Les anciens, notamment dans les antiphonaires du Moyen Âge, considéraient la quinte diminuée, c'est-à-dire, l'intervalle par exemple de do à fa# comme « diabolique ». On en a un excellent exemple dans un épisode de Kaamelott. En revanche, cet intervalle a fait les choux gras du jazz et du rock dans le premier morceau du premier album de Black Sabbath, intitulé justement « Black Sabbath », les deux premières notes de guitare, c'est le « diabolus ».
Quel rapport avec
Yann Apperry et son roman me direz-vous ? Je dirais plusieurs : la musique d'abord qui hante -si l'on peut dire- ce roman, celle des plus anciens, des romantiques, des musiciens de jazz et la noirceur, la mort qui est présente dès les premiers chapitres et restera dans tout le roman jusqu'au bout. Et puis il y a ce personnage central qui semble semer la mort même, ce diabolus qui impose l'écoute du jazz à son vieux professeur de piano, ces autres personnages masculins ou féminins qui ont tous une étrangeté, de la fille qui parle à l'envers à l'ami, Lazarus Jesurum (revenu des morts ?) obsédé par la mort d'un jeune garçon dont la soeur, magnifique, apparaît comme la muse
Moe Insanguine (sans sang et pour cause !) naît autour de deux morts : celle de sa mère après l'avoir fait naître et celle de son grand-père qui, dans un dernier souffle lui donne son nom. La scène se passe en Italie, prévenons ceux qui n'ont fait ni d'Italien (comme moi) ni de latin que des passages sont dans ces deux langues. Pareil pour la partition à la fin de l'ouvrage, d'ailleurs je serais curieux de voir ce que ça donne. Ayant toujours eu un mal de chien à déchiffrer et n'étant qu'un très médiocre pianiste, je vais essayer de l'entrer sur un logiciel, note à note. Mais je digresse encore ! Les noms, on s'en est douté, donnent un indice sur le statut des personnages Sigismondo, le grand-père (ci-gît ce monde ?) ou Otello (ôtez l'eau ?) père, chasseur émérite, jaloux du talent de son fils, le professeur Paolo Durante, qui dure…etc. Et puis il y a le battement du métronome, les secondes que l'on tue. On n'y va pas de main morte avec la symbolique.
Ne parlons du « name-dropping », cette mode littéraire de parsemer de noms propres existants ou ayant existé, ne serait-ce que pour montrer sa culture. Il y a là en effet un grand étalage de confiture, il semble que
Yann Apperry ait voulu tout mettre : le vocabulaire foisonnant, la phrase proustienne (mais n'est pas
Proust qui veut), les termes musicaux, les grands noms du jazz ou de la musique classique, le héros romantique hugolien qui « porte malheur à tout ce qui l'entoure », la vie, la mort, le sexe indéfini, bref, tout cela confine à l'indigestion.
Attiré par le titre et assez enthousiaste à la lecture au début, on se perd vite dans le fatras de ce roman qui passe du coq à l'âne (comme je l'ai fait sous forme de clin d'oeil dans cette chronique) et qui, somme toute me semble enflé de prétention avec ses mots, ses phrases, sa culture virtuose, un peu, justement comme un musicien (il en est !) qui voudrait éprouver sa technique durant un interminable solo et ennuierait très vite son auditoire. N'est pas non plus
Quignard qui veut dans sa sobriété érudite et intéressante. C'est en plus un des rares romans où j'ai lu en diagonale des pages entières et que j'étais heureux de finir. Tout ça pour ça ?