Fruscain, elle traversa la ville deux fois par mois pour le rencontrer à travers la grille du confessionnal. Guillaume souhaitait divorcer, elle s’y refusait pour protéger leurs enfants.
De toute manière, selon Ligné, ce que le sacrement avait uni sur terre resterait toujours uni au ciel, conformément au dogme. Mais cela n’atténuait pas l’anxiété de Marie-Ange, d’autant que Guillaume se faisait pressant: il voulait recouvrer sa liberté quitte à régler une pension alimentaire et une prestation compensatoire astronomiques. Une lettre d’avocat arriva au courrier fin 2001, puis une convocation au tribunal pour constater la non-conciliation, et une deuxième, dix-huit mois plus tard, pour prononcer le jugement de divorce.
Redevenue Marie-Ange Lamastre, elle réussit à garder sa belle maison de pierre à toit d’ardoise au bas du vieux Pontorgueil, avec ses fenêtres à meneaux blancs par lesquelles elle voyait, entre les lilas et le tilleul de son jardin, les tours asymétriques de la cathédrale dominant la ville - mais il lui fallut reprendre son métier de professeure à mi-temps.
Comme elle avait grand besoin d’un secours spirituel et comme son emploi du temps lui laissait de vastes plages de liberté, elle s’entendit avec Ligné sur une confession hebdomadaire à jour fixe. Lorsqu’une obligation empêchait leur rencontre, ils cherchaient ensemble un autre moment dans la semaine. S’ils ne se parlaient pas de quinze jours, elle s’en plaignait amèrement, et il en souffrait sans oser le dire.
Ces rendez-vous leur étaient devenus aussi nécessaires que l’oxygène ou l’eau.

La question de la luxure prit davantage d’importance. Dorénavant, Marie-Ange péchait aussi en acte, abondamment : elle éprouvait des sentiments pour un homme qu’elle n’avait pas le droit de compromettre. Elle s’interdisait donc toute manœuvre de séduction, mais à grand-peine car son intuition lui disait que cet homme éprouvait en retour du désir pour elle. Aussi, la nuit, quand sa maisonnée dormait, se caressait-elle en pensant à lui. Son désir charnel devenait impérieux, tenaillant. Elle demanda à Dieu de lui pardonner l’achat par correspondance d’un godemiché, et Ligné lui donna l’absolution pour ce péché en bafouillant d’émotion, son imagination en feu et son cœur battant la chamade. Il semblait à Marie-Ange qu’elle perdait pied et ne s’occupait plus assez de ses enfants ni de ses élèves, tant ses obsessions
érotiques dévoraient sa vie. Pourquoi fallait-il qu’elle se soit éprise à ce point d’un homme interdit? Au lycée, en ville, partout des hommes la reluquaient, elle n’aurait eu qu’à s’inscrire sur un site de rencontres pour assouvir sa boulimie de sexe. Mais elle aimait un homme et un seul, que par malchance elle n’avait pas le droit moral de séduire. Un autre jour, comme elle s’accusait d’une voix lascive d’arriver au confessionnal avec des boules de geisha dans le vagin et de se trouver au bord de l’orgasme en demandant le
pardon de ses fautes, Ligné lui demanda d’une voix altérée si l’homme qu’elle s’interdisait de charmer était ecclésiastique, et elle avoua dans un souffle que oui. En réponse à ses questions, elle confirma qu’il était évêque, qu’il exerçait son sacerdoce à Saint-Fruscain, et qu’elle espérait qu’il se masturbât pendant qu’elle lui avouait enfin sa flamme. C’est ainsi qu’en 2005 ils connurent leur premier orgasme simultané, bien que séparés par une grille.
À partir de ce jour, les séances de confession prirent une tournure affolante. Toujours se vouvoyant, ils se murmuraient les questions les plus crues sur leurs désirs respectifs, leurs fantasmes et leurs lectures pornographiques. Au sommet du plaisir ils étouffaient leurs cris de jouissance, et par ailleurs se gardaient de toute rencontre en dehors de la guérite, dans l’espoir de garder clandestine leur connivence.
Sibylle Stoltz, à qui n’avaient échappé ni la régularité de leurs rencontres ni certaines taches sur les soutanes et les caleçons, nourrit très vite des soupçons – d’autant que monseigneur ne lui parlait plus guère de sa bonne santé, malgré les effets de croupe qu’elle multipliait en récurant son plancher.
Mais impossible de pincer les deux tourtereaux sur le fait, et le dimanche à la fin de l’office, Marie-Ange saluait Ligné comme si de rien n’était. Elle-même, de sim
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Au terme d'une inspection soigneuse des décombres de la cathédrale Saint-Fruscain menée entre le 19 avril et le 11 juin 2010 et d'entretiens avec les protagonistes de l’incendie à la même période, Valère Graunion, expert près la cour d'appel, conclut que, s’il était assez facile de reconstituer la chronologie du sinistre, il était impossible d'en déterminer avec certitude l'origine. Il rappelait que la cathédrale, ayant été fermée à clé comme chaque soir à dix-neuf heures, était déserte lors du départ de feu. Aucun témoignage direct n'avait donc pu être recueilli. D’après la nature des dégâts, il était établi que le feu avait pris vers dix-neuf heures quinze au niveau de l'orgue, dans ou à proximité immédiate de la machine Barker. La grande quantité de poussière contenue dans le sommier s'embrasa comme une étoupe et en chauffa aussitôt le bois extrêmement sec. Celui-ci s’enflamma sans doute très vite à l'arrière du buffet et, par quasi-contiguïté, se propagea à la charpente proche. Il était presque certain que la combustion de l'orgue avait dégagé une épaisse fumée dans le transept nord où il était installé, ainsi que dans les différentes parties de l'édifice. p. 55-56
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L'un comme l'autre professaient avec constance les vertus de la libre entreprise et la sagesse du marché. En conséquence de quoi, tous deux ont toujours dit préférer un enrichissement rapide à un appauvrissement lent, et se sont accordés sur le fait que les moyens de faire fortune ne regardent personne - en particulier ni l'administration fiscale, ni la justice, ni les médias qui veulent toujours fourrer leur nez partout.
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« Ainsi, conclut Fernand Furet, « L’Indiscret de Pontorgeuil » pouvait se réjouir de présenter à ses lecteurs, en guise de bouquet final, une anecdote représentative de notre époque. Hélas, dernier numéro oblige, il ne pourrait pas révéler l’issue de ce fait divers à ses abonnés, qu’il saluait chaleureusement et à qui il souhaitait de trouver de nouveaux canaux d’information libre et roborative. »
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Il [...] dut convenir que Dieu veillait avec zèle sur ses brebis parce que la cathédrale ne manquait pas de raccords bricolés avec des impédances trop faibles et circulant dans des combles poussiéreux : lors des grandes illuminations de Noël ou de la veillée pascale, elle aurait pu s'embraser et rôtir en quelques minutes le gratin de la chrétienté locale.
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